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(Guillaumin C. Lhuillery.)

LE CONSEIL D'ÉTAT: Vu les lois des 28 pluv. an 8, 21 mai 1836 et 21 juin 1865; - Considérant que pour demander l'annulation de l'arrêté attaqué, le sieur Guillaumin soutient que le conseil de préfecture s'est déclaré à tort compétent pour régler les indemnités relatives: 1°à des occupations temporaires de parcelles qui n'auraient pas été autorisées par un arrêté du préfet; 2° à des occupations de terrains qui n'auraient pas eu un caractère temporaire; Sur le premier point: Considérant que, le sieur Lhuillery ayant saisi le conseil de préfecture de conclusions tendant à faire régler les indemnités qui pouvaient être dues au sieur Guillaumin pour l'occupation temporaire des diverses parcelles de terre que cet entrepreneur a été autorisépar le préfet à occuper, ledit conseil a alloué au sieur Guillaumin, conformément aux conclusions du rapport des experts, des indemnités qui sont toutes relatives à l'occupation de parcelles expressément désignées dans les arrêtés préfectoraux d'autorisation des 4 et 22 juill. 1885, 19 janv. et 5 mai 1886; qu'ainsi, la contestation portée devant le conseil de préfecture et la décision de ce conseil n'ont trait qu'à des occupations de terrain autorisées par le préfet;-Considérant, d'ailleurs, que cette décision ne fait pas obstacle à ce que le sieur Guillaumin, s'il s'y croit fondé, réclame devant la juridiction compétente le règlement des indemnités afférentes aux parcelles qu'il prétend avoir été occupées sans autorisation régulière;

Sur le second point: Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il est d'ailleurs

(1) Notre savant collaborateur, M. Hauriou, nous communique sur cet arrêt les observations suivantes, que nous publions tout en maintenant la doctrine défendue dans la note sous Cass. 11 fév. 1884 (S. 1884.1.385. P. 1884.1.969): L'arrêt ci-dessus recueilli est beaucoup moins intéressant par la question qu'il tranche que par une autre qu'il soulève et qu'il laisse en suspens.

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I. La question tranchée est relative à la compétence du conseil de préfecture. Notre arrêt affirme une fois de plus qu'en matière administrative, les conseils de préfecture n'ont qu'une compétence d'attribution, et qu'il faut un texte formel.

Il s'agissait d'un litige entre l'expéditeur d'un colis postal et une Comp. de chemins de fer, au sujet de dommages-intérêts à raison d'un retard dans la livraison du colis.

Le conseil de préfecture du Gers avait cru pouvoir se déclarer compétent, en s'appuyant sur un texte, l'art. 10 de la convention du 2 nov. 1880, passée entre l'État et les Comp. de chemins de fer en vue d'assurer le service des colis postaux, convention approuvée par la loi du 3 mars 1881 (S. Lois annotées de 1882, p. 335. Lois, décr., etc., de 1882, p. 545).

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expressément reconnu par l'administration que les rampes d'accès nè constituent pas une dépendance de la route, mais qu'elles ont été établies sur des terrains appartenant au sieur Guillaumin, exclusivement pour le service de ses propriétés, et que celui-ci demeure libre de les supprimer; que le requérant garde également la libre disposition des terrains dans lesquels ont été pratiquées, en amont et en aval du pont de décharge, des extractions de matériaux destinés aux remblais du chemin, l'abaissement du niveau du sol sur les points où ces fouilles ont été pratiquées n'étant pas nécessaire pour assurer l'écoulement des eaux; qu'ainsi, le sieur Guillaumin n'a pas été dépossédé d'une manière définitive desdites parcelles, et que le conseil de préfecture était compétent pour statuer sur l'indemnité qui lui était due tant pour privation de jouissance pendant l'occupation que pour le préjudice qu'il a subi à raison de la modification de l'état ancien des lieux qui a été la conséquence des travaux exécutés; Mais considérant qu'il résulte de l'instruction que les travaux exécutés en amont et en aval du pont principal ont eu pour effet d'élargir le lit de la rivière le Loir; que cet élargissement est définitif, eta eu pour objet, en assurant le libre écoulément des eaux en temps de crue, de protéger le chemin public et les propriétés riveraines; que le sieur Guillaumin ne saurait être autorisé à rétablir les lieux dans leur état primitif; Considérant que, dans ces circonstances, les terrains sur lesquels ont été pratiqués les travaux dont il s'agit ne peuvent pas être considérés comme occupés temporairement pour l'exécution de travaux publics, mais que le sieur Guillaumin en a

contestations auxquelles pourront donner lieu entre l'administration, les Comp. et les tiers, l'exécution et l'interprétation de la présente convention, seront jugées par les tribunaux administratifs ».

Le conseil de préfecture du Gers avait ainsi raisonné: cet article de la convention attribue compétence pour tous litiges aux tribunaux administratifs; cette expression ne peut désigner que les conseils de préfecture, attendu qu'un tribunal, c'est une juridiction composée de plusieurs personnes; et, en ce sens, il n'y a pas d'autres tribunaux administratifs que les conseils de préfecture; le ministre est bien une juridiction administrative, mais, étant juge isolé, il ne saurait être désigné par l'expression tribunal. Le conseil de préfecture oubliait qu'il y a un autre tribunal composé de plusieurs personnes et qui par conséquent répond à la définition, c'est le Conseil d'État.

Quoi qu'il en soit, le Conseil d'Etat dans notre arrêt déclare simplement que le conseil de préfecture n'est pas compétent, parce qu'il n'y a pas de texte. Est-ce parce qu'il estime que l'art. 10 de la convention de 1880 ne vise pas les conseils de préfecture? N'est-ce pas plutôt parce qu'il pense que cet art. 10 n'a pas de valeur au point de vue de l'attribution des compétences? C'est ce que nous verrons dans un instant.

II. La question qui reste en suspens maintenant est celle-ci : quelle est la juridiction compétente? Est-ce la juridiction administrative? Alors, avec la doctrine actuellement admise sur le juge de droit commun en matière adminisrative (V. Cons. d'État, 13 déc. 1889, Cadot (S. 1892.3.17. - P. 1892.3.17), ce serait le Con

été définitivement dépossédé; que, dès lors, il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire de statuer sur l'indemnité à laquelle le sieur Guillaumin a droit; qu'il y a donc lieu de réformer l'arrêté attaqué en tant qu'il a accordé au sieur Guillaumin une indemnité de 648 fr. à raison de l'occupation desdites parcelles...; - Art. 1. L'arrêté du conseil de préfecture est annulé pour incompétence, en tant qu'il a statué sur l'indemnité due au sieur Guillaumin pour l'occupation des parcelles occupées pour l'élargissement du lit du Loir en amont et en aval du pont principal et réglé à 684 fr. ladite indemnité. Art. 2. Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Du 6 févr. 1891. Cons. d'Etat. MM. Chareyre, rapp.; Jagerschmidt, comm. du gouv.; Sabatier, av.

CONS. D'ÉTAT 20 février 1891. POSTES AUX LETTRES, COLIS POSTAUX, CHEMIN DE FER, LIVRAISON, RETARD, ACTION, CONSEIL DE PRÉFECTURE, INCOMPÉTENCE. Le conseil de préfecture est incompétent pour connaitre d'une action contre une Comp. de chemins de fer, tendant au payement de la valeur de colis postaux tardivement livrés, au remboursement des frais d'envoi et à la réparation du préjudice causé; et il en est ainsi, que l'action se fonde, soit sur la responsabilité de la Comp. à raison d'une faute de ses agents, soit sur l'imputabilité à l'organisation même du service du préjudice allégué (1) (Décr., 11 juin 1806; Conv., 2 nov. 1880; L. 3 mars 1881).

seil d'État lui-même, à condition toutefois que le réclamant commençât par provoquer une décision du ministre compétent pour créer le contentieux. Est-ce au contraire la juridiction ordinaire, c'est-à-dire le tribunal civil?

Ainsi posée, la question n'est pas neuve; elle s'est présentée il y a quelques années devant plusieurs tribunaux de première instance, plusieurs Cours d'appel, et enfin devant la Cour de cassation.

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Les tribunaux de première instance s'étaient en général montrés favorables à la juridiction ordinaire. V. Trib. de Nogent-sur-Seine, 23 févr. 1882 (S. 1882.2.231. P. 1882.1.1119). Les Cours d'appel au contraire s'étaient montrées favorables à la compétence administrative. V. Toulouse, 16 avril 1883 et Paris, 27 août 1884 (S. 1884.2. 219. - P. 1884.1.1139). Et finalement la Cour de cassation se ralliait à cette dernière opinion, dans un arrêt du 11 févr. 1884 (Gerbaud C. Comp. du Midi, S. 1884.1.385. P. 1884.1. 969), à la suite d'un rapport de M. le conseiller Dareste. V. le rapport et la note, ubi supra.

A cette époque où la théorie du ministre juge de droit commun était encore dominante (V. à cet égard, la note in initio, sous Cons. d'État, 13 déc. 1889, précité, on pensait généralement que le litige était de la compétence du ministre en premier ressort, du Conseil d'État en appel.

Le Conseil d'Etat a-t-il adopté sans le dire la jurisprudence de l'arrêt de cassation du 11 févr. 1884, avec cette modification, bien entendu, que la décision du ministre ne serait plus contentieuse, mais seulement administrative?

Dans tous les cas, ce ne serait pas par les motifs qui avaient décidé la Cour de cassation. III PART. - 3

(Chem. de fer du Midi C. Salles),

M. le commissaire du gouvernement Valabrègue a présenté les conclusions suivantes :

« Les époux Salles ont expédié de Mirande

La Cour de cassation avait été fortement impressionnée en 1884 par l'existence de l'art. 10 de la convention du 2 nov. 1880, approuvée par la loi du 3 mars 1881. Cet article, on s'en souvient, établissait conventionnellement que toutes les contestations qui pourraient s'élever entre l'administration, les Comp. et même les tiers au sujet de l'exécution de la convention relative aux colis postaux, seraient jugées par les tribunaux administratifs.

Il ne parut pas douteux à ce moment que ce texte ne fut attributif de compétence pour la juridiction administrative, alors même que les principes généraux n'auraient pas conduit au même résultat. Cet art. 10 avait été approuvé par une loi. Or, disait-on, une loi, même spéciale, peut déroger aux principes généraux de compétence. C'est évidemment ce que pensait aussi le conseil de préfecture du Gers, puisqu'il avait fondé sur cet art. 10 l'arrêté annulé par notre arrêt.

Il nous parait très douteux que le Conseil d'État ait aujourd'hui la mème opinion; et nous croyons bien que, si notre arrêt déclare qu'aucun texte n'attribue compétence au conseil de préfecture, dans l'espèce, c'est qu'il ne considère pas cet art. 10 comme un texte ayant pouvoir d'attribuer compétence. Ce qui nous le ferait croire, ce sont les réserves que formule dans ses conclusions M. le commissaire du gouvernement Valabrègue, toutes les fois qu'il est amené à parler de cet art. 10. Pour sa part, il ne croit pas que cet article ait pu être attributif de juridiction. Notre sentiment sur ce point est partagé, si nous ne nous trompons, par M. Chareyre, dans le commentaire qu'il a donné de notre arrêt (Rev. gén. d'administr., 1891, t. 2, p. 50). C'est qu'il y a loi et loi. Il y a des lois qui ne sont au fond que des actes d'administration. Ce sont des approbations données par le Parlement à titre d'assemblée délibérante à des conventions passées par le pouvoir exécutif; à part une valeur de forme spéciale, ces lois sont au fond de même nature qu'une délibération de conseil municipal qui approuve un marché passé par un maire, c'est-à-dire qu'elles donnent force à la convention, mais que leur portée ne va pas au delà de la convention.

Or, il est de principe que les lois de compétence sont d'ordre public, et qu'on n'y déroge point par des conventions; une convention passée par un ministre, fût-elle approuvée par une loi, est toujours une convention, la loi approbative n'ayant là que la valeur d'un acte d'administration. Nous croyons que, sur ce point, qui touche à la théorie de l'acte d'administration, le droit administratif a fait depuis dix ans beaucoup de progrès (V. M. Laferrière, Tr. de la juridiction admin. et des recours contentieux, t. 2, p. 15 et s.), et le Conseil d'État a dû en tenir compte.

Mais alors, si l'art. 10 de la convention de 1880 n'était pas attributif de compétence pour la juridiction administrative, notre question subsidiaire reste entière; et elle demeure actuelle, puisque l'art. 17 de la convention du 19 janv.

pour Barcelone deux colis postaux; l'expédition était faite le 23 déc. 1886; les colis, retenus à la douane jusqu'au 7 janv., n'étaient présentés que le 9 janv. au destinataire, qui, à raison du retard, refusait d'en prendre livraison. Les époux Salles, estimant que la responsabilité de la Comp. du Midi était engagée, formèrent contre elle, devant

1892, approuvée par la loi du 12 avril 1892 (ubi supra), est identique à l'art. 10 de la convention de 1880 et n'a pas plus de valeur.

Il faut donc se demander maintenant si, au point de vue des principes généraux de la compétence et du contentieux administratif, les litiges relatifs au transport des colis postaux doivent être attribués aux juridictions administratives ou aux juridictions ordinaires.

Il devient indispensable ici de rappeler ce qu'est le service des colis postaux et comment il a été organisé. Le service des colis postaux est un service d'État, annexé aux services des postes, ainsi que son nom lui-même l'indique. Il a été créé en 1880 après entente entre divers États. C'était l'administration des postes de chaque pays qui devait se charger du transport des colis. Cependant, il était convenu que, dans les pays où la poste ne pourrait pas se charger de la manutention des colis postaux, le service serait assuré par les Comp. de chemins de fer et de navigation. C'est ce qui fut fait en France par la convention du 2 nov. 1880.

Le service des colis postaux étant un service public qui, régulièrement, devrait être assuré par l'administration des postes, il y a lieu de déterminer la condition juridique des Comp. de chemin de fer en tant qu'elles assurent ce service.

Il nous parait difficile de ne pas dire que les Comp. de chemins de fer sont ici substituées à une administration de l'Etat. Si elles ne prennent pas tout à fait, au point de vue dont il s'agit, le caractère de fonctionnaires de l'Etat, c'est en grande partie parce qu'elles apparaissent en leur qualité de personnes morales et qu'on ne saurait guère qualifier une personne morale de fonctionnaire. Nous ne croyons pas qu'on puisse dire non plus, comme le fait M. Picard (Traité des ch. de fer, t. 4, p. 1027), que les Comp. soient les préposés de l'administration des postes. Une personne morale peut-elle bien avoir la qualité de préposé? et notamment par ses agissements faire encourir la responsabilité du commettant?

Nous croyons plus juste de dire que les Comp. de chemins de fer sont franchement substituées à l'administration des postes au point de vue dont il s'agit, et qu'elles en sont comme un prolongement. Ce sont les agents des Comp., pris individuellement, qui pourraient être considérés comme des préposés s'ils commettaient des fautes engageant à la fois les Comp. et l'administration.

La conséquence de tout ceci, au point de vue de l'action à intenter par le réclamant, est qu'il peut indifféremment poursuivre la Comp. ou l'administration des postes, et que, dans tous les cas, au point de vue de la compétence, tout se passe comme s'il poursuivait l'administration des postes (M. Chareyre, op. et loc. cit., pense, au contraire que le réclamant ne peut poursuivre que l'administration des postes; mais il reconnait qu'en fait, les Comp. ont souvent accepté le débat).

Le terrain étant déblayé, la question de compétence peut maintenant être discutée. D'après

le conseil de préfecture du Gers, une demande en payement de 200 fr., tant pour la valeur de la marchandise et le remboursement des frais qu'à titre de dommages-intérêts.

« La Comp. du Midi déclina la compétence du conseil de préfecture; malgré ses conclusions formelles, le conseil de préfecture du Gers, par

les principes généraux. On voit qu'il s'agit d'une action en responsabilité dirigée contre l'Etat pour dommage résultant de la mauvaise organisation d'un service public.

La jurisprudence, en ces matières, semble bien établie dans le sens de la compétence de la juridiction administrative: le Tribunal des conflits l'a affirmée dans nombre de décisions relatives à des services variés. V. Trib. des conflits, 20 mai 1850, Manoury (S. 1850.2.618. P. chr.);28 nov. 1850, Leclerc (S. 1851.2.302. P. chr.); 7 avril 1851, Cailliau (S. 1851.2.583.P. chr.) (affaires qui justement concernent le service des postes); 8 févr. 1873, Blanco (S. 1873.2. 153. P. chr.); 29 mai 1875, Ramel (S. 1877.2. 128. - P. chr.); 20 mai 1882, de Divonne (S. 1884.3.41. P. chr.); 20 déc. 1884, Maillé (S. 1886.3.43. - P. chr.); 29 nov. 1890, Boutes et Bruniquel C. l'Etat (S. 1892.3.147. - P. 1892.3.147), et le renvoi de la note. La Cour de cassation a accepté cette jurisprudence par un arrêt du 19 nov. 1883 (S. 1884 1.310.-- P. 1884.1. 778), et enfin par un arrêt du 11 févr. 1884 (S. 1884.1. 385.-P. 1884.1.969), justement dans notre matière de transport de colis postaux. Enfin, M. Laferrière n'élève aucune protestation contre cette jurisprudence (op. cit., t. 1, p. 625 et s.).

Il nous semble, pour notre part, que cette jurisprudence est trop absolue, et qu'il y aurait à faire une distinction entre les nombreux services dont l'Etat est chargé. Le résultat de cette distinction serait, dans le cas présent, de soustraire le contentieux des colis postaux à la juridiction admiostrative, mais elle aurait une portée plus générale, Le principe de cette distinction, la jurisprudence administrative elle-même l'a posé, et notamment le Tribunal des conflits. Seulement il ne luia pas encore fait produire tous ses effets. C'est à savoir que l'Etat n'agit pas toujours a titre de puissance publique, et qu'en principe la juridiction administrative ne doit intervenir que pour protéger la puissance publique. Toutes les fois que l'Etat agit en qualité de personne privéc, on doit le soumettre à la juridiction ordinaire, et c'est ainsi, par exemple, qu'un bâtiment du domaine privé ayant occasionné des dommages en s'écroulant, il a été jugé que l'Etat pouvait être poursuivi devant le tribunal civil. V. Trib. des conflits, 24 mai 1881, Linas (S. 1886. 3. 17. P. chr.). Mais cette distinction, peut-on la transporter dans la matière des services publics? L'Etat, qui joue incontestablement le rèle d'une personne privée dans l'administration de son domaine privé, peut-il jouer le même rôle dans la gestion d'un service public?

Il y a bien des esprits à qui cela paraitra impossible; il lenr semblera que la notion de service public est inséparable de celle de puissance publique.

Serrons la question de près cependant; ne nous laissons pas aller à la première impression: i y a des intérêts majeurs en cause. L'Etat developpe de plus en plus ses services; nous allons en avoir la preuve justement en matière de postes. Cela est pour notre commodité; mais cela pourrait être pour notre malheur, s'il de

arrêté du 7 oct. 1887, retint l'affaire, et renvoya à une date ultérieure le jugement du fond. Pour affirmer sa compétence, le conseil de préfecture se fonda sur l'art. 10 de la convention du 2 nov. 1880, approuvée par la loi du 3 mars 1881 (S. Lois annotées de 1882, p. 335. P. Lois, décr., etc., de 1882, p. 545), d'après lequel toutes les contestations auxquelles donneront lieu entre veloppait à mesure et sans besoin ses droits et ses privilèges de puissance publique.

Ne pourrait-on pas établir le criterium suivant, qui a déjà été indiqué ailleurs l'Etat gérerait un service à titre de puissance publique lorsque le service serait monopolisé entre ses mains, comme par exemple les services de guerre, de justice, de relations extérieures, etc. Au contraire, il serait considéré comme gérant le service à titre de personne privée lorsque le service ne serait pas monopolisé.

Dans le premier cas, les questions de responsabilité seraient portées devant la juridiction administrative; dans le second devant la juridiction ordinaire, à moins de textes, bien entendu.

Il y a bien à cette distinction une raison profonde, à ce qu'il nous semble. Sur quoi sont fondés les privilèges de la puissance publique ? Uniquement sur des raisons de nécessité publique. Ce n'est pas la qualité de l'Etat par ellemême qui les entraine, c'est dans tel ou tel cas la nécessité de donner des armes à l'Etat. Or, pour les services que l'Etat n'a pas monopolisés peut-on supposer qu'il y ait des nécessités publiques? Non, sans cela l'Etat ne souffrirait pas de concurrence à côté de lui. Pour ces services, il n'est pas question d'utilité publique, il est bien plutôt question de commodité publique.

Instinctivement, d'ailleurs, cette distinction a déjà été faite par la jurisprudence: il y a un service de l'Etat, un véritable service public, pour lequel il a été décidé que le contentieux des réclamations serait abandonné aux tribunaux ordinaires qui, dans l'espèce, se trouvent être les tribunaux de commerce. Il s'agit du service des chemins de fer de l'Etat. V. Cass. 8 juill. 1889 (S. 1890.1.473.-P. 1890.1.1124), et la note. Nous savons bien qu'on s'est appuyé sur l'art. 22 de la loi du 15 juill. 1845 (S. Lois annotées de 1845, p. 74); mais ce texte ne fait que poser le principe de la responsabilité, il ne parle pas de la compétence, et, si l'on n'a pas revendiqué ici la compétence administrative, c'est qu'on a senti que l'Etat agissait comme une Comp. de chemins de fer ordinaire, comme un particulier.

Voyons si cette distinction ne pourrait pas être appliquée aux services postaux, et si elle n'aiderait pas à mettre un peu d'ordre en cette matière, que les textes ont rendue très compliquée.

Il y a des services postaux qui sont monopolisés au profit de l'Etat, ce sont ceux relatifs au transport des lettres fermées, des papiers et des paquets au-dessous de 1 kilogramme. Arrêts du conseil du 18 juin 1682 et du 29 nov. 1681; loi du 29 août 1790, art. 4 (S. 1er vol. des Lois annotées, p. 59); arrêtés du 7 fruct. an 6 (S. Ibid., p. 450); du 26 vent. an 7 (S. Ibid., p. 496), et du 27 prair. an 9 (S. Ibid., p. 563). Les lettres chargées et les lettres recommandées sont comprises dans ce monopole. L. 5 niv. an 5, art. 14; Ord. 11 janv. 1829 (S. Ibid., p. 1197, et la note 3); Ord. 21 juill. 1814 (S. 2 vol. des Lois anno

l'administration, les Comp. et les tiers, l'exécution et l'interprétation de la convention, «seront jugées par les tribunaux administratifs »; par tribunaux administratifs, on a entendu un tribunal collectif, et non le ministre. En outre, la décision du conseil de préfecture du Gers invoque aussi le caractère de la convention du 2 nov. 1880; cette convention ne serait, d'après elle,

tées, p. 819). Le service télégraphique et le service téléphonique, en tant qu'ils serventau public pour l'échange des correspondances, sont également monopolisés, et cela d'autant mieux que ces services supposent l'utilisation d'un réseau de fils qui sont sous la main de l'Etat. Décr. 27 déc. 1851, art. 1o (S. Lois annotées de 1851, p. 184. P. Lois, décr., etc., de 1851, p. 311 et 312); L. 28 juill. 1885, art. 1 (S. Lois annotées de 1885, p. 810. - P. Lois, décr., etc., de 1885. p. 1347). Pour tous ces services, le contentieux des réclamations en responsabilité contre l'Etat, conformément au principe, est purement administratif.

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L'Etat décline toute responsabilité pour les lettres ordinaires (L. 5 niv. an 5, art. 14, S. 1er vol. des Lois annotées, p. 1197, note 3); il accepte une responsabilité limitée à une certaine somme pour les lettres chargées et pour les lettres recommandées (L. 5 niv. an 5, art. 14, ubi supra) (il s'agit ici des lettres chargées qui ne contiennent pas de valeur déclarée). L'Etat décline toute responsabilité pour les correspondances télégraphiques ordinaires (L. 29 nov. 1850, art. 6, S. Lois annotées de 1850, p. 192. — P. Lois, décr., etc., de 1850, p. 126). V. d'ailleurs, sur cette question de responsabilité de l'Etat en matière postale, un article de M. Sanlaville (Rev. gén. d'administration, 1885, t. 2, p. 43 et s., 1886, t. 1, p. 38 et s.).

Le contentieux qui pourrait s'élever au sujet du refus de transmettre une dépêche ou du refus de la communiquer à destination serait également purement administratif (L. 29 nov. 1850, art. 3, ubi supra). Il est vrai que pour ces mêmes services le contentieux des taxes est judiciaire, mais c'est en vertu d'un texte (L. 29 août 1790, art. 3, ubi supra), et cela n'empêche point l'Etat d'agir en sa qualité de puissance publique pour tous ces services, pas plus que la compétence judiciaire reconnue pour la perception de toutes les contributions indirectes, également en vertu de textes, n'empêche que l'Etat ne lève ces contributions à titre de puissance publique.

Mais, à côté de ces services postaux monopolisés il y en a qui ne le sont pas :

Le transport des valeurs déclarées, réorganisé par la loi du 4 juin 1859 (S. Lois annotées de 1859, p. 67. - P. Lois, décr., etc., de 1859, p. 119) n'est pas érigé en monopole; il en est de même, pensons-nous, des envois à livrer contre remboursement organisés par la loi du 20 juill. 1892 (Journ. off. du 21 juill. 1892, p. 3815) (loi que nous rapporterons ultérieurement).

Le service des recouvrements par la poste des effets de commerce et celui des abonnements aux journaux, organisés par les lois du 5 avril 1879 (S. Lois annotées de 1879, p. 423. — P. Lois, décr., etc., de 1879, p. 729), et du 17 juill. 1880 (S. Lois annotées de 1881, p. 74. - P. Lois, décr., etc., de 1881, p. 123), ne constituent pas des monopoles.

La caisse d'épargne postale, organisée par la loi du 9 avril 1881 (S. Lois annotées de 1882,

qu'une modification aux cahiers des charges des Comp. de chemins de fer; or, aux termes de ces cahiers des charges, les litiges entre l'administration et les Comp. sur l'exécution et l'interprétation des clauses de la concession relèvent du conseil de préfecture; il en est de même des contestations que fait naître la convention de 1880, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre les

p. 288. P. Lois, décr., etc., de 1882, p. 466), ne rend pas un service monopolisé, puisqu'il subsiste des caisses d'épargne privées.

Enfin, le service des colis postaux ne constitue pas au profit de l'Etat un monopole. Aucun texte n'a interdit aux particuliers le transport des colis postaux de 3 kilogr. et en fait l'industrie du groupage continue de subsister.

Or, pour tous ces services où l'Etat n'a pas de monopole, il n'agit plus à titre de puissance publique, il est un particulier en concurrence avec d'autres particuliers, et il ne doit pas avoir de privilège de juridiction.

Cela a été parfaitement compris lorsque le service du transport des valeurs déclarées a été réorganisé par la loi du 4 juin 1859 (ubi supra); l'art. 3 de cette loi dispose que les actions en responsabilité seraient portées devant les tribunaux civils.

Cela vient d'être étendu par la loi du 20 juill. 1892 précitée aux envois à livrer contre remboursement.

La question de compétence n'a pas été prévue par les textes qui ont organisé le service des recouvrements et celui de la caisse d'épargne postale. Il n'est pas à notre connaissance qu'il se soit encore élevé de contestations pour ces deux services, mais, s'il s'en élevait, elles devraient être portées devant les tribunaux ordinaires.

Il en est de même pour les colis postaux; il n'y a pas de texte, l'art. 10 de la convention de 1880 étant non avenu; par conséquent compétence du juge ordinaire.

Cela est d'autant moins dangereux que la responsabilité de l'Etat est limitée à 15 fr. (Conv. 2 nov. 1880, art. 11, ubi supra).

Cela est d'autant plus nécessaire que les nouvelles conventions du 15 janv. 1892 ont créé des colis postaux à valeur déclarée. Et alors, si ces colis à valeur déclarée restaient soumis à la juridiction administrative tandis que les lettres à valeur déclarée et les objets à livrer contre remboursement relèvent de la juridiction ordinaire (L. 4 juin 1859, art. 3, et L. 20 juill. 1892, ubi supra), ce serait de l'incohérence pure.

Une dernière observation. Les services postaux, celui des colis postaux comme les autres, ont tous été organisés à la suite d'ententes internationales; les conventions postales internationales remontent au siècle dernier. On pourrait s'emparer de ce fait pour soutenir que tous les services postaux supposent l'État puissance publique, puisqu'ils reposent sur des conventions diplomatiques.-Il n'est pas difficile de répondre que la convention diplomatique est un acte préalable, qui rend possible le service postal, mais qui ne se confond pas avec lui; à tel point qu'elle est passée par le ministre des affaires étrangère. Par conséquent, cela n'influe en rien sur le caratère intrinsèque du service postal, surtout au point de vue des rapports de l'administration avec les particuliers.

MAURICE HAURIOU,

Professeur de droit administratif à la Faculté de droit d Toulouse.

contestations dans lesquelles l'administration est partie et celles dans lesquelles elle serait entièrement désintéressée.

« La question soumise au Conseil d'Etat par le recours de la Comp. était celle de savoir si les contestations, nées entre les Comp. et les tiers à l'occasion du transport d'un colis postal, relevaient de la juridiction du conseil de préfecture. Telle qu'elle était limitée par le débat, cette question présentait peu de difficultés.

<< En effet, les conseils de préfecture ne sont pas les juges de droit commun du contentieux administratif; ils sont des tribunaux d'attributions et ne connaissent que des affaires ou des catégories d'affaires qui leur sont expressément déférées par la loi. Or, les litiges qui peuvent s'élever entre une Comp. de chemins de fer et un tiers expéditeur, à raison du transport d'un colis postal, ne rentrent dans aucune des catégories d'affaires qui ont été expressément attribuées par la loi aux conseils de préfecture. La convention du 2 nov. 1880 n'est pas un marché de travaux publics, elle n'est pas davantage une convention additionnelle et modificative du cahier des charges de la concession des chemins de fer; mais, alors même qu'on lui reconnaîtrait l'un ou l'autre de ces caractères, il n'en résulterait pas que les conseils de préfecture fussent compétents; même dans ce cas, ils ne pourraient connaître que des contestations dans lesquelles l'administration serait intéressée. Ce ne sont, en effet, que les litiges entre l'administration et les entrepreneurs qui sont déférés au conseil de préfecture. Quant aux contestations entre les Comp. et les tiers et dans lesquelles l'administration n'a aucun intérêt, ces tribunaux ne peuvent en connaitre. Pour assimiler ces contestations à celles qui s'élèvent entre l'administration et les Comp. de chemins de fer, il faudrait un texte spécial qui aurait modifié l'ordre des juridictions et formellement donné compétence aux conseils de préfecture. L'arrêté attaqué invoquait l'art. 10 de la convention de 1880. Dans ce texte, on lit à la vérité que toutes les contestations auxquelles donneront lieu entre l'administration, les Comp. et les tiers l'exécution et l'interprétation de la convention seront jugées par les tribunaux administratifs; et le conseil de préfecture du Gers interprète ces mots dans le sens de la compélence des conseils de préfecture. Mais il faut remarquer que ces « mots tribunaux administratifs » désignent d'une manière générale la juridiction administrative, et non tel ou tel tribunal administratif; ce texte ne vise pas expressément les conseils de préfecture; il ne leur donne pas compétence d'une manière précise. Dans l'intention des parties, ce qu'on a voulu, c'est soumettre ces contestations à la juridiction administrative et non à l'autorité judiciaire; les mots tribunaux administratifs >> ne sont indiqués ici que par opposition aux tribunaux de l'ordre judiciaire. Cet art. 10 de la convention est donc le seul texte qui ait été invoqué; et, alors même qu'il aurait pu modifier l'ordre des juridictions, il n'aurait pas attribué aux conseils de préfecture compétence pour connaître de ces litiges. L'arrêté attaqué devait donc être annulé.

<< Mais, si le débat, tel qu'il était limité, ne pouvait soulever d'hésitations sérieuses, il n'en est pas de même de la question de savoir devant quelle juridiction devait être portée la contestation. Etait-ce devant le ministre du commerce, dans le département duquel se trouve le service des postes et télégraphes?

«La Cour de cassation, par un arrêt du 11 févr.

1884, s'est prononcée pour l'incompétence de l'autorité judiciaire (V. l'arrêt Gerbaud et le rapport de M. le conseiller Dareste, S. 1884.1.385.-P.1884. 1.969). Elle voit dans la convention du 2 nov. 1880 un contrat administratif dont l'exécution et l'interprétation ne peuvent relever des tribunaux ordinaires; cet arrêt repose aussi sur l'art. 10 de la convention du 2 nov. 1880. Sur ce dernier motif, des réserves pourraient être faites. Mais ne serait-il pas possible d'arriver à la même solution par des motifs différents?

« Il faut, en effet, bien se pénétrer du caractère de ces conventions du 2 nov. 1880.

Le service des colis postaux n'a été organisé en France qu'à la suite de la convention internationale du 2 nov. 1880; cette convention avait pour objet l'échange, entre les divers Etats contractants, des paquets dont le poids ne dépassait pas 3 kilogr.; elle facilitait la transmission des petits colis en appliquant à ces transmissions les avantages d'économie, de rapidité et de sécurité que donnent les services postaux : c'étaient les administrations des postes qui étaient chargées d'assurer le fonctionnement de ce service, qui étaient les unes vis-à-vis des autres redevables des taxes perçues, et responsables dans une certaine limite des pertes ou avaries qui pouvaient se produire en cours de transmission. Toutefois, pour faciliter la mise en pratique de ce service, le protocole final de la convention internationale donnait la faculté aux États dont l'administration des postes ne pouvait faire fonctionner ce nouveau service en se servant des moyens dont elles disposent, de recourir aux Comp. de chemins de fer et autres qui lui seraient substituées. C'est en usant de cette faculté que le ministre des postes a passé la convention du 2 nov. 1880. Les Comp. de chemins de fer et les Comp. maritimes subventionnées s'engagent à transmettre, au moyen de leurs services, les colis postaux; elles consentent à être substituées à l'État dans ses droits et obligations. Ces Comp. seraient donc mises aux lieu et place de l'État; elles seraient, comme le dit M. Picard, Tr. des chem. de fer, t. 4, p. 1027, de simples agents d'exécution, des préposés de l'administration des postes, et le service des colis postaux, quoique assuré par elles, n'en reste-t-il pas moins un service postal. Si le service des colis postaux restait un service postal, si ces Comp. n'étaient que des agents d'exécution, ce seraient les règles applicables en matière de postes qui devraient recevoir ici application. Or, les contestations relatives aux transmissions des correspondances et objets confiés à la poste relèvent de la juridiction administrative; c'est la règle générale, à laquelle deux exceptions sont faites la première est inscrite dans la loi du 26 août 1790, dont l'art. 3, encore en vigueur, renvoie à l'autorité judiciaire les contestations relatives aux tarifs de perception (Cons. d'État, 16 janv. 1874, Évêque de Rodez, S. 1875.2.340. P. chr.), l'autre est créée par l'art. 3 de la loi du 4 juin 1859, qui donne aux tribunaux ordinaires compétence pour connaître des actions relatives aux lettres chargées avec valeur déclarée (Cons. d'État, 23 mars 1870, Laurent C. l'État, S. 1872. 2.85. P. chr.). Dans tous autres cas, c'est à la juridiction administrative qu'il appartient de connaître de ces contestations, alors même qu'il s'agirait de la perte d'une lettre recommandée ou chargée sans déclaration de valeur. La compétence n'est pas celle du conseil de préfecture; mais c'est au ministre que la contestation devra être soumise. V. sur cette question Dalloz

et Sirey sous l'arrêt précité du 11 févr. 1884. Les annotateurs du Dalloz tiennent pour la compétence de l'autorité judiciaire, parce que le contrat qui se forme entre la Comp. et l'expéditeur est un contrat de transport ordinaire, soumis aux règles de droit commun, auxquelles n'a pas dérogé l'art. 10 de la convention. Les annotateurs de Sirey sont d'une opinion opposée, et les motifs qu'ils donnent paraissent devoir l'emporter. La compétence du ministre, pour le cas où l'on se prononcerait pour la juridiction administrative, est admise par les deux arrêtistes; elle paraît admise aussi par M. le président Picard (loc. cit.) qui s'exprime ainsi : « Si le litige s'agite entre l'État et les Comp., la réponse n'est pas douteuse; il s'agit d'un marché de transport; le ministre prononce, sauf recours au Cons. d'État. La règle doit être la même pour les litiges entre les tiers et l'administration ou les Comp. ».

LE CONSEIL D'ÉTAT; Vu la convention intervenue le 2 nov. 1880, entre l'Etat et certaines Comp. pour le service des colis Vu la loi du 3 mars 1881, appostaux; probative de ladite convention:- Vu le décret du 11 juin 1806; Considérant que l'action introduite par les époux Salles devant le conseil de préfecture du Gers tendait à faire condamner la Comp. des chemins de fer du Midi à leur payer la somme de 200 fr., tant pour valeur des colis postaux_tardivement livrés et remboursement des frais d'envoi, qu'à titre de réparation du préjudice causé; Considérant que, soit que les requérants aient voulu rendre la Comp. responsable d'une faute de ses agents, soit qu'ils aient entendu fonder leur action sur ce que le préjudice par eux allégué serait directement imputable à l'organisation même du service, le conseil de préfecture était incompétent dans l'un comme dans l'autre cas, aucune disposition de loi ou de règlement n'attribuant à cette juridiction la connaissance des litiges de cette nature; que, par suite, il y a lieu de faire droit aux conclusions de la Comp.; Art. 1. L'arrêté du conseil de préfecture du Gers est annulé pour incompétence. Art. 2. Les époux Salles sont condamnés aux dépens.

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Du 20 févr. 1891. Cons. d'Etat. — MM. Bailly, rapp.; Valabrègue, comm. du gouv.; Devin et Carteron, av.

CONS. D'ÉTAT 6 février 1891. TRAVAUX PUBLICS, TRAVAUX COMMUNAUX, CHEMIN VICINAL, ENTREPRENEUR, DOMMAGES, TIERS, INDEMNITÉ, RECLAMATION, RETENUE DE GARANTIE, PAYEMENT DIFFÉRE. L'entrepreneur de travaux d'un chemin vicinal n'est pas fondé à réclamer le payement de la retenue de garantie conservée par le maître de l'ouvrage, tant qu'il n'a pas paye les indemnités réclamées par des tiers à raison de dommages causés par suite de l'exécution des travaux (Cl. et condit. gén. des travaux de viabilité du 6 déc. 1870, art. 19 et 48).

(Société des ponts et travaux en fer C. Département des Basses-Pyrénées).

LE CONSEIL D'ÉTAT; - Vu le cahier des clauses et conditions générales; - Vu la loi du 28 pluv. an 8; - Considérant qu'en vertu

48 des clauses et conditions générales, les entrepreneurs ne peuvent recevoir le montant de la retenue pour garantie qu'après avoir justifié du payement des indemnités pour établissement de chantiers et chemins de service; Considérant qu'il résulte de l'instruction que la Société des ponts et travaux en fer, adjudicataire des travaux de contruction du pont d'Urt sur l'Adour, le compte du départemont des Basses-Pyrépour nées, a occupé un terrain situé sur le territoire du département des Landes pour dépôt de matériaux et pour installation du chantier de montage dudit pont; que cette Occupation a entraîné diverses sujétions pour le sieur Baïlac, chargé de construire la rampe d'accès du pont, et a motivé de sa part une demande d'indemnité dirigée contre le département des Landes; qu'à la date des 30 mars et 13 avril 1887, la Société des ponts et travaux en fer a été informée que le département des Landes entendait laisser à sa charge le payement des sommes dont il serait reconnu débiteur envers le sieur Baïlac, et lui réclamait directement la somme de 1,829 fr. 21, correspondant aux frais de reprise des dragages mis provisoirement en dépôt; que la société requérante n'a apporté devant le conseil de préfecture et n'apporte devant le Conseil d'Etat aucune justification du payement des sommes ainsi réclamées, ou de la renonciation du département des Landes à toute demande d'indemnité; qu'elle se borne à soutenir qu'elle ne saurait être déclarée responsable des dommages résultant de l'installation de ses chantiers sur le territoire du département des Landes; mais que cette prétention, qu'elle pourra faire valoir devant le juridiction compétente pour statuer sur l'existence et l'étendue des dommages, ainsi que sur les responsabilitées encourues, ne saurait autoriser la Société des ponts et travaux en fer à se soustraire à l'accomplissement des obligations énoncées dans l'art. 19, précité; que, dans ces circonstances, c'est avec raison que l'arrêt attaqué

décidé que le département des Basses-Pyrénées était en droit de surseoir au payement du solde de l'entreprise..;- Art. 1. La requête est rejetée. Du 6 févr. 1891. Cons. d'Etat. MM. de Rouville, rapp.; Jagerschmidt, comm. du gouv.; Sabatier, av.

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condamnation prononcée contre lui au
profit de son fermier à raison du trouble
apporte à sa jouissance par l'exécution
d'un travail public, n'est pas recevable à
demander que l'administration soit tenue
de le garantir de toutes les condamnations
qui pourraient être prononcées contre lui
l'avenir (1).

2° Le conseil de préfecture est incompetent
pour connaitre d'une demande d'indem-
nité formée par le propriétaire riverain
d'un chemin vicinal à raison du dommage
résultant de la destruction des clôtures de
sa propriété, lorsque la destruction de ces
clôtures est la conséquence directe de l'ex-
propriation des parcelles sur lesquelles
elles étaient établies (2). (L. 21 mai 1836).

(D'Angerville C. Préfet du Calvados).
LE CONSEIL D'ÉTAT; Vu la loi du
28 pluv. an 8, les lois du 16 sept. 1807, du
21 mai 1836 et celle du 22 juisl. 1889;
Sur les conclusions du requérant, tendant à
obtenir garantie des condamnations récla-
mées contre lui par son fermier à raison du
trouble apporté à sa jouissance par les tra-
vaux de rectification du chemin de grande
communication n° 157: Considérant
le sieur d'Angerville ne justifie d'aucune
que
condamnation à des dommages-intérêts pro-
noncée contre lui au profit de son fermier,
et qu'il n'est pas recevable à demander, dès
à présent, que les communes intéressées au
chemin de grande communication n° 157
soient tenues de le garantir de toutes les
condamnations de cette nature qui pour-
raient être prononcées contre lui à l'avenir;

-

Sur les conclusions tendant à l'alloca-
tion d'une indemnité à raison de la destruc-
tion des clôtures de l'herbage du parc;
Considérant qu'il n'appartient qu'aux auto-
rités établies par la loi du 21 mai 1836 de
régler les indemnités dues à raison, tant de
l'expropriation pour cause d'utilité publique
que des dommages qui sont une conséquence
directe de cette expropriation;
rant que le requérant ne justifie pas que
Considé-
les clôtures de l'herbage du parc aient été
détruites sur d'autres points que ceux qui
ont été réunis à la voie publique par la dé-
cision de la commission départementale en
date du 20 sept. 1883; que, dans ces cir-
constances, le dommage résultant de la des-
truction desdites clôtures est une conséquence
directe de l'expropriation des parcelles sur
lesquelles elles étaient établies, et que, dès
lors, c'est avec raison que le conseil de
préfecture s'est déclaré incompétent pour
allouer de ce chef une indemnité au requé-
raut... (le reste sans intérêt).

Du 6 févr. 1891. Cons. d'Etat.
MM. Tardieu, rapp.; Jagerschmidt, comm.
du gouv.; Chauffard et Nivard, av.

que lorsqu'il a dù indemniser ce dernier, soit à
raison d'une clause formelle de son bail, soit en
vertu d'une condamnation judiciaire. V. Cons.
d'Etat, 13 juin 1890, de Narbonne (S. 1892.3.
115. P. 1892.3.115). Mais il faut que cette
condamnation soit prononcée; il ne suffit pas
qu'elle soit éventuelle, ni même que l'instance soit

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DANS UN INTÉRÊT COMMUNAL, PARTICULIER, DENIERS PERSONNELS, AVANCE, DÉPENSE COMMUNALE, ADJOINT, COMPTABILITÉ OCCULTE, MAIRE, RESPONSABILITÉ, COUR DES COMPTES, CONSEIL D'ÉTAT, RECOURS, ALLEGATIONS NOUVELLES.

Le fait que le conseil municipal a désigné l'un de ses membres pour réunir les amendes versées entre les mains du garde champêtre à titre de transaction pour les délits commis dans les bois de particuliers qui en avaient confié la surveillance à ce garde, et produit de ces amendes a été employé dans que le l'intérêt de la commune, n'a pas pour conséquence de donner à ces sommes le caractère de deniers publics, dont le maniement constituerait une gestion occulte (3) (L. 16 sept. 1807, art. 17). 1re espèce.

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Lorsqu'un particulier a avancé de ses deniers personnels une somme destinée au payement d'une dépense d'utilité communale, il peut appartenir à la commune de contester qu'elle soit dans l'obligation de la rembourser, mais la dépense ainsi acquittée ne constitue pas un acte de comptabilité publique dont le juge des comptes ait à connaître (4) (Id.). 2 et 3 espèces.

Un maire ne peut être déclaré personnellement responsable de la comptabilité occulte de son adjoint, alors qu'il n'est pas établi qu'il ait organise, facilité ou même toléré une gestion irrégulière de deniers communaux (5) (Id.). — 3o espèce.

Une commune n'est pas recevable à invoquer devant le Conseil d'Etat, pour faire annuler un arrêt de la Cour des comptes, des faits qui n'avaient été explicitement soumis ni au conseil de préfecture, ni à la Cour des comptes (6) (Id.). -3° espèce.

1re Espèce.

(Commune de Plancher Bas C. Richard).

M. le commissaire du gouvernement Le Vavasseur de Précourt a présenté les conclusions suivantes, tant sur cette affaire que sur les deux suivantes :

<< La commune de Plancher-Bas défère au Conseil d'Etat pour violation des formes et de la loi, par application de l'art. 17 de la loi du 16 sept. 1807, trois arrêts de la Cour des comptes, en date du 19 févr. 1886, annulant trois arrêtés du conseil de préfecture de la Haute-Saône, et déchargeant, d'une part, les sieurs Richard et Hozotte, anciens conseillers municipaux, des condamnations prononcées contre eux à raison de faits de gestion occulte de deniers communaux et, d'autre part, le sieur Desloye, ancien maire, de la responsabilité qu'il aurait encourue, intentée par le locataire devant le tribunal civil. (2) Comp. Cons. d'Etat, 7 déc. 1870, Varnier (S. 1871.2.23. P. chr.).

-

(3-4-5-6) V. ci-dessus les conclusions de M. le commissaire du gouvernement. Comp. Cons. d'Etat, 9 mai 1890. Bureau de bienfaisance de Semur (S. 1892.3.100.- P. 1892.3.100).

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