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gnement suivi en France et celui qu'on pratiquait en Allemagne, l'avait convaincu que le système français était le meilleur, ence qu'il formait l'esprit pour bien apprendre. Là était le mérite de l'éducation française. A quoi tenait-il? à n'avoir pas voulu charger l'esprit de trop de leçons à la fois. car tout le monde ne pouvait pas tout savoir; tout le monde ne pouvait pas parler sur tous les budgets.

• Non, messieurs, continuait l'orateur, tout le monde ne peut pas parler sur tous les budgets, tout le monde ne sait pas tout; eh bien! l'esprit des enfans est de même, il ne peut pas tout savoir; c'est un instrument qu'il faut préparer. Voilà l'important, il faut commencer par leur apprendre certaines choses, les leur bien apprendre; ensuite fiez-vous à leur génie, à leur vocation, à leur travail, au sortir des écoles, une fois pourvus d'un bon instrument, je veux dire d'un esprit net, clair, précis, capable d'apprendre : c'est là le grand point. Alors toutes les carrières leur seront ouvertes, alors ils pourront se répandre sur tous les chemins, poursuivre tous les buts, et les plus élevés. Mais d'abord il faut que l'intelligence soit bien formée, et elle ne peut se former que par le travail de l'intelligence, et non par le vain excrcice de la mémoire qui, au lieu de faire des hommes, ne fait que des perroquets; par un travail solide et réel, et non par une sotte facilité d'imitation, substituée à la véritable instruction. Tel est, messieurs, notre système d'instruction: il prépare, il enseigne à apprendre, il apprend à savoir. C'est là son mérite, prouvé par ses fruits, et pour ma part je serais désespéré qu'on y renonçât.»

Tout en reconnaissant qu'il y avait à améliorer, à modifier dans le système d'éducation suivi en France, le ministre de l'instruction publique soutenait aussi qu'il était, en général, bon, national, qu'il formait des esprits éclairés, précis, vigoureux, capables de s'appliquer ensuite à toutes les études qui conviennent à l'intelligence humaine.

• Ne vous y trompez pas, messieurs, disait le ministre, Dieu me garde de médire jamais des sciences et de les proscrire; quelle que soit la part qu'elles occupent déjà aujourd'hui dans nos études, elles doivent de jour en jour en occuper une plus grande encore; mais si elles devaient jamais faire fort aux lettres, si elles venaient à resserrer le domaine de ces lettres grecques et la tines qui ont enfanté la civilisation et l'esprit moderne, ce serait la ruine de Finstruction publique, ce serait le plus grand affaiblissement, le plus grand abaissement, la plus grande dégradation de l'intelligence humaine, qui se soient encore vus dans le monde. »

Il y avait des lacunes dans l'instruction secondaire; elle était trop exclusivement classique, trop pareille pour tout le monde : il fallait des établissemens où les classes diverses de la société pussent trouver un aliment intellectuel, qui

convint à leur vie, à leur destinée: on avait commencé à satisfaire à ce besoin réel, en créant des écoles primaires supérieures.

Elles ont précisément pour objet, disait le ministre, soit dans leur principe, soit dans leur développement, de satisfaire à ces besoins nouveaux de notre siècle; elles ont pour objet de donner ces connaissances scientifiques, usuelles, nécessaires à l'agriculture, à l'industrie, au commerce, à ces importantes et nombreuses professions pour lesquelles les études classiques ne sont nullement nécessaires. Oui, et je me félicite de l'avoir entendu proclamer à cette tribune, sur tous les bancs de cette chambre, sans aucune acception d'opinion politique ou de parti, oui, c'est un mal, un grand mal, que cette manie partout répandue dans toutes les classes de notre société de venir pêle-mêle, et à tout hasard, s'abrenver aux sources savantes. Sans doute, cela n'est pas bon pour tout le monde; cela forme beaucoup d'esprits inquiets, ma lades, beaucoup d'existences vides et agitées qui pèsent sur la société pour retomber douloureusement sur elles-mêmes. Sans doute il faut que notre système d'éducation secondaire porte à ce mal un remède efficace; mais ne croyez pas que le grec et le latin périssent dans cette réforme. Le nombre de leurs élèves sera plus restreint, d'accord, mais en même temps il faudra que ces études deviennent plus fortes, plus longues; elles seront plus difficiles et plus chères, je le veux; mais à Dieu ne plaise qu'elles faiblissent jamais! à Dieu ne plaise que nous voyions jamais tarir ou seulement baisser cette source abondante de civilisation et de gloire ! »

Les différens chapitres du ministère de l'instruction pu blique furent successivement adoptés, sans soulever de débat's importans; la bienveillance de la Chambre était acquise à ce budget, tellement que, bien loin de subir aucune réduction, il fut augmenté d'une somme de 42,000 francs, pour des objets scientifiques.

Budget du ministère de l'intérieur.

Ce budget, qui donnait un total d'une centaine de millions, n'offrait qu'une légère augmentation de deux cents et quelques milliers de francs, sur celui de 1835 ; et ce total, la commission, dont M. Duvergier de Hauranne présenta le rapport dans la séance du 20 avril, ne proposait de le réduire que d'une somme de 92,000 francs. Sous le point de vue adıninistratif le rapporteur critiquait la multiplicité des attributions de ce ministère. Il n'approuvait pas que le département le plus engagé dans les questions politiques, fût en même temps le plus chargé de fonctions d'autre

nature les intérêts secondaires en pouvaient souffrir. Une mesure, au surplus, la création d'un sous-secrétaire d'état pour ce département, venait d'être prise dans le dessein de remédier aux inconvéniens qu'il signalait. Il réconnaissait d'ailleurs, tout en articulant quelques reproches de détail, que l'ordre adopté dans l'économie du budget offrait une meilleure classification des dépenses.

2, 3 juin. La discussion marcha rapidement et sans incidens remarquables. Le chapitre de la garde nationale pro voqua, relativement au traitement du commandant général des gardes nationales de la Seine, un amendement déja vainement présenté dans trois sessions précédentes et qui fut encore repoussé. Le chapitre des subventions théâtrales, montant à 1,300,000 francs, était aussi de ceux qui né manquaient pas de ramener périodiquement les mêmes de bats. Les divers membres que la Chambre entendit parlèrent tous dans le même sens; MM. Liadières, Auguis, Sau veur de la Chapelle et Fulchiron jugeaient la subvention mal distribuée. Les deux derniers orateurs déploraient vive ment la situation fâcheuse où se trouvait la Comédie-Fran çaise, tant sous le rapport matériel que sous le rapport dé l'art ils appelaient la régénération de ce théâtre national, abaissé au rôle de théâtre de mélodrame, de théâtre du bou levart. M. Fulchiron demandait qu'on changeât le système des pièces, qu'on donnât moins aux décorations, moins aux costumes, et plus à la littérature. Le ministre de l'intérieur reconnaissait que des réformes étaient nécessaires; mais des contrats passés l'avaient lié jusqu'alors et l'entravaient encore dans ses tentatives; il avait cependant porté toute sa sollicitude sur le Théâtre-Français et sur l'Opéra-Comique. Quant à la direction littéraire à imprimer au Théâtre, le ministre déclarait qu'il était fort difficile pour le gouvernement d'intervenir efficacement dans une pareille matière. Aucune résolution ne pouvait guère sortir de ces conversations; aussi la Chambre, quelle que fût son opinion, alloua-t-elle les

fonds de subvention, sans s'arrêter aux amendemens proposés pour les réduire.

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Le chapitre des secours généraux souleva la discussion la plus intéressante de toutes celles auxquelles donna lieu le budget de l'intérieur. M. Sapey demandait que le crédit de 326,000 francs affecté à ce service fût augmenté de 350,000 francs pour secourir les villes qui avaient souffert par suite des mouvemens insurrectionnels du mois d'avril 1834, telles que Lyon, Saint-Etienne. C'était la question, déjà négativement résolue parla Chambre au mois d'avril dernier, qui se représentait, mais avec plus d'avantages. Le principe avait été sauvé par la première décision de la Chambre; il n'était plus en cause, ainsi que le fit observer M. Sapey; les considérations d'humanité, de politique reprenaient tout leur empire: MM. de Rancé et Janvier les développèrent, à l'appui de l'amendement. Les adversaires de l'augmentation, MM. Cụnin-Gridaine et Duvergier de Hauranne, se retranchèrent dans la question d'ordre et d'économie. M. Amilhau ajouta qu'il y avait plusieurs villes non moins malheureuses que Lyon, et que, comme on ne les pouvait secourir toutes, il ne convenait pas de faire des exceptions. Fidèle à la cause qu'il avait déjà défendue, le ministre de l'intérieur soutint fortement la proposition. En résultat, deux épreuves successives n'ayant pas manifesté clairement l'intention de la Chambre, il fallut en venir à un scrutin secret, et l'amendement de M. Sapey fut rejeté à la majorité de 132 voix contre 1ro; mais immédiatement après, la Chambre adopta une proposition de M. Lemercier, qui portait seulement l'augmentation à 200,000 francs. La Chambre se montra moins facile sur le chapitre des secours aux condamnés politiques, dont MM., de Schonen et Vienn voulaient élever l'allocation de 300,000 francs à 350,000 francs: vivement combattu par le rapporteur, qui ignalait la progression annuelle de cette dépense, l'amendement fut rejeté.

Ce fut encore sur une demande d'augmentation que rou

lèrent les débats relatifs au chapitre de l'administration départementale. M. Muteau blâma les réductions qu'on avait fait subir au service des préfectures : les secrétaires-généraux de préfecture avaient été supprimés (1832), des diminutions avaient été opérées dans les dépenses des bureaux, et les travaux à accomplir étaient en même temps multipliés, étendus ces économies nuisaient au service : l'orateur terminait, en proposant une augmentation de 30,000 francs en faveur des employés de préfecture. Cette proposition obtint l'approbation de la Chambre.

Dans le reste de la discussion, le chapitre des établissemens pour les enfans trouvés fournit seul matière à quelques observations intéressantes. L'attention publique se dirigeait depuis quelque temps sur cette question : les conseils généraux l'avaient agitée, et, dans quelques départemens le nombre des tours avait été réduit. La commission avait aussi fait de ce chapitre l'objet d'un examen sérieux : le rapporteur avait exposé que, depuis 1800, le nombre des enfans trouvés s'était élevé de 60,000 à 127,000, et que les dépenses qu'ils nécessitaient montaient à 10 millions : c'était une plaie financière et sociale. Cette institution, bienfaisante d'abord, avait été détournée de son but; elle était devenue un abus immoral, elle encourageait au vice, et tendait à corrompre les sentimens naturels. Des considérations du même genre furent développées à la tribune par MM. de Sade, Demar çay et Barbet : le ministre de l'intérieur déclara que le gouvernement s'occupait avec sollicitude du grave sujet que l'on recommandait à son attention. En dernier résultat, comme le ministre de l'instruction publique, le ministre de l'intérieur recevait plus qu'il n'avait demandé ; son budget était porté à 100, 168,000 francs.

Le budget annexe du ministère de l'intérieur passa sans débats, et les 14,515,000 francs qu'il comprenait furent votés : cette somme prélevée, il ne restait plus que 2,850,000 fr.

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