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il parcourut le parc en entier, partie en calèche et partie à cheval, toujours accompagné de Son Altesse Royale, qui le reconduisit à l'endroit où elle étoit venue le recevoir. Le Czar, revenant par le bois de Boulogne, eut la curiosité d'entrer dans le château de Madrid. Pendant le dîner, le Czar s'étoit entretenu en allemand, avec Madame, Charlotte de Bavière. En sortant, il dit en souriant que Madame étoit fort curieuse, qu'elle l'avoit trop questionné; mais qu'après tout il ne lui avoit répondu que ce qu'il vouloit bien qu'elle sût. »

Monsieur a rendu pour ainsi dire son dernier soupir dans cette salle à manger témoin de tant de ses joyeux repas.

Depuis quelque temps il était triste; de sombres pressentiments semblaient lui présager une fin prochaine.

Monsieur paraît bien soucieux? lui dit un jour le chevalier de Lorraine.

Oui, répondit le duc, je regarde ces beaux

salons, ces beaux jardins, et je songe que je dois bientôt les quitter.

Monsieur va rendre visite au roi, à Marly.

Vous êtes bien rêveur? remarque madame de Maintenon; avez-vous quelque chagrin?

On se met à table. Le duc est pris d'un saignement de nez. Le Roi fait appeler Fagon, son médecin, qui, avec sa brusque franchise, dit à Monsieur :

- Votre Altesse est menacée d'apoplexie; elle ne peut être saignée trop promptement. Le prince rejette cet avis.

– Vous verrez, observa Louis XIV, qu'une de ces nuits on viendra nous apprendre votre

mort.

Quelques instants plus tard, Monsieur quitte son frère, retourne à Saint-Cloud, soupe, et l'apoplexie vient le surprendre avant la fin du repas, apoplexie presque foudroyante.

Le Roi est averti; il accourt à deux heures du matin.

Tout est fini, lui dit Fagon.

Et Louis XIV repart pour Marly.

Lorsque Napoléon Ier habitait Saint-Cloud, le mercredi avait été fixé pour son conseil des ministres, et ce jour-là, Leurs Excellences restaient à dîner avec l'Empereur, mais à Saint-Cloud seulement, jamais à Paris.

C'était une infraction à l'étiquette sévère que Napoléon Ier avait cru devoir s'imposer, lui si simple par nature et qui se serait assurément dégagé de pareilles entraves s'il eût été seulement, comme il le disait, son petit-fils. Il lui fallait tenir à distance la familiarité de certains compagnons d'armes.

Habituellement Napoléon Ier prenait ses repas seul avec l'Impératrice.

Le dimanche, au dîner de famille, on ne plaçait que trois fauteuils, le troisième était destiné à madame Mère.

Les frères et les sœurs de l'Empereur, même après leur couronnement, n'eurent la permission de s'asseoir que sur des chaises.

Le mercredi 1er mai 1811, la cour étant à Saint-Cloud, un accident arriva qui pouvait être des plus graves.

L'Empereur avait retenu ses ministres à déjeuner, et à peine sortait-il de table, que la corde qui soutenait un lourd et magnifique lustre en cristaux du mont Cénis se rompit. La table fut brisée, le lustre aussi; mais, par bonheur, personne ne fut blessé.

Louis-Philippe fit exécuter de grands travaux à Saint-Cloud; la salle à manger ne fut pas oubliée. Un couloir, destiné à relier cette pièce avec l'office, fut rêvé par l'architecte couronné, soumis à l'architecte réel, M. Fontaine, et donna lieu à une scène plaisante, racontée par Frédéric Thomas avec son esprit habituel :

« Le roi-citoyen, écrit-il, adorait la truelle et détestait la contradiction.

« M. Fontaine avait exactement la même affection et la même haine; et, s'il est vrai que les extrêmes se touchent, les semblables se heurtent, et c'est là ce que ne manquaient jamais de faire l'architecte et le roi. Ils étaient vieux

tous deux, obstinés tous deux, et je vous demande s'ils laissaient échapper ces excellentes conditions pour se chamailler. On assure même qu'ils se laissaient entraîner quelquefois à un dialogue des plus honnêtement violents.

Devant les propositions du roi, le mot de Fontaine était celui-ci :

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En politique, je ne dis pas, ripostait l'artiste; mais, en architecture, c'est bien différent. Tenez, sire, vous êtes un grand roi, mais...

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Mais je suis un architecte déplorable; c'est ce que vous vouliez dire, continuait le roi, achevant la pensée de son interlocuteur. Ne vous gênez pas, Fontaine, dites tout ce que vous voudrez, mais exécutez mes plans.

Non, sire, demandez-moi tout excepté cela; sinon je serai obligé d'obtenir de vous la permission de vous désobéir.

« Et là-dessus surgissait une querelle des

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