102. Une autre exception est écrite dans l'article 777 du Code de Procédure, qui autorise l'adjudicataire sur expropriation forcée à consigner son prix et les intérêts échus, sans offres réelles préalables. 103.- Ne faut-il pas admettre, enfin, d'une manière plus générale, que les offres réelles préalables à la consignation, ne sont pas nécessaires dans les différents cas où le débiteur ne pouvant pas valablement payer entre les mains de son créancier, est autorisé à consigner le montant de sa dette? Voici, par exemple, une tiers-saisi Aux termes de l'article 1242, il ne peut pas payer valablement son créancier, au préjudice de la saisie ou de l'opposition. Est-il nécessaire néanmoins qu'il lui fasse des offres réelles, avant de consigner? Oui, a-t-on répondu ; « parce que, en effet, les offres réelles préalables ont pour but de mettre le créancier à même de les accepter, ou de donner les motifs de son refus, d'établir que les oppositions alléguées n'existent pas, ou de le mettre en mesure d'en rapporter la mainlevée. » (Comp. Paris, 24 déc. 1853, Cobade, Dev., 1854, II, 503; Cass., 22 nov. 1869, Malaste, Dev., 1870, I, 164.) La vérité est que beaucoup d'offres réelles sont faites ainsi dans la pratique, à laquelle nous nous sommes référé ailleurs (comp. le tome IV de ce Traité, n° 219). Mais la doctrine contraire compte des partisans considérables. D'après Toullier, les offres réelles ne seraient pas exigées en cas pareil; mais il faudrait que la consignation fût autorisée par un jugement (t. IV, n° 215). L'opinion la plus générale paraît être toutefois, que non-seulement les offres réelles ne sont pas nécessaires, mais qu'il n'y a pas lieu non plus d'exiger qu'un jugement autorise la consignation. Pourquoi des offres de payement, lorsqu'un payement valable n'est pas possible? (Comp. les n° 1 et 8 de l'art. 2 de la loi du 3 juillet 1816.) Pourquoi un jugement, qui autorise la consignation, lorsque l'article 1259 dispose qu'il n'est pas nécessaire que la consignation soit autorisée par le juge? Ce double argument nous paraît, en effet, devoir l'emporter (comp. Amiens, 20 févr. 1840, Hennequière, Dev., 1842, II, 118; Riom, 15 mai 1852, Farjas, Dev., 1852, II, 624; Orléans, 17 janv. 1854, Boulard, Dev., 1856, II, 500; Zachariæ, Aubry et Rau, t, IV, p. 193; Larombière, t. III, art. 1259, no 16). 104 b. Nous venons d'exposer la procédure des offres réelles. C'est, avons-nous dit, le premier acte (supra, n° 67). Arrivons maintenant au second, qui est la consignation. Il est clair, d'abord, que si le créancier accepte les offres, la procédure s'arrête, sauf la question des frais, dont nous allons bientôt parler (infra, n° 128 et suiv.). L'officier ministériel fait alors le payement contre la quittance qui lui en est remise. Et tout est dit! 105. Ce n'est, en effet, d'après l'article 1257, qu'au refus du créancier d'accepter les offres, qu'il peut y avoir lieu à la consignation (comp. aussi art. 814 Code de Procédure). Et par refus, il faut entendre toute espèce de non-acceptation, soit qu'elle résulte de son refus formel, de son silence seulement ou de son absence (comp. art. 1258, 6° et 1259, 3°; supra no 63). Car souvent il se cache, disait Davot, et nos huissiers ont raison de prendre son absence pour un refus (liv. II, Traité, XIV, chap. xii). 106. Aux termes de l'article 1259: - « Il n'est pas nécessaire, pour la validité de la consignation, qu'elle ait été autorisée par le juge; il suffit : «< 1° Qu'elle ait été précédée d'une sommation signifiée au créancier et contenant l'indication du jour, de l'heure et du lieu où la chose offerte sera déposée; «< 2° Que le débiteur se soit de saisi de la chose offert, en la remettant dans le dépôt indiqué par la loi pour re cevoir les consignations, avec les intérêts jusqu'au jour du dépôt; « 3° Qu'il y ait eu procès-verbal dressé par l'officier ministériel, de la nature des espèces offertes, du refus qu'a fait le créancier de les recevoir ou de sa non-comparution, et enfin du dépôt; «< 4° Que, en cas de non-comparution de la part du créancier, le procès-verbal du dépôt lui ait été signifié, avoc sommation de retirer la chose déposée. » D'après une ancienne pratique, notamment au Châtelet de Paris, il fallait que le débiteur obtînt un jugement pour être autorisé à consigner; et le procès-verbal devait même contenir une assignation au créancier à cet effet, devant le juge. Cette pratique pourtant n'était pas universelle ; à Lyon, por exemple, on ne l'observait pas; et la consignation pouvait y être faite sans jugement préalable (Denizart, vo Offres réelles, no 5). Ajoutons qu'elle n'était même bien solidement établie dans aucune province. Aussi, Pothier, en constatant cet usage, ajoute-t-il qu'il n'est pas nécessaire, pour la validité de la consignation, qu'elle ait été précédée de l'ordonnance du juge et que le jugement qui intervient par la suite, et qui la confirme, a un effet rétroactif (n° 578). 1 Voilà ce que décide également l'article 1259, avec grande raison sans doute! A quoi bon, en effet, une instance judiciaire, toujours dispendieuse, pour que le débiteur puisse exercer, à ses risques et périls, la faculté que la loi elle-même lui accorde de consigner! 107.- Mais est-ce à dire que le débiteur, qui a fait des offres, ne puisse pas, au préalable, et avant la consignation, en faire prononcer la validité contradictoirement avec le créancier? Non, assurément. Il peut vouloir, en effet, très-légitimement ne pas s'exposer à faire une consignation inutile, et ne pas rester dans l'incertitude sur le fait de sa libération. Cela est, disons-nous, très-légitime; car le refus du créancier de recevoir est bien de nature à lui inspirer sur ce point quelques craintes. Aussi, le droit, pour le débiteur, de former une demande en validité de ses offres, avant de consigner, résulte-t-il virtuellement des termes mêmes de l'article 815 du Code de Procédure: « La demande, qui pourra être intentée soit en validité, soit en nullité des offres ou de la consignation, sera formée d'après les règles établies pour les demandes principales ; si elle est incidente, elle le sera par requête.» (Comp. art. 816; Bordeaux, 16 janv. 1833, Dev. 1833, II, 180; Duranton, t. XII, no 227; Zachariæ, Aubry et Rau, t. IV, p. 195; Larombière, t. III, art., 1259, no 5.) 108.- De même, réciproquement, le créancier, de son côté, peut prendre l'initiative d'une demande en nullité des offres, qui lui ont été faites et qu'il a réfusées.. C'est aussi ce qui résulte l'article 815, 109. Du reste, la procédure des offres réelles et de consignation, poursuivie par le débiteur, ne fait pas obstacle à l'exercice de droit, qui appartient au créancier, après avoir refusé les offres, de poursuivre le payement de ce qu'il prétend lui être dû; il peut, au lieu de demander la nullité des offres, par voie d'action principale, demander le payement de la dette, en faisant abstraction des offres; sauf à en souter.ir incidemment la nullité, si le débiteur les lui oppose par voie d'exception. (Comp. Cass. 4 juill. 1838, de Chastenet, Dev. 1838, I, 881; Larombière, t. III, art. 1257, n° 7.) 110. De même encore réciproquement, la demande en nullité des offres, formée par le créancier, ne fait pas obstacle à l'exercice du droit, qui appartient au débiteur de consigner sans autorisation du juge, pendant l'instance, le montant de ce qu'il prétend seulement devoir. (Comp. art. 816 Code de Proc.) Chacun de son côté, en effet, le débiteur et le créancier, peut exercer son droit à ses risques et périls. 111. Nous venons de rappeler que, d'après l'ancienne pratique, la consignation devait être autorisée par un jugement, et que, à cet effet, le débiteur devait assigner le créancier à comparaître en justice (supra, n° 104). Cet usage en avait amené un autre, qui consistait en ce que les offres réelles, qui avaient déjà été faites à la personne du créancier ou à son domicile, étaient renouvelées et réitérées à l'audience; et c'était seulement après cela que le juge autorisait la consignation. Cette réitération des offres avait même reçu un nom singulier, tout à fait technique; elle s'appelait réalisation. L'usage du Châtelet, disait Denizart, est de réaliser, c'est-à-dire de réitérer les offres à l'audience; et ce n'est que du jour de cette réalisation, qu'on prononce la décharge des intérêts dans ce tribunal. » (Vo Offres réelles, n° 5; comp. Merlin, Répert., v° Réalisation.) Cette réalisation, comme on voit, n'était pas la consignation; elle la précédait seulement et la préparait. Notre Code, ayant supprimé la nécessité d'une procédure judiciaire préalable à la consignation, a, par cela même, supprimé la réalisation, qui n'était qu'une conséquence et un incident de cette procédure. |