Images de page
PDF
ePub

des avances sur les marchandises consignées, encore qu'il n'ait pas payé les traites à leur échéance, attendu son état de faillile, et, par suite, le commellant est non-recevable à revendiquer les marchandises consignées, si, n'ayant pas acquillé les lettres de change, il n'a pas ainsi rendu l'actif de la faillite indemne des avances faites par le consignalaire failli. C. comm., art. 93 et 579.

SYNDICS LESEIGNEUR-ALEXANDRE

C. SYNDICS PICARD.

Les sieurs Picard frères (de Rouen) avaient reçu en consignation des marchandises qui leur avaient été expédiées au Havre par les sieurs Leseigneur-Alexandre. Ceux-ci tirèrent sur les consignataires des lettres de change, qui furent acceptées, qu'ils négocièrent ensuite, et dont ils touchèrent le montant.

Avant l'échéance des traites, les sieurs Picard, accepteurs, sont tombés en faillite. Peu dé temps après, les sieurs Leseigneur-Alexandre ont aussi déposé leur bilan.

En nov. 1824, les syndics de la faillite Leseigneur-Alexandre citent, devant le tribunal de commerce de Rouen, les syndics des sieurs Picard, pour voir déclarer qu'ils seront autorisés à revendiquer les marchandises expédiées à ces derniers, d'après l'art. 581, C. comm.

Les défendeurs répondent que la revendication n'est pas admissible, parce que les demandeurs n'offrent point de payer le montant des traites acceptées par les sieurs Picard, consignataires, et qu'aux termes de l'art. 570, en cas de revendication, le revendiquant est tenu de rendre l'actif du failli, indemne de toute avance faite pour fret, voiture ou commission, et de payer les sommes dues pour mêmes causes, si elles n'ont pas été acquittées; qu'il y a donc lieu d'ordonner que les marchandises consignées seront vendues, et que le prix de la vente sera affecté au paiement des lettres de change.

Le 3 janv. 1825, jugement qui accueille ces conclusions.

Appel par les syndics Leseigneur. Le 22 mars 1825, arrêt de la cour royale de Rouen qui confirme, - Attendu qu'il résulte de la combinaison de l'art. 581 avec les art. 93 et 579, C. comm., que le propriétaire de la marchandise ne peut la revendiquer aux mains du consignataire qu'à la charge de le rendre indemne des frais, droits et avance par lui faits, ainsi que des actions et répétitions qui pourraient être exercées contre lui à raison de la consignation;

» Attendu qu'il est reconnu entre les parties que la maison Leseigneur-Alexandre (du Havre) a tiré sur la maison Picard frères (de Rouen), consignataires des marchandises, des traites; que ces traites ont été acceptées par la maison Picard frères, remises à la maison LeseigneurAlexandre, qui les a négociées et en a reçu le montant, par l'effet de ladite négociation, depuis quoi les deux maisons sont tombées en faillite;

Attendu que l'obéissance des syndics de la masse Leseigneur-Alexandre, à l'appui de leur revendication, de tenir compte à la masse de Picard frères du dividende que cette dernière masse serait tenue de payer, pour cause des acceptions faites par les consignataires, est insuffisante pour leur indemnité complète, puisque, Picard frères étant débiteurs solidaires du total des lettres de change acceptées, le paiement

d'un dividende ne les affranchirait pas, s'ils venaient à meilleure fortune, de la poursuite des tiers porteurs, pour ce qui leur resterait dû audelà des dividendes par eux touchés sur les deux masses;

» Attendu, d'une part, que, par le fait de la négociation des lettres de change acceptées par la maison Picard frères, Leseigneur-Alexandre ayant reçu des tiers porteurs le montant intégral desdites traites, leur actif commercial s'est accru d'une valeur égale aux sommes par eux ainsi touchées, et les syndics de leur masse retrouvent, dans cet accroissement de l'actif de Leseigneur-Alexandre, le prix des marchandises qui avaient été consignées à Picard frères; « Attendu que, si, dans cet état de choses, on admettait la revendication au profit de la masse Leseigneur-Alexandre, cette masse réunirait dans sa maison les marchandises consignées et le prix desdites marchandises, au préjudice de la masse des consignataires faillis; et qu'en pareil cas, la revendication ne serait recevable qu'autant que les demandeurs offriraient de remettre à la masse Picard frères leur acceptation des traites, comme quittes et vides d'effet.. Pourvoi par les syndics Leseigneur.

DU 4 JUILL. 1826, arr. cour cass., ch. req.; MM. Botton-Castellamonte, prés. d'âge; Favard de Langlade, rapp.; Joubert, av. gén.; Isambert, ay.

[ocr errors]

-

a LA COUR, Sur le premier moyen, Considérant que les art. 576 et suiv., C. comm., autorisent la revendication tant dans les cas de vente de marchandises non payées que dans le cas de dépôt et de consignation de marchandises; que ce titre comprend des dispositions communes aux deux espèces de revendication, et des dispositions particulières à chacune d'elles; Que l'on doit nécessairement ranger parmi les premières l'art. 579, qui accorde une indemnité à l'actif du failli pour fret, voiture et avances; Que cet article ne doit pas être restreint au cas de la revendication des objets consignés, parce que ces mots, en cas de reven dication, qui sont les premiers de l'article, s'appliquent indistinctement aux deux cas, et même au privilége accordé par les art. 93 el 94 précédens; Sur le deuxième moyen, -Considérant que la cour royale a jugé, en fait, que la totalité des marchandises consignées élait nécessaire pour indemniser les consignataires de leurs frais et avances, et que la revendication exercée par les demandeurs en vertu de l'art. 581 devait être rejetée; Sur le troisième moyen, Considérant que la cour royale a jugé également, en fait, qu'il était reconnu par les parties que les traites avaient été acceptées par la maison Picard, et négociées par la maison du Havre; que cette maison en avait encaissé la valeur ; qu'elle ne pouvait revendiquer les marchandises dont elle avait touché le prix; que la cour, partant de ces faits, a déterminé l'indemnité due, et a pu rejeter la revendication comme rendant illusoire le droit qu'avait le consignataire d'être rendu indemne;

Que, si les fonds ont été encaissés par suite, de l'acceptation faite par la maison Picard, cette maison est censée en avoir fait l'avance et doit profiter du privilège qui lui est garanti par les art. 93, 94 et 589, C. comm., pour être indemnisée, ―REJETTE, etc. »

COUR ROYALE DE CAEN. (4 juillet (1). L'aliénation de la dot, consenlie par la femme après autorisation de justice, afin de prévenir l'emprisonnement de son mari, et non pour le tirer de prison, est nulle ainsi que Paulorisation judiciaire, comme faite hors des cas d'exception prévus par l'art. 1558, C. civ. (2).

La partie défaillante peut être condamnée aux frais de l'arrêt par défaut, encore que sur son opposition elle gagne son procès (3).

POLINE C. BRUNET.

Le sieur Poline était poursuivi par ses créanciers et menacé de la contrainte par corps; son épouse, autorisée par justice, en vertu de l'art. 155S, C. civ., à aliéner ses biens dotaux, à l'effet de prévenir l'emprisonnement, contracte sur ces biens des engagemens personnels. Plus tard, elle demande la nullité de ses engagemens. Elle succombe en première instance.

Appel. — Arrêt par défaut contre elle. Opposition de sa part. Elle prétend que les obligations qu'elle a contractées sur ses biens dotaux sont nulles, et qu'ainsi son appel étant fondé, les dépens sur l'arrêt de défaut ne doivent pas être à sa charge.

DU 4 JUILL. 1826, arr. cour royale Caen, 4 ch.; MM. Dupont-Longrais, prés. ; Pigeon de Saint-Pair, av. gén.

|

d'un bien aussi précieux que la liberté du mari, que l'on a pu se résoudre à faire fléchir le principe conservateur de la dot, et que cette liberté ne peut être regardée comme suffisamment attaquée par la seule existence de condamnations par corps qui, souvent, quoique obtenues, ne sont pas mises à exécution, soit par l'indulgence du créancier, soit par la crainte des frais, soit par l'admission au bénéfice de cession, soit par toute autre cause; 3° parce qu'il est évident que des inconvéniens graves deviendraient la suite d'une interprétation extensive, admise en pareille circonstance; que, lorsque le mari se trouve emprisonné, le fait de sa mise en captivité donne une assez forte garantie de la sincérité des créances qui ont occasioné l'exercice de la contrainte par corps envers lui, par la raison que ne pouvant être certain d'avance du parti que prendra le tribunal sur le point de savoir s'il sera plus intéressant pour sa famille de racheter sa liberté que de conserver la dot, l'on doit difficilement croire qu'il s'expose à courir des chances dont il pourrait devenir la victime en se plaçant imprudemment sous la main de la justice; que si l'on se contente au contraire d'obligations ou mème de jugemens portant la contrainte par corps, mais non exécutés, la femme demeure livrée à l'abus de la puissance maritale, et la dot cesse d'être protégée contre les manoeuvres de la fraude et de la collusion, ce qui serait tout-à-fait contradictoire avec le but que s'est proposé le Code en traçant « LA COUR, Considérant qu'en souscri- les règles du régime dotal; Que, du momen vant à la conversion en rente d'engagemens donc où il est reconnu, en fait, qu'à l'époque de payables dans l'espace de huit années, auxquels l'autorisation obtenue par la femme Poline et les elle avait été autorisée par justice à obliger ses obligations qu'elle a contractées par suite, son biens dotaux, la femme Poline n'en a fait sa mari n'était point incarcéré, les engagemens condition que plus douce, puisque par là elle a qu'elle a consentis ne sauraient être maintenus, rendu facultatif le remboursement, qui aupara- en tant qu'ils portent sur sa dot; - En ce qui vant pouvait être forcé, tout en conservant le touche les frais, Considérant qu'à la vérité pouvoir de se libérer à volonté ; qu'il n'est pas l'obligation de la réfusion des dépens impovrai de dire, par conséquent, qu'elle ait outre- sée, par l'ord. de 1667, à l'opposant contre passé les bornes de son autorisation ; Mais un jugement par défaut, n'a point été renouveque cette autorisation est nulle pour avoir été lée par le Code de procéd., mais que ce n'est pas donnée hors des cas déterminés par la loi; qu'en un motif pour que la partie qui gagne son proeffet les époux avaient soumis leurs biens à l'a- cès ne reste point chargée de ceux de cette naliénabilité résultant du régime dotal; que si ture, ne fût-ce qu'à titre de dommages et inl'art. 1558, C. civ., permet d'y déroger dans l'intérêts, lorsque, comme dans l'espèce, le défailtérêt du mari, ce n'est que quand la liberté de celui-ci lui a été réellement ravie, et non lorsqu'elle n'est encore que simplement menacée par des obligations de nature à la faire perdre; que les termes de la loi sont positifs à cet égard; qu'elle veut que la dot ne puisse être compromise que pour tirer le mari de prison, ce qui suppose qu'il y est entré; que ces expressions doivent être prises dans leur sens littéral et restrictif, 1° parce qu'il s'agit ici d'une exception à une règle générale, et que toute exception doit être renfermée dans les limites pour lesquelles elle a été faite; 2o parce qu'il n'y a qu'en faveur

(1) Indiqué par un recueil sous la date du 14. (2) V. conf. Duranton, Droit franç., t. 15, no 509. Mais l'aliénation pourrait être autorisée, encore que le mari put sortir de prison en faisant cession de biens.V. Delvincourt, t. 3, p. 188, note.-V. contr. Benoit, t. fer, no 229, et Bellot, t. 4, p. 126.

lant s'est laissé condamner sans raison, par caprice ou par désir d'aggraver la position de celui qui doit en définitive porter la condamnation; d'où il suit qu'en condamnant Brunet au dépens des causes principale et d'appel, il y a lieu d'en distraire ceux de l'arrêt par défaut, qui doivent être mis à la charge de la femme Poline, RÉFORME, etc. »

COUR DE CASSATION. (5 juillet.) Les filles normandes qui n'avaient, d'après l'art. 268, cout. Normandie, que l'usufruit de leur légitime, sauf le cas de mariage, ou d'extinction de la ligne masculine, en ont acquis la propriété inconditionnelle, par l'effet de la loi du 22 vent. an II (1).

VALLÉE C. BOURDON ET GOHIER. En 1824, décès de Marie Vallée, laissant un testament par lequel elle lègue au sieur Bour

par ses frères, et fixée, en 1787, à 1,006 fr. de rente. Les légataires réclament le paiement

(3) V. conf. Rennes, 26 avr. 1814; Grenoble, 2 fév.don et à la dame Gohier la légitime à elle due 1818; Limoges, 4 juill. 1821; Berriat, p. 402, V. aussi Nimes, 15 nov. 1810.-V. contr. Paris, 13 mars 1823. - Suivant Carré (no 671) et Bioche et Goujet (Dict. de proc., vo Dépens, no 85), le défaillant doit être condamné aux dépens, seulement quand sa non comparution provient de sa négligence.

(1) V. conf. Caen, 1er mai 1826, et la note.

Les frères Vallée contestent; ils de leur legs. disent que la légitime dont il s'agit étant régie par la cout. de Normandie, dans le ressort de laquelle s'est ouverte la succession du père commun, et leur sœur ne s'étant pas mariée, cette légitime devait leur revenir aux termes de l'art. 268, portant : « Fille ayant atteint l'âge de vingt-cinq ans, aura provision sur ses frères, » équipollente au mariage avenant, dont elle » jouira par usufruit, et en se mariant elle en » aura la propriété. »

D

Jugement qui écarte les prétentions des frères Vallée.

Appel. Le 10 août 1825, arrêt de la cour royale de Caen qui confirme.

Pourvoi en cassation par les héritiers Vallée, principalement pour fausse application de l'art. 268, cout. Normandie.

DU 5 JUILL. 1826, arr. cour cass., ch. req.; MM. Henrion de Pensey, prés.; Borel de Bretizel, rapp.; Joubert, av. gén.; Odilon Barrot, av.

-

« LA COUR, Sur le moyen tiré d'une prétendue fausse application de l'art. 268, cout. Normandie, des lois des 14 nov. 1792 et 22 vent. an II, Attendu qu'il est reconnu, par l'arrêt attaqué, et d'ailleurs par de nombreux monumens de la jurisprudeuce des anciennes cours et tribunaux de la Normandie, que les filles normandes, jouissant par usufruit de leur légitime en attendant leur mariage, en acquéraient la propriété par la survenance de l'un et l'autre des évènemens ci-après, savoir : leur mariage, ou leur survie à leurs frères et l'extinction de la ligne masculine; Attendu que la loi du 22 vent. an II, en répondant à la cinquante-troisième des questions qui y étaient proposées, a décidé que les coutumes, qui ne déféraient aux filles la propriété de leur légitime qu'au cas où la ligne masculine viendrait à défaillir, ne présentaient qu'une substitution statutaire, qui ne pouvait exister, d'après l'abolition prononcée par les lois des 15 oct. et 14 nov. 1792, et que la pleine propriété ne pouvait être contestée; Attendu que cette interprétation des lois de 1792, donnée par la loi elle-même, ne pouvait être méconnue par la cour royale de Caen, et en a fait une juste application par l'arrêt attaqué, REJETTE, etc. »

COUR DE CASSATION. (5 juillet.) Celui qui, par jugement rendu au possessoire, a été maintenu en possession d'un héritage, ne peut, lorsqu'il succombe au petiloire, être condamné à la restitution des fruils par lui perçus depuis le premier jugement, sous prétexte que ce jugement ne l'avait maintenu que provisoirement et à titre précaire, et qu'ainsi il a possédé de mauvaise for. Le jugement au possessoire est définitif sur le fait et les caractères de la possession; il établit une présomption de propriété en faveur du possesseur : celui-ci fait donc les fruits siens tant que le défendeur n'a pas clabli ses droits par la voie du pélitoire. On ne peut non plus faire résulter la prétendue mauvaise foi de jugemens qui ont condamné des liers à délaisser des portions du même héritage qu'ils possédaient au même lilre: ces jugemens étant à l'égard du maintenu en possession res inter alios acta. C. civ., art. 549 et 2278..

La fin de non-recevoir résultant de ce que l'action pélitoire a été intentée avant que

le demandeur ait satisfait aux condamnations prononcées contre lui au possessoire, ne peut être invoquée, pour la première fois, en cour de cassation (1). C. procéd.,

art. 27.

Il en est de même du moyen liré de ce que le droil liligieux serail enlaché de féodalité. BARTHOLDY ET AUTRES C. VILLE DÉ COLMAR.

Colmar, jadis ville libre et indépendante, jouissait, de temps immémorial, du droit de faucher les premières herbes de vastes prairies situées dans sa banlieue. Lors de l'abolition du régime féodal, en 1790, un grand nombre de propriétaires contestèrent le droit de la ville, comme étant entaché de féodalité; mais leurs prétentions furent écartées par des jugemens souverains.

Cependant, plus tard, d'autres propriétaires prenant pour trouble à leur possession d'an et jour, les actes de la ville, tendant à faucher les premières herbes, citèrent cette dernière devant le juge de paix.

Le 22 messid. an'VI, jugement qui maintient Bertholdy, Windeling et consorts dans la possession annale de jouir de leurs prés, avec défenses à la ville de les y troubler à l'avenir, et condamnation en des dommages-intérêts.

En 1822, après vingt-quatre années de jouissance de la part de Bertholdy et consorts, la ville de Colmar a formé une demande au pétitoire, relativement au droit des premières herbes des prés litigieux, avec restitution de fruits depuisl'an VII.- II s'élevait contre la demande une fin de non-recevoir résultant de ce que la ville n'avait pas préalablement satisfail aur condamnations prononcées contre elle au possessoire; mais les défendeurs négligèrent de la faire valoir, Ils contestèrent le droit de la ville au fond, et opposèrent la prescription.

et

Le 20 fév. 1823, jugement du tribunal de Colmar, qui, sans égard à cette défense, déclare que la ville a droit aux premières herbes, statuant sur la restitution de fruits, prononce ainsi qu'il suit : « Attendu que l'auteur des défendeurs, et eux après lui, ne se sont maintenus dans la possession des premières herbes des prés désignés qu'en vertu du jugement au possessoire de l'an VI, lequel, ne les maintenant que provisoirement dans la possession de ce pré, les avertissait suffisamment qu'ils ne jouissaient qu'à titre précaire, et qu'ils ne devenaient que détenteurs provisoires des fruits qu'ils percevaient indùment, si leur jouissance n'était pas confirmée au pétitoire;

» Attendu que c'est en vertu de ce jugement qu'ils ont empêché la ville d'user de son droil; que la ville exerçait ce même droit depuis les jugemens qu'elle a obtenus contre deux cent douze particuliers qui avaient contesté ses titres; que, dès-lors, les défendeurs n'ont jamais pu être possesseurs de bonne foi des fruits qu'ils récoltaient et qu'ils savaient bien ne pas leur appartenir, et que dès-lors aussi ils doivent être condamnés a la restitution de ces fruits..... à partir de l'an VII. »

Appel.-Les 21 août 1823, 24 fév. et 31 mars 1824, arrêts de la cour royale de Colmar, qui confirment, en, adoptant les motifs des premiers juges.

(1) V. Bioche et Goujet, Dict. de proc., yo Action posscssoire, no 205.

Pourvoi en cassation par Bartholdy et consorts pour 1° violation de l'art. 27, C. procéd., en ce que l'action pétitoire de la ville à été accueillie, bien que la ville n'eût pas préalablement satisfait aux condamnations prononcées contre elle au possessoire; 2o violation des lois des 11 août 1789, 25 août 1792 et 17 juill. 1793, en ce que l'arrêt attaqué a maintenu un droit féodal, ou du moins violation de l'art. 7, L. 20 avr. 1810, en ce qu'il n'a donné aucun motif à cet égard; 3° violation de l'art. 2268, C. civ., en ce que les demandeurs en cassation ont été condamnés à restituer les fruits par eux perçus depuis le jugement qui les avait maintenus en possession, bien que la ville n'eût pas prouvé qu'ils eussent possédé de mauvaise foi; 4° violation de la chose jugée et de l'art. 1350, C. civ., sur les présomptions, en ce que la cour a jugé qu'une sentence au possessoire constituait nécessairement en mauvaise foi, et ipso jure, celui qui l'avait obtenue, lorsqu'il n'était pas maintenu au pétitoire dans les droits par lui prétendus, et, par suite, a condamné les demandeurs en cassation à restituer les premières herbes par eux récoltées en exécution d'un jugement définitif qui avait acquis la force de chose jugée.

Sans doute, a-t-on dit pour les demandeurs, la sentence rendue au possessoire n'empêchait pas la ville d'établir ses droits au pétitoire; mais il n'en était pas moins vrai que la sentence au possessoire jugeait que les demandeurs avaient la possession annale de leurs prairies, qu'elle les avait maintenus dans cette possession, et fait défense à la ville de les y troubler. Cette décision était définitive; elle avait la force de chose jugée, sous ce rapport qu'elle ne pouvait être rétractée ni dans ses dispositions, ni dans l'exécution que ces dispositions avaient reçue les fruits dont la sentence avait autorisé la perception, les dommages-intérêts, les dépens adjugés, tout était irrévocablement acquis aux possesseurs maintenus, et il ne pouvait plus être question, à cet égard, de rechercher si, dans le principe, la possession avait été de bonne foi. A dater du jugement possessoire, la jouissance avait été fondée sur un titre irréfragable, à l'abri de toute critique, et qui ne pouvait jamais être considéré comme vicieux. - Admettre, comme le décide l'arrêt attaqué, que ce jugement était provisionnel; qu'il constituait le possesseur simple détenteur à titre précaire, qu'il ne l'autorisait à jouir des fruits que provisoirement, ce serait le confondre avec les jugemens de recréance, qui n'autorisent en effet celui à qui elle est accordée, à percevoir les fruits que provisoirement, et à la charge d'en rendre compte; ce serait méconnaître le caractère et l'effet principal des jugemens possessoires, qui sont d'accorder au demandeur en complainte la pleine maintenue en possession, et de le faire présumer propriétaire jusqu'au jour de la demande en revendication, et sans qu'il soit obligé d'établir son droit à la propriété, tant que son adversaire n'aura pas prouvé le sien (V. Pothier, Traité de la possession, no 105),

Pour la ville de Colmar, on a repoussé les deux premiers moyens, en faisant observer qu'il n'en avait pas été question devant les premiers juges; ce qui, a-t-on dit, sultisait pour les écarter, et pour que la cour de cassation n'eût pas à s'en occuper.

Sur les deux autres moyens, on a répondu : Dans toute leur discussion, les demaudenrs ont

habilement isolé la deuxième partie de l'arrêt de la première, dont elle était cependant un corollaire indispensable. En effet, dans cette première partie, la cour royale, pour repousser le moyen de prescription opposé à la demande de la ville, déclare formellement que Bartholdy et consorts ont connu le droit de la ville par son exercice même, et l'ont respecté jusqu'en 1790. Or, ce qui constitue la mauvaise foi dans la possession ou jouissance, c'est la connaissance que l'on a du droit d'autrui. Il était donc jugé que les demandeurs étaient de mauvaise foi. Dans le droit romain, il était de règle que la perception des fruits pouvait être interrompue, sans que la prescription le fût également. Car, pour la prescription, dit Loiseau, qui se fait par continuation de temps, il suffit que la bonne foi soit du commencement; le gain cesse avec la bonne foi; et sitôt que la mauvaise foi est survenue, le possesseur cesse de gagner les fruits (Lois 48, T., de Acquir. rer. domin., et 25, $5, de Petit. hæred.)· Il est vrai que, selon divers auteurs, la restitution des fruits, dans notre ancien droit, n'était due, par le simple possesseur, que du jour de la demande en justice; mais le Code civ. en est revenu au droit romain. Pour constituer le possesseur en mauvaise foi, il n'est pas besoin d'actes, il suffit que le fait soit reconnu constant; et, à cet égard, l'appréciation des juges ne peut être l'objet de la censure de la cour de cassation (V. Duranton, Cours de droit français, t. 4, no 362). Du reste, quel a été l'effet du jugement au possessoire de l'an VI, obtenu par les demandeurs en cassation? Son effet, son unique effet a été de former obstacle à ce que la ville pût réclamer la jouissance ou possession des prairies litigieuses, tant qu'elle n'aurait pas fait décider qu'elle en était propriétaire. Mais ce jugement n'a pu, en aucune manière, changer la cause ni la qualité de la possession des demandeurs, faire que leur mauvaise foi reconnue, ils fussent cependant réputés possesseurs de bonne foi, ayant droit aux fruits par eux recueillis.

DU 5 JUILL. 1826, arr. cour cass., ch. civ.; MM. Brisson, prés.; Poriquet, rapp.; de Valimesnil, av. gén.; Scribe et Cotelle, av.

« LA COUR (aprés délibéré en la chambre du conseil), Attendu, sur le premier moyen, que les demandeurs n'ont pas opposé devant les premiers juges, ni sur l'appel, la fin de non-recevoir tirée de l'art. 27, C. procéd.; Sur le deuxième moyen, -Attendu que les demandeurs n'ont pas excipé, dans l'instance, de ce que le droit réclamé par la commune était un droit féodal, et que la cour royale, n'ayant pas statué sur la question de féodalité, n'a pu violer ni les lois qui en ont prononcé l'abolition, ni l'art. 7 L. 20 avr. 1810, REJETTE Ces moyens et le pourvoi des demandeurs, en tant qu'il est dirigé contre la disposition par laquelle il est déclaré que la ville de Colmar a droit aux premières herbes des prés contentieux,- Mais en ce qui touche la disposition des mêmes arrêts dénoncés, par laquelle les demandeurs sont condamnés à bonifier à la ville de Colmar la valeur desdites premières herbes, à dater de la récolte de l'an VII;-Vu l'art. 2268, C. civ.;-Considérant. que les demandeurs maintenus par des jugemens rendus au possessoire en l'an VI, contradictoirement entre eux et la ville de Colmar, dans la possession civile de jouir de leurs près, en ont récolté les premières herbes, en vertu de ces jugemens, pendant vingt-quatre années, sans op

position de la part de la ville, qui pouvait en faire cesser l'exécution dès l'an VII, en formant, si elle s'y croyait fondée, la demande en revendication du droit de profiter desdites premières herbes; que ce n'est qu'au mois de juill. 1822 que le maire et les habitans de la ville de Colmar ont intenté leur action au pétitoire, en concluant en même temps à la restitution de la valeur des premières herbes des prés contentieux, à dater de la récolte de l'an VII; qu'à l'appui de ces conclusions, ils ont allégué que les demandeurs étaient possesseurs de mauvaise foi, mais qu'ils n'ont fourni aucunes preuves de la mauvaise foi qu'ils alléguaient; que, néanmoins, la cour royale a condamné les demandeurs à bonifier à la ville la valeur desdites premières herbes, à dater de l'an VII, en motivant cette disposition de ses arrêts, 1° sur ce que la ville exerçait le même droit de jouir des premières herbes sur des prés situés dans les mêmes prairies, depuis les jugemens qu'elle avait obtenus contre deux cent douze particuliers; que, dèslors, les demandeurs n'ont jamais pu être possesseurs de bonne foi des fruits qu'ils récoltaient; 2o sur ce que les jugemens de l'an VI, ne maintenant les demandeurs que provisoirement dans leur possession, les avertissaient suffisamment qu'ils ne jouissaient qu'à titre précaire, et qu'ils ne devenaient que détenteurs provisoires des fruits qu'ils percevaient indûment, si leur jouissance n'était pas confirmée; mais que ces deux motifs sont également incapables de suppléer à la preuve de la mauvaise foi alléguée par les défendeurs, qui étaient tenus de la prouver le premier, parce que les jugemens rendus contre deux cent douze particuliers sont, à l'égard des demandeurs, qui n'ont pas été parties dans les instances sur lesquelles ces jugemens sont intervenus, res inter alios acta, et ne peuvent par conséquent pas leur préjudicier, soit quant à l'origine de leur possession, soit quant à la continuation de leur jouissance jusqu'en 1822; le deuxième, parce qu'il n'est fondé ni en fait ni en droit; en fait, les jugemens de l'an VI n'énoncent pas qu'ils ne maintiennent les demandeurs que provisoirement; en droit, des jugemens possessoires sont jugemens de pleine maintenue, définitifs sur le fait et les caractères de la possession; leur effet est de déclarer le demandeur en complainte possesseur, de le faire présumer propriétaire tant que le défendeur n'aura pas, au pétitoire, justifié de sa propriété ; et, sous aucun rapport, ils ne le placent dans une position moins favorable que tout possesseur qui fait les fruits siens, s'il n'est pas prouvé qu'il possède de mauvaise foi: d'où il suit qu'en condamnant les demandeurs sur la seule présomption résultant d'actes qui leur étaient étrangers, qu'ils n'avaient pas été possesseurs de bonne foi, à restituer les fruits par eux perçus, non pas seulement à compter du jour de la demande au pétitoire, qui avait interrompu la prescription, mais à dater de la récolte de l'an VII, la cour royale a violé l'art. 2268, C. civ., aux termes duquel la bonne foi est toujours présumée, si celui qui allègue la mauvaise foi ne la prouve pas:

Par ces motifs, CASSE et annulle les quatre arrêts de la cour royale de Colmar des 21 août 1823, 24 fév. et 31 mars 1824, en ce qui concerne seulement la condamnation à la restitution des fruits, etc. »>

COUR ROYALE DE BORDEAUX. (5 juillet.) La demande en validité d'une saisie-arrêt doit élre jugée en dernier ressort, si les créances du saisissant n'excèdent pas 1,000 fr., quoiqu'il ait incidemment demandé la suppres sion d'un écrit et des dommages-intérêts de 3,000 fr. (1). C. procéd., art. 453.

DESSOUDEIX C. MALLEVILLE. DU 5 JUILL. 1826, arr. cour royale Bordeaux, 1re ch.

« LA COUR, Attendu que Pierre Dessoudeix ayant porté devant le tribunal civil de Riberac, une demande en validité de saisie-arrêt, faite au préjudice de la dame Malleville, pour obtenir le paiement d'un billet de 900 fr., le coût de cette saisie-arrèt est évidemment un accessoire de sa demande; Que la créance pour sûreté de laquelle Dessoudeix procédait par voie de saisie-arrêt, ne s'élevait, en y joignant les intérêts échus, qu'à 970 fr.; - Que si Dessoudeix a, dans le cours de l'instance, réclamé 3,000 fr., à titre de dommages intérêts, à raison des reproches que lui a adressés la dame Malleville, cette demande, qui ne provient pas d'une cause antérieure au procès, n'est qu'un accessoire de litige, et n'en change pas la nature; Qu'il est de jurisprudence constante que la juridiction en dernier ressort, à raison du principal de la demande, se proroge à tous les accessoires, quel que soit le taux auquel il s'élevait; qu'il 'importe peu que cette réclamation de dommages soit formée par le demandeur, ou par le défendeur;- Qu'il suffit qu'elle ne procède pas d'une cause antérieure au litige, pour que la juridiction, déterminée par le principal de la demande primitive, s'étende à la demande accessoire, DECLARE l'appel nonrecevable, etc. »

--

COUR ROYALE DE CORSE. (5 juillet.) Quelle que soit la nature de l'acte authentique qui renferme la reconnaissance d'un enfant naturel, ful-ce même un testament, celte reconnaissance ne peut être rèvoquée (2).

La reconnaissance d'un enfant naturel est indépendante des dispositions testamentaires. Ainsi, les tribunaux peuvent ordonner, avant le décès du testaleur, la délivrance de l'extrait d'un testament qui renferme la reconnaissance d'un enfant naturel, dans la partie seulement relative à celle reconnaissance, à l'effet de lui donner le moyen de se pourvoir des alimens (3). Ce n'est pas là violer le principe que les dispositions de dernière volonté doivent demeurer secrètes jusqu'à la mort du testaleur.

FÉLIX G..... C. DAME SURZANNA. Félix G.... fait par acte public un testament contenant la clause suivante: « Je laisse à ma

[blocks in formation]
« PrécédentContinuer »