les assemblées délibérantes, les universités, on aurait pu croire qu'il ne restait plus rien à faire pour arrêter le progrès des idées révolutionnaires en Allemagne; cependant deux nouvelles résolutions de la Diète sont venues nous montrer, cette année, que son œuvre n'était pas encore complète. La première de ces résolutions, adoptée le 15 janvier, porte: Attendu qu'il est de l'intérêt de la Confédération germanique que les ouvriers allemands ne prennent aucune part aux réunions et associations qui pourraient menacer ou troubler la tranquillité à l'intérieur ou dans les pays étrangers, les voyages des ouvriers faisant partie des états de la Confédération vers les où l'on tolère des réunions et associations de ce genre, pays sont défendus tant que subsistera cette tolérance; les gouvernemens s'occuperont de rappeler les ouvriers qui se trouveraient dans les pays où de telles associations sont tolérées, et ces ouvriers seront ensuite placés sous la surveillance de la haute police; des mesures de surveillance sévère seront prises à l'égard des ouvriers voyageant dans l'intérieur, et particulièrement sur les relations qu'ils peuvent avoir. L'autre résolution de la Diète, dont nous avons à parler, ne procédait pas comme la précédente par voie législative et générale ; c'était un interdit lancé contre une société d'écrivains qui s'était donné le nom de Jeune Allemagne. D'après le préambule de cette résolution il s'était formé récemment sous ce nom une école littéraire dont les efforts tendaient ostensiblement à attaquer, dans des ouvrages qui s'adressaient à toutes les classes de lecteurs, la religion chrétienne, et à détruire toute moralité et toute subordination sociale. La Diété avait décidé qu'il devenait absolument nécessaire d'arrêter ces efforts destructeurs des bases mêmes de l'ordre social, par la coopération active de tous les gouvernemens composant la Confédération germanique; et, sans préjudice des autres mesures à prendre pour arriver au but que l'on voulait atteindre, elle avait en conséquence décrété que tous les gouvernemens allemands s'engageaient à poursuivre les au teurs, éditeurs, imprimeurs et vendeurs des écrits de la Jeune Allemagne, conformément aux lois de chaque pays et aux réglemens relatifs à la poste. Il serait procédé contre eux avec une rigueur extrême, et pourvu à ce que la propagation des ouvrages ne pût se faire par la voie des cabinets de lecture ou de toute autre manière. Les écrivains désignés nominativement par le protocole de la Diète comme appartenant à la Jeune Allemagne, et dont tous les écrits se trouvaient ainsi mis d'avance à l'index étaient au nombre de cinq; mais ce qu'il y a de singulier, c'est qu'ils prétendirent n'être pas de cette école nouvelle que condamnait la Diète : celui-ci disait qu'il ne savait ce que c'était ; celui-là déclarait qu'il n'en faisait pas partie, qu'il avait toujours combattu les principes qu'on attribuait à cette école; un troisième enfin avait lui-même critiqué fort vivement un des ouvrages accusés de tendances contraires à la morale et à la religion. Dans l'intervalle de ces deux résolutions, la Diète reçut, le 12 mars, par l'organe de son président, M. le comte de Munch-Bellinghausen, la notification officielle de la mort de l'empereur François Ia, et l'assurance que le nouvel em pereur d'Autriche, S. M. Ferdinand Ier, était résolu à gouverner dans le même esprit que le défunt empereur son père, et d'après l'exemple donné par lui pendant le cours d'un règne de quarante-trois années. Pour ce qui concerne les affaires de la Confédération germanique, ajoutait l'orateur, la voie est toute tracée; S. M. y restera irrévocablement fidele. Le plus consciencieux accomplissement des devoirs fédératifs, une participation active et continuelle au maintien et à la consolidation de l'alliance, l'immuable résolution de coopérer à la sûreté extérieure et intérieure de l'Allemagne, et de protéger, par tous les moyens possibles, l'indépendance et l'inviolabilité des divers états; tels étaient les sentimens dont l'empereur François était pénétré, pour le perfectionnement de ce grand ouvrage, dû en partie à ses augustes soins, l'empereur Ferdinand sera animé des mêmes sentimens et des mêmes principes. » S. M. s'estimerait très-heureuse, si elle voyait ses confédérés d'Allemagne lui reporter cette honorable confiance que d'une voix unanime ils n'ont cessé d'accorder au défunt empereur. מ Héritier de ses pensées et de la conviction où il était que les liens traditionnels qui unissent sa monarchie avec les états allemands ne sauraient être trop étroitement ni trop solidement resserrés dans l'intérêt de leur prospérité mutuelle, S. M. régnante dirigera constamment aussi ses efforts et ses vœux les plus sincères vers ce but, le bien-être de l'Allemagne, sa force et sa puissance. » La réponse à cette notification, dont l'insertion au protocole fut résolue à l'unanimité, sur la proposition du ministre de Prusse près la Diète, portait que ce qui rassurait après une si grande perte, c'était l'assurance qui venait d'être donnée que l'héritier du trône d'Autriche était pénétré des mêmes principes et des mêmes sentimens de bienveillance que le défunt empereur; et que cette assurance, reçue avec les sentimens de la plus respectueuse gratitude, était un sûr garant que S. M. autrichienne actuellement régnante pouvait compter, de la part des princes souverains et des villes libres d'Allemagne, sur la même confiance qu'ils avaient vouée à S. M. l'empereur François Ier. AUTRICHE. La Diète de Transylvanie, convoquée l'année dernière', après une si longue interruption, qui fut expliquée tant bien que mal dans le discours d'ouverture (voyez 1834, p. 375), avait pris, dès l'abord, une attitude peu propre à satisfaire le cabinet de Vienne. Une allocution sévère de l'empereur à la députation que la Diète lui avait envoyée, n'ayant rien changé à sa manière de procéder, le gouvernement, peu accoutumé à de pareilles résistances, résolut d'y mettre fin par un coup d'autorité : le 6 février, l'assemblée de Klausembourg fut dissoute après une session de huit mois, qui n'avait donné aucun résultat. Les motifs de cette résolution étaient déduits dans un rescrit impérial, curieux à consulter comme résumé des longs démêlés de la diète avec la chancellerie autrichienne, mais à l'intelligence duquel quelques détails préliminaires sur la constitution de Transylvanie sont nécessaires. Cette constitution, qui régit la principauté depuis un temps immémorial, diffère, sous plus d'un rapport, des formes de gouvernement des autres nations. Une de ses particularités consiste dans le droit qu'ont les Etats, qui réunissent en une seule Chambre trois nations (des Hongrois, des Saxons, des Szeclers), et quatre religions (la religion catholique, la confession d'Augsbourg, la confession helvétique et celle des unitaires), de proposer à l'empereur douze candidats aux places supérieures vacantes dans l'administration. Les États ont aussi le privilége de présenter les candidats pour les fonctions de présidens et de secrétaires de l'assemblée. Or, ce sont précisément les difficultés que rencontrèrent ces diverses nominations qui amenèrent, ainsi que l'attestait le rescrit impérial, la dissolution de la Diète actuelle. şa Dans ce document remarquable, écrit en latin, l'empepereur, après avoir parlé des obstacles qui l'avaient empêché de convoquer la Diète plus tôt, ajoutait qu'il n'avait pas voulu tarder davantage à manifester, par la réunion des États, volonté ferme de conserver intactes les lois de la Transylvanie; mais que les États n'avaient pas répondu à leur convocation avec le même zèle et la même promptitude. Dès le commencement de la session, ils avaient proféré des plaintes au sujet des retards qu'avait éprouvés cette convocation. Cependant S. M. avait espéré que les affaires iraient leur train ordinaire, puisque les Etats avaient décidé que les propositions royales seraient examinées de préférence, et qu'au'cune de leur résolution n'obtiendrait force de loi sans l'approbation du souverain. Ensuite ils avaient élu le président et les secrétaires, dont le choix fut confirmé par des rescrits dans lesquels les États étaient invités à élire incontinent les fonctionnaires, pour que la Diète pût aussitôt s'occuper de la discussion des propositions royales et de l'expédition des autres affaires ; mais, au lieu de procéder, suivant les lois et leur propre décision, à la réception du serment du président et à l'élection des fonctionnaires, les Etats avalent, dans le but exprès d'amener des retards, soulevé des contestations sur la formule du serment; ils avaient à eux seuls changé cette formule, et fait de la Diète un champ pour la licence la plus effrénée (effusissima licentia campum), en violant toutes les lois et toutes les coutumes établies. Ils avaient voulu soumettre les lois à leur volonté, tandis qu'ils auraient dû plier leur volonté aux lois ; ils avaient adroitement revêtu les apparences de la liberté légale ; ils avaient ainsi séduit les gens crédules, et entraîné les autres, par des menaces, à devenir leurs complices. La Diète avait tellement brisé toute espèce de frein (ita frænis omnibus soluta grassabatur), qu'elle s'était arrogé le droit de prendre des décisions, de rédiger des protocoles en dehors de l'influence et du contrôle du président, et contrairement aux réglemens. Enfin, sans en avoir obtenu la permission de l'empereur et sans en avoir donné préalablement avis au commissaire royal, elle avait eu la hardiesse d'élire dans son sein et d'envoyer vers S. M. une députation pour lui présenter, soit des accusations personnelles et indignes, soit des plaintes de nature à rompre tous les liens sociaux. Après quelques nouveaux griefs reprochés aux États touchant les formalités à observer dans certaines élections, le rescrit déclarait que l'assemblée avait renoncé complétement au caractère d'un corps délibérant; que, afin les tentatives pour que l'anéantissement des anciennes institutions ne fussent pas poussées plus loin, elle était dissoute en vertu de l'autorité royale, et que toutes les innovations contraires à cette autorité, aux droits royaux et au respect dû à S. M., étaient condamnées, cassées, et partant nulles et non avenues. S. M. ayant échoué dans ses efforts pour maintenir la constitution intacte, et cela à raison des menées de l'opposition, tout devait rentrer dans l'ordre. Il n'appartenait qu'au pouvoir royal de préserver la Transylvanie des maux de l'anarchie et des suites de l'obstination des Etats. Toutefois S. M., en remplissant un devoir impérieusement réclamé par la nécessité, ne désirait rien plus ardemAnn. hist. pour 1835. 27 |