4. Il n'est pas exigé, à peine de nullité, que le ministère public donne ses conclusions dans les causes où des militaires absents sont intéresssés. (Art. 8 de la loi du 6 brumaire an 5.) Ainsi jugé par arrêt de la section des requêtes, le 13 messidor an 9, au rapport de M. Borel et sur les conclusions conformes de M. Merlin : « Attendu que l'art. 8 de la loi du 6 brumaire an 5 n'exige pas que le ministère public donne ses conclusions dans les causes des militaires et autres citoyens absents pour le service des armées de terre ou de mer, et qu'aucune loi n'a exigé, d'une manière absolue, cette intervention dans les causes où les absents seront intéressés; LA COUR rejette, etc. OBSERVATIONS. L'arrêt qui vient d'être rapporté a été rendu le 23 messidor an 9, par conséquent avant le Code civil, et sous l'empire d'une loi antérieure à ce Code. Mais la décision devrait-elle être la même depuis le Code, c'est-à-dire un jugement rendu depuis la promulgation du Code civil, dans une cause intéressant un militaire absent, seraitil nul si le ministère public n'avait pas été entendu ? La difficulté naît de ce que l'on peut dire que les lois concernant les militaires absents forment un corps de législation particulier qui n'a rien de commmun avec celles relatives à l'absence des individus non militaires, et que, les lois sur les militaires ne parlant pas de la nécessité de l'audition du ministère public, il ne faut pas aller chercher des règles sur ce point dans des lois tout à fait étrangères aux militaires. Mais nous pensons que ce principe, vrai en général, ne saurait recevoir ici d'application. Les lois entourent et doivent effectivement entourer d'une faveur particulière les personnes qui, soit à cause de leur faiblesse et de peuvent pourvoir par elles-mêmes à leur défense; voilà pourquoi les droits des mineurs, des femmes mariées, des absents, ont toujours été l'objet d'une sollicitude spéciale de la part du législateur; c'est pourquoi aussi la loi a voulu que les officiers du ministère public fussent toujours entendus dans les causes où ces personnes sont intéressées: l'art. 114, C. C., en contient, pour les absents, la disposition formelle. Les militaires absents méritent donc déjà, comme absents, l'intérêt du législateur; mais ils le méritent encore comme militaires. Les défenseurs de la patrie ont toujours-été singulièrement protégés dans toutes les législations: on sait quels priviléges les lois romaines leur avaient accordés. Si donc l'audition du ministère public est une faveur attachée à certaines causes, une garantie des droits de certaines personnes privilégiées, comment concevoir que cette faveur ne soit pas accordée, que cette garantie ne soit pas exigée pour les militaires absents qui méritent, à ce double titre, une protection signalée ? Mais, dit-on, les lois spéciales en matière d'absence des militaires n'en parlent pas. La réponse est que ces lois spe ciales, qui sont celles des II ventose, 16 fructidor an 2, et 6 brumaire an 5, ne disposent rien sur la procédure à suivre dans les jugements des causes où des militaires absents sont intéressés; elles sont uniquement relatives à certaines formes particulières pour la nomination d'un administrateur de leurs biens, à certains priviléges introduits en leur faveur. On peut donc, sans violer les dispositions d'aucune de ces lois, et par application de la règle générale qui se trouve dans l'art. 114, C. C., exiger que, depuis ce Code, le ministère public soit entendu dans les causes qui concernent les militaires absents. Mais si l'application du Code civil paraissait devoir souffrir quelque difficulté en cette matière, n'y a-t-il pas l'art. 83, C. P. C., qui veut que les causes concernant ou intéressant les personnes présuTOME I. 2. mées absentes soient communiquées au ministère public? Et ne trouve-t-on pas la même disposition répétée dans l'art. 859 dumême Code? N'y a-t-il pas d'ailleurs la loi du 13 janvier 1817, relative aux militaires absents, qui veut que rien ne soit fait de ce qui les concerne sans la communication au ministère public? Cette loi expliquerait au besoin le vœu du Code civil, et devrait lever tous les doutes. Nous estimons donc que le point jugé par l'arrêt du 13 messidor an 9, ci-dessus transcrit, devrait recevoir une autre solution pour les jugements rendus depuis le Code civil. Ajoutons que les derniers mots de l'arrêt cité se prêtent encore à cette opinion. Ils portent qu'aucune loi n'exigeait alors, d'une manière absolue, l'intervention du ministère public dans les causes où les absents étaient intéressés. La Cour de cassation ne dit pas: où les militaires absents étaient intéressés; de sorte qu'il y a lieu de croire que la décision eût été différente, s'il eût existé une loi qui ordonnât la communication au ministère public dans les causes des absents, bien que cette loi n'eût pas été précisément relative aux militaires : or cette loi existe maintenant. Cette réflexion renverse l'objection tirée des lois spéciales sur l'absence des militaires. 5. L'enquête qui doit précéder la déclaration d'absence, ne peut étre faite sommairement et à l'audience. (Art. 116, C. С.) Olide Brobecker se prétendant, en vertu de la loi du 17 nivose an 2, héritière pour moitié d'Ignace Brobecker, absent, fut admise, par jugement du 12 fructidor an II, à rapporter à l'audience la preuve du fait de l'existence d'Ignace à l'époque du 17 nivose an 2. Cette preuve ayant été faite, un second jugement du 3 vendémiaire an 12 déclara la demanderesse héritière pour moitié de l'absent. Les adversaires d'Olide Brobecker interjetèrent appel des deux jugements: entre autres nullités proposées contre la procédure, ils soutinrent que l'enquête n'avait pu être faite sommairement; et, le 16 thermidor an 12, la Cour de Colmar accueillit cette nullité en ces termes : - « Considérant que tout est nul, puisque l'ordonnance de 1667 était remise pour lors en vigueur, et qu'ainsi l'enquête du 3 vendémiaire n'avait pu être faite à l'audience, c'est mal à propos que l'intimée prétend en éluder l'application en soutenant qu'elle a pu avoir lieu sommairement : c'est une erreur, la procédure n'a pu être sommaire, puisque le Code civil, en cette matière, exige la plus grande solennité; si vrai, qu'il veut qu'après les formalités remplies, les jugements soient adressés au grand-juge pour leur donner la publicité la plus étendue, et que le jugement déclaratif de l'absence ne peut intervenir qu'après un an de la date du jugement qui a ordonné l'enquête; - La Cour an nule lesdits jugements et toute la procedure. » 6. Dans quel délai les héritiers présomptifs d'un absent, envoyés en possession provisoire de ses biens, sontils tenus d'en payer les droits de mutation? Le ministre des finances a décidé, le 24 fructidor an 12, que les héritiers présomptifs d'un absent, envoyés en possession provisoire de ses biens, sont tenus d'en payer les droits de mutation dans les six mois de cet envoi en possession. Ils ne seraient pas fondés à prétendre que le délai ne court que du jour de la réception de la caution qu'ils ont à fournir pour sûreté de leur administration. 7. Avant le Code civil, l'héritier présomptif d'un absent ne pouvait obtenir l'envoi en possession, s'il ne rapportait préalablement un acte de notoriété constatant l'absence sans nouvelles depuis dix ans. 8. Les procédures et les règles prescrites en matière d'absence par le Code civil, s'appliquent au cas d'une 4 absence antérieure au Code, dont on ne pousuit les effets que depuis. (1). En 1791, Louis Dourgouin s'embarque; depuis ce temps il ne donne pas de ses nouvelles. En l'an 11, la dame Manché, sa sœur et sa présomptive héritière, produit un certificat délivré au ministère de la marine, et constatant que Louis Bourgouin est parti à l'époque ci-dessus, et que le bâtiment qu'il montait a été pris par les Anglais; en vertu de ce certificat, elle obtient, le 5 germinal an II, l'envoi en possession provisoire des biens de son frère. Alexandre Bourgouin, frère, tuteur et administrateur des biens de l'absent, forme, à cet envoi en possession, une opposition dont il est débouté par le tribunal de Rochefort. Sur l'appel, il soutient que le fait qu'il importait de prouver était l'absence sans nouvelles depuis dix ans; que le certificat produit par l'intimée n'attestait que le fait de l'embarquement de Bourgouin et la prise de la frégate qu'il montait, mais n'attestait nullement qu'il ne fût pas revenu en France; que ce dernier fait ne pouvait être établi que par un acte de notoriété; qu'au surplus, les parties étant maintenant régies par le Code civil, il fallait avant tout faire procéder à la déclaration de l'absence, conformément aux dispositions de ce Code; que jusque-là il ne pouvait être question de l'envoi en possession provisoire. L'intimée répondait que le Code civil ne pouvait rétroagir sur une demande antérieure à sa promulgation. Mais le système de l'appelant triompha et fut consacré par l'arrêt suivant, rendu par la Cour de Poitiers, le 11 pluviose an 13:-«Considérant, sur le certificat du bureau de la marine de Rochefort, que Louis Bourgouin s'est ab (1) Voyez Arrêt de la Cour de Limoges, du 18 août 1823, tom. 25, p. 312. |