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ture de crédit de 500,000 fr., qui montre le caractère commercial de l'association dont cet emprunt devait faciliter les opérations;

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Attendu que, par actes en date des 1er févr. et 12 mars 1879, Morel père a fait entrer dans l'actif social l'établissement désigné par le nom de Grand peignage, qu'il gérait précédemment sous la firme Morel et Cie, et dont il a acheté, avec les deniers de la société, la part appartenant à la dame Noyelle Deregnaucourt; que cette adjonction d'un nouvel immeuble industriel n'avait pas sa raison d'etre si, dans ses rapports avec ses enfants, il était seulement dans un état d'indivision transitoire, en attendant le moment de procéder à la liquidation, mais s'explique facilement dans le cas d'une association commerciale dont il pouvait avoir intérêt à étendre les opérations; Attendu que, dans les actes précités, constituant, non pas, comme le prétend l'appelant, une simple convention d'indivision, mais bien une véritable société en commandite, les apports de chacun des co-associés sont expressément spécifiés; qu'il y est indiqué comment seront effectués les prélèvements, et dans quelle proportion seront répartis les bénéfices et les pertes; qu'il y est, en outre, convenu qu'après l'expiration de la première période quinquennale prenant fin le 25 juin 1881, il serait formé, sur les mêmes bases que la situation présente et dans les formes légales, une société en nom collectif entre les contractants; que cette clause ne peut laisser aucun doute sur le caractère commercial de l'association litigieuse; qu'en remettant à l'année 1881 la constitution d'une société dans les formes légales, Morel et ses fils reconnaissaient implicitement l'existence d'une société créée en dehors des formes légales, et qu'en stipulant que cette société irrégulière serait formée sur les mêmes bases que la situation existante, ils convenaient que la situation existante était une société de fait; Attendu, en conséquence, que la convention du 26 juin 1876, renouvelée le 6 oct. 1880 et le 4 nov. 1886, et complétée par les actes supplémentaires des 1 févr. êt 12 mars 1879, présente tous les caractères exigés par l'art. 1832, C. civ., la mise en commun d'un fonds constituant l'apport social, dans le but de réaliser un gain, la participation aux bénéfices et la répartition des pertes, avec l'intention indéniable de faire le commerce en société; qu'Emile Morel, ayant fait partie de cette société de fait, est devenu le débiteur personnel des créanciers sociaux dans la limite de son apport, et que les consorts Caulliez ont, à ce titre, action contre lui;

Attendu qu'Emile Morel soutient, à tort, que, l'existence de la société fût-elle reconnue, il ne pourrait être considéré comme responsable vis-à-vis des créanciers, parce que, depuis le 12 août 1881,il est dans les liens d'une demi-incapacité, résultant de la dation qui lui a été faite d'un conseil judiciaire; Attendu que la fondation de la société remonte au 26 juin 1876 et est antérieure à la mesure de prévoyance dont Emile Morel a été l'objet ; qu'à l'acte du 4 nov. 1886, portant renouvellement de la société, il a comparu avec l'assistance d'un conseil judiciaire ad hoc, qui l'a habilité; qu'avec l'autorisation de son conseil, le prodigue, dont les capitaux ne sont nullement frappés d'inaliénabilité, peut

valablement s'engager comme commanditaire dans une société; qu'il en serait autrement s'il s'agissait d'une société en nom collectif, la présence du conseil étant nécessaire à chacun des actes de gestion, ce qui serait impraticable, mais qu'Emile Morel est toujours resté étranger à la gestion, expressément réservée à son père, et n'a jamais été qu'un simple commanditaire;

« Attendu qu'Emile Morel n'est pas en droit de prétendre que les intimés ne peuvent agir contre lui, parce qu'au moment où ils contractaient avec Augustin Morel, ils ignoraient l'existence de la société et n'ont pas pu compter sur la solvabilité de l'appelant auquel ils n'ont pas fait foi; Attendu que, bien que non rendue publique, cette société qui, pendant une période de douze années, a fait des affaires considérables, a été connue des consorts Caulliez, avec lesquels de nombreuses opérations ont été conclues de compte à demi: qu'ils savaient, en effet, qu'à la suite du décès de la dame Morel-Deffaux, la communauté n'avait pas été liquidée, et qu'Augustin Morel et ses enfants avaient mis leurs biens en commun pour continuer comme par le passé à faire le commerce; - Attendu, d'ailleurs, que les tiers n'ont pas à justifier qu'au moment du contrat ils avaient connaissance de l'existence de la société et stipulaient en conséquence; que le défaut de publicité ne peut leur être opposé, et qu'ils ont seulement à prouver l'existence de la société tenue secrète avec laquelle ils ont contracté ;

Attendu que les intimés, élant incontestablement créanciers de Morel père, sont recevables à exercer, en vertu de l'art. 1166, C. civ., les droits et actions de leur débiteur; qu'il résulte de la liquidation, non encore homologuée, à laquelle il a été procédé à la suite du décès d'Augustin Morel, qu'Emile Morel resterait débiteur de son père d'une somme de 21,306 fr. 40; que les consorts Caulliez, trouvant cette action dans la succession du de cujus, peuvent s'en saisir pour agir en payement contre l'appelant, et qu'à ce titre encore, il y a lieu de maintenir l'opposition par eux mise aux mains de Jules Morel en sa qualité d'administrateur de l'indivision Morel-Deffaux; Par ces motifs, etc. >.

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POURVOI en cassation par MM. Emile Morel et Allègre, ès qualités. 1er Moyen. Violation des art. 502, 513, 1134, 815, 1853 et 1855, C. civ., et des art. 20, 23, 24 et 26, C. comm., en ce que, d'après l'arrêt attaqué, Emile Morel, quoique pourvu d'un conseil judiciaire, aurait pu faire partie d'une société que l'arrêt qualifie à tort de commandite, et qui, d'après les constatations mêmes de l'arrêt, ne pouvait avoir que le caractère et les effets d'une société en nom collectif.

2 Moyen. Violation des art. 223, 502, 513 et 1865, C. civ., en ce que : 1° l'arrêt attaqué a refusé de considérer une société en commandite simple comme dissoute, malgré la dation d'un conseil judiciaire pour l'un des associés; 2° en ce qu'il a reconnu au conseil judiciaire le droit d'engager le prodigue pour toute sa part héréditaire.

3 Moyen. Violation ou fausse application des art. 803, 808, 882, 1166 et 2205, C. civ., et des art. 557, 559, 563, C. proc., en

ce que l'arrêt attaqué a admis qu'Emile Morel, héritier bénéficiaire d'Augustin Morel, avait pu être contraint sur ses biens personnels par le seul effet de l'opposition faite par les consorts Caulliez, en leur qualité de créanciers d'Augustin Morel, sur les biens dépendant de sa succession, et cela sous prétexte qu'Augustin Morel aurait été créancier de 21,300 fr. vis-à-vis d'Emile Morel, alors, d'ailleurs, que l'opposition ne pouvait valoir comme saisie-arrêt, en l'absence des formes et conditions requises par la saisie-arrêt.

ARRÊT.

LA COUR; Sur le premier moyen, pris de la violation des art. 502, 513, 1134, 815, 1853, 1855, C. civ., 20, 23, 24, 26, C. comm.:

Attendu que l'arrêt attaqué, loin d'avoir dénaturé les actes dont il fait dépendre la solution du procès, les a sainement appréciés en qualifiant de société les conventions par lesquelles, depuis 1876, les consorts Morel avaient laissé en commun des biens et valeurs affectés à une exploitation industrielle dont la gérance était réservée par les enfants à leur père, en vue de partager les bénéfices qui pourraient en résulter; Attendu que la Cour d'appel n'a fait qu'interpréter, comme c'était son droit souverain, lesdites conventions, en déduisant de l'ensemble de leurs clauses, que, dans l'intention commune des parties, la valeur de 300,000 fr., attribuée aux droits successifs laissés en commun par chacun des héritiers de la dame Morel, limitait au même chiffre le risque de perte auquel ils devaient être exposés par le résultat des affaires sociales; qu'il suit de là que ces héritiers ont été de simples commanditaires, rôle compatible avec la situation légale du demandeur en cassation, lequel est pourvu d'un conseil judiciaire depuis 1881;

Attendu que la qualification de commandite, donnée à la société dont s'agit par les juges du fond, ne rencontrait aucun obstacle juridique dans le défaut de publicité de cette société, circonstance qui, d'après l'art. 56 de la loi du 24 juill. 1867, n'est pas susceptible d'être opposée aux tiers par les associés; qu'ainsi, le moyen proposé n'est point justifié;

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Sur le deuxième moyen, pris de la violation des art. 223, 502, 503, 513, 1865, C. civ.: Attendu que, s'agissant d'une société en commandite, où le demandeur en cassation ne figurait qu'en qualité de bailleur de fonds, le jugement qui l'a pourvu d'un conseil judiciaire n'a pas eu pour effet d'empêcher la continuation de cette société pendant la durée qui lui était assignée par l'acte du 6 oct. 1880, ni son renouvellement par l'acte du 4 nov. 1886, auquel le demandeur en cassation a comparu avec l'assistance d'un conseil judiciaire ad hoc, par suite de l'opposition de ses intérêts avec ceux de son père, investi des mêmes fonctions par un jugement du 12 août 1881; que l'importance de l'affaire, dans laquelle était engagé pour Emile Morel un capital de 300,000 fr., n'empêchait pas qu'il y eût là, pour les commanditaires, un simple placement de fonds qui, bien qu'aléatoire, a pu être fait par ledit Emile Morel et avec le concours de son conseil, et qu'en tenant cette opération pour va lable, l'arrêt attaqué n'a violé aucune loi;

Sur le troisième moyen, pris de la violaion et fausse application des art. 803, 808, 82, 1166, 2205, C. civ., et 557, 559 et 563, proc.: Attendu que l'arrêt attaqué, ans son dispositif, n'a pas constitué les déendeurs éventuels créanciers du demandeur n cassation comme étant aux droits de son

ère dont la succession aurait à exercer sur

Emile Morel une répétition de 21,300 fr., que la chose jugée se réduit à maintenir l'opposition que les défendeurs éventuels ont formée au partage de la succession de Morel père, et la défense par eux faite à l'administrateur de l'indivision Morel-Deffaux de se dessaisir de tous deniers dont il serait comptable en cette qualité; - Attendu que, créanciers personnels d'Emile Morel à concurrence de sa commandite dans la société avec laquelle ils avaient traité, les défendeurs éventuels tenaient de l'art. 882, C. civ., la faculté de s'opposer au partage des masses de communautés et de succession dans lesquelles ledit Emile Morel avait des droits indivis, sans être tenus de suivre les formes spéciales de la saisie-arrêt; Rejette, etc.

Du 28 mars 1892. Ch. req. MM. Manau, prés.; Cotelle, rapp.; Reynaud, av. gén. (concl. conf.); de Valroger, av.

CASS.-REQ. 10 février 1890. EMANCIPATION, CAPACITÉ, ACQUISITION D'IMMEUBLES, RÉDUCTION EN CAS D'EXCÈS, RÉ

DUCTION TOTALE.

Les tribunaux, qui, conformément à Part. 484, C. civ., ont le droit de réduire en cas d'excès les obligations contractées par un mineur émancipe, peuvent prononcer la réduction totale du prix d'un immeuble acquis par le mineur, de sorte que la réduction equivaut à l'annulation de l'acte au regard du mineur (1) (C. civ., 484, 1305).

(Loynec C. Mirepoix). — ARRÊT.

LA COUR; Sur le moyen unique du pourvoi pris de la violation des art. 484, $2, et 1305, C. civ., en ce que l'arrêt attaqué a déclaré sans effet, en ce qui concerne la dame Mirepoix, mineure émancipée par le mariage, le contrat de vente du 25 sept. 1884, par ce motif que, loin de lui être utile et profitable, l'achat du domaine de Roux aurait eu, pour la défenderesse éventuelle, des conséquences désastreuses, alors que, si l'arrêt attaqué pouvait réduire pour cause d'excès le contrat litigieux, il ne pouvait aller jusqu'à annuler l'acte lui-même :- Attendu qu'il

(1) Le mineur émancipé à capacité pour faire l'acquisition d'immeubles, sauf réduction en cas d'excès, dans les termes de l'art. 484, C. civ. V. Cass. 15 déc. 1832 (S. 1833.1.687. P. chr.) 29 juin. 1857 (S. 1857.1.729. P. 1858.295). V.; aussi, Cass. 21 août 1882 (S. 1883.1.113.-P. 1883. 1.268). Aucune limite n'est assignée au pouvoir de réduction du juge. Il peut fixer la réduction à la moitié, au quart, aux trois quarts, aux 99/100, et dès lors rien ne l'empêche de porter le quantum de la réduction à la totalité de l'obligation. On objecte que la simple réduction aboutit ainsi à l'annulation même de l'achat de l'immeuble, ce qui implique contradiction dans les

s'agissait dans la cause d'un achat d'immeuble pour lequel la dame Mirepoix, mineure émancipée par le mariage, s'était obligée solidairement avec son mari; que les époux Mirepoix restant sur leur contrat redevables de sommes considérables, et la revente des immeubles étant poursuivie contre eux, la femme demandait le remboursement de la partie du prix qu'elle avait antérieurement versée, et à être pour tout le surplus relevée de ses engagements; Attendu que, sur cette demande, la Cour de Montpellier n'a pas admis que les engagements pris par la dame Mirepoix fussent nuls, mais seulement qu'ils étaient réductibles pour cause d'excès, conformément au § 2 de l'art. 484, C. civ. ; que, procédant d'après ces vues et recherchant dans quelle mesure la lésion subie par la mineure exigeait qu'elle fût déchargée de ses obligations, l'arrêt explique et déclare que la réduction doit être totale, parce que le contrat a eu pour la dame Mirepoix des conséquences désastreuses, et que la lésion qu'elle en a éprouvée consommérait sa ruine complète; Attendu que cette appréciation a été faite souverainement par les juges du fond; que si, par suite, dans l'espèce, l'effet de l'action en réduction équivaut, pour ce qui concerne la dame Mirepoix, à l'annulation de l'acte, ce résultat est la conséquence de la nature et de l'énormité de la lésion; mais que la décision attaquée, en ordonnant la décharge de la dame Mirepoix comme la seule mesure efficace pour réparer cette lésion, n'a pu violer les dispositions de loi invoquées par le pourvoi; - Rejette, etc. Du 10 févr. 1890. Ch. req. MM. le cons. Demangeat, prés.; Denis, rapp.; Chévrier, av. gén. (concl. conf.); Sabatier, av.

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CASS.-CIV. 4 février 1890.

COMMUNE, RESPONSABILITÉ, MAISON, EFFONDREMENT, RÈGLEMENT DE VOIRIE, TRAVAUX INTÉRIEURS.

L'obligation de surveiller et de diriger les travaux faits dans l'intérieur d'un batiment ne résultant pour une ville d'aucun texte de loi, la responsabilité de cetle ville ne peut être engagée par l'effondrement d'une maison, causé par un vice de construction provenant de travaux faits à l'intérieur (2) (C. civ., 1382 et 1383).

(Consorts Zeraffa C. Ville d'Alger).-ARRÊT. LA COUR; Sur le moyen unique du pourvoi (violation des art. 1382, 1383 et 1384,

mots. Mais ce résultat est la conséquence du pouvoir absolu laissé au juge pour apprécier le quantum de la réduction.

(2) Les architectes de la voirie n'avaient à surveiller les travaux que dans la partie longeant la voie publique, et qui relevait par suite de la voirie municipale, mais ils n'avaient pas à surveiller les travaux faits à l'intérieur du bâtiment. Du chef du défaut de surveillance de ces derniers travaux, il ne pouvait ainsi incomber aucune responsabilité à la ville.

(3) Les servitudes discontinues ne peuvent donner lieu à l'action possessoire que lorsqu'elles s'appuient sur un titre émanant de

C. civ., fausse application du principe sur la responsabilité des communes en matière de voirie, en ce que l'arrêt attaqué, tout en reconnaissant la négligence grave commise par les autorités de la ville dans l'exercice de leurs fonctions, pour n'avoir pas surveillé et visité les travaux effectués à l'intérieur de la maison effondrée, ainsi que le règlement de la voirie de la ville leur en donnait le droit, a refusé de la déclarer responsable de leur faute, sous le prétexte qu'il ne leur appartenait pas de surveiller l'exécution technique des travaux dont les plans leur avaient été préalablement soumis): Attendu que l'arrêt attaqué déclare, par une appréciation souveraine des faits de la cause, que l'effondrement de la maison appartenant au sieur Schebat n'était pas dù à des malfaçons portant sur la partie longeant la voie publique, et qui auraient relevé, par suite, de la voirie municipale, mais à un vice de construction existant dans les travaux faits à l'intérieur des bâtiments; Attendu qu'en décidant, en l'état de ces constatations, que l'obligation de surveiller et diriger les travaux faits dans l'intérieur du bâtiment ne résultant, pour la ville d'Alger, d'aucun texte de loi, la responsabilité de celle-ci ne saurait être engagée par l'accident survenu, l'arrêt attaqué n'a violé aucun des articles invoqués par le pourvoi; - Rejette, etc.

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Du 4 févr. 1890. Ch. civ. MM. Barbier, 1er prés.; Crépon, rapp.; Charrins, 1er av. gen. (concl. contr.); Lehmann et Choppard, av.

CASS.-CIV. 14 avril 1893.

ACTION POSSESSOIRE, SERVITUDE DISCONTINUE, TITRE, APPLICATION, POSSESSION, ENQUÊTE, VISITE DE LIEUX.

L'action possessoire, au sujet d'une servitude discontinue, n'étant recevable qu'autant qu'il y a titre et que les énonciations du titre produit s'appliquent exactement à la servitude prétendue, le juge du possessoire est tenu de faire, avant tout, la verification et l'application du titre (3) (C. proc., 23).

Mais ne viole pas ce principe le juge du possessoire, qui ordonne, en pareil cas, simultanément une visite de lieux et une enquête, lorsque l'enquête ainsi ordonnée était nécessaire, non seulement pour établir les faits de possession, mais encore pour faire l'application des titres au terrain litigieux (Id.).

l'homme ou de la loi. V. Cass. 30 juill. 1889 (S. 1891.1.405. - P. 1891.1.990); 1er juill. 1890 (S. 1892.1.15.-P. 1892.1.15), et le renvoi. V. aussi, Cass. 1er févr. 1893 (S. 1893.1.132. P. 1893. 1.132). En pareil cas et lorsqu'un titre est produit, le juge vérifie d'abord si le titre est conforme à la possession alléguée (V. Cass. 12 mars 1888, S. 1890.1.411. - P. 1890.1.985, et la note), pour déterminer si l'action est recevable. A cet effet, une visite de lieux peut être nécessaire pour faire l'application des titres au terrain litigieux. Après quoi le juge peut ordonner une enquête pour établir les faits de possession et déterminer si l'action possessoire est fondée. V. Cass. 13 juill.

(Dlles Cabaret C. Lebrun et autres).

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ARRÊT.

LA COUR; Donnant défaut contre tous les défendeurs et statuant sur le premier moyen du pourvoi (sans intérét);

Sur le deuxième moyen (violation des art. 686, 691 et 1134, C. civ., des art. 23 et s., C. proc., et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que le jugement attaqué a déclaré recevable une action possessoire ayant pour objet une servitude discontinue, et a autorisé les demandeurs à faire la preuve par enquête des faits de possession articulés, sous prétexte qu'ils produisaient un titre, alors que ce titre, se rapportant à une servitude différente de celle réclamée par l'assignation, ne pouvait servir de base à l'action possessoire, et sans avoir, dans tous les cas, au préalable, statué sur l'efficacité du titre en question, ni donné de motifs en réponse aux contestations formelles des exposantes sur ce point): - Attendu que l'action possessoire au sujet d'une servitude discontinue n'est recevable qu'autant qu'il y a titre, et que les énonciations du titre produit s'appliquent exactement à la servitude prétendue; que, dès lors, le juge du possessoire est tenu de faire, avant tout, la vérification et l'application du titre; Mais attendu que le jugement altaqué n'a pas fait autre chose; que, s'il a ordonné l'enquête en même temps que la visite des lieux, c'est que l'enquête était nécessaire, non seulement pour établir les faits de possession, mais encore pour faire l'application des titres au terrain; qu'ainsi, les deux opérations étaient connexes, et qu'en les ordonnant simultanément et non successivement, le jugement attaqué n'a violé aucune loi; Attendu, d'ailleurs, que le jugement attaqué est purement interlocutoire, et réserve pour être jugée sur les lieux la contestation soulevée contre les titres produits; que, dès lors, le grief tiré de ce que le jugement aurait rejeté cette contestation saus motifs manque en fait; Rejette le pourvoi formé par les demoiselles Cabaret contre le jugement du tribunal civil de Coutances du 17 juill. 1888, etc.

Du 14 avril 1893. - Ch. civ.- MM. Quesnay de Beaurepaire, prés.; Dareste, rapp.;

1886 (S. 1888.1.251. P. 1888.1.627). Ainsi donc, en principe, le juge doit ordonner d'abord la visite des lieux, pour savoir si l'action est recevable, ensuite l'enquête, pour savoir si l'action est fondée, et il ne peut ordonner simultanément la visite et l'enquête. Par exception, il le peut lorsque l'enquête est nécessaire, non seulement pour établir les faits de possession, mais encore pour faire l'application des titres au terrain litigieux, ce qui était le cas de l'espèce.

(1) Déjà jugé que le principe d'après lequel le bailleur ne peut modifier la chose louée ne se restreint pas aux objets principaux du contrat qui sont seuls mentionnés dans l'acte de bail; il s'étend même aux choses qui, quoique ne se référant qu'accessoirement au bail, contribuent aux avantages et aux commodités de la location, tels que l'entrée de la maison, le passage dans la cour, etc. V. Paris 12 janv. 1856 (S. 1856.2.168.

P. 1856.1.25). Ainsi, le propriétaire d'un

Bertrand, av. gén. (concl. conf.); Devin,

av.

CASS.-REQ. 25 avril 1893.

1° BAIL, JOUISSANCE, CHANGEMENT, PASSAGE. 2° PREUVE TESTIMONIALE, VALEUR INDETERMINÉE, CASSATION, MOYEN NOUVEAU.

1o Les principes qui régissent le contrat de bail à loyer et qui imposent au bailleur l'obligation d'assurer au preneur la complète et paisible jouissance de la chose louée et de ne pas en changer la forme, s'applique non seulement aux objets énoncés dans le bail, mais encore à tous les avantages qui s'y rattachent el sur lesquels le preneur a du compter comme utilité ou agrément de sa location;... notamment, à la facilité que donnait à l'exploitation du preneur le passage par un portail ouvert sur une cour commune, passage et portail qui ne sauraient en conséquence être modifiés sans son consentement (1) (C. civ., 1719, 1723).

2. Lorsque le mode de constatation d'un accord accepté par le jugement d'un tribunal, n'a pas été critiqué devant la Cour d'appel, le moyen tiré de ce que la preuve de cet accord, portant sur une somme indéterminée, a été faite par témoins ou simples présomptions, ne peut être proposé pour la première fois devant la Cour de cassation (2) (C. civ., 1341).

(Néaud C. Lacombe). ARRÊT.

LA COUR; Sur le premier moyen du pourvoi, tiré de la violation des art. 1743, 1134, 544 et 1382, C. civ.: Attendu que les principes qui régissent le contrat de bail à loyer, qui imposent au bailleur l'obligation d'assurer au premier la complète et paisible jouissance de la chose louée et de ne pas en changer la forme, s'appliquent non seulement aux objets énoncés dans le bail, mais encore à tous les avantages qui s'y rattachent et sur lesquels le preneur a dù compter comme utilité ou comme agrément de sa location; - Or, attendu que l'arrêt constate souverainement en fait que, d'après l'aspect des lieux tels qu'ils étaient lors de la confection des baux, le défendeur éventuel, qui devait rechercher des locaux propres à l'exploitation de son industrie, a dû croire que l'accès de son atelier aurait lieu par une cour commune entre les différents

maison ne peut changer la forme et réduire les proportions d'un escalier qui conduit à des appartements par lui loués. V. Paris, 9 janv. 1814 (S. 1844.2.79.-P. 1844.1.134). Pareillement, le bailleur d'un appartement ne peut, par des modifications apportées dans les autres parties de sa propriété, nuire à la jouissance du preneur en détruisant ou diminuant les avantages inhérents à la location, et dont la considération a pu déterminer le locataire à accepter le bail. V. Paris, 26 mars 1857 (S. 1857.2.500. — P. 1858.35); Aix, 21 janv. 1864 (S. 1864.2.157. P. 1864.832). Ainsi, il ne peut changer la position d'une porte vitrée donnant dans l'escalier. V. Aix, 21 janv. 1864, précité. Adde conf., sur le principe, Laurent, Princ. de dr. civ., t. 25, n. 143 et s.; Guillouard, Tr. du louage, t. 1o, n. 128 et s.

(2) Il résulte de l'art. 1341, C. civ., que la preuve ne peut être faite par témoins ou par présomp

propriétaires dont il tenait sa location; qu'i n'existait qu'un seul portail, un seul passage offrant une largeur de 5 mètres, et que cette disposition était celle qu'il devait avoir en vue; qu'au surplus, on ne lui a jamais fait connaître qu'elle pouvait être modifiée; — Attendu que le demandeur en cassation, propriétaire actuel des locaux litigieux et ayant cause direct des auteurs des demandeurs éventuels, a succédé à leurs obligations à son égard; que, dans ces circonstances, en décidant que le demandeur était mal fondé à vouloir apporter dans le passage et le portail les modifications qu'il se proposait d'y établir, l'arrêt attaqué n'a fait qu'une exacte application des règles de la matière, et n'a violé ni l'art. 1134 ni l'art. 1743, C. civ.: Attendu qu'il n'a violé davantage les art. 544 et 1382 du même Code, le demandeur n'excipant d'aucune atteinte portée à son droit de propriété, formellement reconnu d'ailleurs par le juge du fond, ni d'aucune faute imputable au défendeur éventuel, du moins en ce qui concerne le premier chef de la demande ;

Sur le deuxième moyen pris de la violation des art. 1341 et s., C. civ. (en ce que l'arrêt attaqué a admis la preuve d'un accord sur une somme indéterminée par simple preuve testimoniale ou par présomptions en l'absence du tout titre): Attendu que l'arrêt attaqué, se fondant sur les motifs des premiers juges, constate qu'il est justifié par les documents qui leur ont été soumis que, par suite d'un accord, les auteurs du défendeur éventuel ont consenti à ce qu'il fit usage des lieux d'aisance, non seulement pour lui-même, mais aussi pour les ouvriers qu'il employait dans son atelier; - Attendu que le mode de constatation de cet accord, accepté par le jugement du tribunal, n'ayant pas été critiqué devant la Cour d'appel, le deuxième moyen du pourvoi ne saurait être proposé pour la première fois devant la Cour de cassation, et doit être écarté comme nou

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tions lorsqu'il s'agit d'une chose d'une valeur indéterminée, et d'ailleurs indéterminable. V. Cass. 1er avril 1890 (S. 1890.1.245. — P. 1890.1. 616), et la note. Mais il est assez généralement admis que la disposition de l'art. 1341 n'est pas d'ordre public, et que les parties peuvent y renoncer. V. Cass. 24 août 1880 (S. 1880.1.413. · P. 1880.1042); 1er juin 1893 (S. 1893.1.285. — P. 1893.1.285). En sens contraire, V. Trib. de Luxembourg, 23 mars 1892 (S. 1893.4.23. - P. 1893.4.23). Il s'ensuit que, dans l'opinion géné rale, le moyen tiré de la violation de l'art. 1311 ne peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation. V. not. Cass. 2 juill. 1850 (S. 1851.1.54. P. 1850.2.649); 22 juill. 1878 (S. 1879.1.213. P. 1879.515). Adde dans le même sens, Cass. 4 févr. 1860 (S. 1861.1.395. P. 1861.219), et 13 juin 1861 (P. 1862.1003), statuant en matière criminelle.

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(1-2) Cet arrêt résout deux questions différentes qui se rapprochent l'une de l'autre, en ce qu'elles sont relatives toutes deux au point de savoir si, dans certaines circonstances de fait, un créancier gagiste ne perd pas la possession de marchandises constituées en gage, possession dont la continuation est essentielle pour que le créancier gagiste conserve son privilège à l'encontre des tiers (C. civ., 2076; C. comm., 92, 1er alin.). La première de ces questions est simple; la seconde, au contraire, est de nature à donner lieu à de grandes difficultés, comme le prouve un arrêt de la Cour de Douai du 26 janv. 1893, rapporté infra, 2o part., p. 233.

I. La possession est-elle perdue pour le créancier gagiste, par cela seul que les marchandises ont été placées dans un local appartenant au débiteur ?

L'affirmative est exacte en principe. C'est dans un but de publicité que la possession du créancier gagiste est requise par la loi. Il faut qu'en fait, la situation soit telle que les tiers ne puissent pas croire que les choses constituées en gage sont encore libres dans le patrimoine du débiteur. V. Cass. 11 févr. 1885 (S. 1886.1.117. P. 1886.1.259), et les renvois. Adde, MM. Ch. Lyon-Caen et Renault, Tr. de dr. comm., t. 3, n. 278. La présence de ces choses dans un local appartenant au débiteur est assurément au nombre des faits de nature à produire cette croyance, et, par suite, contraires au but de publicité poursuivi par le législateur. Mais, si le local appartenaut au débiteur a été loué par lui à un tiers, on ne voit pas pourquoi ce tiers ne jouerait pas le rôle du tiers détenteur convenu entre les parties pour détenir le gage pour le compte du créancier gagiste, dont parlent les art. 2076, C. civ. et 92 C. comm. Cela suppose une location véritable. Celle qui serait faite à un employé du débiteur jouant un rôle purement fictif n'empêcherait pas de considérer le créancier comme n'ayant pas la possession. V. à cet égard, Cass. 28 avril 1884 (S. 1886.1. 116. P. 1886.1.257), et le renvoi.

II. Le créancier gagiste perd-il la possession par le fait d'avoir remis momentanément au débiteur, soit le connaissement afférent aux marchandises constituées en gage pour faire opérer le débarquement, soit les clefs du magasin les contenant pour livrer des marchandises dont le créancier a autorisé la vente?

L'arrêt attaqué a refusé d'admettre, à rai. son de ces circonstances, la perte de la possession. Il constate que la remise des clefs et celle du connaissement n'ont été que momentanées, qu'elles étaient en quelque sorte commandées par les usages du commerce et par l'intérêt bien entendu des parties. Une vente aux enchères opérée par la société de crédit, créancier gagiste, aurait, en jetant sur le marché une masse considérable de marchandises, ocANNÉE 1893. 10° cah.

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Nous croyons que l'arrêt attaqué a bien jugé sur le fond de la question, et que c'est à bon droit que la chambre civile a reconnu, en cette matière, le pouvoir souverain d'appréciation des juges du fait.

Sans doute, on pouvait dire, pour soutenir qu'il y avait eu perte de la possession par le créancier gagiste, que, les clefs des magasins ayant été remises au débiteur, le créancier ne possédait plus les marchandises y renfermées, par cela même que cette remise avait eu pour effet de laisser les marchandises à la disposition du débiteur. On alléguait aussi que la perte de la possession résultait de ce que les connaissements transmis au créancier gagiste avaient été remis par lui au débiteur. La condition de la possession du créancier gagiste est requise dans un but de publicité; il ne faut pas que des tiers, voyant des marchandises entre les mains de leur débiteur, soient induits par là en erreur, et croient que celui qui les détient a le droit d'en disposer librement alors qu'il les a déjà engagées. V. MM. Ch. Lyon-Caen et Renault, op. et loc. cit. Ce but de publicité n'est pas atteint dès que le gage est détenu par le débiteur lui-même ; c'est ce qui peut semble résulter de la remise des clefs du magasin renfermant les marchandises ou de la remise du connaissement.

Cette argumentation ne nous paraît pas bien fondée. Il n'est pas douteux que la possession du créancier gagiste est exigée dans un but de publicité, et que ce but n'est pas atteint quand le gage est laissé ou remis au débiteur luimême. Mais il n'y a pas là une coudition semblable aux formalités de publicité ordinaire, telles que celles de la transcription ou celles de l'art. 1690, C. civ., dont on constate sans peine l'observation ou l'inaccomplissement. Il faut examiner soignement les faits de chaque espèce pour arriver à déterminer si le créancier a conservé ou a perdu la possession du gage. La Cour suprême tient compte de cette idée, en décidant que les juges du fait statuent souverainement pour décider si, d'après les circonstances, le créancier gagiste a été privé de la possession. V. Cass. 29 déc. 1875 et 28 avril 1884, précités. V. au surplus sur la question, MM. Lyon-Caen et Renault, Tr. de dr. comm., t. 3, n. 279.

On ne peut admettre que le créancier gagiste doive être cousidéré comme ayant cessé de posséder le gage, par cela seul que la disposition en a été momentanément laissée au débiteur. Il y a des circonstances où des nécessités inéluctables l'exigent, et où, du reste, le but

saisi de la possession effective des marchandises, bien qu'il ait rêmis momentanément au débiteur, soit les documents qui les concernaient pour faire opérer le débarquement, soit les clefs du magasin pour effectuer la livraison d'un certain nombre de caisses de marchandises dont il avait autorisé la vente (2) (Id.).

2. L'art. 447, C. comm., ne prononce pas la nullité des actes à titre onéreux faits par un failli durant la période suspecte, par cela seul que les tiers ont connu la cessa

de publicité poursuivi par le législateur n'en est pas moins atteint. Ainsi, parfois, il est indispensable que la disposition du gage soit laissée momentanément au débiteur pour les soins à donner à la chose ou pour l'exercice de droits sans lequel le gage perdrait son utilité. Ainsi, il a été admis que le créancier gagiste, saisi par la remise de la clef du magasin où sont renfermées les marchandises engagées, n'avait pas perdu la possession de celles-ci, bien qu'il eût confié à titre temporaire cette clef à son débiteur pour qu'il donnât aux marchandises les soins nécessaires. V. Paris, 7 août 1841 (P. 1841.2.172); Cass. 11 août 1842 (S. 1842.1.925.

P. 1842.2.606). Cela se comprend spécialement dans l'hypothèse assez fréquente où des vins, spécialement des vins de Champagne, sont constitués en gage. Le plus souvent, le créancier gagiste est un banquier qui n'a pas les connaissances nécessaires pour donner aux choses engagées les soins qui leur sont indispensables d'après leur nature spéciale. De mème, il a été décidé que, lorsqu'un débiteur ayant donné en gage une créance qu'il a sur un tiers, a remis la grosse de son titre au créancier, ce dernier n'est pas dessaisi, bien qu'il ait, à titre temporaire, confié la grosse à son débiteur pour lui permettre d'exercer les droits attachés à la créance: Bourges, 5 juin 1852 (P. 1852.2.389); Cf. Paul Pont, Tr. des petits contrats, t. 2, n. 1126.

Dans l'espèce, la société de crédit, qui était le créancier gagiste, n'aurait pas pu sans graves inconvénients faire procéder à la vente aux enchères des marchandises (pétrole). Ce mode de réalisation aurait nui au débiteur en produisant un abaissement subit et notable des cours. Puis les représentants de cette société n'avaient ni les connaissances techniques, ni les relations nécessaires pour procéder à des ventes amiables pour un prix rémunérateur. Il était naturel que, ces ventes étant faites par le débiteur lui-même, le créancier lui confiat, à titre purement temporaire, les connaissements et la clef des magasins, pour procéder au débarquement et à la livraison des marchandises aux acheteurs. L'arrêt attaqué a pu dire que la marchandise donnée en gage n'était entrée dans le patrimoine du débiteur que sous la condition du nantissement auquel elle est restée affectée », qu'ainsi il y avait eu là une condition inhérente au contrat, c'est-à-dire une condition sans laquelle le contrat de gage n'aurait pas été possible.

Toutefois, nous devons constater que la Cour de Douai, dans son arrêt du 26 janv. 1893, rapporté infra, 2o part., p. 233, a, dans des circonstances analogues, admis que le créancier gagiste, ayant perdu la possession du gage, était privé de son privilège. V. la note sous cet arrêt.

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tion des payements; il laisse aux juges la faculté d'annuler ou de maintenir les actes selon les circonstances (1) (C. comm., 447). C'est à bon droit que les juges refusent d'annuler un payement sur un nantissement qu'ils constatent n'avoir pas été fait au détriment de la masse des créanciers, par le motif que la marchandise donnée en gage n'était entrée dans le patrimoine du débiteur que sous la condition du nantissement auquel elle est restée affectée (2) (Id.).

Et ce motif dispense le juge de s'expliquer sur le point de savoir si le créancier gagiste avait connaissance de l'état de cessation de payements du débiteur (3) (Id.). (Synd. Schittenhelm C. Comp. Algérienne).

Le 7 févr. 1888, arrêt de la Cour d'appel d'Alger, ainsi conçu : - La Cour; - Considérant qu'en déc. 1882, Schittenhelm, acheteur d'une cargaison de pétrole aux Etats-Unis, s'est adressé à la Comp. Algérienne à l'effet d'obtenir l'ouverture du crédit qui lui était nécessaire pour payer ses vendeurs; que la Comp. Algérienne a accédé à sa demande, mais à la condition que les marchandises achetées par Schittenhelm serviraient de gage à ses déboursés et seraient affectées à leur payement; que cette garantie lui serait assurée par la remise des documents maritimes, qui en constataient la propriété, contre son acceptation des traites tirées par les vendeurs; Considérant que c'est dans ce sens que sont rédigées les instructions transmises par le comptoir de la Comp. Algérienne à Constantine au comptoir de la même Comp. à Marseille; Considérant que c'est dans ces conditions que Schittenhelm a traité, par l'entremise du courtier Fabre, son représentant à Marseille, avec Bergasse et Cie, mandataires de ses vendeurs; Considérant qu'il est dit dans ces conventions, rédigées sur timbre à la date du 31 janv. 1883, que le prix de vente sera payé en traites des vendeurs sur la Comp. Algérienne, acceptables contre la remise de tous les documents; Considérant que ce contrat, signé par Fabre par autorisation de Schittenhelm, son mandant, a été régulièrement exécuté; que les documents dont la possession, aux termes de l'art. 92, C. comm.,

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(1-2) Il est incontesté, d'après les termes mêmes de l'art. 447, C. comm., que les nullités prononcées par cet article sont facultatives pour le juge, à la différence des nullités de l'art. 446, C. comm., qui sont de droit, c'est-à-dire que, lorsqu'il s'agit d'actes tombant sous le coup de l'art. 447, les juges peuvent, selon les eirconstances, ne pas prononcer la nullité, alors même que l'acte attaqué a été fait pendant la période suspecte, et que le tiers (dans l'espèce le créancier gagiste) qui l'a fait avec le failli, connaissait l'état de cessation de payements de celui-ci. V. Cass. 29 mai 1883 (S. 1885.1.167. P. 1885. 1.391). V. aussi, Cass. 18 avril 1887 (S. 1887.1. 173. P. 1887.1.400); 26 juin 1888 (S. 1891.1. 166.-P. 1891.1,390). Adde, MM. Bravard et Demangeat, Tr. de dr. comm., 2o éd., t. 5, p. 266 et s.; Boistel, Précis de dr. comm., p. 724, n. 954; Lyon-Caen et Renault, Précis de dr. comm., t. 2, p. 728, n. 2774.

On conçoit qu'il en soit ainsi spécialement lorsque, comme dans l'espèce, les juges con

constitue la détention des marchandises et du gage, ont été remis à la Comp. Algérienne contre son acceptation des traites des vendeurs ; Considérant que l'existence d'un contrat de nantissement consenti par toutes les parties intéressées et régulièrement exécuté est donc manifestement constatée dès le début del'opération; qu'il en résulte que la Comp. Algérienne n'a payé les traites tirées par les vendeurs qu'en vue de la garantie que lui offrait, par privilège, la réalisation des marchandises achetées; Considérant que rien n'établit que, contrairement à sa volonté si fermement exprimée et par un abandon inexplicable de ses droits et de ses intérêts, elle ait renoncé aux garanties qu'elle avait expressément stipulées; qu'il est justifié au contraire de la persistance de la Comp. Algérienne à conserver son nantissement; qu'en effet, elle prouve sa possession des marchandises constituant son gage par la production des récépissés du chemin de fer remis entre ses mains, et par le bail, enregistré, du magasin où les pétroles ont été déposés à Constantine; Considérant que la détention momentanée qu'a eue Schittenhelm des documents maritimes et la vente qu'il a faite d'une partie des marchandises ne peuvent être considérées comme impliquant la renonciation par la Comp. Algérienne à son contrat de nantissement; que ce contrat devrait être exécuté de bonne foi, suivant la commune intention des parties, en se conformant aux usages du commerce, dans l'intérêt bien entendu des contractants; qu'il se serait écarté de son but et serait devenu préjudiciable à toutes les parties, si le banquier qui, par ses avances, avait permis au commerçant de réaliser des achats supérieurs à ses ressources disponibles, avait suivi d'un œil jaloux son gage jusqu'à sa destination, et en eût exigé alors la réalisation par une vente aux enchères qui, en jetant sur le marché une masse considérable de marchandises, aurait occasionné la ruine de l'opération; Consi

dérant c'est donc en exécution des conque ditions inhérentes au contrat qu'il a été procédé; que Schittenhelm a pu avoir momentanément la possession des documents pour acquitter le fret mis à sa charge; qu'il

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Un auteur (Bédarride, Tr. des faillites et banqueroutes, t. 1o, n. 119) a soutenu que ce pouvoir d'appréciation appartient sans doute aux tribunaux pour les actes à titre onéreux, mais non pour les payements faits durant la période suspecte. Il y a là une distinction arbitraire et tout à fait contraire au texte de l'art. 447, qui met sur la même ligne les contrats à titre onéreux et les payements. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'en fait les juges doivent user beaucoup plus rarement de leur pouvoir d'appréciation pour ne pas prononcer la nullité des payements. Cela tient uniquement à ce qu'il est

a pu disposer d'une partie des marchandises en vue de pourvoir à cette obligation; qu'il a été autorisé ultérieurement à alimenter par des ventes partielles son commerce de pétrole dans le but évident de s'acquitter plus facilement envers la Comp. Algérienne en retirant le bénéfice légitime qu'il attendait de sa spéculation; Considérant que, si l'opération a abouti à la vente faite à Gachouli, c'est par suite de l'abus que Schittenhelm a fait de la tolérance qui lui avait été accordée; que cette vente à été régulière; que Schittenhelm l'a librement consentie, ce qui est justifié par les conditions qu'il avait stipulées de son acquéreur; Considérant que les reproches adressés à la Comp. Algérienne d'avoir exercé sur Schittenhelm une pression, qui aurait dénaturé leurs conventions et vicié son consentement, sont en contradiction avec les faits et documents de la cause; que le contrat de nantissement, établi dès le principe par la signature de Fabre, s'est continué d'un commun accord jusqu'à la réalisation du gage; que la Comp., foin de profiter d'un bénéfice illégitime, a été victime de la confiance imméritée qu'elle avait accordée à son débiteur;

Considérant que le payement qu'elle a reçu d'une partie de sa créance, 54,243 fr. 75, est régulier et inattaquable; que, provenant de la réalisation de son gage et garanti ainsi par un privilège spécial, il n'était pas subordonné à l'égard des autres créanciers à l'échéance de la dette; que celle-ci devenait exigible au moment même où le gage était aliéné; - Par ces motifs; - Confirme, etc. ».

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POURVOI en cassation par le syndic de la faillite Schittenhelm. 1r Moyen. Violation des art. 2076, C. civ., et des art. 92, 93 et 446, C. comm., en ce que l'arrêt attaqué a validé le payement de la somme de 54,243 fr. 75, fait par Schittenhelm à la Comp. Algérienne malgré son état de cessation de payements, alors que cette somme représentait le prix de la vente des marchandises données en gage à la Comp., et que cette Comp. avait perdu son privilège en même temps que la possession de son gage.

2° Moyen. Violation de l'art. 447, C.

fort rare qu'un payement fait par le failli ne préjudicie pas à la masse. Mais il peut en être autrement, comme le prouve l'espèce même à l'occasion de laquelle notre arrêt a été rendu. On peut constater que la Cour suprême reconnaît expressément le pouvoir d'appréciation des juges du fait pour les payements comme pour les contrats à titre onéreux. V. conf. Cass. 29 mai 1883 et 26 juin 1888, précités.

(3) C'est là une conséquence logique et nécessaire de ce que les tribunaux peuvent librement écarter la nullité, alors même que l'acte a été fait durant la période suspecte et que le tiers a connu la cessation de payements (V. la note qui précède). Au contraire, il y aurait lieu à cassation d'un arrêt qui prononcerait la nullité en se fondant sur la réunion de ces deux conditions, s'il ne résultait pas de cet arrêt que les juges ont usé de leur faculté d'appréciation. V. Cass. 28 juin 1875 (S. 1875.1.309. P. 1875.738).

CH. LYON-CAEN.

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