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Le sieur H., marchand et commissionnaire à Bruxelles, avait demandé et obtenu la permission de transporter de cette dernière ville à Rousselare, un baril contenant cinquante livres de poudre à tirer. La permission portait que le transport se ferait par le voiturier Peeters ; mais au lieu d'en charger celui-ci, le sieur H. remit le baril au sieur Sébastien D., commissionnaire de roulage, qui le fit transporter sur une de ses voitures. Il résulta de lá que les mesures de précaution, prises par la police de Gand pour éviter tous malheurs lors du transport de cette poudre par la ville, furent éludées, et que la poudre y fut introduite, déchargée et rechargée sur une autre voiture, sans que la police, qui attendit en vain la voiture de Peeters, en eût la moindre connaissance.

Un procès-verbal fut alors dressé à charge des sieurs H. et D., et tous deux furent traduits devant le tribunal correctionnel de Gand, qui, par jugement du 5 nov. 1825, les condamna l'un et l'autre à une amende de 1,000 fr., en vertu de l'art. 8, arrêté 21 mars 1815, pour ne s'être pas conformés à ce que prescrivait la permission dont il a été parlé.

Les sieurs H. et D. ayant interjeté appel de ce jugement, le premier soutint que l'art. 8 dont on lui avait fait l'application, n'était point applicable à l'espèce, attendu qu'il est indifférent que le transport se fasse par tel voiturier plutôt que par tel autre, et que les instructions auxquelles ce même article prescrit de se conformer strictement, sous peine d'une amende de 1,000 f., ne peuvent s'entendre de l'indication du voiturier; que, dans tous les cas, il aurait fallu, pour qu'il put y avoir lieu à l'application de cet article, que le défaut de se conformer aux instructions reçues eût eu pour objet de frauder, ce qui n'avait été ni prouvé, ni même allégué, et que tout, au contraire, démontrait qu'on avait agi de bonne foi.

Quant au sieur D., il prétendit que la manière dont est conçu le même art. 8, faisait clairement voir que ces dispositions n'étaient applicables qu'à celui qui faisait ou faisait faire le transport, et non au voiturier qui avait uniquement prêté sa voiture et qui devait seulement s'assurer s'il existait une permission, sans devoir s'enquérir des conditions sous lesquelles elle avait été accordée.

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« LA COUR,-En ce qui concerne le prévenu H., Attendu qu'il est bien vrai qu'il était muni d'une permission en due forme pour faire transporter de la poudre; mais qu'il ne s'est point conformé aux instructions que renfermait cette permission, puisqu'au lieu de faire faire le transport par le voiturier Peeters, comme le portait la permission, il l'a fait effectuer par le voiturier Mathieu; - Attendu que cette circonstance n'est pas aussi insignifiante que le prévenu veut bien le faire croire, mais qu'elle est au contraire d'une nature très grave, puisqu'à son défaut toute la surveillance de la police à l'égard du transport devient illusoire, ainsi que le cas actuel ne l'a que trop fait voir, yu que la voiture sur laquelle la poudre était chargée, est entrée dans la ville de Gand sans aucune précaution, et à l'insu de la police, et que la même poudre y a été déchargée et rechargée sur une autre voiture, sans que le commissaire de police, qui devait la surveiller, en ait eu la moindre connaissance, bien qu'il eût, pendant la plus grande partie du jour, attendu à la porte de la ville le chariot du voiturier Peeters;-Attendu qu'en appel le prévenu est resté pleinement convaincu d'avoir fait transporter le baril de poudre de cinquante livres ; de tout quoi il suit que c'est avec droit qu'il a êté condamné par le premier juge à l'amende portée par l'art. 8, arrêté 21 mars 1815; - - En ce qui concerne le prévenu D., Attendu que c'est à l'aide de sa voiture et par son voiturier que la poudre dont il s'agit a été transportée ;

Qu'il savait avoir ce chargement de poudre, ainsi que le prouve la lettre de voiture, produite par lui-même; qu'en conséquence il doit être considéré comme ayant été l'auteur du transport illégal, ou comme s'en étant au moins rendu sciemment complice par coopération; d'où il suit que c'est aussi avec fondement qu'il a été condamné à l'amende prémentionnée :Par ces motifs, MET l'appel au néant, etc. »

COUR DE CASSATION. (16 janvier.) La nullité absolue d'un premier mariage exclut nécessairement l'accusation de bigamie par suile d'un mariage subsequent (1). C. pén., art. 340.

L'individu accusé de bigamie pour avoir contracté un troisième mariage avant la dissolution du second, est recevable à opposer la nullité de ce second mariage, résultant de ce qu'il aurail lui-même élé contraclé avant la dissolution du premier. C. civ., art. 147 et 184.

Celle nullile forme une exception préjudicielle qui nécessile le renvoi devant les tribunaux civils seuls compétens pour y statuer (2). C. inst. crim., art. 3; C. civ., art. 189.

(1) Proposition incontestable. V. conf. Merlin, Rep., yo Bigamie, no 2.

1

(2) Le procureur général Merlin (Rép., vo Bigamie, no 2) avait professé la même opinion dans un réquisitoire dont on trouvera l'analyse en tête de l'arrêt du 8 août 1811, aff. Billecart. Mangin (Traité de l'action publique, t. 1, p. 462, no 194), peu satisfait des raisons déduites par ce magistrat, s'attache à les réfuter; puis, après avoir invoque l'art. 189, C. civ., qui veut que si les nouveaux époux opposent la nul

à une action de bigamie, et Moureau avait pu valablement épouser Julienne Joubert sa dernière femme. La chambre d'accusation devait, au surplus, s'abstenir de prononeer jusqu'à ce que les juges civils eussent statué sur la validité ou sur la nullité de ce second máriage.

Néanmoins, les nullités n'ayant point lieu de plein droit lorsque l'accusé n'a proposé aucune exception, l'arrêt de renvoi aux assises ne peut pas être cassé sur le motif que la cour aurait dù la suppléer d'office et s'abstenir de statuer sur la mise en accusalion jusqu'au jugement de la question préjudicielle par les tribunaux civils (1). Un accusé de bigamie est recevable à proposer pour la première fois devant la cour d'assises la nullité du mariage qui n'élait pas encore dissous, quand il en a contracté un nouveau (2).

DU 16 JANV. 1826, arr. cour cass., sect. crim.; MM. Portalis, prés.; Ollivier, rapp.; de Vatimesnil, av. gén,; Guillemin, av.

LA COUR (après partage (1) et après délibéré en la chambre du conseil), -— Attendu que si la nullité absolue d'un premier mariage exclut nécessairement l'accusation de bigamie par suite d'un mariage subséquent, puisqu'en ce cas il n'existe qu'un seul mariage; et s'il ne pouvait y avoir lieu, au nom de la société, de poursuivre la violation du lien d'un mariage préexistant, puisque ce mariage n'existerait pas : que si, dans l'espèce, il paraît résulter d'actes au

VINCENT MOUREAU C. MINIstère public. Au mois de fructid. an VI, Moureau épousa à Paris la veuve Deschamps. Le 22 brum. an VIII, pendant qu'il était encore dans les liens du premier mariage, il épousa à Ancône Julie Chappuys. En 1810, décès de la veuve Deschamps, sa première femme. Enfin, le 20 janv. 1823, il épousa à Paris Julienne Joubert.- Julie Chap-thentiques, mis sous les yeux de la chambre puys, instruite de ce mariage, porta plainte en bigamie.

La chambre d'accusation de la cour de Paris déclara que le premier fait de bigamie, résultant du mariage de Moureau avec Julie Chappuys, pendant qu'il était encore marié avec la veuve Deschamps, était prescrit. Quant au second fait de bigamie, qui résultait du mariage de Moureau avec Julienne Joubert, le mariage précédent avec ladite Julie Chappuys subsistant toujours jusqu'à ce qu'il fût annulé, elle le qualifia de crime, et renvoya Moureau devant la cour d'assises pour fait de bigamie.

Moureau se pourvut en cassation contre cet arrêt. Il se fonda sur la nullité de son second mariage, qui avait été contracté pendant l'existance du premier. Cette nullité, disait-il, était d'ordre public. L'existence de son mariage avec Julie Chappuys étant donc impossible aux yeux de la loi, ce mariage ne pouvait servir de base

lité du premier mariage la validité ou la nullité de ce mariage soit jugée préalablement, il soutient la même thèse en ces termes : « Pourquoi n'en serait-il pas ainsi quand, au lieu d'être défendeur à une action civile, l'époux est défendeur à une action criminelle? Pourquoi, dans ce dernier cas, la même exception perdrait-elle le caractère de question préjudicielle principale que la loi lui a attaché, et ne deviendrait-elle qu'un simple incident inséparable de l'action à laquelle il se rattache et devant être jugé en même temps qu'elle ? Si le juge criminel peut connaitre des questions de droit civil, c'est dans les mêmes limites de compétence et sous les mêmes conditions que le juge civil; si celui-ci doit s'abstenir de statuer sur l'exception, parce qu'elle ne peut être décidée que par la voie d'une demande principale, le juge criminel doit procéder par les mêmes règles et prononcer le renvoi. » Ces réflexions ne laissent rien à désirer. V. Toullier, Droit civil, t. 9, p. 253, n° 152; Carnot, sur l'art. 340, C. pén., t. 2, p. 137, n° 2, et Bourguignon, Jurisp. des Codes criminels, art. 3, C. inst. crim., t. 1, p. 39.

(1) V. conf. Mangin, Traité de l'action publique, t. 1er, p. 472, no 195.

(2) V. conf. Mangin, Traité de l'action publique, t. 1, p. 488, no 198. Mais il ne faut pas conclure de là que la cour d'assises ou le jury aient le droit de statuer sur la nullité du premier mariage. La question ne cesse pas d'ètre prejudicielle. La competence des juridictions est toujours la même. Il y a donc également lieu au renvoi devant la juridiction civile, comme on en trouve un exemple dans l'espèce de l'arrêt du 25 juill. 1811, aff. Barbier.

Que

d'accusation, que le demandeur, lorsqu'il a contracté mariage avec Julie Chappuys, était dans les liens d'un premier mariage contracté avec Victoire-Sophie Bailleux, veuve Descamps; et si, dès-lors, ce second mariage aurait pu être déclaré nul, d'une nullité absolue; et si le demandeur était recevable à faire valoir cette nullité, puisqu'aux termes de l'art. 184, C. civ.. les époux eux-mêmes pourraient attaquer les mariages contractés en contravention à l'art. 147, même Code, c'est-à-dire le mariage contracté avant la dissolution du premier :-Il n'est pas moins constant que les lois du royaume ne reconnaissent point de nullités de plein droit ; que les nullité de mariage doivent, aux termes des art. 184, 188 et 189, C. civ., être portées devant les tribunaux civils, et ne peuvent être déclarées et prononcées que par eux; dès-lors, tant qu'un mariage n'a pas été annulé par les juges compétens, il est réputé subsistant; Que, dans l'espèce, la nullité du premier mariage contracté entre le demandeur et Julie Chappuys n'a point été prononcée; Qu'aucun renvoi pour faire prononcer préjudiciellement, par les juges compétens, sur cette nullité, n'a été demandé devant la chambre d'accusation; qu'elle a dû statuer dans l'état des faits soumis à son examen; nullité qui pourra être proposée utilement par Que l'exception de le demandeur devant la cour d'assises, ne peut l'être devant la cour de cassation, qui ne doit statuer que sur l'observation des formes prescrites par les lois et sur la juste application de leurs dispositions ; d'où il suit que l'arrêt attaqué a pu décider que le fait dont le demandeur était prévenu était qualifié crime par la loi, sans violer l'art. 340, C. pén. ; d'ailleurs, l'audition du ministère public, le Attendu, l'arrêt attaqué, et la régularité de cet arrêt nombre légal de juges également constaté par

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(1) Carnot (sur l'art. 340, C. pén., t. 2, p. 138, n° 2) dit, à l'occasion de cet arrêt, qu'il ne peut pas y avoir partage en matière criminelle, et que l'avis le plus favorable à l'accusé doit prévaloir; mais Mangin (loco cit., p. 467, n° 194, note 2) fait remarquer que, d'après une note de M. le conseiller Buss chop, le partage portait sur la question de compé tence qui ne peut pas être résolue par le principa ci-dessus. V. conf. Bourges, 11 juill. 1827, aff. De beize. V. aussi Carnot, sur l'art. 133, G. inst crim., t. 1er, p. 520, no 3.

dans la forme REJETTE le pourvoi de Joseph-Charles-Vincent Moureau envers envers l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour royale de Paris du 21 oct. dernier, qui le renvoie en état de mise en accusation de bigamie devant la cour d'assises du département de la Seine, etc. »

COUR DE CASSATION. (16 janvier.) Blanc-scing. Abus.

(V. 14 janv. 1826, aff. Ballet.)

COUR DE CASSATION. (16 janvier.) L'action en complainte est-elle recevable de la part d'un créancier qui a élé troublé dans la jouissance d'un droil réel, contre le prétendu débiteur de ce droit, qui nie le devoir? West-elle recevable que de la part d'un créancier qui se plaint du trouble contre un autre individu qui se prétend aussi créancier du même débiteur, qui ne nie pas devoir (1)?

Un droit de complainte est-il un droit réel, susceptible de l'action possessoire (2) ? L'arrêt qui décide la negativene viole aucune loi et ne peut encourir la cassation (3).

ISLE-BEAUCHÈNE C. BOURDAISEAU.

En 1821, le sieur Isle-Beauchêne a fait citer le sieur Bourdaiseau devant le juge de paix du canton de Pouzanges, pour être condamné à lui payer et servir un droit de complant, à raison de sept et demi de la vendange sur deux journaux de vigne, situés au domaine de la Garenne, et un demi-journal au domaine de la Gaze, qu'il possédait, et pour être maintenu en possession et jouissance de ce droit de complant, qui, selon lui, n'avait cessé d'être servi jusqu'aux vendanges lors dernières de 1820, et enfin pour que le sieur Bourdaiseau fût condamné à passer titre nouvel.

Le sieur Bourdaiseau paraît avoir contesté la possession alléguée. Nous disons paraît, parce que le jugement intervenu ne dit pas précisément quelle a été sa défense.

Quoi qu'il en soit, ce jugement, rendu le 16 oct. 1821, a autorisé Beauchène à faire preuve par témoins du service du complant réclamé; et, le 23 du même mois, après l'audition de deux témoins, un second jugement contradictoire a maintenu Beauchene dans la possession du droit de complant, et a condamné Bourdaiseau à le payer et servir à l'avenir.

Appel de la part de Bourdaiseau. Tout annonce qu'il a opposé une nouvelle exception, celle que la demande d'une prestation à titre de complant n'était pas susceptible d'être formée contre le débiteur prétendu, par la voie de la complainte possessoire. En effet, en inter

(1-2) Ces questions n'ont pas été résolues, mais elles ont été examinées par le magistrat qui a fait le rapport dans cette affaire.

(3) V. conf. Cass., 11 fév. 1833; - Aulanier, p. 86, no 75; Caron, Principes des actions possessoires, no 354, et Bioche et Goujet, Dict. de proc., vo Action possessoire, no 62. Caron dit que les colons & complant devraient avoir entre eux l'action possessoife pour repousser le trouble apporté par l'un dent à la libre possession dans la part qui leur auralt été assignée V., sur le bail a complant, Dupare-Ponitain, t. 8, p. 40, he 1+r

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jetant appel du jugement définitif, Bourdaiseau a appelé aussi de l'interlocutoire qui avait autorisé. Isle-Beauchêne à faire, par témoins, preuve de sa possession ; et l'on ne saurait ren' dre raison de cet appel particulier, si Bourdaiseau n'avait pas prétendu que la matière n'était pas susceptible d'être décidée par la preuve testimoniale. D'ailleurs, dans les conclusions par lui prises en appel, on lit qu'il demande que le tribunal déclare qu'il a été nullement et incompétemment jugé.

Jugement du tribunal de Fontenay, qui statue en ces termes : « Considérant que les immeubles et les droits réels sont seuls susceptibles de donner lieu à l'action possessoire; que les droits du complant en question ne peuvent être rangés sous la classe des droits réels, et qu'au surplus, le jugement dont est appel, en condamnant Bourdaiseau à payer et servir à l'avenir le droit de complant réclamé par IsleBeauchêne, a même jugé au pétitoire, et encore outrepassé ses pouvoirs; en conséquence, dit qu'il a été nullement et incompétemment jugé par le jugement dont est appel. »

Pourvoi en cassation par Isle-Beauchêne. Il a soutenu que le droit de complant était un droit réel, susceptible de l'action possessoire, et que le jugement qui avait décidé le contraire devait être cassé. En effet, a-t-il dit, il existe une grande différence entre le bail à renté foncière et le bail à complant. Le premier transfère entièrement la propriété du terrain arrenté au preneur (1); le second, c'est-à-dire le bail à complant, au contraire, était moins une aliénation de la propriété de la part du bailleur qu'un contrat de locatairie perpétuelle, tellement qu'à défaut de paiement de la prestation convenue, le bailleur pouvait, de plaño, réunir cette chose à son domaine et en priver le preneur (2); et c'est parce que la propriété du domaine donné à complant ne cesse pas d'appartenir au bailleur, que, dans l'espèce, les bailleurs ont toujours acquitté et acquittent encore aujourd'hui la contribution foncière due par les héritages donnés à complant, et qu'ils sont inscrits sur les rôles de cette contribution. Au reste, le principe dont il s'agit a été formellement reconnu par un avis du conseil d'état, du 4 thermid. an VIII, inséré au Bulletin des lois. Si donc le bailleur resté toujours proprié→ taire du fonds donné à complant, il en résulte que le droit de complant est un droit réel, et que le propriétaire qui est troublé dans la jouis sance de ce droit peut employer l'action possessoire pour se la faire conserver (3). 15)

« Vous examinerez, a dit M. le conseiller rapporteur, le mérite de ce système, qui semblerait conduire à donner l'action en complainte possessoire au fermier contre son propriétaire. Mais, pour vous mettre dans le cas de l'apprécier par rapport à l'affaire qui vous est soumise, je crois à propos de rappeler quelles ont été et quelles sont les opinions des jurisconsultes, et quelle est la jurisprudence, sur la question de savoir quand celui qui se prétend créancier d'une rente, et qui se dit troublé dans la jouis

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sance de cette rente, peut se pourvoir en complainte possessoire.

»Vous savez que la loi du 24 août 1790 donne aux juges de paix la connaissance des déplacemens de bornes, des usurpations de terre, des entreprises sur les cours d'eau, commises dans l'année, et de toutes autres actions possessoires, mais sans en indiquer aucune.

L'ord. de 1667, laquelle on a continué de recourir, pour connaître quand il y a lieu à l'action possessoire, porte, tit. 18, art. 1er, « Si » aucun est troublé en la possession d'un héri»tage ou droit réel qu'il possédait publique»ment, il peut, dans l'année du trouble, former » complainte. >>

» Sous cette ordonnance, les rentes foncières étaient, sans aucune contestation, mises au nombre des droits réels. Mais dans le trouble que disait éprouver dans sa jouissance le prétendu créancier de semblable rente, on dislinguait entre le cas où, le débiteur de la rente convenant la devoir, la contestation s'élevait entre deux contendans qui s'en disputaient la propriété et la jouissance, et le cas où la question était concentrée entre celui qui se prétendait créancier d'une rente foncière et celui qu'il attaquait comme débiteur de la rente, lequel contestait la devoir. Au premier cas, tout le monde convenait qu'il y avait lieu à la complainte possessoire, et que celui qui prouvait sa possession annale devait être maintenu dans sa possession, et recevoir la rente de son débiteur. En effet, la rente existant, la dette de cette rente étant reconnue par le débiteur, il était naturel qu'elle eût été possédée; la possession, objet du combat entre les contendans, n'était qu'un fait à vérifier par la voie admise en cette matière, et il était juste de maintenir provisoirement le possesseur annal.

» Mais quand il ne s'agissait pas du combat de possession, entre deux contendans, d'une rente dont la dette était reconnue, mais bien de la prétention d'un homme qui alléguait être créancier d'une rente foncière sur celui qu'il en disait être son débiteur, lequel niait la devoir, alors il n'y avait plus à examiner les droits des deux contendans à la possession qui devait ètre adjugée à l'un d'eux, et à celui qui prouverait par témoins le fait de sa possession annale; mais peut-être il y avait à juger si la rente était due par le défendeur au demandeur. Or la différence entre ces deux cas est facile à sentir.

M. Henrion rappelle cette question dans son Traite des justices de paix, chap. 43, Si, dit-il, » le propriétaire d'un héritage grevé d'un droit » de champart refuse d'en continuer le paiement, > celui qui l'a perçu pendant les années précé» dentes peut-il, par la voie de la complainte » possessoire, demander à être maintenu dans » sa possession? » M. Henrion cite deux arrêts, l'un du 5 mars 1718, rendu par la grand'chambre du parlement de Paris, et dont il rapporte l'espèce; l'autre, du 27 janv. 1737, rendu par le même parlement.

» Je serais tenté de croire que c'est celui rapporté par les éditeurs du Nouveau Denisart (yo Complainte, no 4). Il est à remarquer que, dans les espèces de ces deux arrêts, il s'agissait de droits seigneuriaux, et que, ni dans l'une ni dans l'autre, la possession des seigneurs n'était contestée. Quoi qu'il en soit, il est vrai, comme le dit M. Henrion, qu'ils ont jugé que la maintenue possessoire pouvait être accordée, encore bien qu'il ne s'agit pas d'un combat de posses

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sion entre deux contendans, mais d'une complainte dirigée, par celui qui se disait créancier, contre des communes qui contestaient la créance.

» Mais je dois dire que les auteurs de l'Aneien Repertoire, qui rapportent (v° Complainte) le premier arrêt cité par M. Henrion, font suivre leur relation du passage suivant: « Quel» que précise que soit la décision de cet arrêt, » quelque respect qu'il mérite, il faut cependant » convenir que la question peut encore faire dif»ficulté. En effet, si on jette les yeux sur les anciens monumens de notre jurisprudence, on voit que, dans les temps de Charles V et Charles VI, la complainte n'était jamais admise entre le seigneur et ses vassaux : c'est ce que nous atteste M. Desmares, (décis. 323, et Joannes Gallus (quest. 349). On lit dans l'ancien style de la cour: Et ideo dicitur in gallico: Entre le sei»gneur et le vassal il n'y a point de nouvelleté.» C'est également la décision de Dumoulin, sur la cout. de Paris (§ 1er, Gloss. 4, no 44.) « La » complainte, dit-it, ne peut jamais avoir lieu » entre le seigneur et ses vassaux : Interdictum »uli possidetis, nunquam habet locum quando sub» ditus contradicit superiori,» On peut voir aussi Papon (liv. 8, tit. 4). Les mêmes auteurs citent un arrêt conforme du 15 sept. 1534.

» Je dirai encore que l'art. 98, cout. Paris, posait que, quand aucun a joui et possédé » aucune rente, et icelle prise et perçue sur >> aucun héritage auparavant et depuis dix ans, » s'il est troublé et empêché en la possession et »jouissance d'icelle, il peut intenter et pour» suivre le cas de simple saisine personnelle, et » jouissance d'icelle, contre celui ou ceux qui » l'ont ainsi troublé, et requérir être remis en » la possession en laquelle il était aupara

»vant. »

Bourjon, sur cet article (p. 511, no 25), dit : « : « La qualité d'immeuble légal suffit pour » que l'on puisse intenter l'action en complainte » (si on est troublé dans la jouissance d'une » rente foncière) contre les tiers qui ont fait le >> trouble, et non contre un prétendu débiteur, >> contre lequel une simple jouissance de posses»sion ne peut équipoller à un titre qui n'existe » pas. » La coutume le dit expressément, art. 98. On le juge ainsi au châtelet. Duplessis (des Actions, p. 598 et 599) dit qu'il trouve une grande absurdité en la disposition de la coutume. Il aurait raison si cette règle s'appliquait contre un prétendu débiteur de la rente; mais elle ne s'applique que contre celui qui prétend avoir droit à icelle, en faveur de celui qui en a joui pendant an et jour, et lorsque le débiteur convient devoir la rente. Ainsi, ce n'est pas à l'égard de ce dernier que la complainte a lieu. Il serait vrai, en ce cas, de dire que l'action en complainte serait absurde.

> En voilà sans doute assez pour vous mettre en état de prononcer, si vous croyez être obligé de le faire, sur la question de savoir si la complainte est recevable de la part du créancier qui réclame contre un prétendu débiteur qui nie devoir. »

DU 16 JANV. 1826, arr, cour cass., sect. civ.; MM. Brisson, prés.; Gandon, rapp.; de Marchangy, av. gén. (Concl. conf.) — Granger, av.

« LA COUR (après délibéré en la chambre du conseil), Donnant défaut contre Joseph Bourdaiseau, défendeur, et jugeant le profit dudit défaut, Attendu que le tribunal de Fontenayle-Comte a jugé que la prestation réclamée par

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COUR ROYALE DE BOURGES. (16 janvier.) La nullité d'un jugement résultant de ce qu'il ne contient pas de motifs, est d'ordre public: elle peut être proposée en tout état de cause el même être suppléée d'office (1). C. procéd., art. 141; L. 20 avr. 1810, art. 7. L'un des co-propriélaires d'un terrain indivis ne peul, avant le partage et malgré les autres, élever des constructions sur ce lerrain (2).

Toutefois, si, par l'événement du partage à faire, la portion sur laquelle les construclions existent, peul revenir à celui qui a construil, les juges peuvent ne pas ordonner la destruction, mais le parlage.

JACOB C. JACOB.

En faisant leur partage, en 1811, les enfans Jacob avaient laissé indivis entre eux un petit terrain sis derrière leurs bâtimens, en assignant toutefois la part qui revenait à chacun d'eux dans la totalité.

En nov. 1821, Jean Jacob, propriétaire de deux cinquièmes de ce terrain, commença une petite construction sur la partie touchant ses bâtimens.

Le 14 nov., Léonard Jacob et les époux Merle lui firent sommation de cesser ses travaux et enlever ses matériaux, se fondant sur l'indivision du terrain, et sur ce qu'avant le partage, nul n'avait le droit de s'emparer exclusivement d'aucune partie, d'autant mieux que la destination de ce terrain était de servir d'aisance à tous les bâtimens des parties.

Jean Jacob ne tint aucun compte de cette opposition, et continua sa construction. Alors il fut assigné devant le tribunal de Clamecy en démolition de son bâtiment.

Dans le cours de la procédure, Jean Jacob signifie des écritures dans lesquelles il prétend que la portion sur laquelle il a bâti, n'excède pas les deux cinquièmes qui lui appartiennent dans le terrain, et il demande acte de ce qu'il consent que tout le reste de ce terrain appartienne aux autres enfans Jacob, à son exclusion.

Subsidiairement, il conclut à ce que, avant faire droit, il soit procédé au partage du terrain pour lui en attribuer les deux cinquièmes, pour être ensuite statué ce qu'il appartiendra.

Les demandeurs soutiennent au contraire que Jean Jacob a excédé, dans sa construction, les deux cinquièmes du terrain, et qu'il n'y a pas lieu à procéder au partage.

Dans cet état de choses, jugement contradictoire du 24 juill. 1823, qui, sans donner de mo

(1) V. conf. Orléans, 9 mai 1819, et la note.that (2) V Merlin, Rép., vo Indivis, et Pardessus, Servitudes, no 192. V. cependant Cass., 6 fév. 1822.

tifs, renvoie les parties à procéder au partage, conformément à la loi.

Le 28 nov. 1823, appel par Léonard Jacob et les époux Merle. Ils soutiennent 1° que le jugement du 24 juill. 1823 était nul, comme ne contenant pas de motifs sur la demande principale, qui tendait à la démolition de la construction de Jean Jacob; que cette nullité étant d'ordre public, pouvait être proposée, quoique dans l'acte d'appel on se fût borné à conclure au fond; qu'aux termes de droit, la chose indivise est tout entière à tous, et qu'aucune partie n'est à la disposition exclusive de l'un des co-propriétaires; que, dans l'espèce, Jean Jacob ayant continué sa construction malgré l'opposition des autres enfans Jacob, il avait commis une véritable voie de fait, qui, avant tout, devait être réprimée, suivant la maxime Spoliatus antè omnia restituendus.

Pour Jean Jacob, on répond: 1o Les appelans ne peuvent plus invoquer aujourd'hui la prétendue nullité qu'ils reprochent au jugement du 24 juill., puisque, dans leur exploit d'appel, ils ont conclu au fond. Le jugement est un simple avant faire droit, pour lequel les juges ont pu se dispenser de donner des motifs. L'ordre public n'est nullement intéressé à ce que, dans ce cas, le juge fasse connaître pourquoi il prend telle mesure préalable qu'il juge utile pour éclairer sa religion; au fond, il revient à Jean Jacob deux cinquièmes du terrain; il n'a pris que cette quantité pour sa construction; il a choisi la portion qui touche ses bâtimens, et qui, dans le partage qu'il a le droit de demander, lui serait attribuée ; il n'a donc fait aucun tort aux autres co-propriétaires. Le droit de ceux-ci ne peut pas aller jusqu'à faire démolir un bâtiment qui, quelques jours après, lorsque le partage sera fait, pourrait être construit à la même place. La justice doit concilier les droits de tous, et la seule mesure qui, dans la cause, peut remplir ce but, est le partage ordonné par les premiers juges.

DU 16 JANV. 1826, arr. cour royale Bourges, 1re ch.; MM. Sallé, 1er prés.; Pascaud, av. gén.; Chénon aîné et Fravaton, av.

« LA COUR, Considérant, sur la première question, que le jugement ne contient aucun motif sur la question principale et manque ainsi d'un des caractères qui le constitue; que dès-lors il est nul; Qu'en vain, on objecte que l'acte d'appel contient des conclusions qui ne tendent qu'à son infirmation et non à la nullité; que la nulité dont il s'agit ici est d'ordre public; qu'elle peut être proposée en tout état de cause, et même suppléée d'office par les tribunaux ; Considérant, sur la deuxième question, que le terrain placé entre les bâtimens des parties, quoique la portion pour chacune d'elles soit déterminée quant à l'étendue, n'en est pas moins indivis entre elles; que dès-lors, et jusqu'au partage, le tout leur appartient en commun, et qu'aucune d'elles ne peut s'en approprier la moindre partie; qu'ainsi, Jean Jacob est évidemment coupable d'en avoir pris une partie, et d'y avoir fait bâtir, malgré l'opposition des appelans, consignée dans l'acte du 14 sept. 1821, quand les travaux commençaient;

Que la cour pourrait sans doute en ordonner la démolition, mais que, par l'événement du partage à faire, la portion sur laquelle la construction a été faite reviendra sans doute à Jean Jacob, l'intention comme l'intérêt des parties devant être de faire un partage par attribution,

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