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DOCHE PÈRE C. THEATRE DES VARIÉTÉS.

Le sieur Doche père, chef d'orchestre du théâtre du Vaudeville, a publié sous le titre de Musette du Vaudeville, une collection d'airs dont il est auteur. L'administration du théâtre des Variétés a adapté des paroles aux airs contenus dans le recueil de Doche, et, sans le consentement de celui-ci, les a fait chanter par ses acteurs dans ses représentations.

Sur la demande en dommages-intérêts dirigée par le sieur Doche, le tribunal de la Seine a rendu le 15 fév. 1822 un jugement ainsi conçu: - Attendu qu'aux termes des lois des 19 janv. 1791 et 19 juill. 1793, les ouvrages dramatiques des auteurs vivans ne peuvent être représentés par aucun théâtre public sans leur consentement formel;

» Que la loi du 19 juill. 1793 a conservé en faveur des écrivains en tous genres, compositeurs de musique, peintres et dessinateurs qui feraient graver des dessins ou tableaux, le droit exclusif pendant leur vie de vendre, faire vendre, distribuer leurs ouvrages et d'en céder la propriété en tout ou en partie;

» Que celle du 1er sept. 1793 a encore pris le soin de garantir de nouveau aux auteurs d'ouvrages dramatiques la propriété de ces mêmes ouvrages et le droit d'en disposer librement pendant leur vie, soit par la voie de l'impression, soit par celle de la représentation;

» Que de ces dispositions législatives géminées résulte clairement, au profit des auteurs, la garantie d'un droit de propriété qu'ils peuvent exercer, soit distinctement et séparément par le moyen de la représentation ou de l'impression, soit par les deux moyens simultanément;

» Qu'on doit entendre par représentation tout moyen par lequel on reproduit un ouvrage devant le public, et que cette expression de la loi s'applique aussi bien aux compositions musicales qu'on fait entendre, qu'à des ouvrages dramatiques qu'on reproduit, soit en les récitant, soit à l'aide du spectacle;

» Que le législateur, en reconnaissant ce droit de propriété des auteurs, n'a fait aucune distinction entre les ouvrages d'après leur plus ou moins d'étendue, d'après leur plus ou moins d'importance présumée;

» Qu'en effet ce droit est invariable quelle que soit l'œuvre, puisqu'il prend sa source dans le fait de l'invention qui appartient à l'auteur, et que le mesurer, d'après l'appréciation qu'on ferait de l'ouvrage, serait donner lieu à l'arbitraire;

» Que l'auteur d'une composition légère telle qu'une romance, un air, un article, doit jouir de toute la plénitude de son droit de propriété aussi bien que celui d'un genre plus élevé, tels que seraient une tragédie, un opéra;

» Qu'en appliquant ces principes à la cause,

auteurs. Le succès des vaudevilles dépend de l'application des airs connus, et, ajoute la cour, ce serait compromettre cette partie de l'art dramatique que de lui interdire ces emprunts innocens. Mais, s'il est vrai que le choix des airs fasse le succès d'un vaudeville, n'est-ce pas une raison puissante pour empêcher ces vols qui, à la vérité, font la fortune du contrefacteur, mais qui, par une réciprocité nécessaire, portent un prejudice notable à l'auteur ou au theatre vole? Les vrais principes sont dans le jugement du tribunal de la Seine. V. conf. Etienne Blanc, de la Contref., p. 514.- Sur la propriété des œuvres musicales, V. Paris, 26 nov. 1828.

Doche, auteur d'un recueil d'airs intitulé Mu sette du Vaudeville, bien qu'il les ait déjà fait graver et publier, et qu'il les fasse chanter sur le théâtre du Vaudeville, a le droit de s'opposer à ce qu'on les chante sur d'autres théâtres sans son consentement;

» Que si un arrêté du ministre de l'intérieur, en date du 24 avr. 1807 (1), en déterminant les attributions des différens théâtres, a laissé dans le domaine du Vaudeville et des Variétés la représentation des pièces mêlées de couplets sur des airs connus, on ne peut pas induire de ces expressions qu'il soit loisible à l'administration de chacun de ces théâtres, de s'emparer de tous les airs qui auraient été gravés ou publiés, et de les introduire dans les pièces de leur domaine contre le gré et l'assentiment des auteurs encore existant;

Que ces mots airs connus, employés dans l'arrêté réglementaire du ministre, ne peuvent signifier que les airs qui sont légalement tombés dans le domaine public; que prêter un autre sens à cette décision serait porter atteinte au droit de propriété consacré et garanti par toute la législation, ce qui eût excédé les attributions du ministre de l'intérieur, et ce qu'on ne peut supposer avoir été dans son intention,

Fait défense aux administrateurs des Variétés de plus à l'avenir faire chanter et jouer sur leur théâtre aucun air de la composition de Doche, etc. »

Sur l'appel est intervenu un arrêt de la cour de Paris qui infirme en ces termes : « Considérant que les dispositions des lois des 19 janv. 1791 et 19 juill. 1793 ne s'étendent pas à toute espèce de production dramatique indistinctement, mais qu'elles se bornent aux ouvrages des auteurs vivans;

» Que ce mot ne peut s'entendre que de l'ensemble d'une production; que tel est aussi le sens dans lequel il a été employé dans la loi du 19 jufl., puisque la sanction consiste dans la confiscation du produit total des représentations au profit des auteurs;

» Qu'il en résulte qu'en droit comme en fait les auteurs de vaudeville ont toujours eu jusqu'à présent la faculté de s'emprunter mutuellement des parties détachées de leurs compositions musicales;

Que cette faculté ne saurait être restreinte sans nuire à cette partie de l'art dramatique, dont le succès, sous le rapport musical surtout, repose moins sur le mérite d'une création nouvelle que sur celui de l'application des airs déjà connus, etc. »>

Pourvoi du sieur Doche pour violation des lois des 19 janv. 1791 et 19 juill. 1793.

Un arrêt de la section des requêtes du 20 nov. 1823 a admis la requête en cassation, et la question devait se débattre devant la section civile, mais le demandeur en cassation est décédé

(1) Cet arrêté du ministre de l'intérieur (M. de Champagny) a été transmis aux préfets par une circulaire du 2 juin 1807 (Recueil des circulaires du ministre de l'intérieur, t. 2, p. 25). L'art. 2 est ainsi conçu: « Aucun des airs, romances et mor» ceaux de musique qui auront été exécutés sur les » theatres de l'Opéra et de l'Opéra-Comique ne » pourra, sans l'autorisation des auteurs ou proprié»taires, être transporté sur un autre théâtre de la » capitale, même avec des modifications dans les ac»compagnemens, que cinq ans après la première >> représentation de Pouvrage dont ces morceaux » font partie. »

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COUR DE CASSATION. (10 janvier.) La connaissance que peut avoir une partie du jugement rendu contre elle, par toute autre voie que par une signification réguliere, est insuffisante. Ainsi, la partie dont Pappel a été déclaré nul a le droit d'appeler de nouveau, encore bien qu'il se soit écoulé trois mois depuis le premier acte d'appel, s'il n'y a pas eu de signification du jugement (1).

fut fait mention de son mari que pour l'assister et l'autoriser à ester en justice. Un jugement du 27 dudit mois de janv. ordonna qu'il serait procédé à la liquidation des successions dont il s'agit et au partage, et commit un juge pour en diriger les opérations, lequel renvoya les parties devant un notaire, le 23 juin suivant, pour y être procédé devant lui aux comptes, rapports, prélèvemens, formation de masse, etc.

Un procès-verbal fut dressé par ce notaire, le 28 août 1820, où la dame Borelly figura en la qualité qu'elle avait prise dans l'exploit du 8 janv. 1817. Celle-ci, agissant toujours en la mème qualité, fit signifier à ses co-héritiers, le 31 du même mois, un acte par lequel elle protestait de nullité contre ce procès-verbal. Néanmoins l'homologation en fut poursuivie, et elle fut prononcée par défaut tant contre la dame Borelly que contre son mari, par jugement du 31 juill. 1821, dans lequel, elle ne fut point qualifiée femme séparée de biens. Ce ju

en leur domicile commun, par une seule copie qui fut remise au sieur Borelly.

La signification au mari seul d'un jugement|gement leur fut signifié, le 8 déc. suivant, portant condamnation contre lui el contre sa femme séparée de biens, ne fail pas courir les délais d'appel contre cette dernière, surtout lorsque le mari n'a pas comparu en première instance,pour défendre un intérêt à lui personnel, mais seulement pour autoriser el assister sa femme (2).

Un arrêt qui se fonde sur des fails démentis par des actes authentiques produits dans le procès, doit être cassé. Ainsi, lorsqu'une femme a pris, soit dans l'exploit introductif, soil pendant l'instance, la qualité de femme séparée de biens, les tribunaux ne peuvent décider qu'elle a laissé ignorer celle qualité à la partie adverse (3).

BORELLY C. LEFEBVRE,

Le sieur Léger mourut en 1811, laissant pour ses héritiers cinq enfans, au nombre desquels figure la dame Borelly, sa'fille.La dame Léger, sa veuve, ne lui survécut pas long-temps; elle décéda en 1812. Sa succession dut aussi être recueillie par ses cinq enfans. Il parait qu'à cette époque le sieur Borelly, exerçant les actions de son épouse, avec laquelle il était commun en biens, forma contre les co-héritiers de cette dernière une demande en partage des deux successions qui s'étaient ouvertes à leur profit; mais, plus tard, la dame Borelly dirigea contre son mari une demande en séparation de biens, qui fut accueillie par jugement du tribunal de la Seine, en date du 12 août de ladite année 1812. Cependant l'instance en partage languissait, et il parait que la lenteur qu'on y apportait devait être attribuée au sieur Léger, l'un des héritiers, qui détenait des sommes considérables appartenant aux deux successions. La dame Borelly, dans la vue d'en activer les opérations, le fit assigner, par exploit du 8 janv. 1817, devant le tribunal de première instance de Dijon, en reddition de compte des sommes dont il était débiteur. Elle prit dans cet exploit la qualité de femme séparée de biens, et il n'y

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La dame Borelly, dûment assistée de son mari, en interjeta appel en sadite qualité, par exploit des 15 et 16 mars 1822; mais on lui opposa une fin de non-recevoir fondée sur ce que le délai de l'appel était expiré depuis long-temps. Elle répondit que le délai n'avait pu courir à son égard, parce qu'elle n'avait pas reçu personnellement la signification du jugement rendu par le tribunal de Dijon; et il intervint, le 7 août de la même année, un arrêt de la cour royale de Dijon, qui accueillit la fin de non-recevoir proposée, sur le fondement qu'elle n'avait point fait connaître légalement aux intimés sa qualité de femme séparée de biens, ni dans le jugement dont était appel, ni dans les actes qui l'avaient précédé, où elle avait agi comme commune en biens avec son mari; et qu'en supposant même que ceux-ci eussent pu connaître sa nouvelle qualité, cette circonstance ne la dispensait pas de leur en donner une connaissance légale; qu'elle avait donc à s'imputer à cet égard son silence, par lequel elle les avait induits en erreur; qu'au surplus le vœu de la loi était rempli lorsqu'il apparaissait que la partie qui se plaignait du jugement rendu contre elle en avait connu l'existence et les dispositions; qu'il n'était point permis de penser que la dame Borelly ait ignoré celles du jugement du 31 juill. 1821, puisqu'elle énonçait dans son acte d'appel que la signification en avait été faite au domicile conjugal, et qu'elle s'y plaignait de ce qu'il homologuait le procès-verbal dressé par le notaire commis pour les opérations du partage; qu'ainsi, soit qu'on la considérât comme commune en biens avec son mari, ou comme femme séparée de biens, elle était également non-recevable.

La dame Borelly, toujours assistée de son mari, s'est pourvue en cassation de cet arrêt pour violation des art. 68 et 443, C. procéd. civ. Elle a combattu d'abord le premier motif de l'arrêt, par lequel il est admis, en fait, qu'elle avait laissé ignorer à ses adversaires sa qualité de femme séparée de biens, motif qui était démenti par trois actes authentiques où elle avait pris cette qualité, savoir l'exploit d'assignation notaire, et l'acte de protestation signifié à sa redu 9 janv. 1817, le procès-verbal dressé par le quéte le 31 août 1820.

Elle a dit que, s'il était permis aux cours et aux tribunaux d'interpréter les actes et les faits d'une cause, ils ne pouvaient les méconnaître

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ni les anéantir sans exposer leur décision à être |
cassée.

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d'avec son mari; - Considérant d'ailleurs qu'il ne suffisait pas que l'acte d'appel du jugement du 31 juill. 1821 prouve que la dame Borelly a connu ce jugement, pour faire courir contre

droit, que l'obligation de signifier le jugement conserve son effet, alors même que la partie aurait été présente à l'audience où il aurait été rendu : d'où il suit qu'en décidant que la signification du jugement dont il s'agit collectivement faite aux sieur et dame Borelly, le 8 déc. 1821, et dont il n'a été laissé qu'une seule copie pour la femme et le mari, était néanmoins valable, et qu'elle avait fait courir, à partir de sa date, le délai de l'appel, la cour royale de Dijon a violé les art. 68 et 443, C. procéd., · CASSE et annulle l'arrêt rendu par la cour royale de Dijon, le 7 août 1822, etc. »

Elle a soutenu, en second lieu, que le délai de l'appel n'ayant pu courir contre elle qu'autant que le jugement lui aurait été régulière-elle le délai de l'appel, puisqu'il est certain, en ment notifié, aux termes de l'art. 443, C. procéd., et la notification prescrite à cet effet ne lui ayant point été faite, son appel avait été déclaré mal à propos irrecevable; qu'il importait peu que cette notification eût été faite à son mari pour tous les deux, et qu'elle ait eu par ce moyen connaissance du jugement; que la loi ne se borne pas à exiger qu'on l'ait connu, mais qu'elle veut impérieusement qu'il ait été signifié, pour faire courir le délai de l'appel, puisque l'obligation de faire cette signification existe quand même le jugement aurait été rendu contradictoirement, et quand même l'appelant l'aurait déjà fait signifier lui-même avec réserve d'en appeler, ainsi que cela résulte de la jurisprudence uniforme des cours, etc.

Les défendeurs ont reconnu la vérité du prin-
cipe invoqué par la dame Borelly et la néces-
sité de faire la signification à la femme séparée
de biens; mais ils en ont contesté l'application
à l'espèce, parce qu'il résultait des actes du
procès, disaient-ils, que la dame Borelly n'a-
vait pas cessé d'agir conjointement avec son
mari en qualité de commune en biens; que, si
elle s'était dite femme séparée, elle l'avait fait
d'une manière si équivoque qu'on ne pouvait
s'empêcher d'y reconnaître l'intention d'induire
ses co-héritiers en erreur; que tantôt elle dé-
clarait que sa séparation avait été prononcée
par jugement du tribunal civil, rendu en l'an
XI, et tantôt par jugement du tribunal civil
de la Seine du 12 août 1812.

DU 10 JANV. 1826, arr. cour cass.. sect. civ.;
MM. Deséze, 1er prés.; Henri Larivière, rapp.;
Grézior, av. gén.; Rozet et Guillemin, av.

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• LA COUR, Vu les art. 68 et 443, C. procéd. civ., dont l'un porte que tous exploits seront faits à personne ou domicile, et l'autre que le délai pour interjeter appel sera de trois mois, qu'il courra pour les jugemens contradictoires du jour de la signification à personne ou domicile; Considérant qu'il ne s'agit dans la cause que des intérêts personnels de la dame Borelly et de ses droits successifs paternels et maternels; qu'elle a été séparée de biens d'avec son mari, par jugement du tribunal civil de la Seine du 12 août 1812; qu'elle a pris la qualité de femme séparée de biens dans l'exploit d'assignation du 9 janv. 1817, donné à sa requête au sieur Léger; qu'il a été formellement reconnu dans le procès-verbal de liquidation des successions des père et mère des parties, en date du 28 août 1820, et dès-lors antérieur au jugement du tribunal civil de Dijon du 31 juill. 1821, que la dame Borelly s'était pourvue en séparation de biens pardevant le tribunal civil de la Seine, qui avait fait droit à sa demande, par jugement à la date du 12 août 1812; qu'enfin la dame Borelly a pris encore la qualité de femme séparée de biens dans les exploits des 15 et 16 mars, par lesquels elle a interjeté appel du jugement du 31 juill. 1821; Considérant que, la connaissance que la dame Borelly a donnée de sa séparation de biens aux défendeurs in limine litis et dans le cours de l'instance étant ainsi constatée par des actes authentiques, la cour royale de Dijon n'a pu admettre, contrairement à ces actes, que la dame Borelly avait laissé ignorer qu'elle était séparée de biens

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COUR DE CASSATION. (10 janvier.) La transaction faite à l'occasion d'un capital litigieux faisant partie de la dot mobilière d'une femme mariée sous le régime dotal, et le remboursement, selon la valeur venale, qui en a été fait aux époux en conséquence de celle transaction, constituent des actes de pure administration, et non des acles d'aliénation de la dot (1).

GRANT-DEVAUX C. BOULARD.

La dame Maheust, veuve en premières noces

du sieur Auger, épousa en secondes noces le

sieur Grant-Devaux.

Dans leur contrat de mariage, qui fut passé le 13 nov. 1806, les futurs époux déclarèrent vouloir vivre sous le régime dotal, sauf les modifications qu'ils adopteraient. Il fut stipulé qu'ils seraient séparés de biens, à l'effet que l'un d'eux ne pût jamais être tenu des dettes de l'autre. Néanmoins, il fut dit que le mari aurait l'administration des biens de son épouse.

Celle-ci se réserva la faculté d'aliéner ses immeubles jusqu'à concurrence de 12,000 fr., sans être tenue d'en faire le remploi.

Dans l'intervalle du contrat de mariage à sa célébration, la dame Maheust acquit des demoiselles Lemarchand des Fougerolles une rente de 900 fr. L'acte de transport de cette rente mentionnait qu'elle était spécialement hypothéquée sur la terre des Vaux, possédée alors par la dame veuve Boulard, qui l'avait achetée des débiteurs originaires. Celle-ci, sur la notification qui lui en fut faite par la dame Maheust, devenue épouse du sieur Grant-Decomba, et un arrêt du 28 juill. 1813 déclara la vaux, contesta cette hypothèque; mais elle sucterre des Vaux affectée et hypothéquée au service de la rente. Plus tard, une des venderesses attaqua l'acte de cession consenti à la dame Maheust; elle en obtint l'annulation dans son intérêt pour un tiers la concernant, en sorte

(1) Ainsi jugé que l'abandon fait par une femme normande à l'un de ses co-héritiers de certains im→ meubles qui lui ont été attribués dans la succession paternelle, dans le but de s'affranchir d'une action en rescision pour cause de lésion dirigée contre ce partage, ne constitue pas une aliénation de biens dotaux prohibée par la loi. V. Cass., 9 mai 1837 (t. 2 1837, p. 209; Rolland de Villargues, Rép. du Not., vo Remboursement de rente, no 10. V. aussi Paris, 16 mai 1829.-V. an surplus, sur l'aliénation de la dot mobilière, Cass., 28 juin 1810, et la note.

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que la dame Maheust ne resta cessionnaire que des deux autres tiers, c'est-à-dire de 600 fr. au lieu de 900 fr.

Les époux Grant-Devaux empruntèrent, en oct. 1813 et sept. 1815, diverses sommes des sieurs Bellamy et Hervieu-Duclos, pour sûreté desquelles la dame Grant-Devaux, autorisée de son mari, leur délégua la rente de 600 fr. à elle due par la dame Boulard. Il paraît que de nouvelles difficultés s'élevèrent relativement à la retenue légale que cette dernière voulut exercer sur cette rente, qu'elle prétendait y être originairement sujette. D'autre part, l'époquerait raisonnablement soutenir qu'on ne pût pas du paiement des sommes empruntées des sieurs Bellamy et Hervieu-Duclos était arrivée, ce qui détermina les époux Grant-Devaux, dans la vue d'acquérir leur tranquillité, à traiter avec la dame Boulard du remboursement du capital, non exigible, pour lequel la susdite rente avait été constituée. Il fut convenu entre eux, et effectué le 5 juin 1817, moyennant la somme de 6,500 fr.

domaine des conventions toutes les précautions que les cas variés qu'il ne pouvait prévoir rendraient nécessaires pour prévenir l'abus de cette liberté; qu'on ne saurait admettre un autre système sans gêner le pouvoir d'user de la dot, qui est son caractère essentiel, sans la soustraire à sa destination principale, qui a pour objet d'aider à supporter les charges du mariage; qu'il est de la nature de la dot mobilière de se consumer par l'usage, et qu'il n'y a pas d'aliénation plus absolue que la destruction des objets mobiliers par cet usage; qu'on ne pourvendre des meubles qui ne peuvent être conservés, pour en employer le prix aux besoins du ménage, et qu'il serait peu conséquent de vouloir refuser la faculté d'aliéner dans la même vue d'utilité ceux qui peuvent être conservés, parce que cette circonstance ne change rien au droit; que cela est si vrai que les art. 1549 et 1550, C. civ., accordent au mari, administrateur des biens de sa femme, le pouvoir d'exiger le remboursement des capitaux que celle-ci s'est constitués en dot, sans être tenu de donner caution, s'il n'y est assu

d'administrer ses biens étant reporté à la femme par l'effet de sa séparation, elle devait en jouir avec la même latitude que son mari; qu'on ne pouvait concevoir qu'on dût leur refuser le droit de transiger sur un capital mobilier litigieux, et de traiter de son remboursement en se contentant de sa valeur vénale, lorsqu'ils ont été déterminés, comme dans l'espèce, par le besoin de faire face à leurs obligations, et de se procurer la tranquillité; et qu'on devait reconnaître dans les deux actes attaqués, soit que l'on considère les conditions auxquelles ils ont été consentis, soit qu'on envisage l'emploi qui a été fait des deniers, des actes d'une administration sage, etc.....

Dans cet état de choses, et le 30 avr. 1821, la dame Grant-Devaux, qui avait sans doute des motifs légitimes de reprendre l'administration de ses biens attribuée à son mari par leur con-jéti par le contrat de mariage; que le droit trat de mariage, demanda et obtint contre ce dernier la séparation de biens. Puis elle attaqua les sieurs Bellamy et Hervieu-Duclos et la dame Boulard en nullité de la délégation et de l'amortissement de sa rente, consentis par elle dans les actes susénoncés. Il parait qu'elle fondait essentiellement sa demande sur le principe de l'inaliénabilité de la dot. Elle fut déclarée non-recevable dans cette double action par jugement du tribunal de Caen, en date du 8 mai 1822, par les motifs que sa séparation judiciaire n'avait apporté aucun changement à la séparation contractuelle stipulée dans son contrat de mariage; et qu'indépendamment de la question de savoir si la femme séparée pouvait aliéner sa dot mobilière, il résultait dudit contrat qu'elle avait le droit d'en disposer, puisqu'elle s'était réservé même la faculté d'aliéner une portion de ses immeubles; qu'elle était, par conséquent, mal fondée à vouloir faire anéantir les actes qu'elle avait passés avec les défendeurs au procès. Sur l'appel par elle interjeté de ce jugement, il intervint, le 24 août suivant, un arrêt de la cour royale de Caen, qui confirma purement et simplement la décision des premiers juges, mais par des motifs plus amples que ceux qui l'avaient déterminée.

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La dame Grant-Devaux s'est pourvue en cassation contre cet arrêt pour violation des art. 1391, 1541, 1551 et 1565, C. civ., et pour fausse application des art. 1549 et 1554, même Code.Le jugement qui a été confirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Caen, a-t-elle dit, repose sur des motifs tirés uniquement des faits et de l'appréciation des clauses de mon contrat de mariage avec le sieur Grant-Devaux; mais il n'en est point ainsi de cet arrêt, par lequel la cause est jugée principalement en droit. C'est pourquoi la cour de cassation aura à examiner si la cour de Caen n'a pas méconnu les principes du régime dotal en décidant que la dot mobilière de la femme pouvait être aliénée. Or, a-t-elle ajouté, l'affirmative sur cette question ne saurait être douteuse, si l'on consulte le droit romain, auquel les auteurs du Code civ. ont emprunté ses dispositions concernant la dot, et les monumens de la jurisprudence ancienne dont la cour de cassation a consacré les décisions par deux arrêts, l'un du 1er fév. 1819, et l'autre du 9 avr. 1823 (1).

Cette cour considéra qu'il importait peu de se livrer à l'examen des effets de la séparation, soit contractuelle, soit judiciaire, existant entre les deux époux, parce qu'il ne s'agissait que de l'appréciation d'un acte d'administration, laquelle, dans le second cas, appartient à la femme, et, dans le cas contraire, au mari, et que toute la difficulté consistait à savoir si l'un ou l'autre des époux y avait excédé les bornes du pouvoir d'administrer. Néanmoins elle examina la question de droit qui avait aussi été agitée devant elle. Elle établit, en principe, que le mobilier dotal de la femme n'était inaliénable ni par aucun obstacle provenant de sa nature, ni par aucune disposition expresse ou gé-à l'examen de la question de droit qui a fait nérale de la loi qui ne prohibait que l'aliénation des immeubles dotaux (art. 1554, C. civ.); qu'en ne répétant pas la même prohibition a l'égard de la dot mobilière, le législateur avait suffisamment manifesté son intention d'en accorder la plus large disposition, soit au mari, soit à la femme séparée, et avait laissé dans le

La dame Boulard, qui s'est présentée seule pour défendre sur le pourvoi, a dit que si la cour de Caen s'était livrée assez inutilement

l'unique objet de la discussion dans laquelle est entrée la demanderesse, elle avait agité aussi les questions de fait résultant des conventions ma

1

(1) V. ces deux arrêts à leur date, et la note sous celui de 1er fév. 1819,

trimoniales des époux Grant-Devaux ; qu'il fallait peu s'arrêter aux motifs oiseux qui précèdent son arrêt, pour s'attacher de préférence à ceux qui ont un trait direct à la seule difficulté que présentait la cause à juger; que tout s'y réduisait à la question de savoir si, dans les actes attaqués, la dame Grant-Devaux, séparée conventionnellement de biens avec son mari, avait ou non excédé les bornes d'une sage administration, et que la cour régulatrice n'avait qu'à examiner les motifs qui ont trait à l'appréciation de ces actes, sans entrer dans l'examen des motifs relatifs à la question de droit; qu'à cet égard, la cour royale de Caen avait fait, dans l'espèce, une juste application de l'art. 1549, C. civ., en décidant que les époux Grant-Devaux, et particulièrement la dame Grant-Devaux, avaient fait des actes d'une administration sage, soit que l'on considérât les conditions auxquelles ils avaient traité, soit que l'on envisageât l'emploi des deniers; et que les arrêts des 1er fév. 1819 et 9 avr. 1823, invoqués par la dame Grant-Devaux à l'appui de son pourvoi, ne devaient avoir aucune influence sur l'arrêt à intervenir, puisqu'il devenait inutile de s'occuper du moyen unique de cassation qu'elle présentait.

DU 10 JANV. 1826, arr. cour cass., sect. civ.; MM. Jourde, rapp.; Cahier, av. gén.; Lasaigne et Leroi-Neufvillette, av.

« LA COUR, - Attendu que les juges de la cour royale de Caen ont reconnu, en fait, par l'arrêt attaqué, que les époux Grant-Devaux, en transigeant par les actes dont il s'agissait au procès, sur un capital mobilier litigieux, n'avaient fait que se procurer leur tranquillité, et qu'en traitant du remboursement de la rente qui leur était due par la dame veuve Boulard, selon sa valeur vénale du temps, ils n'avaient fait en cela que des actes d'une administration sage, soit que l'on considérât les conditions auxquelles ils avaient traité par ces divers actes, soit qu'on envisageât l'emploi qui avait été fait des deniers; - Attendu qu'en cela l'arrêt ne viole aucune loi; qu'il a fait, au contraire, une juste application de l'art. 1549, C. civ., combiné avec les dispositions des art. 4, 5 et 8 du contrat de mariage des époux Grant-Devaux; el que la reconnaissance des faits ci-dessus mentionnés constatée par l'arrêt dispense d'examiner la question de droit présentée par la demanderesse en cassation, à l'appui de son pourvoi..... : Par ces motifs, Donne défaut contre les sieurs Bellamy et Hervieu-Duclos non comparans ; Statuant sur le pourvoi entre toutes les parties, · REJETTE, etc. »

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COUR DE CASSATION. (10 janvier.) Les hospices réintégrés en vertu de la loi du 16 vendém. an V, dans les biens dont ils avaient été dépouillès au profil de l'état, par le décret du 23 messid. an II, ne sont pas lenus au paiement de leurs delles, exigibles avant le décret d'expropriation, et non acquillées par l'étal durani sa possession.

HOSPICE DE MANTES C. LECOMTE. Dans l'intervalle du 23 sept. 1792 au 23 prair. an II, le sieur Lecomte, marchand épicier à Mantes, fit des fournitures de sa profession à l'hospice civil de cette ville, pour la somme de 701 fr. 95 c.

Peu de temps après, la loi du 22 messid. an II réunit au domaine de l'état les biens des

hospices, et chargea le trésor public du paiement de leurs dettes.

Conformément à cette loi, le sieur Lecomte produisit ses mémoires à la liquidation; mais il n'obtint pas de l'état le paiement qu'il réclamait.

La loi du 16 vendém. an V ayant rendu aux établissemens de bienfaisance ceux de leurs biens qui n'avaient pas été aliénés, le sieur Lel'hospice de Mantes, et lui demanda le paiecomte dirigea, en 1820, des poursuites contre ment des 701 f. 95 c. montant de ses fournitures.

L'hospice se défendit en disant que cette dette était devenue nationale par la loi d'expropriation du 23 messid. an II, et qu'elle n'avait pas cessé de l'être par la loi de restitution du 16 vendém. an V: il conclut, en conséquence, à ce que la demande du sieur Lecomte fût déclarée nonrecevable.

Le 22 mai 1821, jugement du tribunal de Mantes, qui, - Attendu que la dette dont il s'agit a été contractée dans un temps où les biens des hospices n'avaient pas encore été réunis au domaine de l'état; que l'état, ayant rendu aux hospices la jouissance de leurs biens, a nécessairement remis à leur charge le paiement des dettes non acquittées, et cependant par eux contractées; sans s'arrêter à là fin de non-recevoir, ordonne que les parties plaide

ront. >>

Les administrateurs de l'hospice de Mantes se sont pourvus en cassation contre ce jugement. Ils ont soutenu de nouveau que la dette dont le sieur Lecomte poursuivait le paiement était devenue dette de la nation; qu'ils en avaient été complètement libérés, et qu'en déclarant recevable l'action dirigée contre eux, le tribunal de Mantes avait contrevenu aux lois de la matière.

DU 10 JANV. 1826, arr. cour cass., sect. civ.; MM. Brisson, prés.; Zangiacomi, rapp.; Cahier, av. gén.; Isambert', av..

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taux au domaine national et avait déclaré dettes nationales les créances passives de ces établissemens, Le 16 vendém. an V, ce décret fut rapporté par une loi qui restitua aux hôpitaux leurs biens non vendus, et ordonna que ceux qui l'avaient été leur seraient remplacés en biens nationaux du même produit (art. 6).-Le 29 pluv. an V, une nouvelle loi régla le mode d'exécution de celle du 16 vendém. précédent et disposa ainsi qu'il suit: « Art. 3. Le directeur gé »néral de la liquidation continuera la liquidation » de toute la dette exigible des hôpitaux antérieure >> au 23 messid. an II. Art. 4. A l'égard de toutes »les dettes exigibles, postérieures à cette époque » jusqu'au 16 vendém, dernier, elles seront acquit»tées sur les fonds particuliers qui y seront desti»nės. » Telles sont les dispositions de loi qu'il s'agissait d'interpréter, dans l'espèce que nous rapportons. -V. aussi Cass., 20 avr. 1826 (arrêt qui décide que (1) On sait qu'un décret de la convention du 23 les dettes des hospices non exigibles avant la restimessid. an II avait réuni l'actif et le passif des hôpi-tution des biens sont demeurées à leur charge).

Ces delles déclarées nationales par le décret du 23 messid. an II n'ont pas cessé de l'être en vertu de la loi de restitution (1).

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