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rens, auquel cas leurs deux voix n'ont pas eu besoin d'être réduites à une, soit qu'ils aient été du même avis, auquel cas la réduction de leurs voix à une n'a pu produire dans ledit arrêt aucune irrégularité, puisque, dans cette hypothèse, la cour se trouvait encore composée de douze magistrats concourant à la délibération, et conséquemment formée en nombre compétent; qu'ainsi, l'arrêt attaqué ne présente, sous ce second rapport, aucune violation de la loi, - REJETTE, etc. »

COUR DE CASSATION. (20 janvier.) Un jardin clos de murs el allenant à une maison habitée est réputé une dépendance de celle maison. En conséquence, le vol qui y est commis de nuil rentre dans la disposition de l'art. 386, § 1er, C. pén. (1). Lorsque les faits déclarés constans par le jury constituent un crime, la cour d'assises excède ses pouvoirs en n'appliquant que des peines correctionnelles sur des motifs pris des circonstances modificatives qui seraient résullées des débats (2).

INTÉRÊT DE LA LOI.-AFF. FRANÇOISE BLANC.

« Le procureur général expose qu'il est chargé par le garde des sccaux, ministre de la justice, de requérir, dans l'intérêt de la loi, l'annulation d'un arrêt rendu par la cour d'assises du département du Var, le 8 août dernier, dans l'affaire de la nommée Françoise Blanc.

» Cet arrêt ne prononce que des peines correctionnelles contre la personne condamnée, quoiqu'elle ait été déclarée coupable par le jury d'un vol commis la nuit, dans un jardin clos de murs, attenant à une maison habitée.

» Cependant un jardin attenant à une maison habitée est une dépendance de cette habitation, et le vol qui y est commis de nuit rentre dans l'application du no 1er, art. 386, C. pén.

»Il résulte en effet de l'art. 390, même Code, que ce qui constitue la dépendance de la maison habitée, à l'égard des cours, basses-cours, jardins, etc., c'est d'être compris dans la clòture ou enceinte générale; et que, pour être compris dans cette enceinte générale, il suffit que les cours, basses-cours, jardins, etc., soient attenans ou contigus à la maison ou à ses autres dépendances, puisque les clôtures particulières font partie de l'enceinte générale.

» Ce considéré, il plaise à la cour, vu les pièces de la procédure et la lettre du garde des sceaux du 27 déc. 1825, casser et annuler, dans l'intérêt de la loi, etc. Fait au parquet, ce 30 déc. 1825. Signé, Mourre. »

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pendance de cette habitation; que le vol come

mis dans ce terrain doit done comme étant commis dans l'habitation ellemême, et que, lorsque la circonstance de la nuit s'y trouve réunie, il devient passible de la peine de la réclusion, aux termes de l'art. 386,

1er, C. pén.; Considérant que Françoise Blanc, traduite devant la cour d'assises du département du Var, y a été déclarée coupable par le jury d'avoir, le 28 avr. 1825, et pendant la nuit, commis un vol dans un jardin clos de murs, attenant à la maison d'habitation d'Antoine Mouriès ;-Que ce vol rentrait donc dans l'application de l'art. 386, § 1er, C. pén., et soumettait conséquemment la femme Blanc à la peine de la reclusion; - Que néanmoins la cour d'assises ne l'a condamnée qu'à des peines correctionnelles, sur des motifs pris dans des circonstances modificatives qui seraient résultées des débats; Mais que ces circonstances, quelles qu'elles fussent, ne pouvaient détruire ni modifier les faits déclarés constans par le jury, qui seuls devaient être la base de l'application de la loi pénale: d'où il suit que ladite cour a violé les art. 386 et 390 précités, C. pén: D'après ces motifs, et vu l'art. 441, C. inst. crim., ainsi que la lettre du garde des sceaux, ministre de la justice, en date du 27 déc. 1825; faisant droit au réquisitoire du procureur général, — CASSE et annulle, dans l'intérêt de la loi seulement, etc. »>

COUR DE CASSATION. (20 janvier.) Lorsque, à raison des circonstances allénuantes, les cours d'assises appliquaient en vertu des art. 2, 3 el 6, L. 25 juin 1824, les peines déterminées en l'art. 401, C. pen., elles étaient tenues d'appliquer toutes celles portées audil article, c'est-à-dire l'emprisonnement, l'amende, l'interdiction des droits civils et la surveillance de la haute police (1). C. pén., art. 463.

INTÉRÊT DE LA LOI.
HENAULT.

AFF. VEUVE

DU 20 JANV. 1826. arr. cour cass., ch. crim.; MM. Portalis, prés. ; Ollivier, rapp.; LaplagneBarris, av. gén.

Conforme à la notice.

COUR DE CASSATION. (20 janvier.) En matière de délits ou de contraventions, lorsque l'amende à prononcer est indéter minée el que sa fixation dépend de l'évalua tion du dommage, c'est le tribunal ayant la juridiction supérieure qui doit être saisi (2). C. inst. crim., art. 137.

Le ministère public ne peut, dans le silence de la partie lésée, estimer arbitrairement la valeur du dédommagement, mais le tribunal supérieur doit exercer la plénitude de sa juridiction en prenant les voies indiquées par la loi, pour connaître la va leur du dommage et par conséquent celle de l'amende à infliger aux contrevenans (3).

(1) V. conf. Cass., 21 oct. 1825, aff. Eluard. (2) V. conf. Cass., 4 avr. 1823, aff. Petit. (3) Nous avons établi (t. 18, p. 134, col. 25% note 5) que le plaignant ne peut en fixant la quotita du dommage se rendre l'arbitre de la compétence.

MINISTERE PUBLIC C. PERRIN. Perrin, père et fils, avaient fait påturer trois chevaux dans un pré appartenant à autrui. Le propriétaire du pré ne forma aucune plainte, mais le procureur du roi, évaluaut le dommage à une somme excédant la compétence de la simple police, fit citer les prévenus devant le tribunal correctionnel de Sarrebourg, pour se voir faire l'application de l'art. 24, tit. 2, L. 28 sept.-6 oct. 1791.

Par jugement du 1er oct. 1825, le tribunal se déclare incompétent, sur le motif que la quotité de l'amende à infliger n'était pas connue.Appel,

Le 21 déc. 1825, arrêt de la cour royale de Nancy, qui confirme. Pourvoi en cassation. DU 20 JANV. 1826, arr. cour cass., ch. crim.; MM. Portalis, prés.; Gary, rapp.; LaplagneBarris, av. gén.

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« LA COUR,-Vu les art. 408, C. inst. crim., et 7 et 24, tit. 2, L. 6 oct. 1791; · Vu le mémoire à l'appui du pourvoi;-Attendu que lorsque l'amende à prononcer en matière de délits ou de contraventions est indéterminée, et lorsque sa fixation depend de l'exécution ultérieure des règles établies par la loi pour parvenir à en connaitre la quotité, il est aussi sûr que régulier de saisir de la connaissance de l'action le tribunal qui a la juridiction supérieure; Attendu que cette maxime, commune aux actions civiles comme à celles qui ont lieu en matière correctionnelle ou de simple police, est également conforme au vou de la loi, au maintien de l'ordre public et à l'intérêt même des parties qu'elle soustrait au danger de parcourir, sans nécessité, à raison du même fait ou du mème intérêt, plusieurs degrés de juridic

Les mêmes raisons sont opposables d fortiori au ministère public. Merlin (Quest., vo Délits ruraux, $ 5, no 2), qui combat la première proposition, approuve néanmoins la deuxième. Le même auteur (ibid., n° 4) critique cet arrêt comme ayant décidé que le tribunal supérieur est seul compétent et doit rester saisi, quelle que soit la quotité du dommage. Nous ne le suivrons pas dans les longs développemens auxquels il se livre. Nous avons déjà répondu dans d'autres notes à plusieurs de ses objections. Son système se réduit à une application des art. 7, tit. 2, L. 28 sept.-6 oct. 1791, et 148, C. inst. crim. Or, loin de décider que l'estimation du dommage a pour but de déterminer la compétence, ces articles supposent au contraire que le juge qui procède ou qui fait procéder à une expertise est compétent pour l'ordonner. Merlin n'a pas remarqué qu'il rend le juge de paix ou les experts arbitres souverains de la compétence. Cependant le juge inférieur ne doit jamais empièter soit directement, soit indirectement sur les attributions du juge supérieur; et, d'un autre côté, les tribunaux ne sont point liés par les rapports des experts. Au surplus, l'incertitude suffit pour que Pon doive recourir à la juridiction qui a les pouvoirs les plus étendus. On concevrait que le tribunal de police correctionnelle, reconnaissant par le résultat d'une expertise ou par tout autre moyen que le dommage n'excède pas 15 fr., accueillit le déclinatoire qui lui serait proposé, mais jamais on ne saurait admettre que le juge de simple police puisse en arbitrant le dommage, et en le réduisant selon son bon plaisir, s'adjuger la connaissance d'une affaire appartenant à la juridiction correctionnelle, et même y statuer en dernier ressort. Enfin nous ferons remarquer que, de l'aveu de Merlin lui-même, le tribunal correctionnel ne pourrait, sans violer l'art. 192, Ci inst. crim., prononcer d'office le renvoi.

tion;-Attendu que, lorsqu'il y a lieu à l'application de l'art. 24, tit. 2, L. 6 oct. 1791, quidispose que l'amende encourue par le délit qui y est spécifié sera une somme égale à la valeur du dédommagement dû au propriétaire lésé, il n'appartient pas au ministère public poursuivant, lorsque ce propriétaire garde le silence, d'estimer la valeur de ce dédommagement, et, par suite, la somme à laquelle l'amende doit se porter; que cette évaluation arbitraire ne peut remplacer l'appréciation du dommage qui doit être faite conformément aux bases établies par l'art. 7, même loi; · Attendu que le tribunal supérieur qui est saisi de la connaissance de l'affaire doit exercer la plénitude de sa juridietion, en prenant les voies indiquées par la loi pour connaître la valeur du dommage, et par conséquent celle de l'amende à infliger aux Attendu, dans le fait, que la cour royale de Nancy, au lieu de procéder à l'instruction et au jugement, à raison du fait qui donnait lieu aux poursuites du ministère public, a confirmé la décision du tribunal correctionnel de Sarrebourg, qui s'était déclaré incompétent; par où elle a violé les lois de sa propre compétence et méconnu les dispositions du tit. 2, L. 6 oct. 1791, CASSE, etc. (1). » Nota. Du même jour, trois arrêts identiques, aff. Froment, Roch et Simon.

contrevenans;

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La prescription de dix et vingt ans, contre l'action en résolution de la part du vendeur originaire non payé, n'est pas opposable par le liers acquéreur qui a eu connaissance du contrat primitif, si ce contrat énonce que le prix primitif n'a point été payé; en ce cas la possession du tiers acquéreur ne saurait être réputée de bonne for (4) C. comm., art. 2256.

PÉRONNE C. HUET ET AUTRES.

DU 20 JANV. 1826, arr. cour royale Paris, 1re ch.; MM. Séguier, 1er prés.; de Broë, av. gén.; Caubert et Lavaux, av.

« LA COUR, Considérant que Chelloneix, acquéreur, suivant procès-verbal du 19 niv. an IV, de deux maisons appartenant aux héritiers Péronne, a été constitué débiteur envers lesdits héritiers du prix de son acquisition, déterminé conformément à la loi du 16 niv. an VI; Considérant que l'action en résolution de la vente, à défaut de paiement du prix, appartient au vendeur, etc.; que la revente,

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de son beau-père en effectuant cette remise. Jugement du tribunal de Valence, qui rejette les prétentions de Poncet.

Sur l'appel, deux questions se présentaient à décider la première, si la remise d'une quit

:

nuel de la somme payée; la seconde, si un don manuel excédant 150 fr. pouvait être prouvé par témoins, encore qu'il n'y eût pas de commencement de preuve par écrit.

faite par l'acquéreur, débiteur du droit primitif, les lettres de ratification, ou la transcription n'ont pu purger le privilége du vendeur, ni éteindre son action en résolution, les créanciers et les sous-acquéreurs ne pouvant avoir plus de droits que leur auteur; Considérant qu'En-tance au créancier fait revivre l'obligation que dré et Huet, détenteurs actuels des deux mai-le paiement avait éteinte, et forme un don masons dont il s'agit, le premier comme étant aux droits de Schwemler et sa femme, qui ont acquis celle rue d'Orléans, no 49, de Chelloneix, par acte authentique du 28 vent. an IV, le second, comme étant aux droits de Cousin, qui a acquis celle au coin des rues Fontaine et d'Orléans, no 50, du même Chelloneix, également par acte authentique du 15 messid. an XIII, n'ont acquis ces propriétés que grevées de l'action résolutoire des héritiers Péronne; que l'exception de prescription opposée par Endré et Huet, et fondée sur la possession de bonne foi, ne peut être admise, parce qu'ils ont connu, par les contrats d'acquisition, que Chelloneix, jeur auteur, n'avait pas payé le prix de la vente, et que, dès-lors, n'ayant possédé que sous la condition de ce paiement, ils sont restés soumis pendant trente ans aux effets de l'action résofutoire..., - A MIS et met l'appellation au néant; Emendant, etc. »

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COUR ROYALE DE GRENOBLE. (20 janvier.)
Lorsque la quillance donnée au débileur se
trouve entre les mains de son créancier, on
ne peut inférer de celle circonstance un
don manuel qui aurait eu pour objet de
faire revivre l'obligation que le paiement
avail éteinle (1). C. civ., art. 931.
On ne peut admettre la preuve testimoniale
d'un don manuel excédant 150 fr., lorsqu'il
n'y a pas de commencement de preuve par
écrit (2). C. civ., art. 931 et 1347.

COAME C. PONCET.

Le 13 nov. 1810, contrat de mariage entre Marie Coame et Jean Poncet. Félix Coame, père de la future, lui constitue en dot une somme de 4,000 fr. En 1816, Poncet reçoit cette somme des mains de son beau-père, et lui en donne quittance sous seing-privé. Un peu plus tard, Poncet se trouva nanti de cette quittance; on ne sait comment elle passa dans ses mains.

En 1822, décès de Marie Coame, laissant un fils nommé Abel Poncet, qui ne lui survécut que deux jours. Ses héritiers de droit furent son père pour une moitié, et ses aïeux maternels pour l'autre.

Abel Poncet ne laissa dans la succession qu'il avait recueillie de sa mère que les 4,000 fr. qui avaient été constitués en dot à celle-ci. En 1823, il y eut une instance en partage.

Poncet se prévalut de la quittance qu'il avait en son pouvoir, et prétendit que son beau-père, en la lui remettant, avait voulu se constituer de 'nouveau débiteur de la dot, ou l'augmenter d'une autre somme de 4,000 fr., de manière que la succession de son fils devait véritablement se composer d'une somme de 8,000 fr.

Ces prétentions furent combattues par les héritiers maternels d'Abel Poncet, qui soutinrent que la tradition de la quittance n'avait pas été volontaire. Poncet offrit de prouver le contraire par témoins, ainsi que l'intention

Les dons manuels, disait-on pour Poncet, ne sont assujétis à aucune forme; la tradition seule en transfère la propriété. L'art. 931, C. civ., n'exige l'emploi des formes authentiques que pour les actes portant donation entre vifs : cet article ne s'applique donc qu'aux actes, et non aux donations elles-mêmes; il ne peut par conséquent atteindre les libéralités faites de la main à la main. Telle est aussi l'opinion de Furgole sur l'art. 1o, ord. 1738, dont les termes sont absolument les mêmes. Suivant cette ordonnance, il ne pouvait pas y avoir de donations par actes privés, mais il n'en résultait pas moins, par une conséquence naturelle, que les dons de meubles pouvaient toujours se faire par une simple tradition. L'art. 2279, C. eiv., portant qu'en fait de meubles la possession vaut titre, ne laisse plus de doute à cet égard.

La question se présente peut être plus difficile quand il s'agit de dons incorporels, tels que des créances; leur possession ne met pas toujours le donataire en droit de les exiger: il faut en outre, selon les circonstances, un endossement, ou une cession, qui doit être notifiée au débiteur, pour saisir le détenteur du titre à l'égard des tiers. Mais quand la propriété de la créance peut être transmise par une simple tradition, comme, par exemple, un billet au porteur, la donation n'a pas besoin d'être constatée d'une autre manière. Ainsi Coame père n'a eu be-, soin, pour faire revivre sa dette à l'égard de son gendre, que de lui en remettre la quit tance de la main à la main. Détenteur de cette pièce, le créancier pouvait anéantir la preuve du paiement. Un débiteur ne rend-il pas l'existence à sa dette quand il met son créancier à même de la faire revivre ? Les art. 1282 et 1283, C. civ., en cela conformes à la loi 2, § 1, ff., de Pactis, attachent la présomption de la libération à la remise faite au débiteur de l'original ou de la grosse de son titre." Par la même raison, la remise d'une quittance par le débiteur doit faire présumer la renaissance de la dette, puisqu'il se prive de la facultés d'en prouver le paiement. Il y a peut-être une ̈· différence entre les deux cas que l'on vient d'indiquer dans le premier, il s'agit de libération, qui est toujours favorable; tandis que, dans l'autre, ce serait précisément le contraire. Mais la jurisprudence n'admet pas de distinction (1).

:

Quant à la preuve testimoniale, Poncet pré-. tendait qu'elle était admissible, parce qu'il ne s'agissait pas de prouver le don manuel; que la quittance se trouvant entre ses mains établissait une possession qui équivalait à un titre ; qu'il s'agissait seulement d'expliquer ce titre, et que, dans ce cas, l'admission de la preuve testimoniale n'avait rien de contraire à l'art. 1341, C. civ. (2).

(1) V. Cass., 23 mai 1822 (arrêt qui a déclaré va(1-2) V. Caen, 12 janv. 1822, et la note, et Cass., lables des donations d'effets au porteur). 23 mai 1822. (2) V. Merlin, Quest., vo Donation, § 6.

C'est en vain, répondirent les héritiers Coame, que l'on invoque l'art. 2279, C. civ.: cet article ne parle que de meubles. Quand ce mot est employé seul, il ne comprend point, selon l'art. 533, les actions et les dettes actives: voilà pour quoi, lorsqu'il s'agit de constater des dons manuels de créances, la simple tradition du titre ne suffit point; il faut encore, selon le cas, un endossement ou une cession. Il serait bien étrange alors que la simple possession d'une quittance suffit pour constater la remise volontaire qu'on prétendrait que le débiteur en aurait faite. Mais cette remise même, en la supposant, n'entraînerait pas la conséquence que le débiteur eût voulu donner à son créancier la somme payée. Il y a une grande différence entre la remise du titre d'une créance par le créancier et la remise d'une quittance par le débiteur. D'abord, qu'on cite une seule loi qui attache un effet aussi extraordinaire à la remise d'une quittance. Les lois anciennes et modernes ont toujours favorisé la libération des débiteurs: c'est pour cela que la seule remise du titre prouve ou fait présumer cette libération. Mais il n'en est pas de même quand il s'agit de créer une obligation; la loi ne se contente pas de simples conjectures: il faut un titre ou un aveu positif de la part du débiteur. Cette différence est marquée dans divers articles du Code civ.- Aux termes de l'art. 1331, une annotation qu'un individu fait dans ses papiers n'établit pas une créance contre lui. S'agit-il au contraire de prouver un paiement reçu, la seule annotation fait foi. L'art. 1332 met ce principe dans un nouveau jour : l'écriture mise par un créancier sur un titre resté en sa possession, quoique non signée ni datée, fait preuve contre lui, lorsqu'elle tend à établir la libération du débiteur; une pareille écriture apposée par le débiteur né pourrait seule constater sa dette.

Alors même que la preuve testimoniale est admissible, les magistrats ne peuvent se décider par de simples présomptions, parce qu'elles ne suffisent pas pour établir la preuve d'une obligation: la remise d'une quittance n'est donc qu'une présomption ordinaire, qui, dans ce cas, ne peut suppléer à l'absence d'un titre. La loi se montre particulièrement sévère lorsqu'il s'agit de constituer une donation : c'est pour cela qu'elle a environné cette sorte d'actes de formalités rigoureuses qu'elle n'exige point à l'égard des autres obligations.

DU 20 JANV. 1826, arr. cour royale Grenoble, 2o ch.; MM. Paganon, prés.; Mothe et Massonnet, av.

At

« LA COUR, - Attendu qu'il n'est nullement prouvé que Félix Coame ait volontairement remis au sieur Poncet son gendre la quittance des 4,000 fr. qu'il lui avait payés pour le montant de la constitution dotale faite à sa fille; tendu que les conclusions subsidiaires dudit Poncet, tendant à rapporter la preuve des différens faits par lui allégués, sont contraires à la loi qui repousse toute preuve testimoniale lorsqu'il s'agit de sommes excédant 150 fr., et lorsque, comme dans l'espèce, il n'y a aucun commencement de preuve par écrit ;- Attendu qu'en supposant même que Félix Coame eût volontairement remis à Poncet la quittance dont il s'agit, celui-ci ne pourrait encore en tirer aucun avantage, cette remise n'étant pas celle du titre d'une créance dont le créancier aurait voulu se dessaisir pour en opérer l'extinction; Attendu que, si les lois ancien

le Code civil ont considéré la remise volontaire du titre de la créance comme une preuve du paiement ou de la rémission de la dette, c'est parce que dans tous les temps le législateur a voulu favoriser la libération du débiteur, sans prescrire, pour ce genre de libéralité, aucune espèce de formalité; - Attendu qu'on ne peut inférer de cette législation que la remise d'une quittance faite par le débiteur au créancier fasse nécessairement preuve que le débiteur a voulu faire donation au créancier de la somme payée, et faire ainsi revivre son obligation, lors surtout qu'il existe comme dans la cause actuelle d'autres preuves de paiement; - Attendu qu'il n'existe aucune loi qui donne à la remise d'une quittance l'effet qu'on voudrait lui attribuer; qu'il est d'ailleurs certain que, si une créance payée l'était de nouveau par le débiteur, celui-ci serait autorisé à répéter le montant du second paiement, etc., MET l'appellation au néant; — Ordonne que le jugement du tribunal de Valence sera exécuté suivant sa forme et teneur, etc. »

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COUR ROYALE DE BORDEAUX. (23 janvier.) La garantie générale, réciproquement stipulée entre co-héritiers, dans un acte de partage, ne s'applique pas aux perles que l'un des co-parlageans peut éprouver par faits du prince, par exemple, par la suppression sans indemnité de rentes seigneuriales (1). C. civ., art. 884 et 886.

DESARNAUD C. DÉSARNAUD.

Trois successions étaient échues à André et Charles Désarnaud, et ils en avaient fait le partage. Des rentes féodales composaient principalement le lot de Charles. Le 17 juin 1793, acte public par lequel les frères confirment ce partage; il y est dit : « Garantissant ledit André » audit Charles les objets à lui demeurés.....; » lequel André sera aussi garanti par ledit » Charles des objets mis dans son lot. »> Le 17 juill. 1793, survient la loi qui supprime sans indemnité les rentes seigneuriales. Charles appelle son frère en garantie de la perte qu'il éprouve.

--

Le 17 frim. an XIII, jugement du tribunal de famille qui l'accorde.- Appel.

DU 23 JANV. 1826, arr. cour royale Bordeaux ; MM. Ravez, 1er prés.; Gergerés et Hervé, av.

(1) V. Cass., 16 pluv. an X;-Favard, Rep., t. 4, p. 143; Rolland de Villargues, Rép. du not., vis Garantie, no 104, et Partage, n° 284, et Conflans, Jur. sur les succ., p. 625.-Toutefois, pourrait-on valablement stipuler la garantie des faits du prince? V. Paris, 5 pluv. an IX, et la note, et 23 janv. 1806, et la note.

Viaud, créancier de 17,000 fra suivant acte public du 19 mars 1791, pour reste du prix d'un immeuble acquis par Fournield, durant la săciété d'acquêts; l'inscription de cette créance, prise le 1 mars 1799, avait été renouvelée le

res, inscrits, dès 1817, pour une créance de 925 fr., sur Fournield père et l'un de ses enfans.

« LA COUR,· Attendu que le traité du 17 | juin 1793 n'eut pour but que de ratifier le partage verbalement fait, en 1765, entre les deux frères Désarnaud, des successions qui leur étaient communes; que la garantie générale, réciproquement stipulée dans cet acte, ne s'ap-1er avr. 1809 et le 1er avr. 1819; 2o Sabrier frepliquait point aux événemens futurs de force majeure, au nombre desquels sont les faits du prince; que, par conséquent, les rentes qui furent supprimées par une loi postérieure périrent pour le compte de celui qui les possédait, et que chacun des deux frères a dû supporter personnellement, sans garantie contre l'autre, la perte de celles qui faisaient partie de son lot: Emendant, RELAXE les héritiers d'André Désarnaud de la demande formée contre eux, etc. »

COUR ROYALE DE BORDEAUX. (23 janvier.) Les créanciers d'une société d'acquêts doivent, quelle que soit la date de leur inscription, être préférés, sur les biens de cette société, aux créanciers personnels de l'un des sociétaires, el dont le titre est même postérieur à la dissolution de la société d'acquêts. Ils ne sont pas, comme au cas de succession, astreints à demander la séparation des patrimoines (1). C. civ., art. 878. L'inscription prise le 1er avr. 1809, est valablement renouvelée le 1er avr. 1819 (2). C. civ., art. 2154.

Lorsque la loi dispose qu'un délai courra å compter de tel jour, le jour à compter duquel court le délai, n'est pas compris dans le délai (3).

L'époux survivant conservant'le droit de vendre les biens d'une société d'acquêts pour payer les delles de cette société, l'expropriation de ces biens poursuivie pour une dette de celle nature contre le père seulement est valable, encore que ces biens aient été déclarés réversibles aux enfans; dès-lors, l'adjudicataire n'ayant pas à craindre une revendication de la part de ceux-ci, ne peut exiger des créanciers colloqués qu'ils donnent caution pour sûreté des paiemens qu'il leur fail. L'adjudicataire, retardé dans sa jouissance par les difficultés qu'a élevées le saisi, s'il n'a pas fail les diligences nécessaires pour obtenir son entrée en possession, ne doit pas moins les intérêts de son prix dès le jour de l'adjudication, conformément au cahier des charges (4).

J

VIAUD ET GABAUD C. SABRIER.

Par le contrat de mariage des époux Fournield, portant stipulation d'une société d'acquêts, il fut déclaré que ces acquêts étaient réversibles aux enfans.

En 1813, décès de la dame Fournield. En 1819, les biens acquêts de la société sont adjugés, sur saisie immobilière dirigée contre Fournield père, à Gabaud, pour 14,500 fr.-Un ordre est ouvert. Il s'y présente 1o le sieur

(1) V. même cour, 28 mai 1832;-Duranton, t. 13, no 14, et Bellot, t. 3, p. 26.

(2) V. conf. Cass., 5 avr. 1825, et la note, et Nimes, 7 mars 1826.

(3) V. Besançon, 20 mars 1809, et la note, et Caen, 19 fév. 1825.

(4) V. conf. Cass., 18 août 1808, et la note,ë 1.

Viaud prétendait à la priorité sur les frères Sabrier, 1o en ce qu'il était créancier de la so ciété d'acquêts, au lieu que ces derniers ne l'étaient que depuis que la société était dissoute; 2o en ce que sa créance, quoique la première inscription fût périmée, avait été valablement renouvelée les 19 avr. 1809 et 1oo avr. 1849.4

Les sieurs Sabrier répondaient que l'inscription du 1er avr. 1809 était périmée comme celle de 1799, pour tardivité de renouvellement, et que leur créance devait avoir la priorité; qu'à l'égard du privilége réclamé par Viaud en ce que sa créance était une dette de la société d'acquêts, ce privilége n'était fondé sur aucune loi. *Outre ces débats, Gabaud, adjudicataire, qui, par suite de l'appel que Fournield avait interjeté du jugement d'adjudication, avait été privé de la jouissance des biens adjugés, a prétendu ne devoir les intérêts du prix que du jour de sa qu'attendu que les biens adjugés faisaient par mise en possession; il a demandé, en outre, tie des acquêts de la société, et étant par suite de la clause de réversibilité, la propriété des enfans Fournield, la saisie et la vente n'avaient pu être poursuivies contre Fournield père, il lui fût donné caution par les créanciers colloqués, pour sûreté des sommes qu'il paierait sur son prix.

Le 21 août 1824, jugement du tribunal de Bordeaux, qui 1o déclare l'inscription de Viaud du 1er avr. 1809 périmée, et que le privilége fondé sur la commune origine des biens vendus et de la créance, assimilé à celui conféré par l'art. 878, C. civ., aux créanciers d'une succession sur les créanciers particuliers de l'héritier, n'a pas été conservé, en ce que Viaud n'a pas demandé la séparation des patrimoines et n'a pas pris une inscription ad hoc dans le délai de l'art. 2111; en conséquence, colloque au premier rang les frères Sabrier; 2o condamne Gabaud à payer les intérêts du prix à compter de l'adjudication; 3° impose a Sabrier et Viaud de fournir caution des sommes qui leur seront payées.

Appel par Viaud et Gabaud.-Viaud soutient entre autres qu'il n'a pas eu besoin de demander la séparation des patrimoines; qu'elle est de droit, en ce qu'il n'y a pas, en ce cas comme dans celui d'une succession, de confusion possible entre les biens de la société et ceux de l'époux survivant; cet époux ne représentant pas la société dissoute, comme l'héritierreprésente le défunt.

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DU 23 JANV. 1826, arr. cour royale Bordeaux; MM. Ravez, 1er prés.; Desgrange-Bonnet, fray. gén. (Concl. conf.) Dufaure, Brochon jeune et Saint-Marc, av.

« LA COUR, -Attendu que les sociétés d'acquêts stipulées dans l'ancien ressort du parlement de Bordeaux, sauf quelques exceptions dérivant de leur nature, étaient régies par les mêmes règles que les sociétés ordinaires; qu'en matière de société, il est de principe que les créanciers de la société sont préférés sur l'actif social aux créanciers personnels de l'un des associés; que la créance de Viaud a été contrac

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