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en revendication a été formée en temps utile, et si les ordonnances invoquées sont applicables à l'espèce, il faut examiner si l'acte d'aliénation procède du fait du tuteur ou du fait du mineur, a l'effet de savoir si l'acte, à défaut d'accomplissement par le tuteur des formalités voulues par la loi, n'est pas nul de plein droit, comme contenant la vente de la chose d'autrui, ou seulement s'il y a lieu à l'action en restitution, dans le cas où la vente serait faite par le mineur;

» Attendu qu'il résulte des actes rappelés au procès, qu'il ne s'agit pas, dans l'espèce, d'une vente faite par le mineur, mais bien d'une aliénation faite par le sieur de Bourbel, tuteur naturel et légitime de son fils, de biens appartenant à ce dernier et provenant de la succession de la dame de Sully, dont il était héritier; mais que cette aliénation, pour être valablement faite par le sieur de Bourbel, aux qualités qu'il agissait, devait être faite conformément aux formalités prescrites par les art. 51, 52 et suiv. du réglement des tutelles, pour la vente de ces sortes de biens; et qu'à défaut d'observation desdites formalités, le tuteur n'a pu vendre comme personne publique, mais comme tout individu qui, agissant sans qualité, aurait vendu la chose d'autrui; qu'une vente de cette nature, sous les anciens principes, comme sous la législation actuelle, est nulle de plein droit, et que le marquis de Bourbel, en attaquant un acte que la loi déclare nul, a pu négliger de prendre la voie de la rescision pour en faire prononcer la nullité en justice, par la raison que ce qui est nul est censé ne pas exister, et par conséquent n'a pas besoin d'être rescindé: d'où suit encore la conséquence que, ce contrat n'étant pas soumis aux dispositions des ordonnnances invoquées, il n'y avait pas lieu de la part du marquis de Bourbel à se pourvoir par lettres de restitution en entier; qu'il pouvait, au contraire, et ainsi qu'il l'a fait, procéder par voie de loi apparaissante, pour réclamer en temps utile, aux termes de l'art. 60, cout. Normandie, le renvoi en propriété et jouissance des biens dont il avait été indûment dépouillé depuis moins de quarante ans; qu'ainsi l'action du sieur de Bourbel, qui se présente en vertu de l'article précité, procéde bien, et que, dès-lors, il y a lieu de lui adjuger les fins de ses conclusions. »

Appel. - Le 31 mars 1824, arrêt de la cour de Rouen, qui infirme la sentence des premiers juges, et déclare le marquis de Bourbel non-recevable dans sa demande, - Attendu que, si le contrat de vente de 1783 pouvait être regardé comme irrégulier, parce que le marquis de Bourbel père vendait un immeuble appartenant à son fils mineur, il faut considérer que le marquis de Bourbel, vendeur, garantissait à l'acquéreur la propriété qu'il aliénait ; que le marquis de Bourbel fils, après sa rentrée en France, en 1802 n'ayant pu ignorer l'aliénation faite par son père, et la clause de garantie donnée par celui-ci | dans le contrat de 1783, ayant vécu dans la maisou de son père, qui n'est décédé qu'en 1814, il en résulte que, par ce long silence par lui observé sur ce contrat, et n'ayant point exigé de son père, ainsi qu'il l'allègue, un compte de tutelle, il a, par son fait personnel et volonté, privé le sieur Payen de l'action récursoire, et s'est rendu ainsi non-recevable à attaquer ledit contrat, comme n'ayant pas agi dans les dix ans de sa majorité, ainsi qu'il est prescrit par l'art. 475. C. civ. »

Le marquis de Bourbel se pourvoit en cassation et présente deux moyens: Le premier était

fondé sur une prétendue violation des art. 51, 52 et suiv. de l'arrêt de réglement du parlement de Normandie sur les tutelles, et des art. 60 et 521, cout. Normandie sur la prescription. Le second moyen résultait de la fausse application de l'ord. de 1539, de l'art. 475, C. civ., et d'une contravention manifeste aux art. 2 et 2281, même Code.

La défense du demandeur consistait à reproduire la distinction consacrée par le jugement de première instance entre le cas où la vente a été faite par le mineur non autorisé et celui où elle a été réalisée par le tuteur sans formalités de justice. Dans la première hypothèse, comme il y avait eu un consentement de la part du mineur, il fallait qu'il prît la voie de la rescision ou de la restitution en entier, et il n'avait pour cela que dix ans du jour de sa majorité, aux termes de l'ordonnance; dans la seconde hypothèse, le tuteur qui vend sans observer les formalités prescrites n'agit plus en qualité de tuteur: il vend comme étranger, et par conséquent il dispose de la chose d'autrui. Alors ce n'est plus par l'action en rescision que l'on doit revenir contre les actes d'aliénation qu'il a fails, mais bien par la revendication; et comme l'art. 60, cout. Normandie, dont les principes ont été maintenus par les art. 2 et 2281, C. civ., accordent quarante ans au propriétaire dépouillé pour se pourvoir, il s'ensuivait que le demandeur avait agi en temps utile, et qu'en décidant le contraire, l'arrêt attaqué était contrevenu à l'art. 60, statut normand, et avait faussement appliqué l'ord. de 1539.

Quant à l'argument tiré de l'art. 475, C. civ., il portait à faux. Cet article ne règle que les rapports respectifs du mineur et de son tuteur; il est étranger aux tiers: l'étendre jusqu'à eux, c'est en faire une fausse application.

DU 14 NOV. 1826, arr. cour cass., ch. civ.; MM. Brisson, prés.; Poriquet, rapp.; Cahier, av. gén.; Nicod et Piet, av.

«LA COUR,-Sur les moyens pris de la prétendue violation de l'art. 60, cout. Normandie, et, par suite, de l'art. 2281, C. civ., Attendu que l'art. 60, cout. Normandie, n'est pas applicable au cas où le tiers détenteur jouit en vertu d'un titre régulier, ou qui ne peut plus être attaqué;

Sur le moyen tiré de la contravention à l'arrêt de réglement de 1673, sur les tutelles et les formalités à observer dans l'aliénation des biens des mineurs, Attendu que la cour royale n'a pas déclaré valable la vente du 11 juin, et a reconnu formellement, au contraire, qu'elle avait été irrégulière dans l'origine, mais qu'elle a jugé que le sieur de Bourbel était non-recevable à en demander la nullité; - Sur le moyen tiré de la fausse application de l'ord. de 1539, en ce qu'elle n'est relative qu'aux contrats faits par les mineurs, Attendu 1o que, le sieur de Bourbel n'ayant pas vendu en son nom personnel l'immeuble appartenant à son fils mineur, le contrat de vente du 11 juin 1783 ne peut pas être assimilé aux contrats contenant vente du bien d'autrui; - Attendu 2° que, dans aucun cas, la justice n'autorise les mineurs à aliéner eux-mêmes leurs immeubles, et qu'ainsi, lorsque l'ord. de 1539 parle de la nullité des contrats faits par les mineurs sans décret ni autorité de justice, cela ne peut s'entendre que des contrats qui, comme dans l'espèce actuelle, ont été faits par le tuteur, en sa qualité de tuteur, dans laquelle, ainsi que le dit l'art. 450, C. civ., il est le représentant légal du mineur; Sur le

dernier moyen, tiré de la fausse application de l'art. 475, C. civ.,- Attendu que la fausse application ne peut donner ouverture à cassation que lorsqu'il en résulte une violation formelle de quelque loi, ce qui ne se rencontre pas dans l'espéce actuelle, où cet art. 475, C. civ., ainsi que l'art. 1304, même Code, ne font que reproduire et consacrer les dispositions de l'art. 134, ord. de 1539, sur la durée des actions en rescision ou en nullité, que les mineurs peuvent exercer pour cause et en faveur de minorité; Attendu enfin que de tout ce qui précède il suit que l'arrêt dénoncé n'a violé aucune des lois invoquées par le demandeur, et qu'il est conforme aux lois et principes de la matière,· REJETTE, etc. »>

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COUR ROYALE DE BESANÇON. (14 novembre.) Lorsque sur une demande en réglement d'un compte excédant 1,000 fr., les parties ont reconnu que le reliqual de ce compte devait être seulement de 406 fr., le tribunal de première instance ne peut statuer qu'en premier ressort (1).

REMAND C. MEUNIER.

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DU 14 NOV. 1826, arr. cour royale Besançon. « LA COUR, — Considérant, sur la fin de non-recevoir, que sur les conclusions on demandait le réglement d'un compte qui, de l'aveu de toutes parties, excédait la somme de 1,000 fr.; que peu importe, pour fixer la compétence, que l'une des parties ait annoncé qu'elle regardait le reliquat de ce compte comme devant être seulement de 406 fr., puisque le compte mème n'était pas arrêté; qu'il n'y a donc pas lieu de s'arrêter à cette fin de non-recevoir, etc. »

COUR ROYALE DE BOURGES. (14 novembre.) Lorsque le jugement qui ordonne une enquête,

et les fails articulés sont détaillés dans la requêle présentée au juge commissaire, et que copie de celle requele el de l'ordonnance a élé signifiée aux témoins, il n'est pas nécessaire, à peine de nullile, de leur donner, en outre, copie du dispositif du jugement. C. procéd., art. 260.

Les témoins qui ont précédemment agi comme indicateurs, devant l'expert chargé de lever le plan des lieux contentieux, ne sont pas reprochables pour ce fail (2). C. procéd., art. 283.

LHOSTE C. BARON.

DU 14 NOV. 1826, arr. cour royale Bourges, 1 ch.; MM. Sallé, 1er prés.; Torchon, 1er av. gén.; Mater et Bouniou, av.,

« LA COUR ; — Considérant, sur la première question, que le motif de la nullité est tiré de ce qu'aux termes de l'art. 260, C. procéd., il doit être donné copie du dispositif du jugement qui ordonne la preuve, et que cette copie n'est

(1) V. Amiens, 30 déc. 1825, et le renvoi.

(2) V. Paris, 24 mai 1811.-Les individus qui ont fait des déclarations sur un procès-verbal d'experts autorisés à recevoir les déclarations des personnes qu'on leur présenterait ou qu'ils appelleraient d'office, peuvent être appelés comme témoins dans l'enquête ordonnée par suite de cette expertise. V. Orléans, 22 fév. 1811. V. aussi Carré, Lois procéd., 1. 1er, p. 704; Berriat. p, 294, et Hautefeuille, p. 157.

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donnée à aucun; - Mais que, dans l'article précité, on lit que la copie du jugement doit être donnée seulement, en ce qui concerne les faits admis, afin que les témoins connaissent les objets sur lesquels ils doivent déposer; mais que le jugement et les faits sont détaillés dans la requèle présentée au juge commissaire; que copie de cette requête et de l'ordonnance a été donnée aux témoins ; qu'ainsi le but de la loi se trouve rempli ; Considérant, sur la deuxième question, que le reproche proposé est fondé sur ce que les témoins qui ont déposé s'étaient expliqués dans la même affaire, comme indicateurs, devant l'expert chargé de lever les plans des lieux; Mais que la loi ne permet le reproche que contre celui qui a donné des certificats sur les faits relatifs au procès, parce qu'alors, agissant volontairement, il semble épouser la cause de celui à qui il les a donnés, et qu'il n'y a rien de semblable dans l'espèce; - Qu'il n'en est pas de même d'un simple indicateur qui ne fait qu'obéir à la justice; qu'autrement les moyens indiqués par la loi, pour la découverte de la vérité, deviendraient impuissans; qu'enfin, l'indicateur peut tout au plus être assimilé à celui qui, ayant déclaré avoir vu commettre un délit, peut toujours être appelé en justice pour déposer, REJETTE la nullité proposée; -Et, sans avoir égard aux reproches contre les témoins, · ordonne que leurs dépopositions seront lues, etc. »

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« LA COUR, Attendu que les actes et jugemens intervenus entre Poupel et veuve Lemercier et fils, sont des actes étrangers à Sénécal qui n'y a point été appelé, et ne peuvent lui être opposés ; Attendu que par l'acte d'adcal, et en vertu d'une clause spéciale du cahier judication du 22 déc. 1825, au profit de Sénédes charges, il a été chargé d'entretenir le bail fait par veuve Lemercier et fils à Poupel, le 26 mars 1821, reconnu devant notaire, et même renouvelé pour neuf années par un autre acte du 24 avr. 1822, contenant en même temps association entre les contractans pour l'exploitation de la raffinerie dont Sénécal s'est

(1) V., sur une question analogue, Rouen, 17 mai 1825.

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terre Dellon, pour avoir paiement des arrérages.

Les enfans du sieur Gousseaume, lors décédé, forment opposition aux poursuites, et demandent la nullité de la donation de 1788, comme faite à une concubine.

rendu adjudicataire sur sa poursuite en expropriation; Attendu que c'est sur la demande de Poupel en exécution du bail, dans sa requête du 30 nov. 1824, que, par jugement du 9 déc. suivant, le bail a été maintena; qu'il avait demandé, il est vrai, à être autorisé de compenser les loyers, fixés à 1,200 fr. par an, contre les produits de la raffinerie, mais qu'il avait été débouté de la demande, en ce chef, par le même jugement, confirmé en ce chef par l'arrêt de la cour du 17 mai 1825; Attendu qu'il est encore vrai que par acté du 30 juin 1825, Poupel a signifié qu'il entendait quitter la jouissance de la raffinerie, mais que ce n'était pas là une voie légale de se délier de ses engagemens et de l'effet du jugement qui avait maintenu l'exécution du bail et en avait fait une

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clause du cahier des charges; · Attendu que
le bail du 26 mars 1821, et l'acté du 24 avr. 1822,
qui le confirme sous certaines modifications
contiennent des obligations réciproques; que si
Poupel prétend que la veuve Lemercier et fils
ou ceux qui les représentent n'ont pas rempli
celles qui leur sont imposées, la seule voie à
prendre pour Poupel, pour se délier, était celle
de l'action en résiliation qu'il peut encore pren-
dre aujourd'hui, pour le temps de sa jouissance
qui reste à courir, s'il s'y croit fondé;
Et vu
que tant que le bail subsiste, Poupel ne peut se
dispenser d'en payer les loyers, conformément
à ce qui a été prescrit par le jugement confir-
mé par l'arrêt du 17 mai 1825, MET l'appel
pellation et ce dont est appel au néant.....";
Sans avoir égard aux exceptions de Poupel, dont
il est évincé...., etc. »

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Le 3 mars 1824, jugement du tribunal civil de Caen, qui annulle effectivement la donation. Appel. Le 7 mai 1825, arrêt de la cour royale qui confirme, «Attendu que, si la cout. de Normandie ne contenait pas une prohibition formelle et explicite des donations entre concubinaires, et si l'ord. de 1629 n'avait pas été enregistrée au parlement de cette province, il résulte néanmoins, d'une manière incontestable, et de l'opinion des auteurs et de la jurisprudence des arrêts, que ce principe, qui s'accorde d'ailleurs avec l'esprit de la coutume, y a été généralement suivi;

» Que l'intérêt de la conservation des mœurs, et la crainte des dangers d'une affection trop vive, qui avaient dicté les art. 437 et 410, cout. Normandie (1), ont dû, à plus forte raison, porter à refuser à une concubine le fruit de sa prostitution, ou s'opposer à l'influence d'autant plus dangereuse qu'elle pouvait exercer, que les soins assidus étaient le seul moyen qu'elle eût de conserver l'affection de son complice, et que l'intérêt était l'unique indemnité de son déshonneur;

» Que le concubinage étant une espèce de délit que l'ancienne législation punissait par l'anéantissement des libéralités dont il était la cause, les tiers, qui pouvaient rarement s'en procurer un commencement de preuve par écrit, doivent être admis à en prouver l'existence tant par des présomptions, que par la notoriété publique, ou même par témoins, en cas d'insuffisance;

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Que cette doctrine, professée par Pothier (Traité des Donations), par Roupuel (notes sur Pesnelle), et confirmée par Merlin (Additions), ne permet plus d'élever de doutes;

COUR DE CASSATION. (15 novembre.) Avant le Code civil, et spécialement en Normandie,une donation pouvait être querellée, selon la mesure de son intérêt, par le tiers acquéreur qui, ayant acquis après la donation, se voyait recherché, aux fins de parfaire au donataire l'intégralité de l'objet donné. Qu'il n'en pourrait exister encore que dans Cout. Normandie, art. 425; C. civ., art. 921. le cas où ce serait le donateur qui viendrait deLes dons entre concubins étaient prohibés mander la nullité ; et qu'alors même le magissous l'empire de la coul. de Normandie. trat, appréciateur des circonstances, pourrait L'art. 431, en permettant de donner à qui confirmer ou anéantir la donation; que le motif bon semblait, supposait que le donataire qui pourrait faire repousser le donateur lui seavait la capacité de recevoir (1). Cout. Nor-rait personnel, tiendrait à la défaveur de sa pomandie, art. 431; C. civ., art. 902. Pour établir le fait de concubinage, il n'est pas nécessaire qu'il y ait preuve par écrit, ou même par temoins des présomptions graves, précises el concordanies sont suffisantes. C. civ., art. 1341 et 1353.

COTTUN C. HÉRITIERS GOUSSEAUME. Le 9 avr. 1788, le marquis de Briqueville constitue bénévolement, et par forme de donation, une rente viagère de 1,500 liv. au profit de la demoiselle Lepelley, qui habitait avec lui. Il affecte au service de cette rente tous ses biens présens et à venir.

En 1790, le marquis de Briqueville vend au sieur Gousseaume divers immeubles, notamment la terre Dellon: il paraît que l'acquéreur n'a fait aucune démarche pour purger l'hypothèque de la demoiselle Lepelley,

Le 6 juin 1809, la rente dont il s'agit est cédée au sieur Cottun, qui fait d'abord signifier son transport au débiteur, et ensuite saisir la

(1) V. Pau, 20 mars 1822, et la note.

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sition, mais n'a pu être transmis à son acquéreur, qui ne le représente que quant à la chose même qui lui a été transmise et aux droits réels qui y sont attachés, mais qui n'est nullement l'ayant-cause de sa personne;

» Qu'il s'agit ici d'une nullité radicale, que toute personne qui y a intérêt doit être admise à proposer;

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Qu'on doit d'autant plus le décider ainsi, dans l'espèce, qu'il existe un concert frauduleux entre le vendeur, sa concubine, donataire, et le cessionnaire de celle-ci, pour dépouiller injustement l'acquéreur; que cette intelligence coupable doit laisser à ceux que l'on veut ainsi dépouiller le moyen de démasquer la fraude et de démontrer le vice du titre en vertu duquel on les poursuit;

» Qu'outre la notoriété publique, qui est incontestable, et que les auteurs les plus difficiles sur l'admission de la preuve du concubinage ont assimilée au commencement de preuve par

(1) Ces articles prohibent les donations entre époux et au profit des enfans naturels.

écrit, les présomptions qui résultent de l'habitation commune et non interrompue des parties depuis leur jeunesse, de la différence de leur condition; du titre équivoque auquel la fille Lepelley était chez le marquis de Briqueville, quand il est prouvé que, d'après son aisance et sa position sociale, elle ne pouvait être sa domestique; du libertinage notoire du marquis de Briqueville, de l'absence de toute autre cause exprimée ou probable de la donation de 1788; du soin qu'avaient pris les parties de venir à Caen passer le contrat fait au profit de la fille Lepelley, pour en dérober la connaissance à la famille du donateur, ainsi qu'il l'avance luimême dans son interrogatoire; de l'inexécution de cet acte pendant vingt ans, et des mancuvres employées pour le faire revivre ;

» Que tout enfin porte la démonstration du concubinage à un tel degré d'évidence, qu'une preuve ultérieure serait aggravante pour les parties, sans rien ajouter à la conviction des magistrats..... >>

Pourvoi en cassation de la part du sieur Co!tun. Trois moyens sont proposés au nom du demandeur: 1^ L'arrèt attaqué violait ouvertement l'art. 425, statut normand, et, par contrecoup, l'art. 921, C. civ.: La réduction ou la nullité d'une donation ne peut, aux termes de ces articles, être provoquée que par les héritiers du donateur. Les enfans Gousseaume, n'étaient point héritiers du marquis de Briqueville, mais bien des tiers détenteurs, étrangers à la famille: donc ils étaient sans qualité pour attaquer la donation de 1788; ils ne pouvaient pas même argumenter du prétexte banal que la donation ait été faite en frande de leurs droits, ni se placer sous l'égide de l'art. 1167 du Code, puisque la constitution de rente viagère avait précédé de deux ans leur acquisition.

2o La cour royale, en annulant la donation comme faite entre concubinaires, avait méconnu les termes et l'esprit de l'art. 431 de la coutume, en même temps qu'elle avait fait une fausse application de l'ord. de 1629. Cette ordonnance, prohibitive des donations entre concubins, n'avait jamais été enregistrée au parlement de Normandie; aucun article de la coutume ne déclarait nulles de semblables donations; bien plus, l'art. 431, en permettant de donner à qui bon semble, comprenait nécessairement les concubins, par cela seul qu'il ne les exceptait pas aussi Godefroy soutient-il ces donations valables, et Berrault rapporte-t-il divers arrêts qui les confirment. Donc la cour royale, en les annulant, avait commis un excès de pouvoir et violé la loi.

30 Enfin, l'arrêt attaqué, en faisant résulter de la notoriété la preuve du concubinage, avait violé tous les principes de la matière. Cette notoriété de fait n'était point admise dans notre ancienne jurisprudence; elle ne l'est pas non plus sous l'empire du Code. Le concubinage, en le supposant même un délit, ne peut être prouvé que par écrit, ou du moins par la preuve vocale. La cour royale avait donc commis une étrange erreur en admettant comme élémens de preuve, des circonstances auxquelles la loi refuse ce caractère.

DU 15 NOV. 1826, arr. cour cass., ch. req.; MM. Voysin de Gartempe, prés. d'âge; Dunoyer, rapp.; Lebeau, av. gén.; Isambert, av.

• LA COUR, Attendu, sur le premier moyen, qu'il s'agit de donations et actes antérieurs à la publication du Code civil; qu'il est

reconnu par le demandeur en cassation, ces→→ sionnaire de la demoiselle Lepelley, donataire du sieur Briqueville, que les héritiers du donateur pouvaient, d'après le droit commun, et spécialement en Normandie, demander soit la nullité, soit la réduction des donations, et que rien ne s'opposait à ce que les tiers acquéreurs fussent admis à l'exercice des mêmes actions pour le maintien et conservation des acquisitions par eux faites, et des droits réels qui y étaient attachés, ce qui suffit pour écarter ce premier moyen; Attendu, sur le deuxième moyen, qui consiste à prétendre qu'il a été contrevenu aux ast. 431, cout. Normandie, et 902, C. civ., en annulant les donations et actes dont il s'agit, comme faits entre concubinaires, Que l'article cité du Code civ., quelles qu'en fussent les dispositions, ne pourrait influer sur le sort de l'arrêt, s'agissant d'actes antérieurs à sa publication, et sur lesquels les principes et la jurisprudence des anciennes cours étaient uniformes; Attendu, sur l'art. 431, cout. Normandie, que cet article supposait nécessairement que le donataire avait la capacité de recevoir la donation faite à son profit, et que la femme vivant en concubinage était réputée incapable respectivement à l'homme avec qui existait cette liaison illicite; - Qu'ainsi, ce moyen n'est pas admissible;-Altendu, sur le troisième moyen, résultant de ce que la preuve du concubinage du sieur de Briqueville avec la fille Lepelley a été fondée sur la notoriété publique, que le commerce illégitime habituel et non interrompu dudit sieur de Briqueville avec la fille Lepelley a été prouvé par des interrogatoires sur faits et articles, et par des présomptions graves, précises et concordantes, aux termes de l'art. 1353, C. civ., et que la notoriété publique n'a été invoquée que surabondamment, ce qui suffit pour justifier l'arrêt à cet égard; - REJETTE, etc. »

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COUR DE CASSATION. (15 novembre.) Une vente peut être annulée sur le seul motif qu'à l'époque du contrat, la démence du vendeur était notoire, et qu'il en résulte pour lui un préjudice considérable, el l'appréciation de ce dommage est abandonnée aux lumières des juges, sans qu'ils soient tenus de vérifier s'il y a eu dol de la part de l'acquéreur, ou lésion des sept douzièmes pour le vendeur (1). C. civ., art. 503, 1675, 1677 et 1678.

FRESCHER C. BOURGEANT.

Bourgeant vend tous ses biens à Frescher, son oncle, moyennant une rente annuelle et viagère de 600 fr. Le contrat est passé le 27 déc. 1819. Deux ans après, et le 31 déc. 1821, l'interdiction de Bourgeant est prononcée. Lede la vente faite à Frescher en 1819. Il soutient, roi, curateur de l'interdit, demanda la nullité et offre de prouver, qu'à cette époque, le vendeur était déjà dans un état de démence notoire et complet. Des témoins sont entendus; et, sur le vu des enquêtes, le tribunal civil de

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Laval, par jugement du 1er mai 1824, annulle la vente, Attendu qu'au moment où elle a été passée, la démence était notoire; qu'il y a eu pour l'interdit dommage considérable; et que l'art. 503, C. civ., n'exige ni dol, ni fraude, ni lésion d'outre moitié. »

Sur l'appel, Frescher insiste pour que les biens soient estimés, afin de constater s'il y a - Mais le 3 fév. 1825, areu réellement lésion. rêt de la cour royale d'Angers qui, adoptant les motifs des premiers juges, et considérant en outre que les reventes faites par Frescher constatent suffisamment la valeur des biens, confirme le jugement attaqué.

Pourvoi en cassation pour fausse application de l'art. 503, C. civ., et pour violation des art. 1675, 1677 et 1678, même Code. Quel est, a dit le demandeur, le principal motif qui a déterminé la cour d'appel à annuler la vente du 27 déc. 1819? C'est le dommage considérable qui, suivant elle, en résultait pour le vendeur. Co n'est donc pas l'art. 503 qu'elle devait consulter, mais bien les art. 1675 et suivans, qui tracent les règles à suivre pour constater la lésion. Cette cour a donc violé ces articles, en refusant de faire droit aux conclusions que j'avais prises devant elle à cet égard. Ensuite, avoir déclaré nulle une vente contre laquelle il

ne s'élevait aucun soupçon de dol ni de fraude, une vente consentie à une époque où le vendeur jouissait de la plénitude de ses droits, et cela, sur le prétexte que ce dernier avait été interdit deux ans après, c'est avoir commis un excès de pouvoir, violé la loi du contrat, et fait même une fausse application de l'art. 503 du Code.

DU 15 NOV. 1826, arr. cour cass., ch. req.; MM. Henrion de Pensey, prés.; Lasagni, rapp.; Lebeau, av. gén.; Isambert, av.

« LA COUR, — Attendu, en droit, que les actes antérieurs à l'interdiction d'un majeur, en état habituel d'imbécillité, de démence, ou de fureur, peuvent être annulés, si la cause de l'interdiction existait notoirement à l'époque où ces actes ont été faits (art. 503, C. civ.); Qu'ainsi la loi s'en rapporte entièrement aux lumières et à la conscience des juges, sans exiger aucunement la preuve soit du dol et de la fraude, de la part de l'acquéreur, soit de la lésion de l'acquéreur au préjudice du vendeur; Et attendu qu'il a été reconnnu, en fait, que, par jugement du tribunal de première instance de Laval du 31 déc. 1821, Bourgeant avait été interdit, comme étant dans un état habituel de démence, d'imbécillité et de fureur ; que la cause de cette interdiction existait notoirement au 27 déc. 1819, époque à laquelle Bourgeant avait passé, en faveur de Frescher, demandeur en cassation, la vente dont il s'agit au procès; que cette cause d'interdiction, lors et déjà notoirement existante, était encore plus particulièrement connue de l'acquéreur, en sa qualité d'oncle du vendeur; qu'enfin la vente avait fait un tort considérable au vendeur; Que, dans ces circonstances, même sans s'étayer et sans avoir besoin de s'étayer des preuves prescrites par la loi pour constater la lésion, l'arrêt attaqué, en prononçant, non pas la rescision de la vente dont il s'agit, pour cause de lésion, mais bien sa nullité pour cause de démence de la part du vendeur, a fait une juste application de l'art. 503, C. civ., sans violer les art. 1675, 1677 et 1678, mème Code, REJETTE, etc. »

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COUR ROYALE DE BOURGES. (15 novembre.) L'incompétence à raison de la matière ne peut s'entendre que du cas où les parties voudraient saisir un tribunal d'une matière étrangère à sa juridiction, el par exemple porter une affaire criminelle devant un tribunal civil, ou devant un tribunal de commerce une affaire civile.

Mais l'incompétence résultant de la silualion de l'immeuble liligieux est couverte, lorsque celle incompétence ayant éle rejelée en première instance, il n'a pas été appelė du jugement, et que depuis, les parties ont défendu au fond (1). C. procéd., art. 170. REGNEY C. CÉREY.

DU 15 NOV. 1826, arr. cour royale Bourges, 2 ch.

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« LA COUR, Considérant que le motif d'incompétence est tiré de ce qu'il s'agit d'un terrain situé dans le département de Saône-etLoire, et que le jugement est rendu par un tribunal de la Nièvre; Qu'à la vérité le demandeur en matière réelle doit former son action devant le tribunal de la situation des lieux, mais que cette règle, établie dans l'intérêt du défendeur, cesse s'il y consent; que l'incompétence ratione materice ne peut s'entendre que du cas où les parties voudraient saisir un tribunal d'une manière étrangère à sa juridiction,-Que si une affaire criminelle était portée devant le tribunal civil, si une affaire civile, était portée devant le tribunal de commerce il y aurait incompétence ratione materiæ, parce que telle matière est hors de leurs pouvoirs ; mais que les tribunaux civils étant institués pour connaître des affaires civiles, la situation des lieux ou le domicile des personnes, ne constituent pas l'incompétence ratione materice, lorsque les parties consentent à procéder; et que dans l'espèce, un jugement du 29 juill. 1822, avait rejeté ce moyen d'incompétence contre une des parties litigantes, alors seule en cause; qu'il n'y a pas eu appel de ce jugement, et que les autres parties appelées depuis ont fourni des défenses au fond avant d'avoir demandé le renvoi,-DIT qu'il a été bien jugé au chef qui rejette l'incompétence alléguée, etc. »

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