(N° 1084) [5 juillet 1855.] Usines; cours d'eau non navigables; existence légale; augmentation de force motrice à titre onéreux; travaux extérieurs autorises; chômage; dommage; indemnités. (Beaufrère et Lafaux c. la compagnie du canal de Saint-Quentin.) - Dans le règlement d'une indemnité due pour chʊmage d'une usine il y a lieu de tenir compte de l'augmentation de force motrice résultant d'un accroissement de volume concédé à titre onéreux. Il y a lieu de tenir compte également du surcroît de force motrice utile résultant de modifications apportées, avec autorisation, aux coursiers et aux roues, postérieurement à l'acle de vente nationale. · Les modifications autorisées qui ont pour effet de mieux utiliser la force motrice dont disposait un moulin, ne peuvent être assimilées à la concession d'une prise d'eau, qui serait susceptible d'être révoquée par application de l'ordonnance autorisant ces modifications. Le règlement d'une indemnité due pour chômage peut être basé sur le prix de mouture, défalcation faite des frais de toute nature. Napoléon, etc., Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés au nom du sieur Beaufrère, propriétaire du moulin d'Isle à SaintQuentin, anciennement appelé moulin Becqueret, et du sieur Lafaux, fermier dudit moulin, lesdits requête et mémoire tendant à ce qu'il nous plaise réformer un arrêté en date du 22 octobre 1852, par lequel le conseil de préfecture du département de l'Aisne a fixé à 682.80 seulement l'indemnité due aux sieurs Beaufrère et Lafaux par la compagnie du canal de Saint-Quentin pour trente-six jours quinze heures de chômage subi en 1847 et 1848 par le moulin d'Isle, par suite des prises d'eau faites pour l'alimentation du canal, et ordonné que les dépens, dont il serait fait masse, seraient supportés moitié par la compagnie et moitié par les sieurs Beaufrère et Lafaux; ce faisant, porter à 1758 francs l'indemnité due par la compagnie et la condamner tant aux dépens faits devant le conseil de préfecture qu'à ceux faits devant le conseil d'état ; Vu le mémoire en défense présenté au nom du sieur Roussille, gérant de la compagnie concessionnaire du canal de Saint-Quentin, ledit mémoire tendant au rejet du pourvoi et à la condamnation des sieurs Beaufrère et Lafaux aux dépens; Vu les observations de notre ministre de l'agriculture, du commerce et des travaux publics; Vu l'acte de vente nationale des moulins Becqueret, du 23 thermidor an IV; Vu l'acte passé le 19 décembre 1806 entre le commissaire central de l'agence des travaux du canal de Saint-Quentin et les sieurs Joly, auteurs du sieur Beaufrère, pour l'échange des terrains dépendant de la Corne de Vauban, devenus inutiles par suite de la suppression de cet ouvrage de fortification, contre des terrains appartenant au sieur Joly et nécessaires à l'établissement d'un port de commerce dans la ville de Saint-Quentin; ledit acte contenant cession par l'état aux sieurs Joly d'un droit d'eau estimé 2 400 francs; Vu le décret impérial du 15 juin 1807, par lequel l'acte ci-dessus visé, du 19 décembre 1806, est approuvé et les sieurs Joly sont autorisés à changer à leur profit le cours des eaux qui alimentaient le moulin Garant, et à les conduire soit dans leur blanchisserie, soit dans les terrains qui leur sont cédés par l'acte du 19 décembre 1806, en se conformant toutefois aux dispositions des lois et règlements relatifs à la police des eaux; Vu l'ordonnance royale du 29 mars 1847, contenant règlement du moulin d'Isle ; Vu la décision rendue par le conseil d'état, section du contentieux, le 22 mars 1851, qui a rejeté le recours dirigé par le sieur Beaufrère contre l'ordonnance royale du 29 mars 1847 (*); Vu le décret rendu au contenticux le 28 juillet 1853, qui a rejeté le recours dirigé par le sieur Roussille contre l'arrêté du 12 juillet 1850, par lequel le conseil de préfecture du département de l'Aisne a déclaré que l'usine d'Isle avait une existence légale, et a prescrit une expertise dans le but d'évaluer l'indemnité due par la compagnie à raison des chômages que cette usine a subis pendant les années 1847 et 1848 (**); Vu ensemble ledit arrêté; Vu la loi du 28 pluviôse an VIII; Vu la loi du 16 septembre 1807; Sur la question de savoir si, pour le règlement de l'indemnité (*) 3 série, 1, 91. due pour chomage aux sieurs Beaufrere et Lafaux, il y a lieu de tenir compte de l'augmentation de force motrice résultant de la suppression du moulin Garant: Considérant que, par le décret impérial du 15 juin 1807, approuvant l'échange passé, le 19 décembre 1806, entre l'état et les sieurs Joly, ces derniers ont été autorisés à supprimer la prise d'eau qui, pratiquée sur l'étang d'Isle, en amont du moulin Becqueret, jetait une partie des eaux dudit étang dans les fossés de l'ouvrage de fortification appelé Corne de Vauban, et alimentait le moulin Garant, construit à l'extrémité de ces fossés; qu'usant des droits par eux obtenus à titre onéreux, les sieurs Joly ont réuni la force motrice du moulin Garant à la force motrice du moulin Becqueret; que, si le décret impérial du 15 juin 1807 porte que les sieurs Joly seront tenus de se conformer aux lois et règlements sur la police des eaux, cette disposition, qui se borne à rappeler une obligation dérivant du droit commun, et imposée à tous les propriétaires d'usines, n'a eu ni pour but ni pour effet de faire dépendre d'aucune permission ou condition nouvelle la validité de l'autorisation donnée aux sieurs Jo'y; que, dès lors, c'est à tort que le conseil de préfecture a décidé que les propriétaires du moulin Becqueret n'avaient pas été, par le décret du 15 juin 1807, définitivement autorisés à jouir, et, par suite, qu'ils pouvaient, sans indemnité, être privés de la portée des eaux de la Somme qui, avant 1807, faisait mouvoir le moulin Garant; Sur la question de savoir s'il y a lieu de tenir compte du surcroît de force motrice utile, résultant des modifications apportées depuis l'an IV aux coursiers et aux roues : Considérant que ces modifications ont été autorisées par l'ordonnance royale du 29 mars 1847 qui a réglementé le moulin d'Isle ou Becqueret; que, sans accroître la force motrice dont disposait le moulin, elles ont eu pour résultat de mieux utiliser la même force; que, si cette amélioration, dans l'exploitation de la force ancienne, était soumise à raison des travaux extérieurs qu'elle exigeait, à la nécessité d'une autorisation, elle ne peut néanmoins être considérée comme constituant une nouvelle prise d'eau qui aurait été concédée par l'ordonnance du 29 mars 1847, et qui serait susceptible, dès lors, d'être retirée sans indemnité, par application de l'article 26 de ladite ordonnance; que, dès lors, c'est à tort que le conseil de préfecture, refusant de tenir compte de l'augmentation de force utile qui résulte des changements apportés depuis l'an IV aux roues et aux coursiers, a évalué la force utile à la moitié et non aux trois quarts de la force motrice; Sur le chiffre de l'indemnité due par jour et par force de cheval: Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise ci-dessus visée, que le prix de la mouture d'un hectolitre de blé doit, après défalcation des frais de rhabillage des meules, de graissage des machines et autres frais qui ne sont pas faits pendant le chômage, être estimé à 1 franc; que si l'on admet, comme l'ont fait d'un commun accord la compagnie et le sieur Beaufrère, qu'une paire de meules mout par jour 20 hectolitres de blé et exige une force de quatre chevaux, il s'ensuivra que l'inaction, pendant un jour, d'une force d'un cheval, fait perdre à l'usinier une somme de 5 francs; que, sur cette somme, il n'y a lieu de faire qu'une réduction d'un vingtième, à raison de la possibilité de la coïncidence des chômages causés par le canal avec ceux que nécessitent les réparations de ventellerie du moulin et certains jours fériés; que l'indemnité due par jour et par force de cheval se trouve ainsi fixée à 4'.75; Sur le chiffre total de l'indemnité due aux sieurs Beaufrère et Lafaux pour chômages subis en 1847 et 1848: Considérant que la force utile dont il y a lieu de tenir compte, d'après les principes ci-dessus posés, est de 8 chevaux 32 centièmes; que la durée du chômage ayant été de 36 jours 15 heures, l'indemnité doit, en conséquence, être fixée à 1447'.42; En ce qui touche les frais faits devant le conseil de préfecture: Considérant que la compagnie ne justifie pas qu'elle ait fait aux sieurs Beaufrère et Lafaux, antérieurement à l'expertise, ni dans le cours de l'instance devant le conseil de préfecture, aucune offre d'indemnité suffisante; que, dès lors, les frais faits devant le conseil de préfecture, y compris ceux d'expertise, doivent être exclusivement à sa charge et doivent être remboursés par elle aux sieurs Beaufrère et Lafaux; Art. 1o. L'arrêté du conseil de préfecture du département de l'Aisne, du 22 octobre 1852, est annulé. 2. L'indemnité due aux sieurs Beaufrère et Lafaux, pour chômages subis en 1847 et 1848, est fixée à une somme de 1 447′.42, dont les intérêts courront à partir de la demande qui en a été faite devant le conseil de préfecture le 6 novembre 1852. 3. La compagnie du canal de Saint-Quentin est condamnée aux dépens, dans lesquels entreront ceux faits devant le conseil de préfecture et notamment les frais d'expertise. (N° 1085) [5 juillet 1855. ] Desséchements; dégradation des travaux; obstacles à leur exécution; dommages-intérêts; compétence. - Partage; restitution de fruits; intérêts.- (Commune de Besné et autres c. la compagnie des marais de Donges.) Les commissions spéciales de desséchement sont incompétentes pour connaitre des demandes de dommages-intérêts formées par les compagnies concessionnaires contre des particuliers, à raison de dégradations des travaux de desséchement, de résistance à leur exécution, de délits de pacage et de tourbages illicites. Est ordonnée la restitution de fruits indúment perçus par les communes, depuis la réception du desséchement, sur des portions de marais attribuées à la compagnie concessionnaire. Les intérêts des fruits indûment perçus ne courent pas de plein droit, mais seulement à partir de la demande. Napoléon, etc., Vu le recours de la commune de Besné et de dix autres communes, tendant à ce qu'il plaise annuler une décision du 8 août, 1851, rendue par la commission spéciale établie pour le desséchement des marais de Donges,..... en tant que cette décision condamne les communes au payement de diverses indemnités pour restitution des fruits qu'elles auraient indûment perçus, depuis la réception du desséchement, sur les portions de marais attribuées à la compagnie concessionnaire; Vu le recours de la compagnie concessionnaire, tendant à ce qu'il plaise annuler la même décision du 8 août 1851, en tant, 1° que la commission spéciale s'est déclarée incompétente pour statuer sur les demandes d'indemnité formées par la compagnie, à raison de l'opposition violente au desséchement faite par les communes en 1821, des abus du pacage, du tourbage illicite, des destructions de clôtures, comblements de douves pratiqués par les communes au détriment de la compagnie; 2° ...; 3° .....; 4° .....; ..... Ce faisant, allouer à la compagnie la totalité des revenus, échus du 10 juin 1823 au 13 décembre 1830, du lot à elle attribué par le |