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traire... in arbitrio solventis! (comp. Larombière, t. III, art. 1252 n°2.)

7.-L'explication, que nous venons d'en fournir, a, par avance, démontré jusqu'où va l'application de la règle et où elle s'arrête.

Elle s'arrête là où le droit du débiteur rencontre, pour limite, le droit du créancier ;

C'est-à-dire lorsque le débiteur, en effet, n'est plus, comme nous le disions, le maître de la situation, et que les dettes, dont il est tenu envers le créancier, sont telles, au contraire, qu'il ne pourrait pas le forcer de recevoir T'une ou l'autre indifféremment, avec la prestation qu'il lui offre.

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N'ayant pas alors le droit de payer, à son gré, l'une ou l'autre, il ne saurait avoir non plus le droit d'imputer à son gré, sur l'une ou sur l'autre, le payement qu'il vient faire. Cette restriction de notre règle est capitale; et elle peut elle-même recevoir d'importantes applications.

8. Nous en trouvons un exemple dans l'article 1254, qui la consacre en ces termes :

Le débiteur d'une dette, qui porte intérêt ou produit « des arrérages, ne peut point, sans le consentement du «< créancier, imputer le payement qu'il fait, sur le capi« tal, par préférence aux arrérages ou intérêts; le paye«ment fait sur le capital et intérêts, mais qui n'est point «< intégral, s'impute d'abord sur les intérêts. >>

Cette disposition se compose, comme on voit, de deux parties:

La première est relative surtout à un point de droit ; La seconde, surtout à un point de fait.

9.

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Et d'abord, en droit, ce que décide la première partie de l'article 1254, c'est précisément ce que nous venons de dire, à savoir que le droit du débiteur, en matière d'imputation, a pour limite le droit du créancier, et qu'il ne peut pas l'exercer de manière à blesser le légitime intérêt de celui-ci.

Notre texte en fournit un premier exemple, et trèsdécisif!

C'est celui où il n'existe qu'une seule dette.

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Je dois à Paul un capital exigible de 100 000 fr. avec intérêts à cinq pour cent par an.

H ya quatre ans que je n'ai payé les intérêts, qui s'élèvent donc, en ce moment, à 20,000 fr.

De sorte que ma dette totale est de 120,000 francs. Ou bien, c'est une rente, dont je suis débiteur envers Paul, une rente au capital de 100 000 francs, produisant des arrérages annuels de 5 000 francs.

Et, par suite de mon retard, je lui dois aussi actuellement 20 000 fr. d'arrérages échus.

En cet état, n'ayant à ma disposition qu'une somme de 80 000 fr. je me présente pour la lui payer; et ce payement, qui est insuffisant pour éteindre la totalité de ma dette, je prétends l'imputer sur le capital, par préférence aux intérêts ou arrérages, de manière à ne devoir plus que le cinquième du capital et à devoir toujours la totalité des intérêts ou arrérages.

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Telle est la prétention, que la première partie de l'article 1254 déclare légalement inadmissible (comp. L. I. Cod. de Solut.; Pothier n° 570.)

Pourquoi?

Parce que les rôles sont changés !

Ce n'est plus le débiteur qui est, comme dans l'hypothèse précédente, le maître de la situation; cette fois, c'est le créancier !

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En effet, le créancier peut refuser un payement partiel; son droit est d'exiger le payement intégral de la totalité de la dette; (art. 1244.)

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Or, il n'existe ici qu'une dette (art. 1254); nous avons reconnu, en effet, que la totalité de la dette comprend non-seulement le capital, mais aussi les accessoires, c'est-à-dire les arrérages ou intérêts dûs; (comp. le t. IV de ce Traité n° 238. )

Donc, le débiteur ne saurait, sans le consentement du créancier, faire, en cas pareil, une imputation!

La réponse du créancier serait péremptoire; il n'aurait qu'à refuser absolument de recevoir ce payement partiel. C'est-à-dire que la théorie de l'imputation implique nécessairement l'existence de plusieurs dettes, (art. 1253) de diverses dettes, (art. 1255), entre lesquelles le débiteur peut choisir.

Et par conséquent, cette théorie est inapplicable au cas où il n'existe qu'une dette unique, à l'égard de laquelle le débiteur n'a pas le choix entre un payement partiel et un payement intégral.

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Voilà le principe de droit, que la première partie de l'article 1253 consacre; et telle en est, suivant nous, première et la meilleure explication.

10. On l'explique encore, en disant que l'imputation, que le débiteur prétendrait faire sur le capital, par préférence aux intérêts ou arrérages, serait contraire à la convention des parties et à l'équité.

Elle serait contraire à la convention des parties loyalement interprétée; car il est manifeste qu'il a été dans leur commune intention que les intérêts ou arrérages, quoiqu'ils puissent être payés séparément, seraient néanmoins toujours payés avant le capital, dont ils ne sont que les accessoires, et qui est précisement destiné à les produire. Voilà comment, en effet, l'article 1908 dispose que : « La quittance du capital, donnée sans réserve des intérêts, en fait présumer le payement, et en opère la libération. » Et c'est aussi pourquoi l'article 2081 dispose que: <«< S'il s'agit d'une créance donnée en gage, et que cette créance porte intérêts, le créancier impute ces intérêts sur ceux qui peuvent lui être dûs. »

Elle serait contraire à l'équité; car elle changerait la situation des parties, au détriment du créancier, en substituant au capital, qui produit des intérêts ou des arrérages, un autre objet qui n'en produirait que dans

des conditions plus difficiles, ou qui même ne serait pas du tout susceptible d'en produire. (art. 1153-1154; comp. Bigot-Préameneu, Exposé des motifs, Locré, Législat. civ. t. XII p. 372; Zachariæ, Aubry et Rau, t. IV p. 166; Colmet de Santerre, t. V. n° 198 bis 11.)

Ces considérations sont excellentes assurément; elles prouvent, en effet, que l'équité est d'accord avec la logique, pour justifier le droit, que l'article 1254 reconnaît au créancier de s'opposer à ce que le débiteur, qui fait un payement partiel d'une seule dette, l'impute sur le capital par préférence aux intérêts ou arrérages.

Mais ce que nous maintenons, c'est que la véritable explication de cet article, son explication scientifique est celle que nous avons présentée; à savoir que le droit d'imputation n'appartient au débiteur que lorsqu'il existe plusieurs dettes, entre lesquelles il peut choisir.

11. M. Larombière a écrit que :

L'imputation suppose essentiellement le concours de plusieurs dettes, ou du moins de plusieurs portions d'une même dette de différente nature.» (t. III, art. 1253 n° 1.) La question d'imputation peut s'élever, il est vrai, dans ces deux hypothèses.

Mais il importe, suivant nous, de ne pas les confondre. Or, il nous semble reconnaître une certaine tendance vers cette confusion, soit dans le passage de l'éminent auteur, que nous venons de citer, soit aussi dans l'arrêt de la Cour de cassation du 25 novembre 1867. (Charvet, Dev. 1868, I. 80.)

Cet arrêt, qui rejette le pourvoi qui avait été formé contre un arrêt de la Cour de Lyon, est ainsi conçu:

«< Attendu que l'arrêt attaqué, supposant d'abord qu'il a existé deux dettes distinctes, dont l'une seulement était garantie par une hypothèque, et admettant ensuite qu'il a pu n'exister qu'une seule dette garantie par une hypothèque jusqu'à concurrence d'une quotité déterminée, déclare, en fait, pour l'une et pour l'autre hypothèse,

que l'intention avérée du débiteur a été de ne pas faire porter les payements qu'il a effectués sur la dette ou sur la portion de la dette, qui avait la garantie hypothécaire....>>

Eh bien! nous croyons qu'il n'est pas juridiquement exact de confondre ainsi ces deux hypothèses, par une sorte d'assimilation, dans la même formule (comp. infra 21, 22, 23 et 24.)

Les règles, qui gouvernent l'imputation dans l'une et dans l'autre, sont, en effet, très-différentes ! Existe-t-il plusieurs dettes?

C'est au débiteur que le droit d'imputation appartient. N'existe-t-il qu'une seule dette?

C'est au créancier.

Voilà ce qui résulte de nos textes.

Et nous venons d'établir que les textes sont, en ceci, conformes aux principes.

Or, quelle est celle des deux hypothèses, que le législateur a principalement en vue dans la section qui nous occupe?

Nous n'hésitons pas à répondre que le législateur a en vue l'hypothèse, dans laquelle, en effet, la question d'imputation peut s'élever le plus souvent et avec le plus d'importance;

C'est-à-dire celle où le débiteur est tenu de plusieurs detles, de diverses dettes envers le même créancier.

Tel est le cas auquel s'appliquent les articles 1253, 1255 et 1256.

Si le législateur, dans l'article 1254, a prévu l'hypothèse où il n'existe qu'une dette, c'est sans doute afin de mieux faire ressortir encore, par ce contraste, l'hypothèse à laquelle seulement il applique les autres articles de cette section.

12. « La règle que l'imputation doit se faire sur les intérêts avant que de se faire sur le capital, n'a pas lieu, disait Pothier, à l'égard de ceux, qui sont dûs par

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