Où serait, en effet, le motif de différence entre l'une et l'autre hypothèse? Il est vrai que la première partie de l'article 1254 mentionne à la fois les intérêts et les arrérages, tandis que la seconde partie ne mentionne que les intérêts. Mais il nous paraît certain qu'il n'y a aucune déduction à tirer de cette différence; et c'est précisément pour faire cette remarque que nous avons cru devoir poser la question. Est-ce par inadvertance, que le rédacteur de l'article, après avoir mentionné les intérêts et les arrérages dans la première partie, n'a mentionné que les intérêts dans la seconde? Peut-être ! Il se pourrait aussi qu'il eût, mal à propos, appliqué à l'hypothèse, qui fait l'objet de la seconde partie de l'article 1254, une distinction que Pothier proposait sur une hypothèse différente, entre les intérêts d'un capital exigible et les arrérages d'une rente. Cette hypothèse, à laquelle nous arrivons, était, en effet, différente, comme on va le reconnaître. 20. Cette fois, la quittance ne porte pas que l'imputation est faite sur le capital et intérêts. Elle garde le silence sur l'imputation.... Nullo pacto interveniente, disait Scævola. (L. 102, § 3 ff., de Solut.) Ou même, elle porte que l'imputation est faite sur les intérêts ou les arrérages. Mais la somme, que le débiteur a remise au créancier, dépasse le montant des intérêts ou des arrérages, qui étaient dus. Il était dû 20 000 fr. d'intérêts ou d'arrérages. Et le débiteur a payé une somme de 40 000 fr. Que ferons-nous des 20 000 fr. qui dépassent le chiffre des intérêts ou des arrérages dus? C'est ici que Pothier plaçait sa distinction. Le surplus sera imputé sur le capital. Le surplus pourra être répété par le débiteur, si c'est par erreur qu'il l'a payé. Le motif de cette différence, c'est que le principal d'une rente constituée n'est pas dû; il n'est que in facultate luitionis; et le créancier n'est pas présumé avoir consenti le rachat de sa rente par partie. (Pothier, n° 570.) Marcadé a vivement combattu cette distinction, en objectant que, dès que le débiteur a payé, par erreur, une somme supérieure aux intérêts ou arrérages, la répétition doit lui être accordée dans les deux cas, soit qu'il s'agisse d'un capital exigible, soit qu'il s'agisse d'un principal de rente. (Art. 1254, no 11.) Ce motif est, en effet, sérieux; et nous avons voulu le relever. Remarquons toutefois qu'il ne s'agit ici que d'un point de fait et d'une question d'interprétation. Or, on ne saurait méconnaître qu'il sera, en général, plus facile de présumer que les parties ont pu entendre que l'excédant serait imputé sur le principal, lorsque le principal est lui-même exigible, que lorsqu'il ne l'est pas, comme celui d'une rente. C'est à ce point de vue que la distinction de Pothier nous semble pouvoir être encore proposée, sous la réserve, d'ailleurs, des circonstances particulières du fait, qui seraient de nature à la modifier. (Comp. Duranton, t. XII, n° 192.) 21. Avant de quitter l'article 1254, nous voulons remarquer encore combien il importe de ne pas confondre l'hypothèse, dont il s'occupe exclusivement, à savoir: celle où il n'existe qu'une dette, avec l'hypothèse dont s'occupent au contraire exclusivement les articles 1253, 1255 et 1256, à savoir: celle où il existe plusieurs dettes. (Comp. supra, n° 11.) TRAITÉ DES OBLIGATIONS. Y-2 C'est, en effet, cette distinction, qui doit fournir, suivant nous, la clef de plusieurs difficultés importantes, qui se sont élevées sur notre matière. On a mis, par exemple, en question sur quelle partie de la dette doit s'imputer un payement, qui n'est pas -intégral, lorsqu'une seule et même dette est, en partie, privilégiée, et, en partie, chirographaire. (Comp. art. 21034°.) Sur un terrain d'une valeur de 100 000 fr., j'ai fait faire une construction, qui m'a coûté 40'000 fr. et dont la plus-value n'est que de 20 000 fr. Les procès-verbaux ont été, nous le supposons, régu[lièrement dressés, avant et après la confection des trarivaux, conformément à la loi. Voilà donc une dette de 40 000 fr., privilégiée pour moitié, et, pour moitié, chirographaire. En cet état, j'ai payé à l'architecte une somme de 20 000 fr., sans qu'aucune imputation ait été faite dans la quittance. Sur quelle partie de la dette le payement devra-t-il ⚫être imputé ? Trois opinions sont en présence: a. La première enseigne que l'imputation doit être faite sur la partie privilégiée de la dette, et que les 120 000 fr. qui restent dus, ne forment plus qu'une dette chirographaire. (Comp. Persil, Régime hypoth., art. .2103, $ 4, n° 10.) b. D'après la seconde opinion, qui compte plus de partisans, l'imputation doit être faite proportionrellement; et les 20 000 fr. qui restent dus, 'forment encore, pour moitié, une dette privilégiée, et, pour moitié, une dette chirographaire. (Comp. Grenier, des Hypoth., t. II, n° 412; Duranton, t. XIX, n° 191; Dalloz, Rec. alph., -v° Priv., hypoth., no 35.) C. - Enfin la troisième opinion, que nous n'hésitons pas, pour notre part, à proposer, décide, au contraire, 12 que l'imputation doit se faire (si tant est qu'il puisse être ici question d'imputation !) sur la partie chirographaire de la dette; et que les 20 000 fr. qui restent dus, forment, pour le tout, désormais une dette privilégiée. Il y en a deux motifs : 1o Le premier, qui rentre dans notre sujet, c'est qu'ils n'existe qu'une seule dette. Or, en cas pareil, la règle est dans l'article 1254, et mon pas dans les articles 1253, 1255, 1256. C'est-à-dire que l'imputation doit être faite non pas dans l'intérêt du débiteur, mais dans l'intérêt du créancier. Prétendre, comme Persil, qu'il existe valors deux dettes, c'est méconnaître le caractère de la convention. Est-ce que je pourrais, sans son consentement, payer à mon architecte une partie des 40 000 fr. que je lui dois? assurément non! et pourquoi ? sinon parce qu'il n'existe, entre lui et moi, qu'une seule dette. (Art. 1244.) C'est bien là ce que reconnaissent MM. Grenier, Duranton et Dalloz. Mais alors, comment peuvent-ils conclure à une imputation proportionnelle? c'est méconnaître la règle fondamentale, 'que nous venons de poser, et qui nous paraît, en effet, l'une des bases de cette matière. 2o Ce motif suffirait à notre démonstration. Ajoutons pourtant cet autre motif, qui n'est pas moins décisif juridiquement, et qui se confond d'ailleurs avec le premier. C'est que le gage est indivisible, et qu'il garantit, pour le tout, la créance tout entière, et chacune de ses parties. (Art. 2083, 2114.) 1 N Cela est vrai aussi, bien entendu, du privilége, qui constitue la qualité même de la créance! (Art. 2095; comp. Zachariæ, Aubry et Rau, t. III, p. 175; Martou, des Priv. et Hypoth., t. II, n° 608; Pont, des Priv. et des Hypoth., n° 244.) 22. La même solution serait, par les mêmes motifs, applicable dans le cas d'un cautionnement, qui ne porterait que sur une partie de la dette. On trouve, il est vrai, dans le Recueil d'Augeard, un arrêt du 3 août 1709, qui a jugé que le débiteur n'ayant donné caution que pour la moitié de sa dette, la somme, qu'il avait payée à valoir, sans imputation dans la quittance, devait s'imputer sur la partie cautionnée. M. Ponsot professe, sous l'empire du Droit nouveau, la même doctrine (du Cautionnement, no 545); A laquelle M. Larombière s'est aussi rallié : << Si le débiteur, dit-il, avait plus d'intérêt à acquitter telle partie d'une même dette que telle autre, l'imputation devrait porter de préférence sur la portion qu'il lui importe le plus d'acquitter. Tel est le cas où il aurait donné caution ou hypothèque pour une moitié de son obligation seulement; car il a plus d'intérêt à acquitter cette moitié que l'autre. » (T. III, art. 1256, no 7; comp. Toullier, t. IV, no 179.) Mais cette doctrine, qui méconnaît l'indivisible unité d'une seule dette, n'a pas prévalu, et ne pouvait pas, en effet, próvaloir. << Attendu (porte l'arrêt de la Cour suprême, cassant un arrêt de la Cour d'Agen, qui l'avait consacrée) que, d'après les articles 2011 et 2021 du Code Napoléon, il est de la nature du cautionnement que la caution se soumette, envers le créancier, à satisfaire à l'obligation, si le débiteur n'y satisfait pas lui-même; Qu'il suit de là que, si le cautionnement ne porte que sur une partie de la dette, les payements faits par le débiteur doivent s'imputer d'abord sur la partie de la dette non cautionnée. » (12 janv. 1857, Vernet, Dev., 1857, II, 349; comp. Troplong, du Cautionnement, n° 247.) 23. Il faut aussi, suivant nous, malgré le dissentiment de M. Larombière sur ce point encore, appliquer cette solution au cas, tout semblable, où la dette ne |