ment du concours, du contrôle des deux autres. L'enquête ne pouvait dépendre que d'une déclaration de la Chambre. « Ce n'est pas une loi, disait l'orateur, ce n'est pas un titre de loi qui a besoin de la sanction des deux autres pouvoirs pour devenir loi. C'est une déclaration de la Chambre, c'est une enquête faite pour éclairer son vote sur une matière de sa compétence. Franchement, je n'y vois pas le moindre danger, et j'en attends beaucoup d'utilité. » Quoique l'heure fût avancée, et que M. de Salvandy, invoquant le principe de libre et large discussion, demandat que les débats fussent renvoyés à la séance suivante, les partisans de la proposition, qui voyaient une chance de succès dans la confusion et l'incertitude où se trouvaient les centres, insistèrent avec force pour qu'on allât immédiatement aux voix. A cette manoeuvre les membres du centre en opposérent une autre, ils se retirèrent en masse; mais cette retraite, contre laquelle de vives réclamations s'étaient élevées au moment même, et que M. Sauveur de la Chapelle condamna fortement à l'ouverture de la séance suivante (16 février ), ne changea pas le résultat du scrutin. Sur 381 votans, la proposition d'une commission d'enquête réunit 24 1 suffrages; 140 voix l'avaient repoussée. Après ce résultat important, qui produisit quelque sensation, la Chambre consacra une partie de la même séance et les séances suivantes (17 et 18 février) à voter les autres articles de la proposition, et à nommer au scrutin les membres de la commission d'enquête (1). Sous le point de vue politique, cette discussion avait une certaine portée. Il était permis de dire, malgré les explications de M. Duchâtel, que le ministère s'était abstenu de manifester sa pensée, et cette réserve fut généralement attribuée à la crainte qu'il pouvait avoir de ne pas l'emporter; on interpréta donc la résolution de la Chambre comme un échec (4) MM. Vivien, Dupin, Passy, Wustemberg, Ganneron, Martin, Koechlin, de Mosbourg et Desjobert. pour le cabinet le choix des commissaires fut également jugé ne pas lui être absolument favorable : les événemens ultérieurs devaient prouver que ces interprétations ne manquaient pas, jusqu'à un certain point, de fondement. Le projet de loi relatif au monopole des tabacs passa le 9 février dans la Chambre des pairs, à la majorité de 86 voix contre 10, sans débats remarquables et sans modifications. Ann. hist. pour 1835. 3 CHAPITRE II. Crédit pour les retraites du ministère des finances. Proposition pour l'abolition des majorats et des substitutions. Objets divers. · Incident sur des réclamations pécuniaires de la Russie. - Projet de loi sur les faillites et les banqueroutes. Pétitions sur les fortifications d'Huningue, sur la réforme électorale, sur l'abrogation du serment politique, sur la réforme judiciaire. Nouvelle crise ministérielle.- Reconstitution de l'ancien ministère sous la présidence de M. le duc de Broglie.- Explications du nouveau ministère devant la Chambre des députés. Le premier projet de loi dont la Chambre des députés s'occupa, après son vote sur le projet relatif au monopole des tabacs, lui avait été présenté le 24 décembre 1834 par le ministre des finances : ce projet tendait à ouvrir un crédit extraordinaire de 1,950,000 francs, destiné à subvenir aux fonds de retraite du département des finances, dans la proportion de 850,000 francs sur l'exercice de 1834, et de 1,100,000 francs sur l'exercice de 1835. L'équité, la nécessité de tenir des engagemens placés sous la sauvegarde de la loyauté nationale, tels étaient les motifs dont le ministre avait appuyé sa demande, qu'il déclarait avoir restreinte dans les plus étroites limites. Entièrement d'accord avec le ministre des finances, la commission d'examen conclut, par l'organe de M. Sapey, son rapporteur ( 6 janvier ), au nom de l'humanité et de la justice, à ce que le crédit fût immédiatement et intégralement alloué. La Chambre l'accorda en effet, dans la séance du 8 janvier, à la majorité de 228 voix contre 13; mais ce ne fut pas sans quelques objections. M. Auguis réclama contre la charge sans cesse croissante des pensions: il fit remarquer de plus que la somme de 1,100,000 fr. n'étant affectée qu'au premier trimestre de 1835, il faudrait encore voter postérieurement de nouveaux fonds pour les trois autres trimestres. Suivant M. Goupil de Préfeln, si, dans l'état actuel de la législation sur les pensions, on pou vait, par humanité et justice, venir en aide aux caisses 'des' retraites, le trésor n'était pas légalement lié envers elles, comme le ministre des finances semblait le penser. Quoi qu'il y eût dans ces considérations matière à longue discussion, il y fut coupé court; sur cette observation que la Chambre était saisie depuis le 16 décembre d'un projet de loi relatifaux pensions des employés du ministère des finances, et que toutes les questions touchant la matière trouveraient leur place dans les débats que souleverait ce projet. Mais ces débats n'eurent pas lieu : M. Gouin proposa (3 février) le rejet du projet de loi au nom de la commission qui l'avait examiné, en alléguant que le gouvernement, sur les vives réclamations de la Chambre, avait solennellement promis en 1834, par la voix du président du Conseil, un projet de loi qui réglerait généralement les pensions de retraite des employés de tous les services. Or le projet de loi actuel ne s'appliquait qu'aux seuls employés du ministère des finances, et la commis sion demandait la législation générale promise. D'après ces conclusions, le ministre des finances se décida à retirer le pro jet de loi, dont le rejet était proposé, en déclarant, mais en termes peu précis, que le gouvernement ne déclinait pas les vœux exprimés par la commission. Les pensions de retraite des employés pour le département des finances devaient donc encore rester sous le régime des crédits supplémentaires, Celui que la Chambre des députés venait d'allouer n'était pas de nature à rencontrer de l'opposition au sein de la Chambre in amovible; porté à cette Chambre le 13 janvier, le projet de loi qui ouvrait le crédit fut adopté le 22, à la presque unanimité (128 voix contre 2), après un rapport complé tement favorable de la commission d'examen, qui avait été présenté par M. Villemain deux jours auparavant. La Chambre des députés statua ensuite sur une proposition qui avait été, dans la session précédente, l'occasion d'une dissidence marquée entre les deux Chambres, à propos de l'abolition des majorats et des substitutions. Dès le commencement de la session qui nous occupe ( le 6 décembre), M. Parant avait reproduit devant les députés sa proposition à cet effet, dans les termes où l'avait laissée la dernière résolution de la Chambre élective (voyez 1834 page 55), qui l'adopta de nouveau, le 9 janvier, à la majorité de 203 voix contre 41. Des concessions partielles seulement avaient été faites à l'opinion de la Chambre des pairs, quand la proposition lui revint, le 13 janvier. Voici comment M. le comte Siméon, rapporteur de la commission à l'examen de laquelle elle avait été sóumise, s'exprima dans la séance du 5 mars : L'insistance de l'autre Chambre est une circonstance qui commande toute notre attention; mais elle ne saurait forcer notre assentiment. Les deux Chambres, égales en liberté comme en pouvoir, ont le droit de persister chacune dans l'opinion qu'elles jugent la meilleure. La diversité d'opinion ne peut former ce qu'on appelle une collision. Une collision est un choc entre deux corps, une querelle. Certes, une diversité d'opinion, même dans des matières plus graves que celle-ci, ne rompra jamais la bonne intelligence entre les deux Chambres. La commission dont j'ai l'honneur d'être l'organe a donc pu examiner avec liberté, et sans aucune préoccupation, la résolution sur laquelle elle avait à faire un rapport. La Chambre des députés poursuit ce qu'elle envisage comme une amélioration; vous l'adopterez, messieurs, si elle vous paraît telle. En cas contraire, les choses resteraient ce qu'elles sont depuis plusieurs années, sans qu'il en soit résulté aucun préjudice notable exigeant une prompte réforme. »> La discussion fut assez vive, et la Chambre, en adoptant (12 mars) la proposition à la faible majorité de 64 voix contre 49, ne céda que sur quelques points; elle avait entre autres persisté à maintenir la loi de 1826 relative aux susbtitutions. La commission de la Chambre des députés ne se rendit pas à l'opinion de la Chambre inamovible, comme l'attesta le rapport de M. le comte Jaubert (séance du 30 mars); elle proposait cependant l'adoption pure et simple de la proposition amendée, mais seulement pour ne pas compromettre le principe de l'abolition des majorats. Si, comme nous osons vous y engager, disait le rapporteur, vous vous abstenez d'y introduire aueun amendement, tout nous porte esperer que la sanction royale la convertira bientôt en loi de l'État. Ainsi se trouvera opérée cette réforme importante, devenue une conséquence obligée de l'abolition de l'hérédité de la pairie; ainsi sera réalisé le vœu manifesté de la saine ppinion publique, et des familles elles-mêmes sur lesquelles pèse une charge |