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CASS.-REQ. 9 mars 1891 (2 ARRÊTS).

1o CONTRAT DE MARIAGE, ETRANGer, Contrat (DÉFAUT DE), ETABLISSEMENT A L'ÉTRANGER, Loi ITALIENNE, RÉGIME MATRIMONIAL, ADOPTION TACite. — 2o DonatION DÉGUISÉE, MARI, IMMEUBLE ACQUIS AU NOM DE LA FEMME, DENIERS PROPRES, SIMULATION, HERITIERS NON RÉSERVATAIRES, NAUTÉ CONJUGALE, DONATION ENTRE ÉPOUX, 3o COMMUREMPLOI. 4° DON MANUEL, PROPRIÉTÉ, TRANSFERT, CONDITIONS, CHARGES. -5° MOTIFS DE JUGEMENT OU D'ARRÊT, CONCLUSIONS PRINCIPALES, REJET, CONCLUSIONS ACCESSOIRES.

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1° Ne viole aucune loi l'arrêt qui, en présence d'un mariage célébré en Italie entre une Italienne et un Français ayant en Italie une industrie importante et son seul établissement, tire de ces circonstances,

P. 1837.1.537; P. 1856.1.321;

P. 1857.1143;

(1) Si l'on rapproche l'arrêt ci-dessus recueilli d'autres arrêts de la Cour suprême (Cass. 29 déc. 1836, S. 1837.1.437. 11 juill. 1855, S. 1855.1.699. mars 1857, S. 1857.1.247. 15 juill. 1885, S. 1886.1.225. 18 mai 1886, S. 1886.1.243. P. 1886.1.535; de cet ensemble de décisions se dégage le sys- P. 1886.1.597), tème suivant: lorsqu'un mariage est célébré en France ou à l'étranger entre deux personnes dont l'une est étrangère, lorsqu'un mariage est célébré en France entre deux étrangers, ou à l'étranger entre deux Français, la question de savoir de quel pays la législation est applicable, pour la détermination du régime matrimonial des époux, en l'absence de contrat de mariage, doit se résoudre d'après les circonstances de nature à révéler leur volonté commune. En un mot, l'art. 1393, C. civ., aux termes duquel les époux, à défaut de contrat, sont mariés sous le régime de la communauté légale, n'établit là une règle absolue que pour les mariages entre Français, célébrés en France; et, dans les autres hypothèses, c'est en considérant l'intention des parties qu'on détermine leur régime matrimonial.

On décide généralement que la détermination du régime matrimonial en l'absence de contrat dépend de l'intention des époux (V. la note de M. Gabriel Demante, sous Cass. 15 juill. 1885, précité). Mais, pour l'interprétation de leur volonté, la plupart des auteurs et un certain nombre de décisions judiciaires posent une présomption, qui d'ailleurs admet la preuve contraire.

D'après une opinion, les époux sont censés avoir voulu adopter le régime légal établi par la loi personnelle du mari. V. Bordeaux, 2 juin 1875 (S. 1875.2.291.-P. 1875.1119); Aix, 7 févr. 1882 (s. 1883.2.110. P. 1883.1.587); Weiss, Tr. élément. de dr. intern. privé, 2o éd., P. 514; Despaguet, Précis de dr. intern. privé, éd., n. 448.

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Dans une autre opinion, l'on présume que les époux qui se marient sans contrat se réfèrent tacitement à la loi du domicile matrimonial, c'est-à-dire du lieu où ils ont l'intention de se fixer après le mariage. V. Paris, 3 août 1849 (S. 1849.2.420. - P. 1850.1.563); Pau, 26 juill. 1886 1887.2.127. P. 1887.1.699); Rodière et ont, Contrat de mariage, t. 1o, n. 34; GuilQuard, Tr. du contr. de mar., t. 1o, n. 337.

ANNÉE 1893.

10 cah.

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Aubry et Rau formulent deux présomptions, l'une pour le cas où les époux sont de même nationalité, l'autre pour le cas où ils sont de nationalité différente : Aubry et Rau, t. 5, p. 275 et 276,504 bis, texte et notes 3 et 4.

La Cour de cassation n'établit aucune présomption; elle décide simplement qu'il faut rechercher à la loi de quel pays les époux ont voulu se soumettre. V. les arrêts de Cass. précités; adde, Laurent, Droit civ. intern., t. 5, n. 204; Princ. de dr. civ., t. 21, n. 201; Surville et Arthuys, Cours élém. de dr. intern. privė, n. 372; Baudry-Lacantinerie, Précis de dr. civ., t. 3, n. 16.

Plusieurs arrêts de Cours d'appel ne parlent pas non plus de présomption. V. Paris, 15 déc. 1853 (S. 1854.2.105. 27 nov. 1854 (S. 1856.2.222. P. 1856.1.482); Aix, 12 mars 1878 (S. 1878.2.265. P. 1856.2.387); Paris, 7 déc. 1887 (S. 1889.2.239. P. 1878.1034); 1247). Au reste, ces arrêts, sans établir de préP. 1889.1. somption, se préoccupent principalement du domicile matrimonial.

(2) La Cour de cassation permet à l'époux donateur d'invoquer la null té d'une donation déguisée faite à son conjoint pendant le mariage. V. Cass. 16 avril 1850 (S. 1850.1.591. P. 1850. 2.50); 22 janv. 1873 (S. 1873 1.57. 126). Mais elle refuse ce droit à ses héritiers P. 1873. non réservataires. V. Cass. 25 juill. 1881 (S.1882. 1.49. P. 1882.1.113). L'arrêt ci-dessus recueilli est conforme à la jurisprudence de la Cour suprême. V. la critique de cette jurisprudence dans la note de M. Labbé sous Cass. 25 juill. 1881, précité.

(3; On disait, en sens contraire: En admettant que la donation attaquée ne tombe pas sous le coup de l'art. 1099, C. civ. (V. la note qui précède), elle est du moins contraire aux règles du régime de communauté; car elle crée un propre avec des deniers communs. ni la règle d'après laquelle les époux ne peuvent Mais pas s'enrichir aux dépens de la communauté, ni le principe de l'immutabilité des conventions matrimoniales n'empêchent le mari de faire des donations à sa femme avec les biens communs. V. Cass. 28 mars 1877 (S. 1877.1.393. P. 1877.1057).

On a dit encore: Aux termes des art. 1434 et 1435, C. civ., pour qu'un remploi soit valable, il faut que l'acle d'acquisition exprime la volonté du mari de faire un remploi et indique l'origine des

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sous forme de don manuel avec une affectation spéciale; rien ne s'opposant à ce que la transmission de propriété d'une somme d'argent ou d'une valeur mobilière par la tradition soit soumise à des charges ou à des conditions (4) (C. civ., 931). Rés. explic. par la C. d'appel, et implic. par la C. de cass. (2o arrêt).

5 Le rejet de conclusions accessoires, prises en vue et en conséquence de l'admission des conclusions principales, n'a pas besoin d'être motivé, quand les conclusions principales sont rejetées (5) (L. 20 avril 1810, art. 7).- 2 arrêt.

(Favier C. Vve Favier).

M. Favier, de nationalité française, s'est marié à Venise avec une Italienne, sans contrat. Il est revenu en France après un long séjour en Italie, où il avait dirigé diverses entreprises industrielles, et il a fait en France

deniers employés au payement; or, dans l'espèce, l'acte n'indiquait pas l'origine des deniers; il déclarait simplement que l'acquisition était faite pour servir de remploi à des deniers propres de Ja femme. La Cour de cassation a pensé avec raison qu'il n'y avait pas là une violation des art. 1434 et 1435. C'est qu'en effet, l'acte d'acquisition doit bien contenir une déclaration de remploi, mais il n'est pas nécessaire qu'il fasse connaître l'origine des deniers. Les art. 1434 et 1435 signifient simplement que l'indication de l'origine des deniers ne suffit pas pour opérer le remploi, et qu'il est indispensable d'exprimer dans l'acte la volonté de l'opérer. En ce sens, Aubry et Rau, t. 5, p. 303 et 304, 3 507, texte et note 70; Guillouard, op. cit., t. 2, n. 482. Contra, Rodière et Pont, op. cit., t. 1o, n. 657 et s.

(4) Un arrêt de la Cour de cassation du 11 août 1880 (sol. implic.) (S. 1881.1.15. - P. 1881.1.21) considère comme valables les pactes adjoints à un don manuel, malgré l'absence d'acte authentique. V. aussi, Paris, 30 déc. 1881 (S. 1883.2.241. P. 1883 1.1224). Pour M. Labbé, ces pacles ne sont pas valables, mais le don manuel subsiste; on doit se borner à ne pas tenir compte du pacte note de M. Labbé sous Paris, 30 déc. 1881, précité, et Rev. crit., 1882, p. 338. M. Bressolles (Dons manuels, n. 182 et s.) admet le système de M. Labbé quand le pacte confère au donataire plus d'avantages que n'en confère un don de propriété (il contient, par exemple, une dispense de rapport); mais, si le donateur a voulu conférer au gratifié moins d'avantages que n'en confère un don de pleine propriété (c'est, par exemple, un don d'usufruit, un don avec charges), M. Bressolles déclare la libéralité entièrement nulle.

(5) Le rejet motivé des conclusions principales entraîne nécessairement celui des conclusions prises accessoirement et en conséquence des premières, en vue du cas où celles-ci auraient été admises. Il est, au surplus, de jurisprudence constante qu'une décision judiciaire est implicitement et suffisamment motivée, quand elle répond indirectement, mais nécessairement à un chef de conclusions. V. Cass. 28 janv. 1891 (S. 1891.1.100. P. 1891.1. 247); 23 févr. 1891 (S. 1892.1.73. P. 1892.1. 73), la note et les renvois. V. aussi, Cass. 21 mars 1892 (S. 1893.1.229. P. 1893.1.229).

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l'acquisition de plusieurs immeubles. Il y est décédé en 1886, laissant un testament olographe par lequel il instituait sa femme légataire particulière et ses frères et sœurs ou leurs représentants, légataires universels. Lors de la liquidation, les consorts Favier ont soutenu que Mme Favier avait indument pris dans l'inventaire la qualité de femme commune en biens. Ils ont aussi revendiqué pour la succession un immeuble dont Mme Favier réclamait la propriété comme l'ayant acquis pendant le mariage à titre de remploi, le remploi, d'après eux, étant nul, comme constituant en réalité une donation déguisée. - Le tribunal civil de la Seine, par jugement du 17 avril 1888, a débouté les cosorts Favier de leur demande, et décidé que les époux Favier étaient mariés sous le régime de la communauté, que, par suite, l'immeuble acquis par Mme Favier pendant le mariage était un acquêt de communauté, de la jouissance duquel compte devait seulement être tenu à la communauté, du jour du décès du mari.

Sur appel par les héritiers de M. Favier, la Cour de Paris, le 12 juill. 1889, a rendu un arrêt confirmatif ainsi conçu : < La Cour; Considérant que Joseph-Frédéric Favier, Français, marié en Italie à une Italienne le 18 mai 1869, sans contrat de mariage, est décédé à Paris le 14 févr. 1886, laissant un testament olographe, en date du 6 mars 1884, par lequel il a fait à sa femme divers legs particuliers, et a institué légataires universels ses frère et sœurs ou leurs représentants; que sa veuve a pris à l'inventaire la qualité de femme commune en biens, et a assigné les légataires universels, ProsperAlphonse Favier et consorts devant le tribunal de la Seine pour voir ordonner le partage de la communauté ayant existé entre elle et son défunt mari et la délivrance des legs à elle faits; que les consorts Favier ont répondu à cette demande que la dame Favier n'avait pas été mariée sous le régime de la communauté légale, ont revendiqué un hôtel à Paris, Cours-la-Reine, acheté au nom de ladite dame, et ont soulevé des contestations accessoires relativement à l'étendue du legs compris au testament; qu'il échet d'examiner successivement ces divers chefs de contesta

tion;

«En ce qui touche le régime matrimonial des époux Favier: Considérant que l'art. 1393, C. civ., aux termes duquel le régime de la communauté est, à défaut de stipulation contraire, le droit commun de la France, régit les mariages contractés en France entre Français; que la règle qu'il formule et qui repose sur l'intention présumée des parties ne s'étend pas aux mariages contractés hors de France entre un Français et une étrangère; que, pour déterminer dans cette occurrence le régime applicable aux intérêts civils des époux, il y a lieu de rechercher, d'après les circonstances particulières de chaque cas, quelle a été la volonté desdits époux; Considérant qu'il appert des documents de la cause que JosephFrydéric Favier a quitté la France en 1841 pour entrer dans des entreprises industrielles en Vénétie; qu'il s'est établi dans ce pays, et y a contracté en 1851 un premier mariage avec la demoiselle Giovana Braida, originaire de la province de Venise; qu'il

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est constant que ce premier mariage, qui avait été célébré sans stipulation préalable de contrat nuptial, ainsi que l'énonce l'acte de constitution de dot intervenu postérieurement entre les époux à la date du 17 juill. 1852, a été régi, non par la loi française, mais par la loi du pays où ils vivaient; qu'ayant obtenu en 1861 la concession des l'éclairage au gaz de la ville de Palerme, Favier a transporté son domicile dans cette ville; qu'il y a perdu en 1867 sa femme, ainsi que la fille qui était issue de leur union, et leur a fait élever dans le cimetière de

Rotoli un somptueux monument funèbre dans lequel il s'est réservé une place pour lui-même; qu'il continuait d'habiter à Palerme, lorsqu'en 1869 il a contracté à Mestre, près Venise, avec la demoiselle Elvira Tozzi, dont la famille était alliée à celle de sa première femme, le second mariage auquel se rattache la question en ce moment soumise à l'examen de la Cour; qu'il devait y amener et qu'il y a amené en effet sa nouvelle épouse; qu'il y a été admis à la jouissance des droits civils, et a été nommé membre de la chambre de commerce; qu'il y a été créé chevalier de la Couronne d'Italie et a porté ce titre; que, sa santé s'étant altérée, il est revenu en France en 1878, qu'il y a acquis des propriétés et y est resté jusqu'au jour de sa mort; qu'il n'a pas toutefois abandonné son établissement industriel de Palerme, ni renoncé à la pensée de retourner dans cette ville, ainsi qu'en témoigne le testament même qu il a fait en 1884, et dans lequel on lit ces mots; Je désire être enterré à Bry-surMarne, si je meurs dans ce pays; mais, si je mourais à Palerme, je préférerais y être en

terré » ; Considérant qu'en présence de

ces faits, il ne semble pas douteux que Favier et Elvira Tozzi n'ont pas eu en se mariant l'intention d'adopter le régime de la communauté constitué par la loi française; qu'il apparait tout d'abord qu'Elvira Tozzi, Italienne, n'ayant jamais quitté l'Italie, n'a pas dû avoir la pensée de choisir un régime qu'elle ne connaissait même pas; qu'elle n'a pu envisager la situation qui allait lui être faite que comme devant être pareille à celle qu'avait eue la compatriote qu'elle et les siens avaient connue et dont elle prenait la place; que, pour apprécier autrement sa volonté présumée, il serait besoin d'éléments de preuve qui font complètement défaut; qu'il apparaît également que l'intention de Favier a été de suivre pour sa seconde union les mêmes errements qu'il avait pratiqués pour la première; qu'aucune circonstance antérieure ou concomitante au mariage ne révèle chez lui un changement de volonté; que les publications de mariage qu'il a fait faire au consulat général de France à Palerme indiquent bien qu'il se considérait bien comme Français et ne voulait pas cesser de l'être, mais qu'on ne saurait leur attribuer une signification quelconque relativement au régime matrimonial qu'il se proposait d'adopter, la loi française laissant à ses nationaux toute liberté de déterminer ce régime à leur gré; - Considérant qu'il est à présumer, d'autre part, que les deux époux, en ne prenant aucunes dispositions particulières pour le règlement de leurs intérêts, ont entendu s'en rapporter purement et simplement à la loi du

pays où se trouvait leur domicile matrimonial; que, dans la cause, cette présomption emprunte une grande force à la longue durée du séjour de Favier en Italie; à l'influence exercée sur lui par le milieu où il a vécu, à la situation importante qu'il a occupée à Venise et à Palerme, et aux autres circonstances ci-dessus relatées; qu'à la vérité, dans un certain nombre d'actes par eux passés depuis leur séjour en France, Favier et sa femme se sont déclarés mariés sous le régime de la communauté légale, à défaut de contrat préalable, et la même pensée se dégage du testament de 1884; mais que ces déclarations, dont la plus ancicnue date de 1880, et est ainsi postérieure au mariage de plus de dix années, ne sauraient prévaloir contre un ensemble de faits démontrant l'existence d'un régime différent, et remontant à l'époque où ce régime a été constitué sans qu'il pût être changé plus tard d'une manière quelconque; que, si elles ne doivent pas être négligées, puisqu'elles émanent des personnes mêmes dont il s'agit d'apprécier les actes et de discerner les intentions, il n'est pas possible de leur reconnaître une valeur décisive dans la cause; qu'en effet, la disposition d'esprit dont elles témoignent se rapporte aux années 1880 et suivantes, et non pas à l'année où le mariage a été contracté ; que les conventions matrimoniales ne peuvent pas plus, d'après la loi italienne que d'après la loi française, recevoir aucun changement, une fois le mariage célébré, et qu'on ne saurait accueillir qu'avec beaucoup de réserve des déclarations postérieures, qui auraient pour résultat de substituer un régime à un autre, et de faire ainsi échec à la loi, qu'il suit de tout ce qui précède que la loi, qui doit régir les conventions matrimoniales des époux Favier, est celle du pays où ils avaient leur domicile matrimonial; que cette loi est le Code civil italien de 1865, d'après lequel le régime matrimonial ne pouvait être que conventionnel, et il n'y avait pas de régime légal; que chacun des époux était resté, par conséquent, propriétaire de ses biens; qu'ainsi c'est à tort que le jugement dont est appel a dit que les époux Favier avaient été mariés sous le régime de la communauté légale, et ordonné le partage de la communauté ayant existé entre eux;

<En ce qui touche l'hôtel du Cours-la-Reine: Considérant que cet hôtel a été acheté, suivant acte authentique du 18 juin 1885, au nom, pour le compte et au profit de la dame Favier, avec mention que l'acquisition était faite pour servir de remploi à ses deniers propres; que les quittances des divers payements partiels contiennent l'indication que Mentienne, mandataire de la dame Favier, a payé avec des fonds appartenant à celle-ci; que, par son codicille, en date du 10 sept. 1885, Favier a autorisé sa femme à faire vendre 12,000 florins de rente hongroise ou autrichienne pour solder le prix de l'hôtel, s'il n'avait pu faire lui-même tous les payements avant sa mort; que, ce prix n'ayant pas été complètement payé avant ladite époque, le même mandataire Mentienne a fait connaître, dans l'inventaire, que la dame Favier était dépositaire d'une somme destinée au payement du solde en principal, intérêts, accessoires et frais; Considérant qu'il est ainsi établi que l'hôtel

a été acquis par la femme au moyen de fonds à elle donnés par son mari; que ces fonds ont fait l'objet de dons manuels successifs; que la validité de ces dons manuels est vainement contestée par les appelants; qu'il y a eu dessaisissement actuel et irrévocable de la part du mari et acceptation par la femme; que peu importe que les sommes données dussent recevoir une affectation spéciale, rien ne s'opposant à ce que la transmission de propriété d'une somme d'argent, ou d'une valeur mobilière par la tradition, soit soumise à des charges ou à des conditions; qu'il n'y a pas lieu de s'arrêter à la mention que l'acquisition a été faite au nom et au profit de la femme pour servir de remploi à ses deniers propres; que, le régime matrimonial des époux étant reconnu n'avoir pas été celui de communauté, les dispositions des art. 1434 et 1435, C, civ., deviennent étrangères à la cause; qu'il demeure simplement démontré que le mari a voulu donner à l'immeuble le caractère d'un propre à sa femme, pour le mettre hors de la communauté qu'il supposait exister; qu'il n'a fait en réalité que se reconnaître débiteur d'une dette qui n'existait pas; que la donation faite sous cette forme détournée n'en est pas moins valable; que le mari avait pleine capacité de donner et la femme de recevoir, et que les appelants ne peuvent se prévaloir dans l'espèce de la nullité édictée par l'art. 1099, C. civ., contre les donations déguisées, puisqu'ils ne sont pas réservataires; qu'il n'y a lieu davantage de s'arrêter à la qualification de « dépositaire », qui a été donnée à la dame Favier au sujet des sommes par elles détenues au moment du décès de son mari; que cette expression s'explique par cette circonstance que les sommes dont il s'agit étant destinées à un usage convenu, n'étaient entre ses mains que pour un temps limité; que, d'ailleurs, ainsi que l'ont justement observé les premiers juges, l'emploi d'un mot inexact ne saurait prévaloir contre un ensemble de faits précis et contre l'intention manifeste du donateur; que l'hôtel du Cours-la-Reine est donc la légitime propriété de la Vve Favier; Par ces motifs; - Infirme le jugement dont est appel en ce qu'il a dit que les époux Favier ont été mariés sous le régime de la communauté légale, et ordonné le partage de la communauté qui aurait existé entre eux; L'infirme également en ce qu'il a dit que l'immeuble du Cours-la-Reine était un acquêt de communauté, et que la Vve Favier devait compte de lajouissance de partie dudit immeuble depuis le décès; - Emendant de ces chefs, et statuant ànouveau;- Dit que les époux Favier ont été mariés sous le régime de la loi italienne; qu'en conséquence, chacun d'eux est resté propriétaire de son bien; - Dit l'hôtel du Coursque la-Reine est la propriété de la Vve Favier, et qu'elle n'a compte à faire ni de la jouissance qu'elle en a eue, ni des impenses qui y ont été faites par le mari, etc. ».

...

Deux pourvois ont été formés contre cet arret, l'un par Mme Vve Favier, l'autre par les héritiers de M. Favier.

(1) La partie qui obtient gain de cause sur tous les chefs ne peut être condamnée aux dépens qu'à titre de dommages-intérêts, et ce

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1er ARRÊT.

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LA COUR; Sur les deux moyens réunis, pris de la violation des art. 3, 12, 1315, 1387 et s., 1393 et s., 1134, 970, C. civ., et 7 de la loi du 20 avril 1810: Attendu que l'arrêt attaqué constate, en fait, que la demanderesse en cassation, Italienne de naissance, a épousé en Italie le sieur Favier qui, bien que Français, exerçait une industrie importante à Palerme, où il avait son seul établissement, et que leur union n'a été précédée d'aucun contrat déterminant le régime auquel seraient soumis les biens des époux; qu'en tirant de ces circonstances, qu'elle a souverainement appréciées, la preuve que les sieur et dame Favier avaient eu l'intention de se marier sous le régime des lois italiennes, et que, par suite, les règles de la communauté ne pouvaient leur être appliquées en vertu de l'art. 1393, C. civ., la Cour de Paris n'a violé aucune des dispositions de loi visées ci-dessus; - Rejette, etc. Du 9 mars 1891. Ch. req. - MM. Bédarrides, prés.; Cotelle, rapp.; Chévrier, av. gén. (concl. conf.); Devin, av.

$ 2.

POURVOI en cassation par les consorts Favier. 1er Moyen. Violation des art. 931, 1339, 1401, 1422, 1395, 1536 et s., C. civ., en ce que la Cour a considéré comme valables des dons manuels qui, suivant ses propres constatations, n'étaient que l'exécution d'une donation déguisée nulle.

2° Moyen. Violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que la Cour a rejeté, sans donner de motifs, un chef de demande expressément visé dans le dispositif des conclusions insérées aux qualités de l'arrêt.

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compte de sa femme, le sieur Favier s'est présenté au vendeur comme étant commun en biens, il simulait en même temps l'existence de deniers propres que sa femme aurait eu à employer par cette acquisition; que, dans la forme qui lui a été ainsi donnée, l'acte, à supposer qu'il fût sincère dans l'ensemble de ses déclarations, n'aurait eu rien de contraire aux règles légales de la communauté; Attendu qu'au fond, les époux Favier n'étaient pas communs en biens; qu'il y a sur ce point chose jugée par l'arrêt attaqué lui-même, le pourvoi dont il était frappé de ce chef par la dame Favier ayant été rejeté au cours de la présente audience; qu'il suit de là que les règles propres au régime de la communauté ne pouvaient empêcher le mari de gratifier sa femme dans la forme qu'il a choisie pour réaliser cette intention, et que le grief du pourvoi n'est point justifié;

Sur le deuxième moyen, pris d'un défaut de motifs : Attendu que les conclusions du demandeur en cassation, devant la Cour d'appel, tendaient, au principal, à ce que l'hotel acheté au nom et pour le compte de la dame Favier fût reconnu faire partie de la succession de son mari; qu'en conséquence, il était requis que la veuve fût astreinte, soit à rapporter cet immeuble en nature, soit à rembourser le montant du prix d'achat et des impenses faites sur le fonds par son mari; que la défenderesse éventuelle ayant été au contraire maintenue dans la propriété dudit hotel, la Cour de Paris n'a pas eu à statuer sur un compte d'impenses subordonné par les écritures des héritiers à l'hypothèse où la donation. déguisée aurait été déclarée non avenue; Rejette, etc. Ch. req.

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Du 9 mai 1891. MM. Bédarrides, prés; Cotelle, rapp.; Chevrier, av. gén. (concl. conf.); Chaufton, av.

CASS.-CIV. 3 juin 1890.

DÉPENS, PARTIE GAGNANTE, FAUTE.

La partie appelante, demanderesse en premiere instance et ayant obtenu gain de cause en appel, ne saurait être condamnee aux dépens, en l'absence de toute faute relevée contre elle, par cet unique motif que l'erreur du juge est à la charge du demandeur (1) (C. proc., 130).

(Clerc C. Cousin-Fournier). ARRÊT. Vu l'art. 130, C. proc.; LA COUR; Attendu que, par la sentence du 14 sept. 1888, le juge de paix de Châteauvillain s'étant déclaré d'office incompétent pour statuer sur la demande en 50 fr. de dommages-intérêts formée devant lui par Clerc contre Cousin-Fournier, Clerc a interjeté appel de cette décision; qu'il a soutenu que c'était à tort que le juge de paix s'était dessaisi de l'affaire; que le tribunal de Chaumont, par le jugement attaqué (21 nov. 1888) a infirmé ladite sentence, en décidant

- P. 1877.515); Nancy, 21 mars 1878 (S. 1879. 2.23. P. 1879.195).

que c'est par erreur que le juge de paix a déclaré son incompétence; Attendu cependant que le même jugement, qui donnait ainsi gain de cause à l'appelant, et sans relever, d'ailleurs, aucune faute qui fùt imputable à ce dernier, l'a condamné aux dépens de l'instance, et ce, par l'unique motif que l'erreur du juge est à la charge du demandeur »; Attendu qu'en statuant ainsi, le tribunal de Chaumont a méconnu, et, par suite, violé la disposition de l'art. 130, C. proc., susvisé; Casse..., renvoie devant le tribunal civil de Langres, etc.

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Du 3 juin 1890. Ch. civ. MM. Merville, prés.; Legendre, rapp.; Desjardins, av. gén. (concl. conf.); Dareste et Brugnon, av.

CASS.-CIV. 14 janvier 1890.

1° CONNEXITÉ, JONCTION D'INSTANCES, POUVOIR DU JUGE. 2° ASSURANCES MARITIMES, SIMULATION, CONTRATS DISTINCTS, OBJETS DISTINCTS, Assureur, ResponSABILITÉ.

1o La loi n'ayant défini la connexité, ni dans l'art. 171, C. proc., ni ailleurs, il appartient aux tribunaux d'apprécier les circonstances qui doivent contribuer à l'établir (1) (C. proc., 171).

Et une Cour d'appel a pu considérer, à bon droit, deux instances, dont elle est simultanément saisie, comme ayant entre elles un lien de dépendance, et prononcer la jonction de ces deux instances pour cause de connexité, en se fondant: 1° sur ce qu'il s'agit, dans les deux instances, d'apprécier la validité d'assurances consenties sur diverses marchandises faisant l'objet d'un même chargement; 2o sur ce que les mêmes faits sont, dans les deux instances, imputés au chargeur pour faire prononcer la nullité de toutes les polices; 3° sur ce que, si le chargeur ne figure pas en nom dans l'une de ces instances, son consignataire agit comme substitué à ses droits et à ses obligations (ld.).

2° L'art. 357, C. comm., qui prononce la nullité de l'assurance, dans le cas où, par le dol ou la fraude de l'assuré, le contrat a été consenti pour une somme excédant la valeur des effets chargés, se borne à édicter la sanction, en cas de fraude, de la règle suivant laquelle le montant de la somme assurée ne peut être supérieur à la valeur réelle de la chose sur laquelle porte l'assurance (2) (C. comm.,357).

Par suite, lorsque les assurances relatives au chargement d'un navire portent, non sur l'ensemble de la cargaison, mais constituent autant de contrats distincts ayant chacun pour objet les marchandises désignées dans les connaissements séparés que le chargeur a transmis à ses divers consignataires, la fraude que le chargeur aurait commise par simulation d'embarquement de certaines marchandises au préjudice des assureurs de ces marchandises, n'a pas pour conséquence nécessaire de tromper les assureurs des marchandises réellement embarquées sur la valeur de

(1) V. conf., Cass. 23 mars 1864 (S. 1864.1.224. - P. 1864.671).

(2-3) Dès lors que les assurances sont dis

ces marchandises et méme sur les risques de navigation auxquels ils étaient exposés; et les assurances relatives à ces marchandises ne peuvent, à défaut d'un vice qui leur soit propre, être annulées, sous le seul prétexte d'une présomption générale de fraude atteignant indistinctement toutes les assurances (3) (ld.).

(Peulevey et Roure C. Comp. d'assurances générales maritimes et autres).

ARRÊT. (ap. délib. en ch. du cons.). LA COUR; Sur le premier moyen commun aux deux demandeurs à la cassation (violation et fausse application de l'art. 171, C. proc., des principes relatifs à la jonction des instances et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que la Cour a, sans aucune demande des parties, et sans motiver sa détermination à cet égard, statué par un seul et même arrêt sur l'appel de jugements différents, rendus entre parties différentes, sur des instances et des intérêts séparés et frappés d'appels distincts): - Attendu qu'en ne définissant la connexité ni dans l'art. 171, C. proc., ni ailleurs, la loi a laissé aux tribunaux l'appréciation des circonstances qui doivent contribuer à l'établir; que, dans l'espèce, la Cour d'appel de Paris a pu considérer à bon droit les deux instances dont elle était simultanément saisie comme ayant entre elles un lien de dépendance et de subordination, en se fondant à cet effet: 1 sur ce qu'il s'agissait d'apprécier la validité d'assurances consenties sur diverses marchandises faisant l'objet d'un même chargement; 2° que les mêmes faits étaient reprochés au chargeur dans les deux instances pour faire prononcer la nullité de toutes les polices; 3° que, si le chargeur Roure ne figurait pas en nom dans l'une des instances, Peulevey, son consignataire, agissait comme substitué à ses droits et à ses obligations; D'où il suit que l'arrêt attaqué, en prononçant la jonction des deux instances pour cause de connexité, outre qu'il est suffisamment motivé, n'a violé aucun texte de loi; Rejette le moyen en ce qui concerne le pourvoi de Peulevey, et, statuant sur le pourvoi de Roure; Rejette ledit pourvoi;

Mais sur le moyen spécial au pourvoi de Peulevey (violation de l'art. 383, C. comm., et fausse application des art. 348 et 357 du même Code, en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de l'exposant, malgré la justification fournie du chargement et de la perte de la marchandise par lui assurée, et à déclaré nulle l'assurance consentie à son profit, sans constater à sa charge aucun fait de réticence ou de déclaration fausse ou excessive, dans les termes desdits art. 348 et 357); — Et d'abord sur la fin de non recevoir proposée par la défense, et tirée de la nouveauté du moyen: Attendu que le moyen est en rapport direct et précis avec les motifs sur lesquels s'appuie l'arrêt attaqué; qu'ainsi, il ne saurait être nouveau; Rejette la fin de non recevoir; - Au fond: - Vu l'art. 357, C. comm.; Attendu que l'arrêt attaqué reconnaît que le lot de bois fai

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tinctes, chacune d'elles doit, au point de vue de ses conditions de validité, être envisagée séparément. La fraude commise sur l'une d'elles, et

sant l'objet du connaissement dont Peulevey est porteur a été réellement mis à bord du Salvador, et qu'il a péri dans le naufrage de ce bâtiment; que, pour rejeter la demande en payement de l'indemnité d'assurance afférente auxdits bois, l'arrêt se fonde sur ce que Roure, auteur de Peulevey et seul chargeur du Salvador, aurait simulé l'embarquement sur ce navire de plusieurs marchandises autres que les bois dont s'agit au procès; que, de cette simulation, l'arrêt conclut que Roure est réputé avoir commis envers tous les assureurs et pour la totalité de la cargaison le dol prévu par l'art. 357, C. comm., ce qui entraînerait, par voie de conséquence, la nullité de la police de Peulevey; Mais, attendu que l'art. 357, précité, ne prononce la nullité de l'assurance que si, par le dol ou la fraude de l'assuré, le contrat a été consenti pour une somme excédant la valeur des effets chargés; que cet article se borne à édicter la sanction, en cas de fraude, de la règle suivant laquelle le montant de la somme assurée ne peut être supérieur à la valeur réelle de la chose sur laquelle porte l'assurance; que, dans l'espèce, les assurances multiples relatives au chargement du Salvador ne portaient pas cumulativement sur l'ensemble de la cargaison, mais constituaient autant de contrats distincts n'ayant chacun pour objet que les seules marchandises désignées dans les connaissements séparés que Roure avait'transmis à ses différents consignataires, et notamment à Peulevey; qu'en admettant que Roure ait simulé l'embarquement sur le Salvador de certaines marchandises autres que les bois consignés à Peulevey, la fraude qu'il aurait commise, par cette simulation, à l'égard d'assureurs autres que ceux avec qui Peulevey a contracté, n'aurait pas eu, en droit, pour conséquence nécessaire de tromper ces derniers sur la valeur des bois effectivement chargés, ni même sur les risques de navigation auxquels ils étaient exposés; que, par suite, la police d'assurance relative auxdits bois ne pouvait, à défaut d'un vice qui lui fût déclaré propre et que l'arrêt ne constale point, être annulée sous le seul prétexte d'une présomption générale de fraude atteignant indistinctement toutes les polices, présomption qui n'est établie par aucune disposition de la loi; - Attendu qu'à la vérité, la Cour d'appel, pour appuyer sa décision, a ajouté au premier motif de son arrêt qu'à supposer que le Salvador eût contenu toutes les quantités de tabac inscrites dans le connaissement qui leur est relatif, du moins, il faudrait admettre qu'une notable partie de ces tabacs aurait été chargée subrepticement en fraude du fisc espagnol, et qu'à ce point de vue encore, les polices devraient être annulées, parce que Roure aurait aggravé les risques de navigation, en se livrant à une opération de contrebande à l'insu des assureurs et en dehors de leurs prévisions; Mais altendu qu'une simple hypothèse ne saurait servir de base à une décision judiciaire, et qu'au surplus, l'hypothèse envisagée par la

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qui en entraîne l'annulation, ne réagit pas sur les autres, lesquelles demeurent valables, à défaut d'un vice qui leur soit propre

-

Cour d'appel est formellement contredite
par les constatations de l'arrêt lui-même;
D'où il suit qu'en statuant comme il l'a
fait, l'arrêt attaqué a faussement appliqué
et par suite violé l'art. 357, C. comm., ci-
dessus visé; Casse, mais seulement en
ce qui concerne Peulevey...; Renvoie
devant la Cour d'appel d'Amiens, etc.
Du 14 janv. 1890. Ch. civ. MM. Bar-
bier, 1 prés.; Faure-Biguet, rapp.; Des-
jardins, av. gén. (concl. conf.); Boivin-
Champeaux et Morillot, av.

CASS.-REQ. 28 mars 1892.

1° SOCIÉTÉ (EN GÉNÉRAL), CONVENTION, IN-
TERPRÉTATION, MISE EN COMMUN, EXPLOI-
TATION INDUSTRIELLE, PARTAGE DES BÉNÉ-
FICES, RISQUES, LIMITATION. -2° SOCIÉTÉ
EN COMMANDITE, RISQUES, LIMITATION, CON-
Seil Judiciaire, PUBLICITÉ, TIERS. -3° CON-
SEIL JUDICIAIRE, COMMANDITAIRE, CAPACITÉ.

4° PARTAGE, CRÉANCIERS, OPPOSITION, FORMES, SAISIE-ARRÊT.

1° Les juges du fait, loin de dénaturer les actes qui leur sont soumis, les apprécient sainement en qualifiant de société les conventions successives par lesquelles un père et ses enfants, après le décès de la mère, laissent en commun les biens maternels et les biens de communauté affectés à une exploitation industrielle dont la gérance est réservée au père, en vue de partager les bénéfices qui pourront en résulter (1) (C. civ., 1134, 1832).

De même, les juges du fait ne font qu'interpreter, comme c'est leur droit souverain, les conventions intervenues entre les parties, en déduisant de l'ensemble de leurs clauses que, dans l'intention commune des parties, la valeur determinée, attribuée aux droits successifs laissés en commun par chacun des enfants de la mère

(1) Cette convention rentre dans la définition de l'art. 1832, C. civ., portant que « la société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun dans la vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter».

(2-3) Les juges du fait interprètent souverainement, sans toutefois pouvoir les dénaturer, les conventions intervenues entre les parties pour régler les conditions d'une société et les droits des associés. V. Cass. 17 juill. 1889 (S. 1891. 1.394. P. 1891.1.972), et la note.

-

(4-5-6-7) La personne pourvue d'un conseil judiciaire ne peut faire, sans l'assistance de ce dernier, aucun des actes spéficiés par les art. 499 et 513, C. civ. Cette assistance ne peut pas être générale, ni s'appliquer à une série d'opérations distinctes; elle doit être spéciale et donnée en chaque affaire et en chaque contrat (Angers, 10 févr.1865, S. 1865.2.163.-P.1865.719); d'où la conséquence que le pourvu ne peut être commerçant (Cass. 3 déc. 1850, S. 1850.1.777. — P. 1851.2.638; Cass. belge, 17 oct. 1889, S. 1890.4. 4. P. 1890.2.7, les arrêts et les autorités citées), à moins, comme le dit Demolombe, Minorité, t. 2, n. 761, que son conseil ne consente à l'assister dans chacun des actes de son commerce qui rentreraient dans l'application de l'art.

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décédée, limite au même chiffre le risque
de part auquel ils doivent être exposés par
le résultat des affaires sociales (2) (C.
comm., 23 et s.)

2° Il s'ensuit que ces héritiers sont de sim-
ples commanditaires (3),rôle compatible avec
la situation légale de l'un des héritiers
pourvu d'un conseil judiciaire (4) (C. civ.,
499, 513; C. comm., 23 et s.).

Au surplus, la qualification de commandite, donnée à ladite société, ne rencontre aucun obstacle juridique dans le défaut de publicité de la société, lequel, d'apres l'art. 56 de la loi du 24 juill. 1867, n'est pas opposable aux tiers par les associés (L. 24 juill. 1867, art. 56).

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de Jules Morel par les intimés, Emile Morel prétend qu'il n'est pas leur débiteur direct et personnel comme ayant fait partie d'une société fondée entre Augustin Morel père et ses enfants, société dont les opposants seraient créanciers pour des sommes importantes; Attendu qu'Augustin Morel, à la suite du décès de Catherine Deffaux, son épouse, a, par acte authentique du 26 juin 1876, conclu avec ses fils majeurs une convention à l'effet de maintenir l'état de choses préexistant, d'interdire le partage des biens indivis, et de laisser entre les mains de Morel père la gestion des intérêts communs; que cette convention, renouvelée en 1880 et 1886 et complétée par les actes annexes des 1er févr. et 12 mars 1879, avait pour but, dans la commune intention des parties, de constituer une société de commerce dans laquelle Augustin Morel figurerait comme gérant, et Emile Morel, ainsi que ses frères, comme commanditaires, dans la proportion de leurs droits successoraux (évalués à 300,000 fr. pour chacun des enfants); - Attendu, en effet, que la gestion ainsi confiée à Augustin Morel consistait à diriger une entreprise commerciale et à exploiter industriellement le patrimoine indivis; que la fortune des époux Morel-Deffaux, créée par le commerce, était tout entière affectée à des spéculations com4° Le créancier personnel d'un coparta-merciales; qu'en stipulant après le décès de geant lient de l'art. 882, C. civ., la faculté de faire opposition au partage des masses de communauté et de succession dans lesquelles ce copartageant a des droits indivis, sans être tenu de suivre les formes spéciales de la saisie-arrêt (7) (C. civ., 882; C. proc., 557 et s.).

Le jugement qui a donné un conseil ju diciaire à un associé commanditaire, n'a pas pour effet d'empêcher, soit la continuation de la société pendant la durée qui lui avait été assignée, soit son renouvellement, si cet acte de renouvellement a été passé avec l'assistance du conseil judiciaire (5) (C. civ., 499, 502, 513,1871).

3° La commandite, bien qu'aléatoire dans ses résultats, constitue un simple placement des fonds, qui peut être fait par le pourvu d'un conseil judiciaire avec le concours de ce conseil (6) (C. civ., 499, 513; C. comm., 23 et s.).

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513, ce qui serait, à vrai dire, presque imprati-
cable.

Le pourvu ne peut davantage être membre d'une
société en nom collectif (Cass. 3 déc. 1850, pré-
cité), ni pour la même raison d'une société en
commandite comme gérant. Mais il peut faire partie
d'une société en commandite comme comman-
ditaire; l'associé commanditaire ne se livre pas
à une succession d'actes de commerce; il n'en
fait qu'un seul, l'apport de sa mise (V. Paris,
21 mai 1884, S. 1885.2.97. - P. 1885.1.562, et
la note; adde, MM. Ch. Lyon-Caen et Renault,
Tr. de dr. comm., t. 2, n. 470), qui constitue
un simple placement de fonds pour lequel son
conseil peut l'assister. V. en ce sens, MM. Lyon-
Caen et Renault, Tr. de dr. comm., t. 2, n. 471.

Si la dation d'un conseil judiciaire n'a pas pour effet d'empêcher le pourvu d'entrer dans une société en commandite, dissout-elle la société lorsqu'elle se produit pendant le cours de son existence? L'affirmative est enseignée par un certain nombre d'auteurs. La qualité des personnes, dit-on, joue un grand rôle dans la société en commandite. Or, la dation d'un conseil judiciaire à l'un de ses membres influe sur la capacité de ce dernier; c'est une interdiction lato sensu; elle doit en produire les effets. Sic,

sa mère que l'état de choses antérieur serait maintenu, Emile Morel entendait que sa part héréditaire serait engagée dans les entreprises que son père avait jusqu'alors dirigées avec succès; qu'en livrant ainsi aux hasards du commerce les biens lui provenant de la succession de sa mère, Emile Morel devait profiter d'un accroissement de fortune dans le cas où les chances lui seraient favorables, mais devait aussi, au cas contraire, supporter les pertes dans les limites de sa mise sociale;

Attendu qu'à la suite de cette convention, Augustin Morel et ses enfants ont obtenu du Crédit du Nord, le 31 oct. 1876, une ouver

Delvincourt, t. 3, p. 128, note 9; Duranton, t. 17, n. 474 Duvergier (contin. de Toullier), t. 20, n. 443 et 444; Taulier, Théor. rais. du C. civ., t. 6, p. 395; Massé et Vergé, sur Zacchariæ, t. 4, p. 449, 720, note 15. Comp. MM. Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. 2, n. 321 et 542. Notre arrêt consacre la doctrine contraire sans en donner de motifs, et sa décision doit être approuvée. En effet, l'art. 1865, C. civ., énumère les causes de dissolution d'une société; il ne faut pas en augmenter le nombre. D'ailleurs, si la société souffre de ce qu'un conseil judiciaire a été nommé à l'un de ses membres, les autres peuvent s'armer de l'art. 1871, C. civ., pour faire prononcer la dissolution. Enfin, il n'y a pas lieu d'assimiler la dation d'un conseil judiciaire à l'interdiction; le pourvu reste, de sa personne, dans la société; son conseil l'assiste et ne le représente pas, comme le fait le tuteur à l'interdiction. V. en ce sens, Pont, Tr. des soc., t. 1, n. 723; Aubry et Rau, t. 4, p. 570,

384, texte et note 9; Alauzet, Comment. sur le C. comm., 3° édit., t. 2, n. 485; Paris, Le dr. comm. franç., n. 889 et 924.

(8) V. conf., Paris, 15 mars 1860 (S. 1860.2. 486. – P. 1860.540); Cass. 18 févr. 1862 (S. 1862. 1.305. P. 1062.852), les notes et les renvois.

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