Images de page
PDF
ePub

mande en délivrance d'une seconde grosse en ces termes : - «En ce qui touche la demande en délivrance d'une seconde grosse, attendu qu'elle est repoussée par les défendeurs, par le motif qu'elle tendait à faire revivre un acte solu et acquitté, ce qui constituerait une fraude à Jeur préjudice; que, dès-lors, aux termes de l'art. 1353, C. civ., le tribunal peut apprécier les présomptions qui établissent la libération;

Attendu que le sieur Audiguier n'indique pas la manière dont il a perdu ce titre; qu'il est également constant qu'il met beaucoup de régularité dans la gestion de ses affaires;

Qu'ainsi il doit savoir quand et comment ce titre a été égaré; qu'il n'indique pas en avoir égaré d'autres ;

Que, par acte passé devant M Schmouck, le 20 juill. 1811, enregistré, la veuve Cadell n'a consenti qu'en son propre et privé nom à la délivrance d'une nouvelle grosse;

» Que, dans cet acté, il est dit que la veuve Cadell consent également à ce qu'il soit délivré au sieur Audiguier une nouvelle expédition de l'inscription prise en son nom, le 17 mars 1807, consentement qui était inutile, mais qui, joint aux autres présomptions, établit que la grosse à la suite de laquelle devait se trouver l'original de l'inscription n'avait pas été perdue, comme on le supposait, mais qu'elle avait été mise dans un état tel qu'elle ne pouvait plus servir de titre constatant la créance;

» Qu'il est évident que l'acte passé devant M. Schmouck, le 20 juill. 1811, n'était que pour déguiser un nouveau prêt fait à la veuve Cadell, prêt qu'on voulait assurer, d'une manière particulière, en faisant revivre l'obligation du inari et l'affectation qu'il avait consentie;

» Que la déclaration du sieur Schmouck d'avoir reçu de la veuve Cadell la somme contenue en l'obligation, mais de la lui avoir rendue avant de lui avoir donné quittance, au lieu d'affaiblir les présomptions ci-dessus, ne fait que les corroborer; puisque c'est reconnaître que la créance a été remboursée entre les mains du mandataire du sieur Audiguier;

D

Qu'on ne peut tirer aucun avantage contre les défendeurs de ce que, selon cette déclaration, le remboursement avait été fait par leur mère; et que l'on ne peut pas leur objecter, comme on le fait, que peu leur importe de devoir à leur mère ou de devoir au sieur Audiguier, puisque leur obligation n'est pas la même dans l'un ou l'autre cas;

» Que, s'ils doivent au sieur Audiguier, ils sont tenus de le payer; tandis que, s'ils doivent à leur mère, elle doit employer cette somme en compte; et que, comme elle est notoirement insolvable, et qu'en qualité de leur tutrice qui a dissipé leur fortune pendant leur minorité, elle est leur débitrice;

» Que la part à leur charge, dans le remboursement, en supposant qu'il ait été effectué par leur mère, viendra seulement en déduction de ce qu'elle leur doit; qu'ainsi toutes les présomptions de libération étant graves, précises et concordantes, la demande principale doit étre écartée. »>

Appel. Le 28 août 1822, arrêt de la cour royale de Colmar qui, adoptant les motifs des premiers juges, confirme.

Pourvoi par Audiguier pour violation des art. 1283, 1319, 1341, 1353 et 1356, C. civ. - Le sens naturel et nécessaire de l'art. 1283 est que la représentation de la grosse, de la part du débiteur, fait présumer sa libération; dans ce cas

seulement la loi met à la charge du créancier la preuve du contraire. Que si le débiteur ne représente pas cette grosse, où est la disposition de loi qui établisse d'une part la libération du débiteur, et mette, de l'autre, à la charge du créancier l'obligation de faire une preuve quelconque? Qu'importe qu'une première grosse se trouve égarée? Cela ne change pas la position du créancier, et il ne doit pas souffrir d'un fait qui peut lui être inconnu. Aucune preuve ne peut donc lui ètre imposée, et il faut se borner à suivre, dans toute leur rigueur, les dispositions de l'art. 844, C. procéd., relatives aux formalités à observer pour obtenir une seconde grosse.

La violation de l'art. 1319 n'est pas moins bien établie. D'après cet article: « L'acte authentique fait pleine foi de la convention qu'il renferme entre les parties contractantes et leurs héritiers ou ayant-cause.» Or, l'acte du 20 pluv. an XIII était un acte authentique. L'obligation qu'il renfermait ne pouvait donc s'éteindre que par l'un des moyens libératoires reconnus par la loi c'était une quittance, la représentation de la grosse, etc., qui remplissaient ce but. Quant à la preuve testimoniale, elle est inadmissible pour établir une libération, lorsque la somme excède 150 fr. L'art. 1341 exige impérieusement qu'il soit passé acte devant notaire, ou sous signature privée, de toutes choses excédant la somme ou valeur de 150 fr.

Mais c'est surtout dans les dispositions de l'art. 1353 que la cour royale de Colmar paraît avoir puisé ses moyens de décision.-Cet article permet aux magistrats d'admettre les présomptions simples dans les cas où la loi admet la preuve testimoniale. Or, il est bien constant, dans l'espèce, que la preuve testimoniale était inadmissible, puisqu'il n'existait aucun commencement de preuve par écrit.- Quant au dol et à la fraude, l'arrêt déclare lui-même que l'obligation a été acquittée. Ce n'est donc pas sur l'acte qui la contient qu'aurait porté la fraude, ce serait seulement sur la demande en délivrance d'une seconde grosse, par le motif qu'elle tendait à faire revivre l'obligation. Mais alors il n'y a plus lieu à appliquer les dispositions de l'art. 1353. Cependant l'arrêt suppose que le montant de l'obligation et des intérêts aurait été remis à Schmouck; et quoique rien ne justifie ce paiement, il s'appuie de présomptions simples pour mettre, non à la charge du débiteur, mais à la charge du créancier, l'obligation de représenter la grosse égarée. Il y a là une violation évidente des articles qu'on vient de citer.

Quant à la déclaration faite en justice par le notaire Schmouck, il y a lieu de s'étonner que la cour royale en ait argumenté. Cette déclaration est indivisible. Schmouck a dit avoir reçu de la veuve Cadell le montant de l'obligation et le lui avoir rendu. A-t-il par lá établi la libération de la veuve Cadell? Non, sans doute. Il faut donc abandonner cet aveu, dont la cour a voulu corroborer ses présomptions.

C'est en prêtant à l'arrêt attaqué un sens différent de celui qu'il présente réellement, disait le défendeur, qu'on peut lui reprocher toutes les violations dont on parle. Et d'abord, il n'a pas violé l'art. 1283: car il pose en fait que la grosse a été mise dans un état tel qu'elle ne pouvait plus servir de titre, c'est-à-dire qu'elle était revêtue d'une quittance. Ainsi, il n'a pas fait résulter la libération de la simple remise de la grosse, et il n'a pas nié le principe établi par l'art. 1283; mais il a consacré en fait l'existence

du paiement dont la réalité était prouvée par une quittance; 2° quant à l'art. 1319, qui attribue pleine foi à l'acte authentique, l'arrêt en a respecté les dispositions, puisqu'il déclare l'obligation solue et acquittée. Ce n'est donc pas la foi due à l'acte authentique qui est déniée par l'arrêt: il a seulement constaté en fait que l'obligation énoncée dans cet acte était éteinte ; 3 l'art. 1341, relatif à l'admission de la preuve testimoniale, n'a point été violé, car l'arrêt ne s'est nulle part appuyé sur le simple témoignage des personnes pour rejeter la demande dont il s'agit: il s'est appuyé sur une série de faits constans, sur des actes non contestés; 4° la violation de l'art. 1353 n'est pas mieux établie. Cet article permet aux magistrats d'admettre les présomptions simples dans tous les cas où la loi admet la preuve testimoniale, ou dans les cas de fraude et de dol.

Or, la preuve testimoniale est admissible, comme on le sait, lorsque le créancier a perdu le titre qui lui servait de preuve littérale, par suite d'un cas fortuit et résultant d'une force majeure (art. 1348, no 4). Dans l'espèce, le titre perdu était la grosse quittancée servant de preuve littérale du paiement de l'obligation. Ce titre ne fut pas retrouvé dans les papiers de la succession de Cadell père; ses enfans ne tardèrent même pas à apprendre qu'il avait passé dans les mains du mandataire d'Audiguier. C'était bien là un événement de force majeure et tout-à-fait indépendant de la volonté des héritiers Cadell. Mais ils allaient plus loin. Ils articulaient des faits de fraude; ils développaient les motifs particuliers de la disparition de la pièce, et signalaient des faits coupables. C'était bien là, et sous tous les rapports, la juste application des dispositions de l'art. 1323.

Les présomptions dont s'était aidé l'arrêt avaient donc moins pour but de prouver la libération que de prouver l'existence d'une quittance qui avait disparu. L'arrêt avait aperçu en outre un plan de fraude dont les enfans Cadell devaient être victimes, et il l'avait déjoué. Quant à l'argument tiré de l'indivisibilité de l'aveu judiciaire de Schmouck, on pouvait le regarder comme un motif inutile dans l'arrêt; mais il était loin d'atténuer la force des autres motifs qui l'avaient déterminé, et qui tous étaient l'application la plus sévère des princi

pes.'

DU 20 MARS 1826, arr. cour cass., ch. civ.; MM. Brisson, prés. Legonidec, rapp.; de Vatimesnil, av. gén. (Concl. conf.) Guibert et Beguin, av.

[ocr errors]
[ocr errors]

« LA COUR, Vu les art. 1315, 1319, 1341, 1353 et 1356, C. civ. ; Attendu que, suivant l'art. 1315, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation; Que, d'après l'art. 1319, l'acte authentique fait pleine foi de Pobligation qu'il contient entre les parties et leurs héritiers ou ayant-cause; que, par une suite, le créancier qui en a perdu la grosse pent en exiger une seconde, conformément à l'art. 844, C. procéd., à moins que le débiteur qui se prétend libéré ne justifie par des preuves légales que l'obligation est éteinte; Qu'il est reconnu constant, par l'arrêt attaqué, que l'acte dont Audiguier demandait une seconde grosse, contre les héritiers de Cadell, son débiteur, est en forme authentique ; qu'on ne pent, par conséquent, lui refuser la délivrance de cette grosse, à moins que l'extinction de l'obligation

ne soit légalement établie ; Que les héritiers Cadell ont prétendu et que l'arrêt a formellement jugé que l'obligation a été solue et acquittée; mais qu'ils n'ont produit et que l'arrêt n'a recueilli et constaté aucune preuve ou présomption légale de ce fait; qu'au contraire l'arrêt s'est uniquement fondé sur des présomptions quí n'étant point établies par la loi, sont non-rece vables, aux termes mêmes de l'art. 1353 du Code; Que, d'après la disposition expresse de cet article, les présomptions de cette nature ne peuvent être admises par les juges que dans le cas seulement où la loi admet la preuve testimoniale, à moins que l'acte ne soit attaqué pour cause de fraude; - Que les parties n'étaient dans aucun des cas où la loi admet la preuve testimoniale, et l'arrêt lui-même ne dit rien de contraire; Qu'elles n'étaient pas non plus dans le cas d'un acte attaqué pour cause de fraude, puisqu'il résulte de ses expressions que la fraude n'autorise à faire usage de ces sortes de présomptions que contre l'acte qui en est entache, et non contre des actes auxquels elle est étrangère, sans quoi ce serait admettre celui qui alléguerait à faire indirectement une preuve que la loi interdit de faire directement;

Que la fraude sur laquelle l'arrêt s'est fondé pour admettre la preuve de la libération par ce genre de présomption n'attaque point Pobligation en elle-même, mais la demande de la seconde grosse, sur le motif qu'elle tend à la faire revivre; qu'il suit de lá que la fraude prétendue tombe sur un acte postérieur au paiement allégué, et non sur le paiement lui-même et cependant c'est pour établir le paiement luimême que l'on a admis les présomptions de l'art. 1353; que, si l'on admettait un pareil principe, la foi due aux actes pourrait être arbitrairement éludée, toutes les fois que la grosse serait perdue, puisqu'il suffirait au débiteurde supposer que la seconde n'est demandée que pour faire revivre l'obligation, pour être admis à prouver sa libération par des présomptions que la loi désavoue, et cela, nonobstant la foi due à l'acte, et à quelque somme que la valeur put monter;-Qu'en cherchant enfin la preuve du paiement dans l'aveu judiciaire du sieur Schmouck, qui déclarait avoir reçu de la veuve Cadell la somme contenue en l'obligation, lors que l'arrêt lui-même atteste qu'il ajoutait lalui avoir rendue, avant de lui en avoir donné quil présomptions, a commis une contravention extance, l'arrêt attaqué, loin de corroborer les presse à la disposition de l'art. 1356, d'après le quel l'aven judiciaire ne peut être divisé contre celui qui l'a fait; Attendu qu'il résulte de tout ce qui précède qu'en admettant pour preuve de la libération alléguée par les héritiers Cadell de simples présomptions non autorisées par la loi, et en refusant, par suite, au sieur Audiguier une seconde grosse de l'obligation dont il s'agit, l'arrêt viole les lois ci-dessus citées, CASSE, etc. »

[blocks in formation]

intérêts par chaque volume non représenté; ordonne que les volumes représentés seront déposés au greffe pour y être lacérés et détruits, etc.>>

La suppression de l'ouvrage est la réparation | héritiers du dục d'Otrante 5 fr. de dommagesnécessaire du préjudice causé par celle violation. C. civ., art. 1382. LEROUGE C. HÉRITIERS FOUCHÉ D'OTRANTE. Le libraire Lerouge avait publié en 1824 un ouvrage ayant pour titre : Mémoires de Joseph Fouche, duc d'Otrante, ancien ministre de la police générale. O Ces mémoires étaient rédigés de manière à faire croire que Fouché lui-même en était l'auteur. Ses enfans s'étaient empressés de les désavouer; ils en avaient demandé la suppression, et avaient conclu à 50,000 fr. de dommages-intérêts, applicables aux pauvres de

Paris.

› Le tribunal civil de la Seine rendit le 5 janv. 1825 un jugement ainsi conçu : — « Le tribunal, attendu que Lerouge ne justifie pas que les mémoires qu'il a publiés sous le nom du feu duc d'Otrante soient réellement de ce dernier, quoique, sur le désaveu public des héritiers dudit feu due d'Otrante, il eût annoncé aussi publiquement qu'il en justifierait en justice;

Attendu que, si chacun a le droit d'écrire et de publier la vie d'un homme qui a joué dans les affaires publiques un rôle aussi important que le feu duc d'Otrante, il ne peut être permis à personne de le faire, comme dans les mémoires publiés par Lerouge, comparaitre lui-même devant le public pour y faire des aveux, exprimer des opinions dans lesquelles peut-être il n'a point persévéré, et rapporter des faits plus ou moins offensans pour sa mémoire et pour des tiers; qu'ainsi c'est encore contre toute espèce de droit que Lerouge s'est permis de publier les mémoires dont il s'agit;

» Attendu que les héritiers du feu duc d'Otrante sont fondés à se plaindre de l'abus que Lerouge a fait du nom de leur père, abus qui n'a pu être commis que dans l'espérance, en trompant le public, de se procurer un bénéfice plus certain et plus considérable; que de pareilles spéculations, qui tendent d'ailleurs à jeter le trouble dans la société, en réveillant et perpétuant les haines, doivent être sévèrement réprimées; que les héritiers du duc d'Otrante ont droit de demander pour réparation que les mémoires publiés par Lerouge soient supprimés, et que, faute par ledit Lerouge de représenter tous les exemplaires qui ont été tirés, il soit condamné à des dommages-intérêts proportionnés au bénéfice illicite qu'il aurait fait; que la valeur des exemplaires vendus excède de beaucoup la somme de 3,000 fr.; qu'en pareil cas la contrainte par corps est autorisée par la loi; qu'elle est requise, et que c'est d'autant plus le cas d'admettre cette voie de contrainte, que les dommages-intérêts demandés ne consistent qu'en une restitution de sommes indûment touchées par Lerouge,

[ocr errors]

Appel de la part du sieur Lerouge. Il soutenait, devant la cour, que les premiers juges s'étaient écartés de tous les principes en matière de désaveu. Les effets nécessaires du désaveu consistaient, dans l'espèce, à proclamer que le duc d'Otrante, auquel on attribuait les mémoires dont il s'agit, n'était réellement pas l'auteur de ces mémoires: c'était là son unique résultat. Mais aller jusqu'à la suppression de l'ouvrage et à une condamnation en dommages-intérêts, c'était évidemment excéder les limites comme la puissance de cette action. Pour pousser jusque là les condamnations, il aurait fallu qu'on eût eu à statuer sur une demande en revendication de la propriété de l'ouvrage, ou sur une action en diffamation. Dans le premier cas, sans doute, il y avait violation de propriété, et les conséquences nécessaires de cette violation était la restitution complète et efficace, dans les mains de la partie revendicante, de la propriété usurpée; par conséquent, la suppression de l'ouvrage, puisque c'était là l'unique manière de restituer la propriété dont il s'agit. Dans le second cas, la diffamation une fois proclamée, la conséquence naturelle était de faire disparaître en tout lieu la cause de ce tort fait à la réputation d'autrui ; et, dans les deux cas, des dommages-intérêts en réparation du tort causé étaient complètement motivés.

[ocr errors]

:

Abordant l'action même sur laquelle avaient statué les premiers juges, l'appelant trouvait leur décision dépourvue de fondement en effet, ils avaient vu un préjudice causé aux héritiers Fouché, dans la forme et dans le fond des mémoires dans la forme, en ce qu'ils étaient publiés sous son nom, qu'on le faisait intervenir et parler lui-même au public; dans le fond, en ce qu'ils étaient offensans et diffamatoires pour sa mémoire. Mais on s'était exactement tenu dans les limites du droit commun; la vie, le nom de Fouché, ses actes politiques, appartenaient à l'histoire; ils étaient tombés dans le domaine public; et chacun, ayant le droit de traiter la partie de nos annales où il avait figuré, avait aussi incontestablement le droit de parler de ce personnage, l'un des plus importans de cette époque. Du reste, la forme à l'aide de laquelle on mettait dans sa bouche des récits auxquels son nom seul pouvait donner de l'autorité n'avait rien de répréhensible; plusieurs auteurs l'avaient adoptée dans la rédaction de leurs mémoires, afin de les rendre plus dramatiques et plus propres à piquer la curiosité publique, sans jamais avoir encouru l'animadversion des lois. Au fond, il était impossible de statuer dans l'état actuel du procès; la question de diffamation n'avait été ni traitée ni instruite en première instance. Il fallait nécessairement, et avant toute chose articuler des faits précis de diffamation, les discuter contradictoirement, en un mot, suivre des règles ordinaires de la procé

:

» Donne acte aux héritiers du due d'Otrante de ce qu'ils désavouent formellement les mémoires publiés par Lerouge sous le nom de leur père; en conséquence, ordonne que tous les exemplaires imprimés de ces mémoires, ensemble les formes qui ont servi à leur impres-dure en cette matière; et rien de tout cela n'asion, seront supprimés; autorise en conséquence les héritiers d'Otrante à faire décomposer les formes et à faire saisir tous les exemplaires desdits mémoires qui existeraient entre les mains de Leronge, ou de tout autre qui les détiendrait pour son comple; condamne Lerouge à représenter, dans le mois, à compter de ce jour, tous les exemplaires qu'il en a fait tirer, sinon le condamme, et par corps, à payer aux

vait eu lieu les héritiers du duc d'Otrante s'étaient bornés à dire que les mémoires incriminés étaient offensans et diffamatoires pour leur auteur; et sans attendre ni ordonner qu'aucune discussion s'engageât à ce sujet, les premiers juges avaient prononcé qu'il y avait diffamation. Ainsi ils ne devaient pas ordonner la suppression de l'ouvrage, ni condamner l'appelant à des dommages-intérêts,

L'action en désaveu, répondaient les héritiers du duc d'Otrante, a précisément tous les effets que vous lui déniez. Si ses résultats immédiats et nécessaires n'étaient pas la suppression des mémoires par vous injurieusement publiés, et des dommages-intérêts pour chaque volume non représenté, la condamnation sur le désaveu serait illusoire. La plupart des lecteurs en France, et tous les lecteurs étrangers, continueraient à croire que les mémoires mis si scandaleusement sous le nom de Fouché étaient en effet son ouvrage. Qu'importerait à ses héritiers une condamnation qui ne remplirait en rien le but de toute condamnation, qui est la réparation d'un tort ou d'une injustice? Il est donc de toute nécessité d'arriver jusqu'à la suppression complète de l'ouvrage; et elle est d'autant plus commandée dans l'espèce, que le langage que l'on fait tenir à Fouché est celui d'un scélérat.

Sans doute, continuaient les intimés, nous avions aussi l'action en diffamation; mais si, dans la vue d'éviter d'affligeantes justifications dans une procédure où le diffamateur n'a rien à perdre, et la partie diffamée tant à souffrir, nous avons préféré la voie civile, il ne s'ensuit pas que les effets naturels de cette voie ne doivent être consacrés, et que, par suite, il n'y ait lieu à prononcer la suppression des mémoires dont il s'agit.

Quant aux dommages-intérêts, il fallait moins les considérer comme la réparation du préjudice causé à la mémoire du duc d'Otrante que comme le moyen le plus efficace d'arriver á la complète suppression des mémoires.

Le ministère public ne partageait pas le système des intimés sur les effets du désaveu. Selon lui, une condamnation pareille ne pouvait pas avoir des effets aussi éloignés que ceux de la suppression de l'ouvrage ; mais il voyait dans la publication des mémoires incriminés une violation de propriété de nom; et la réparation naturelle de cette violation consistait dans la suppression des mémoires, la représentation de tous les exemplaires, et des dommages-intérêts pour chaque volume non représenté.

DU 20 MARS 1826, arr. cour royale Paris, 2 ch.; MM. Cassini, prés.; d'Esparbės, conseiller auditeur, faisant fonctions subst.; Berryer fils et Dupin aîné, av.

« LA COUR; Considérant, en droit, que le nom des familles est leur propriété exclusive; qu'à chacun de leurs membres seulement appartient le droit d'attacher ce nom à des productions de l'esprit ou de l'art; - Considérant que l'emploi abusivement fait du nom d'autrui, par l'attribution mensongère d'un ouvrage, constitue aussi une violation de propriété, dont le préjudice ne peut être réparé que par la suppression de cet ouvrage, c'est-à-dire par la décomposition des formes d'impression et la représentation de tous les exemplaires ; Mais considérant que la condamnation à représenter tous les exemplaires imprimés serait illusoire si l'on ne fixait pas en même temps une somme à payer pour chaque exemplaire non représenté; Considérant, en fait, que Lerouge a publié, sous le nom du duc d'Otrante, des mémoires dont il ne justifie pas avoir acquis la propriété, et que les enfans d'Otrante déclarent ne point émaner de leur père, -MET les appellations au néan! ;- Ordonne que le jugement dont est appel sera exécuté, mais par les voies ordinaires de droit seulement, etc. »

COUR ROYALE DE BORDEAUX. (20 mars.) L'exception prise du défaut de paiement des frais fails au possessoire avant toute poursuite au petiloire est une exception purement dilatoire qui est couverte par une defense au fond, bien qu'en défendant au fond la partie ait déclaré se réserver celle exception (1). C. procéd., art. 173.

VEUVE DELASSALLE C. DELAVAU.

DU 20 MARS 1826, arr. cour royale Bordeaux, 1re ch.; MM. de Saget, prés.; Hervé et Chancel, av.

« LA COUR,- Attendu que l'exception prise soire, avant toutes poursuites au pétitoire, est du défaut de paiement des frais faits au possesune exception purement dilatoire; que toute exception de cette nature est couverte par la détion au jugement par défaut du 19 juill. 1824, fense au fond; que, dans sa requête en opposi

la dame veuve Delassalle s'est bornée à de simples réserves sur ce moyen, en défendant au fond; qu'il est contradictoire, et, par conséquent, insuffisant de défendre au fond en se réservant de faire valoir nne exception dilatoire, · REJETTE, etc. »

COUR ROYALE DE NANCY. (20 mars.)

D'après l'ancienne et la nouvelle législation c'est uniquement la hauteur des déversoirs qui détermine l'étendue des étangs, et les énoncialions relatives à la contenance ne peuvent constituer les droits des proprielaire d'un étang.

Un tribunal, en ordonnant une enquête dans une instance où une commune est partie, ne peut interdire d'appeler comme témoins les habitans de celle commune ou d'une au tre.

Bien que ces habitans puissent élre repro chés, leur déposition ne doit pas moins er reçue (2).

GAND ET MAGET C. COMMUNE DE LIQU VILLE.

20 MARS 1826, arr. cour royale Nancy, ch. civ.; MM. Breton, prés.; Chatillon, av.

« LA COUR,--Considérant que c'est uniquement la hauteur des déversoirs qui détermine velle législation; qu'ainsi les trente jours de l'étendue des étangs d'après l'ancienne et noucontenance énoncés dans l'adjudication de l'an tituer les droits des propriétaires de l'étang; V et la vente de thermid, an VI ne peuvent cons qu'il faut donc nécessairement se borner à rechercher, au moyen de la preuve testimoniale semelles des déversoirs anciens, si elles ont été et d'une expertise, quelle était la hauteur des changées, et à quelle époque; aussi que c'est à tort que le tribunal de premiére Considérant instauce de Saint-Mihiel a interdit d'appeler comme témoin aucun habitant de Liouville-et habitans peuvent être seulement reprochés, et de Broussais, puisqu'aux termes de la loi, ces

(1) Cet arrêt nous paraît avoir fait une très juste application de cette maxime Qui protestat nil agit. Carré, Lois procéd., no 758. V. Rennes, 11 sept. 1813; Bourges, 13 fév. 1829;

(2) V. Poitiers, 16 nov. 1826; Cass., 28 mai 1827, et Bourges, 20 juill. 1829.

que, même dans ce cas, leur déposition doit être reçue: Par ces motifs, ADMET la partie de Chatillon à la preuve testimoniale des faits suivans.....; Ordonne en outre que, par trois experts, l'étang sera visité, etc. »

COUR ROYALE DE RENNES, (20 mars.) L'acte qualifié donation entre vifs, dans lequel un père a manifesté la volonté, mais sans en faire une condition, que ses biens fussent partagés entre ses enfans, cumulalivement avec ceux de leur mère, et qui ne contient aucune division de biens, ne peut élre considéré comme un partage. L'assignation d'un lol privatif a chacun est de l'essence de tout parlage. L'art. 918, C. civ., est applicable aux actes porlant donation, à charge de rente viagère, aussi bien qu'à ceux qui sont qualifiés venles.

En d'autres termes, l'expression de biens aliénés, employée dans cet article, comprend également le cas des ventes et celui des donations expresses.

On doit ordonner nécessairement, en matière de partage, la formation d'autant de lots qu'il existe de co-parlageans, toutes les fois qu'il n'est pas appris que celle division soit impraticable, et il ne peut y être substitué un autre mode de parlage.

Lorsque plusieurs actions formées dans la méme instance, par des parties différentes, sont distincles, el ne peuvent donner lieu à compensation, l'une de ces actions est jugée en dernier ressort, si elle a pour objet moins de 1,000 fr., quoique, relativement aux autres, le jugement soit sujet à l'appel.

GUILLOU C. VEUVE GUILLOU.

Le sieur Guillou, devenu veuf, consentit à ses six enfans, le 17 avr. 1811, un acte notarié, lequel portait en substance, que voulant qu'ils partageassent son bien avec celui de leur mère, afin de faciliter les lots, il déclarait leur donner entre vifs, et dans la meilleure forme que donation pût valoir, les immeubles qu'il possédait et qui étaient détaillés dans l'acte), à charge par eux de lui payer une rente viagère. Postérieurement, il se remaria à l'âge de soixante-six ans, et eut des enfans de cette seconde union.

Après sa mort, les enfans du premier lit offrirent de rapporter les biens qui leur avaient été donnés, en ce qui excédait la quotité disponible. On prétendit, de la part des autres enfans, que le rapport du tout était dû. De là, contestation devant le tribunal de Saint-Brieuc, qui, par jugement du 17 août 1824, décida que l'acte du 17 avr. 1811 ne contenait point une libéralité, mais un simple partage, nul aux termes de l'art. 1078, C. civ.; qu'en outre, considéré même comme donation, il serait encore nul à l'égard d'un des enfans du premier lit, faute d'acceptation valable de sa part. Le tribunal de Saint-Brieuc rejeta en même temps la demande des enfans du premier mariage, d'un partage en deux lots, sauf des subdivisions ultérieures entre les enfans de chaque lit, et ordonna qu'il serait composé autant de loties en la forme ordinaire, qu'il existait de co-partageans (douze). Enfin, il adjugea à la veuve des reprises montant en principal à 574 fr., et pour le réglement de celles que réclamaient les en

[blocks in formation]

DU 20 MARS 1826, arr. cour royale Rennes, 1re ch.; MM. Dupont des Loges, 1er prés.; de la Hardrouyère, av. gen.; Richelot et Gaillard, av.

« LA COUR, Considérant que l'acte du 17 avr. 1811 ne peut être regardé que comme un partage fait par un père, en vertu de l'art. 1075, C. civ.; Que Jean Guillou y a bien manifesté le désir et même la volonté, mais sans en faire une condition, que ses biens fussent partagés entre ses enfans, cumulativement avec

ceux de leur mère, afin de rendre les allotissemens plus faciles et plus profitables aux co-partageans; mais qu'il n'a fait aucune distribution, aucune division de ses biens entre sesdits enfans, auxquels il n'a assigné aucun lot privatif à chacun opération nécessaire et de l'essence de tout partage; - Considérant que cet acte du 17 avr. renferme au contraire tous les caractères d'une véritable donation à des successibles en ligne directe, à charge de rente viagère; que ces sortes de donations, aux termes de l'art. 918, même Code, peuvent être faites et doivent avoir leur effet, quoique la clause de dispense de rapport ou de préciput et hors part, exigée dans les donations pures et simples et à titre gratuit, n'y ait pas été exprimée; Considérant que c'est ce qui résulte évidemment des expressions formelles dudit art. 918, qui porte que la valeur des biens aliénés à charge de rente viagère, sera imputée sur la portion disponible, » et que l'excédant seul sera rapporté »; — les termes biens aliénés doivent s'appliquer aux biens donnés comme aux biens vendus, puisque, par l'action de donner, on aliène l'objet donné, aussi bien que par la vente on aliène l'objet vendu; c'est-à-dire que l'on se dessaisit, que l'on se dépouille aussi entièrement de la chose donnée que de la chose vendue, en en transférant la propriété au donataire ou à l'acquéreur;

[ocr errors]

Que

Qu'il s'ensuit que l'acte du 17 avr. 1811 devant être considéré comme une donation faite par Jean Guillou père, à ses enfans, à charge d'une rente viagère, doit avoir conséquemment son effet, conformément audit art. 918, sauf réduction à la partie disponible; Considé

rant qu'il serait inutile et oiseux de s'occuper de la question de savoir si la donation d'avr. 1811 peut profiter à Antoine Guillou, l'un des donataires, et si son acceptation est valable et régulière, puisque, dans le cas même de la négative, cette donation ne devrait pas moins avoir son effet pour toute la portion disponible, et sans aucune diminution de quotité, au profit des cinq autres co- donataires dudit Antoine Guillou; que, conséquemment, les intimés sont sans intérêt dans la solution de cette question;

-

Sur la demande formée par les appelans du partage, après prélèvement, en deux loties, des biens de la succession du père commun: l'un pour les enfans du premier lit, l'autre pour les enfans du deuxième, Considérant que l'art. 831, C. civ., dispose formellement qu'il sera formé autant de lots égaux qu'il y a d'héritier partageans; qu'il n'est nullement appris et constaté que les biens dépendant de la succession de Jean Guillou ne puissent pas être divisés, conformément à cette disposition précise de la loi ; Relativement à l'appel dirigé contre Jacquette Touletan, en privé nom, - Considérant que la demande formée par cette veuve, pour reprises et habits de deuil, avait été déterminée par elle et fixée à une somme de

« PrécédentContinuer »