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l'exploit de saisie-arrêt dans les formes prescrites par la loi néerlandaise, il ne lui incombe pas, d'autre part, de justifier, en outre, des conditions auxquelles la loi néerlandaise subordonne la faculté de pratiquer saisie-arrêt; Attendu que le demandeur ne poursuit pas l'exécution en Hollande d'un iugement belge; qu'il se borne à faire notiner en Hollande, dans les formes extrinsèques prescrites par la loi de ce pays, une saisie-arrêt dont il ne demande la validité qu'en Belgique; Attendu qu'il suit de là que l'arrêt attaqué n'a contrevenu à aucune des dispositions légales dont le pourvoi dénonce la violation; Rejette, etc.

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Du 4juin 1891.-Cass. Belgique, 1re ch. MM. Bayet, 1er prés.; deBavay, rapp.; Bosch, av. gén.; Picard, Descressonnières, Demot et Demeur, av.

COUR DE JUST. CIV. DE GENÈVE

17 septembre 1892.

ASSURANCES TERRESTRES, ACCIDENT, PATRON, OUVRIER, NOMBRE DES OUVRIERS, DÉCLARATION INCOMPLETE, Réticence.

Le patron qui, en contractant une police d'assurance collective au profit de ses ouvriers, declare occuper un nombre d'employés inférieur à celui qu'il a sous ses ordres, fait une fausse déclaration qui, suivant les clauses de la police, peut lui faire perdre le droit à l'indemnité (1) (C. comm., 348).

(Hufschmid C. Comp. d'assur. terr.
la Providence).

Les 18 et 21 juin 1887, Hufschmid, marchand de fer et quincaillier à Genève, a contracté avec la Comp. d'assurances la Providence une police d'assurance collective contre les accidents corporels pendant les heures de travail. Aux termes de ce contrat, Hufschmid déclarait occuper cinq hommes, dont le salaire est de 2,500 fr. pour le fondé de pouvoirs, 1,500 fr. pour le garçon de magasin en chef, 1,200 fr. pour chacun des deux autres garçons de magasin, et 1,200,fr. pour le charretier, et il s'engagait à payer une prime de un pour cent des salaires déclarés. De son côté, la Comp. s'engageait a payer les indemnités prévues au contrat en cas d'accidents arrivés à l'un des ouvriers assurés, pendant les heures de travail, et à garantir Hufschmid à raison des accidents industriels pouvant atteindre ses ouvriers et employés compris dans l'assurance collective jusqu'à concurrence d'une somme de 7,000 fr. par victime, sans dépasser 70,000 fr., quel que soit le nombre des victimes. Le 3 mars 1889, M. Perrenoud, manœuvre, employé par M. Hufschmid, a été victime d'un accident ensuite duquel il est resté atteint d'une invalidité permanente. Perrenoud a cité Hufschmid, devant le tribunal civil, en payement d'une indemnité de 6,500 fr. En conformité du contrat, M. Hufschmid a remis sa citation à la Comp. d'assurances, laquelle a soutenu,

(1) V. sur la déclaration du nombre des ouvriers, Paris, 10 nov. 1887 (S. 1890.2.117.-P. 1890. 1102).

au nom de celui-ci, le procès qui lui était intenté, et qui s'est terminé, après enquêtes, par la condamnation d'Hufschmid au payement, avec intérêts et dépens, de la somme de 4,000 fr.

Le jugement ayant été signifié à Hufschmid, ce dernier l'a transmis à la Comp. la Providence, quilui a répondu, par lettre du 17 mars 1890, qu'elle entendait décliner toute responsabilité à raison de l'accident arrivé à Perrenoud, par le motif que l'instruction de la cause avait révélé de la part d'Hufschmid des réticences et des fausses déclarations, lors de la conclusion de la police d'assurance, de nature à entrainer sa nullité. Perrenoud ayant fait exécuter le jugement rendu à son profit, par voie de saisie mobilière, Hufschmid en a réglé les causes, et a cité la Comp. la Providence en remboursement de la somme de 4,000 fr., capital adjugé à Perrenoud. Hufschmid a fait valoir à l'appui de sa demande qu'au moment où il a souscrit la police, il avait en tout dix ou quinze employés, comptables, commis-voyageurs et autres, mais qu'il n'a entendu assurer, d'accord avec la Comp. intimée, que son personnel ouvrier, soit ceux de ses employés que la nature de leurs fonctions exposait à un danger; que le personnel ouvrier n'avait pas varié comme nombre depuis le jour de la conclusion du contrat, mais seulement comme composition, les cinq ouvriers assurés n'étant pas les mêmes au moment de l'accident arrivé à Perrenoud qu'au moment de la conclusion de la police. La Comp. d'assurances a opposé à la demande : 1 qu'Hufschmid avait déclaré occuper cinq hommes, tandis qu'au jour de la création de la police il occupait, en outre des personnes indiquées dans la police, trois hommes de peine et quatre apprentis; que depuis lors i employait, d'une manière constante, jusqu'à quinze ouvriers, employés, manoeuvres, charretiers, sans compter les supplémentaires; 2o que Perrenoud, victime de l'accident, n'avait jamais été déclaré à la Comp. la Providence car, au moment de la conclusion de la police, les cinq hommes assurés étaient Hadorn, fondé de pouvoirs; Oberholzer, garçon de magasin en chef; Martin, Schaub et Lavanchy, garçons de magasin, et Jacquet, charretier, lesquels faisaient encore partie des employés d'Hufschmid au jour de l'accident arrive à Ferrenoud; que ces faits constituaient des réticences et des fausses déclarations qui entrainaient la nullité de la police en vertu des dispositions des art. 4, 2 alinéa, in fine, et 20 de la police. Subsidiairement, l'intimée a offert de prouver les faits ci-dessus.

Par jugement du 8 janv. 1891, le tribunal de commerce de Genève, se fondant sur les faits révélés par l'instruction du procès Perrenoud, a débouté Hufschmid de sa demande.

Appel par ce dernier. Par arrêt préparatoire du 26 mars 1892, la Cour de justice a décidé que les enquêtes, auxquelles il avait été procédé dans l'instance dirigée par Perrenoud contre Hufschmid, n'étaient pas opposables à ce dernier, et a acheminé la Comp. la Providence à faire la preuve des fausses déclarations et des réticences de l'appelant.

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tenant à la Cour sont les suivantes : 1° L'intimée a-t-elle fait la preuve à laquelle elle a été acheminée?... Sur la première question... En ce qui concerne la déclaration du personnel : Attendu que les témoins Oberholzer, Martin, Schaub et Jacquet ont déclaré dans l'enquête, le premier, qu'Hufschmid avait ordinairement trois ou quatre garçons de peine et quatre ou cinq magasiniers; qu'il avait, en outre, trois ou quatre employés de bureau; le second, qu'Hufschmid employait, ordinairement, douze à seize personnes ou apprentis, ouvriers, commis et autre personnel de tout genre; le dernier, qu'Hufschmid avait ordinairement une quinzaine d'employés et prenait quelquefois des supplé mentaires; qu'il est vrai que trois auires témoins sont venus affirmer qu'Hufschmid n'occupait que cinq ouvriers, et que tous les autres employés faisaient partie du personnel de bureau; mais que la déposition de ces témoins ne saurait être considérée comme strictement conforme à la vérité; — Attendu, en effet, que ces témoins sont au service de l'appelant, et que les déclarations que deux d'entre eux ont faites devant la Cour sont en contradiction avec les déclarations qu'ils ont faites, également sous la foi du serment, dans l'enquête Perrenoud; que, si ces derniers témoins sont de bonne foi, il faut admettre qu'ils n'ont pas compris dans l personnel ouvrier le fondé de pouvoirs et le chef magasinier désignés dans la police d'assurance, et qui ne sont pas des ouvriers au sens usuel de ce mot; - Attendu, en résumé, qu'il faut admettre, comme établi par l'enquête, qu'Hufschmid occupait comme personnel ouvrier au moins trois garçons de peine et quatre magasiniers, soit en icat sept personnes; Attendu que cette appreciation se trouve confirmée par le fait, articulé par la Providence, et non contesté par Hufschmid, que, du 14 févr. 1888 au jour de l'accident arrivé à Perrenoud, elle aurait été appelée à payer des indemnités à un nombre d'ouvriers d'Hufschmid plus considerable que le nombre des ouvriers assurés, et que l'explication donnée à cet égard, par l'ap pelant, que son personnel ouvrier était tou jours de cinq hommes, mais que ces hommes changeaient, n'est pas satisfaisante, car, as termes de sa déclaration dans la police, ies employés qu'il assure perçoivent des trave ments annuels, et ne sont, par conséquent, pas de simples journaliers; qu'il suit de a qu'en déclarant occuper cinq ouvriers, Hels chmid a fait une fausse déclaration, ou que. du moins, il n'a pas observé la clause manus crite insérée dans le contrat dans les termes suivants : « Il demeure entendu que, si M. Hafs chmid venait à augmenter son personnel, il en ferait la déclaration à la Comp. et payerait la surprime basée sur le taux de un pour ceal des salaires payés en plus ; - Attendu que cette contravention aux conventions intervenues constitue la fausse déclaration ou la réticence qui, aux termes des art. 4, aiméa 2 in fine, et 20 de la police, entrainent in dechéance de tout droit à une indemnité;-l'ar ces motifs, etc.

Du 17 sept. 1892. C. de just. civ. de Genève. M. Picot, prés.

CASS. TURIN 12 juillet 1892.

1. FAILLITE, SOCIÉTÉ EN COMMANDITE, COMMANDITAIRE, IMMIXTION, RESPONSABILITÉ ILLIMITÉE. 2° SOCIÉTÉ EN COMMANDITE, IMMIXTION, ADMINISTRATEUR, NOMINATION, AUTORISATION, JEU DE BOURSE, STATUTS.

1° La faillite d'une société en commandite entraîne la faillite, non seulement des associes commandités, mais encore de ceux des associés commanditaires qui se sont illicitement ingérés dans l'administration de la société, et qui, comme tels, repondent

(1) Les auteurs italiens admettent sans difficulté que l'associé commanditaire qui s'ingère dans l'administration de la société acquiert par ce seul fait la qualité de commerçant et peut être déclaré en faillite. V. Calamandrei, Società ed associazioni commerciali, t. 1er, n. 291, p. 365 et s.; Marghieri, Società ed associazioni, n. 232. Mais la question est discutée entre les auteurs français. V. pour l'affirmative, Delangle, Tr. des soc. comm., n. 406 et 407; Malcpeyre et Jourdain, Tr. des soc. comm., p. 164 et s.; Bédarride, Id., t. 1o, n. 262; Molinier, Tr. de dr. comm., n. 504; Pont, Tr. des soc. t. 2, n. 1473; Bravard et Demangeat, Tr. de dr. comm., t. 1, p. 261 et 262. Comp. Boistel, Précis de dr. comm., n. 215. Mais V. en sens contraire, Troplong, Du contr. de soc., t. 1o, n. 74 et 438; Pardessus, Cours de dr. comm., t. 3, n. 1037; Ruben de Couder, Dict. de dr. comm. industr. et marit., v° Soc. en commandite, n. 493 et 494; Lyon-Caen et Renault, Tr. de dr. comm., t. 2, n. 506; Comp. Vavasseur, Tr. des soc. civ. et comm., 4 éd. t. 1, n. 308; Houpin, Tr. theor. et prat. des soc. par act., t. 1or, n. 370. La jurisprudence française n'a pas encore statué sur la question.

(2) Cette question nouvelle a été tranchée par la Cour de cassation de Turin dans un sens conforme au C. comm. italien et à l'ancien texte de l'art. 28, C. comm. Mais sa solution ne saurait être acceptée sans restriction en France, étant donné le texte actuel du même article, tel qu'il a été introduit dans le code par la loi du 6 mai 1863. D'après le C. comm. italien et l'ancien texte de l'art. 28, l'associé commanditaire qui s'immisce dans les affaires de la société devient, par ce fait seul, indéfiniment responsable; et, d'après une jurisprudence constante, la faillite d'une société en nom collectif entraine la faillite des associés indéfiniment responsables. V. Cass. 17 avril 1861 (S. 1861.1.609. — P. 1861. 988), et la note; 7 janv. 1873 (S. 1873.1.123. P. 1873.269); 13 mai 1879 (S. 1880.1.163. P. 1880.367), la note et le renvoi; 9 juin 1882 (S. 1883.1.300. P. 1883.1.740); Lyon, 5 févr. 1889, Annales de droit commercial, 1889, 1 p., p. 166; Boistel, op. cit., n. 190 et 894; Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. 2, n. 276; Vavasseur, op. cit., t. 1o, n. 277 bis. Le motif invoqué à l'appui de cette jurisprudence était le suivant: «L'associé en nom collectif, directement et solidairement tenu de tous les engagements de la société, est personnellement en état de cessation de payements, dès l'instant qu'il laisse en souffrance les dettes sociales qui sont les siennes (Cass. 17 avril 1861, précité). Or, telle est la situation de tous les associés indéfiniment responsables, et, en particulier, des commanditaires qui, sous l'empire de la législation antérieure à 1863, étaient, à raison de leur immix

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indéfiniment et solidairement de toutes les obligations sociales (1) (C. comm., 27, 28, 437).

La faillite des associés commanditaires qui se sont ainsi ingérés dans l'administration de la société peut être déclarée sans qu'il soit nécessaire d'intenter contre eux une action spéciale, ni de faire constater contradictoirement avec eux les faits qui metlent à leur charge une responsabilité illimitée (2) (ld.).

20 Constitue une ingérence illicite dans les affaires sociales le fait de participer à la nomination d'un nouvel administrateur en

tion, assimilés aux associés en nom collectif. Il suit de là que la faillite de la société entrainait nécessairement celle du commanditaire indéfiniment responsable, à condition toutefois qu'on reconnaisse à ce dernier la qualité de commerçant. V. la note qui précède. AujourJ'hui, en France, et d'après le nouvel art. 28, le commanditaire n'est de plein droit responsable indéfiniment que pour « les dettes et engagementsde la société qui dérivent des actes de gestion qu'il a faits ». V. sur ce point, Boistel, op. cit., n. 215; Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. 2, n. 506; Houpin, op. cit., t. 1, n. 366; Vavasseur, op. cit., n. 307, 308. Dans ce cas, le motif auquel a obéi la jurisprudence précitée ne s'applique plus, et le commanditaire, même si on lui attribue la qualité de commerçant, n'est pas de plein droit en faillite par l'effet de la mise en faillite de la société. Cependant, aux termes du même art. 28, le commanditaire « peut, suivant le nombre et la gravité de ces actes, être déclaré solidairement obligé pour tous les engagements de la société...». Alors, le motif ci-dessus indiqué reprend toute sa valeur, et la faillite de la société entraîne de plein droit celle du commanditaire.

Comme il s'agit d'une conséquence forcée du jugement qui déclare la faillite de la société, il va sans dire que la mise en cause du commanditaire, dans l'instance où cette faillite est déclarée, est inutile; et, si une instance spéciale est engagée pour faire déclarer la faillite du commanditaire, ce dernier ne doit pas davantage y être appelé, puisque le jugement déclaratif de la faillite peut être rendu d'office ou sur la demande des créanciers, c'est-à-dire sans la participation du failli (C. comm., 440).

(3-4) Si, aux termes de l'art. 27, C. comm., l'associé commanditaire ne peut s'immiscer dans la gestion de la société, ce n'est pas seulement parce que les tiers pourraient, par cette immixtion, être induits en erreur, et considérer le commanditaire comme un associé indéfiniment responsable; car cette raison ne s'applique pas au cas où le commanditaire agit avec une procuration du gérant, et cependant l'art. 27, C. comm., étend sa prohibition même à cette dernière hypothèse. L'art. 27 se justifie également par l'idée que les commanditaires, en raison même de la limitation de leur responsabilité, seraient entraînés trop facilement, si la loi n'y mettait ordre, à des opérations dangercuses pour la société, et dont les commanditaires ne supporteaient pas personnellement les inconvénients. Le second de ces deux motifs ne s'applique pas à la nomination d'un administrateur nouveau, laquelie, du moins en elle-même, et abstraction faite des qualités personnelles de cet administrateur, n'offre aucun danger pour la société. Aussi peut-on soutenir que cette nomination, faite par le

remplacement de celui qui avait été nommé par les statuts de la société (3) (C. comm., 27 et 28).

Il en est de même du fait de concéder ú l'administrateur une autorisation qui ne lui est pas accordée par l'acte social, notamment celle de se livrer á des jeux de bourse interdits par les statuts (4) (Id.).

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ARRÊT. (Massa C. Sassola et autres). LA COUR; Attendu qu'il n'est pas contesté que la faillite d'une société en commandite entraine la faillite des associés indéfiniment responsables, ce qui, du reste, commanditaire, ne tombe pas sous l'application de l'art. 27, C. comm. Mais il faut remarquer que la première des considérations précitées garde toute sa valeur; car la nomination d'un administrateur est incontestablement un acte de propriétaire, un acte de gestion, et les tiers qui voient le commanditaire accomplir cet acte peuvent se tromper sur sa véritable qualité. Du reste, le sens de l'art. 27 est déterminé par le second alinéa de cette disposition, aux termes duquel « les avis et conseils, les actes de contrôle et de surveillance, n'engagent point l'associé commanditaire»; la loi détermine ainsi, a contrario, ce qu'il faut entendre par un acte de gestion, et, comme la nomination d'un administrateur ne rentre pas dans l'énumération qui vient d'être transcrite, elle constitue un acte de gestion. On ne peut donc qu'approuver la décision de la Cour de cassation de Turin. Il faut ajouter qu'au point de vue du droit italien, cette décision se justifie même encore par les textes mentionnés dans les considérants de l'arrêt.

Cependant, la jurisprudence française montre beaucoup plus de générosité vis-à-vis du commanditaire, et ceci apparait surtout par la solution qu'elle donne au sujet de la seconde catégorie d'actes visés par l'arrêt ci-dessus reproduit le commanditaire commet-il un acte d'immixtion lorsqu'il confère à l'administrateur des pouvoirs qui ne lui sont pas attribués par les statuts? La Cour italienne admet l'affirmative. Mais V. en sens contraire, MM. Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. 2, n. 496, qui citent un jugement du tribunal de commerce de la Seine du 7 janv. 1887 (Journ. la Loi du 21 janv. 1887); Houpin, op. cit., t. 1o, n. 365; Vavasseur, op. cit., t. 1er, n. 301. V. au surplus en sens divers les autorités citéss en note sous Paris, 4 janv. 1844 (S. 1844. 2.71.-P. 1844.1.133). Il semble que la première opinion, celle que vient de consacrer la Cour de cassation de Turin, est plus exacte. D'un côté, on peut dire, comme à propos de la question précédente, que le fait de conférer à l'administrateur des pouvoirs étrangers à l'acte social est de nature à induire les tiers en erreur sur la qualité du commanditaire; d'un autre côté, la généralité du texte et l'argument a contrario tiré du deuxième alinéa de l'art. 27 ont la même valeur que dans le cas précédent. Enfin, et surtout, les autorisations de ce genre données à l'administrateur entraînent précisément l'inconvénient en prévision duquel l'art. 27 paraît avoir été surtout édicté : le commanditaire pourrait, à l'aide de ces autorisations, accomplir les actes les plus aléatoires et les plus périlleux aux risques de la société et sans s'exposer à un préjudice considérable. Rien ne peut mieux faire apparaître ce danger que les circonstances de l'affaire soumise à la Cour de cassation de Turin. Le commanditaire avait donné à l'administrateur l'autorisation de se

résulte textuellement de l'art. 847, C. comm.; qu'il n'est pas contesté davantage que cette disposition vise, non seulement les associés indéfiniment responsables aux termes de l'art. 114, C. comm., c'est-à-dire les associés délégués par le contrat social pour l'administration de la société, mais encore les associés commanditaires qui s'ingèrent d'une manière illicite dans l'administration de la société, et se rendent ainsi indéfiniment et solidairement responsables pour toutes les affaires de la société. Les demandeurs se contentent de soutenir que la déclaration de faillite ne peut être prononcée contre ces commanditaires si une action spéciale n'est pas formée contre eux, pour établir préalablement, et contradictoirement avec eux, les faits qui entraînent à leur charge la responsabilité illimitée pour toutes les obligations de la société déclarée en faillite ; Attendu que le système des demandeurs rencontre une objection décisive dans l'art. 684, C. comm., d'après lequel la faillite est prononcée sur la déclaration du failli, ou sur la demande d'un ou plusieurs créanciers, ou d'office. En vertu de cette disposition, le tribunal, dès qu'il reconnaît que le commerçant, quelle que soit du reste la qualité de ce dernier, --être collectif ou individuel, société ou individu, a cessé de pourvoir à l'acquittement de ses obligations commerciales, est autorisé à déclarer la faillite même d'office, et, par suite, sans citation du failli et sans débat contradictoire avec ce dernier; le principe étant général, il n'y a aucune raison d'y faire exception pour les associés commanditaires qui, en s'ingérant, contrairement aux dispositions de la loi et du contrat social, dans l'administration de la société, ont amené une responsabilité illimitée pour toutes les obligations de la société; une pareille exception serait en opposition avec le but que s'est proposé le fégislateur de sauvegarder les droits des créanciers en donnant au tribunal la faculté de déclarer d'office la faillite et de veiller aux mesures les plus urgentes. Une objection non moins grave se tire de l'art. 847, C. comm., lequel, en disposant que la faillite d'une société en nom collectif ou en commandite entraîne la faillite des associés indéfiniment responsables, ne distingue pas entre les associés commandités et les associés commanditaires qui ont assumé une responsabilité illimitée pour les obligations de la société, mais embrasse par ses termes généraux tous les associés indéfiniment responsables; qu'ils aient été ainsi responsables dès l'origine de la constitution de la société, ou qu'ils le soient devenus pendant l'exercice de la société; par suite, la responsabilité illimitée est la conséquence naturelle et nécessaire du fait de l'administration et des obligations que comporte l'administration, elle n'est pas subordonnée à la détermination de l'époque pendant laquelle l'administration est exercée; Attendu qu'on ne peut, en sens contraire, invoquer les inconvénients qui résulteraient de la faculté con

livrer à des jeux de bourse, c'est-à-dire d'accomplir les actes les plus dangereux qui existent; l'inconvénient que nous venons de signaler se rencontrait donc avec la plus grande étendue.

férée au tribunal de déclarer d'office, inauditâ parte, la faillite d'un associé commanditaire qui, en s'immisçant dans la gestion de la société, a amené une responsabilité illimitée. Sans doute, les conséquences qu'entraîne avec elle la déclaration de faillite sont touiours graves; et il en est ainsi particulièrement de l'apposition des scellés et du dessaisissement du failli; mais ces conséquences sont un accompagnement naturel et nécessaire de l'institution de la faillite, telle qu'elle a été organisée par la loi; elles ne sont pas particulières à l'associé commanditaire devenu indéfiniment responsable, mais sont au contraire communes à tous les commerçants qui cessent de satisfaire à leurs obligations commerciales; elles ont leur fondement dans un principe d'intérêt général, à savoir la nécessité de protéger le commerce, qui occupe une si grande place dans la vie économique des nations, et de défendre les droits des créanciers contre la mauvaise foi et les fraudes des débiteurs. Du reste, ces inconvénients, si graves qu'ils soient, ne sont pas irrévocables, puisque, comme correctif, le législateur a créé le remède de l'opposition, et, ce remède étant réputé suffisant pour tous les commerçants déclarés en faillite, il n'y a pas de raison pour le considérer comme insuftisant quand il s'agit d'un associé commanditaire devenu indéfiniment responsable;

Attendu

qu'il n'est pas plus exact de soutenir qu'en prononçant inaudita parte la faillite de l'associé commanditaire devenu indéfiniment responsable, le tribunal peut, en fait, prononcer la faillite d'un non-commerçant, le commanditaire pouvant ne pas être commerçant. Sans doute, l'associé commanditaire, tant qu'il ne répond des dettes de la société que sur son apport et reste étranger à la société, peut ne pas être commerçant; mais il devient commerçant du moment où il s'ingère dans l'administration d'une société commerciale, et accomplit des actes qui entraînent des droits et des obligations en faveur et à la charge de la société et qui imposent au commanditaire une responsabilité illimitée et solidaire vis-à-vis des tiers; Attendu que c'est en vain que le demandeur essaye de tirer parti des travaux préparatoires du Code de commerce. L'idée affirmée par le commissaire du gouvernement est la suivante dans la société en nom collectif, où tout associé est solidairement responsable, la faillite de la société entrainè la faillite de chaque associé, parce que l'obligation solidaire est exécutoire sur le patrimoine entier tant de la société que des associés, de telle manière que, si un seul des associés est en situation d'éteindre avec ses biens personnels toutes les obligations de la société, la faillite de cette dernière sera évitée; or, ce principe doit s'appliquer à tous ceux des associés qui répondent indéfiniment des dettes de la société en commandite, sans distinguer entre ceux que le commissaire appelle associés gérants et associés responsables, et les associés commanditaires

Et, du reste, n'est-ce pas une contradiction que d'interdire les actes dangereux au commanditaire, et de lui permettre de les accomplir au

devenus, par leur immixtion dans les affaires de la société, indéfiniment responsables. Ainsi, en prononçant d'office la faillite de Massa, par la raison qu'associé commanditaire, il s'était ingéré dans les affaires de la soctété en commandite déclarée en faillite, et était ainsi devenu indéfiniment responsable pour toutes les affaires de la société, la Cour de Gènes n'a pas violé les art. 37 et 38, C. proc., et au contraire a fait une saine application des art. 8, 683 et 847, C. comm.

Attendu que la Cour de Gênes s'est, pour admettre qu'Henri Massa était devenu indéfiniment responsable, appuyée sur deux motifs 1 la participation à la nomination d'un nouvel administrateur de la société en dehors des cas prévus par la loi, puisqu'il existait un gérant en la personne de Paul Pontremoli et que ce gérant ne se trouvait pas dans le cas d'être révoqué; 2o la concession au nouvel administrateur du droit d'acquérir ou de vendre même à terme des titres et valeurs négociables en bourse, et, bien plus, de fixer, donner et recevoir des primes sur les titres et valeurs, en un mot l'autorisation de faire divers actes excédant les attributions conférées à l'administrateur par le contrat social, et qui devaient rester étrangers à la société ; Attendu que la Cour de Gênes, par ce jugement a, d'un côté, rendu une décision de fait, et, de l'autre côté, n'a pas commis la violation de la loi qui lui est inputée; Attendu que cette Cour n'a pas davantage violé les art. 96 et 118, C. comm., en affirmant que le commanditaire accomplit un acte illicite quand il consent à la modifica tion de l'acte constitutif de la société et des statuts, et en déclarant que Massa, associé commanditaire, est indéfiniment responsable pour avoir participé à la nomination d'un nouvel administrateur. Cette décision ne contient aucune contradiction; la Cour, en déclarant Massa responsable, ne fait qu'ap pliquer la disposition de l'art. 118, qui autorise l'associé commanditaire à révoquer les administrateurs de la société en commandite dans les cas prévus par la loi, et à nommer un nouvel administrateur en cas de mort, faillite, interdiction ou incapacité du premier, mais non pas à adjoindre un nouvel administrateur à l'administrateur nommé par l'acte constitutif ou par les statuts; cette nomination constitue un acte très important d'administration que la loi interdit au commanditaire sous la sanction d'une responsabilité illimitée. Les cas dans lesquels l'admi nistrateur peut être remplacé sont ceus énoncés par les art. 186 et 191, C. comm. Aucun de ces cas n'existait dans l'affa.re actuelle; et, si Massa a concouru à la nomination d'un nouvel administrateur, c'est à boa droit qu'il a été déchu du bénéfice de la responsabilité limitée;

Attendu que la Cour de Gênes n'a pas davantage violé l'art. 118, C. comm., en décidant que Massa a perdu le bénéfice de la responsabilité limitée par la concession qu'il a faite à l'administrateur des droits enume rés plus haut. Si l'art. 118 déclare que le

compte de la société par l'intermédiaire de ledministrateur?

A. W.

commanditaire n'encourt pas une responsabilité illimitée par les autorisations qu'il donne à l'administrateur dans les limites du contrat social, il suit, par une conséquence logique et juridique, que le commanditaire encourt au contraire cette responsabilité quand il autorise l'administrateur à faire des actes qui excèdent les limites imposées par le contrat social. Toute autre interprétation rendrait inutile cette disposition; - Attendu que le demandeur objecte en vain qu'aux termes du 1er alinéa de l'art. 118, la responsabilité illimitée est encourue par le commanditaire dans le cas seulement où les actes autorisés par lui produisent des droits et des obligations en faveur et à la charge de la société, et qu'il n'en est pas ainsi du seul fait d'autoriser l'administrateur à faire des opérations non prévues par le contrat social. L'objection aurait sa valeur si on démontrait ou que la nomination ou la révocation des administrateurs de la société en commandite est un acte d'administration, ou que, dans le cas actuel, la nomination d'Alfred Pontremoli comme administrateur général, nomination à laquelle a concouru Massa, a eu lieu dans l'un des deux cas prévus par la loi, ou bien qu'Alfred Pontremoli n'a pas accepté ses fonctions, ne les a pas exercées et ne s'est mis d'aucune manière en contact avec la société. Or, les deux premières hypothèses sont inexactes, comme cela a été démontré. Quant à la troisième, elle est également fausse, puisque l'arrêt attaqué constate, en fait, qu'Alfred Pontremoli, en sa qualité de mandataire général de la société, a eu, dans l'espace de peu de mois, à accepter des lettres de change pour une valeur de plus de 850,000 fr. et à écrire plus de 800 lettres;

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Áttendu que l'arrêt attaqué ne mérite pas davantage la censure pour le caractère qu'il assigne aux contrats de bourse et aux marchés à prime. En fait, l'arrêt constate que la société en question avait pour objet la banque, c'est-à-dire un commerce opéré pour le compte des tiers, et que ses statuts excluaient expressément les jeux de bourse. Or, Massa a contrevenu à cette prescription des statuts, en conférant au nouvel administrateur le droit d'acheter et de vendre, autant pour le compte de la société que pour celui des tiers, des valeurs de bourse à terme, et de contracter des marchés à prime. C'est avec raison que la Cour d'appel a considéré ces actes comme constituant de véritables jeux de bourse dépendant de la hausse et de la baisse des titres, la prime représentant la somme fixée dans un contrat de vente comme la condition à laquelle est subordonné le droit de renoncer au contrat.

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(1) Cela est certain. V. conf. Cass. 20 janv. 1886 (S. 1886.1.305. P. 1886.1.732), et la note; 13 mars 1888 (S. 1888.1.302. P. 1888.1.744). (2) En ce sens, Troplong, Nantissement, n. 276; Massé, Dr. commerc., t. 4, n. 2891. On encore cité dans le même sens des arrêts belges. C. de Bruxelles, 6 déc. 1877 (Pasicrisie belge, 1878.2.36); Cass. Belgique, 1er juin 1878 (Pasicrisie belge, 1878.1.279). Mais la Cour de cassation de France s'est prononcée en sens contraire, par son arrêt du 20 janv. 1886 (S. 1886.1.305.-P.1886.1.732), dont la décision, conforme d'ailleurs à l'opinion de la plupart de nos auteurs, a été approuvée par M. Ch. Lyon

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1° GAGE, CRÉANCE, REMISE DE TITRE. 2o FAILLITE, GAGE, CRÉANCE, REMISE DE TITRE, CESSATION DE PAYEMENTS.

1° Il faut, pour opérer valablement le gage d'une créance, qu'il y ait eu dessaisissement du débiteur et investissement du créancier par la remise à ce dernier du titre constitutif de cette créance (1) (C. civ., 2076).

2. Est nul le nantissement d'une créance concédé en même temps qu'a été contractée la dette pour laquelle il a été consenti, lorsque le titre constitutif de la créance n'a été remis au créancier par le debiteur qu'après la cessation des payements de celui-ci (2) (C. comm., 446).

(Ransonnet C. Altmann, Steffen, curateur Saur et Paquet). ARRÊT.

LA COUR; Sur le moyen unique du pourvoi, pris de la violation et fausse application des art. 2076, C. civ., 444 et 445 de la loi du 2 juill. 1870, sur les faillites et banqueroutes, et de l'art. 5 de la loi du 29 févr. 1872, sur le gage commercial (en ce qu'il a été décidé qu'un nantissement concédé en même temps qu'a été contractée la dette pour laquelle il a été consenti ne garantit pas cette dette, faute de remise au créancier du titre de la créance donnée en gage avant la cessation de payement du débiteur failli, bien que cette remise eût précédé le jugement déclaratif de faillite): Attendu qu'aux termes des art. 2076, C. civ., et 5 de la loi du 29 févr. 1872, le privilège ne subsiste sur le gage qu'autant que le gage a été mis et est resté en la possession du créancier ou d'un tiers convenu entre les parties; Attendu qu'il résulte des discussions auxquelles on s'est livré à la Chambre des députés que le législateur luxembourgeois a entendu introduire chez nous la loi Caen dans une note très complète jointe à cet arrêt. Aux autorités citées en ce dernier sens, on peut ajouter plusieurs auteurs belges : M. Humblet, Tr. des faillites et des banqueroutes, n. 148; Namur, C. de commerce belge, t. 3, n. 1654. On a également cité dans le même sens divers arrêts belges: C. de Bruxelles, 29 juill. 1872 (Belgique judic., 1873, p. 322); C. de Bruxelles,13 mai 1880 (Belgique judiciaire, 1880, p. 859); Trib. comm. de Bruxelles, 20 juin 1885 (Journal des tribunaux belges, 1885, p. 908). L'arrêt de la Cour de Bruxelles du 29 juill. 1872 décide que le nantissement accordé par le failli antérieurement à l'époque de la cessation de ses

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Attendu qu'il

française du 23 mai 1863; ressort de l'exposé des motifs de la loi française et du rapport fait au Corps législatif par le député Vernier, que le contrat de gage est un contrat essentiellement réel; que la condition fondamentale de ce contrat, c'est que l'objet donné en gage soit sorti de la possession du débiteur pour entrer dans celle du créancier; que la possession par le créancier gagiste de l'objet donné en gage, est une condition essentielle du contrat; que c'est elle qui assure l'effet vis-à-vis des tiers; que le § 1er du nouvel art. 92 (notre art. 5 de la loi de 1872), qui emprunte la rédaction de l'art. 2074, C. civ., pose cette règle d'une manière expresse; que, selon les expressions du même rapporteur, ces principes sont tellement dans l'essence du gage, qu'on aurait peut-être pu éviter de les rappeler dans le § 1o de lart. 92; mais, en les affirmant de nouveau d'une manière précise, les auteurs du projet ont eu la louable intention de les mettre en regard de la possession fictive; Attendu que l'art. 5 de la loi du 29 févr. 1872 exige donc, pour la validité du contrat de nantissement, le dessaisissement du débiteur qui a constitué le gage et la possession effective et réelle des objets engagés par le créancier gagiste ou par un tiers convenu; que le législateur a considéré cet élément comme indispensable à l'établissement et à la conservation du gage; Attendu que le contrat de gage est donc un contrat réel qui n'est parfait que par la dépossession du débiteur Attendu que, lorsque la chose donnée est une créance, il faut, pour opérer valablement ledit contrat de gage, qu'il y ait eu dessaisissement du débiteur et investissement du créancier par la remise à ce dernier du titre constitutif de cette créance; que la loi exige cette tradition, pour que les tiers soient avertis, par ce transfert de la possession, que le titre engagé ne fait plus partie du patrimoine du débiteur et qu'il n'a plus le droit d'en disposer librement;

r;

Attendu que l'arrêt attaqué a constaté en fait: 1° que la convention par laquelle le gage a été consenti est intervenue à la date du 3 mars 1890; 2° que la tradition du titre de la créance donnée en gage ne s'est réalisée que le 2 avril suivant; que, ce jour, le demandeur a payé la somme de 3,038 fr. 25, à décharge de Saur au notaire Majerns qui détenait le titre en question à titre de nantissement, et le lui a remis contre remboursement de son avoir; 3° que le demandeur avait déjà, à la date où le gage a été stipulé, le 3 mars 1890, fait à Saur des avances d'un import de 12,000 fr.; qu'il résulte de plus des

payements, pour une dette actuelle contractée en même temps et constatée par le même acte, est valable, quoique la signification de l'acte de nantissement aux débiteurs ait eu lieu après la cessation des payements, mais avant le jugement déclaratif de faillite; la question est identique à celle qui est résolue par la note ci-dessus recueillie (V. la note précitée de M. Lyon-Caen). Quant à l'arrêt de la Cour de Bruxelles du 13 mai 1880, et au jugement du Trib. de Bruxelles du 20 juin 1885, ils se bornent à décider qu'il n'est pas nécessaire, por la validité du gage, que la mise en possessio. moment de la convention.

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it lieu au

pièces versées en cause, que Saur a été déclaré en état de faillite le 21 avril 1890, et la cessation de ses paycments a été reportée au 1 févr. précédent; Attendu que ni l'art. 445, C. comm. (art. 446., C. comm. franç.), ni l'art. 5 de la loi du 29 févr. 1872 n'ont entendu déroger au Code civil, en ce qui concerne les éléments constitutifs du contrat de nantissement; que le premier de ces articles, par les mots tous droits de gage constitués, indique bien clairement qu'il veut atteindre le droit de privilège que la dépossession du débiteur peut seule engendrer, et nullement le consentement donné par le débiteur à la formation du gage, et que le second de ces articles indique que la dépossession du débiteur est une condition de l'existence du privilège; Attendu que la convention intervenue, le 3 mars 1890, entre le demandeur et Saur, n'est pas un contrat de nantissement; que, pour la constitution du contrat de gage, il faut, en dehors de la prédite convention, la remise entre les mains du demandeur du titre constitutif de ladite créance; qu'il ne suffit pas que le titre en question soit resté entre les mains du notaire Majerns, créancier gagiste; mais, pour que l'art. 5 de la loi de 1872 eût pu trouver son application, il aurait fallu que le tiers fut un dépositaire convenu entre les parties, ce qui n'était pas le cas dans l'espèce; que Saur, malgré la convention stipulée, pouvait encore, s'il eût été de mauvaise foi, librement disposer de cette créance, en remboursant la créance dont elle était grevée; Attendu qu'il résulte de ce qui précède que le contrat de gage convenu est demeuré imparfait, faute d'une condition essentielle, jusqu'au 2 avril, postérieurement à l'époque fixée comme étant celle de la cessation des payements du failli; qu'il est justifié par les pièces que, depuis le 3 mars jusqu'au 2 avril suivant, le titre de cette créance est resté en la possession du notaire Majerns; qu'à cette date, l'exécution de l'obligation prise par Saur lors de la stipulation du gage ne pouvait plus rétroagir au jour du contrat qui a donné naissance à l'obligation, et imprimer à cette convention un caractère qu'elle n'avait pas à son origine; que le privilège n'aurait donc pris valablement naissance qu'au jour où le contrat est devenu parfait par la tradition du titre de créance, c'est-à-dire le 2 avril 1890; Attendu qu'aux termes de l'art. 445, C. comm. (art. 446, C. comm. français), toute constitution de gage sur les biens du débiteur pour dettes antérieurement contractées, est mulle et sans effet, relativement à la masse, lorsqu'elle a été faite par le débiteur depuis l'époque déterminée par le tribunal comme étant celle de la cessation de ses payements, ou dans les dix jours qui ont précédé cette époque; Attendu que le contrat de nantissement, en tant que constitué sur la créance du débiteur, non pas le 3 mars 1890, mais seulement postérieurement à l'état légal de cessation des payements de Saur, pour dettes antérieurement con

(1) V. à cet égard, Nîmes, 26 févr. 1884 (S. 1886.2.156. P. 1886.1.830), et la note.

(2) V. en ce sens sur la responsabilité délictuelle du médecin, Trib. fédéral suisse, 10 juin 1892 (S. 1892.4.38. P. 1892.4.38), et le renvoi.

tractées, et cela le 2 avril, à une date où la dation et l'acceptation de fait du gage ne pouvaient plus régulièrement se faire, est donc nul vis-à-vis de la masse faillie, et n'a pu par conséquent transmettre de privilège au profit du demandeur pour la somme de 12,500 fr., par lui avancée à Saur le 2 mars 1890; qu'en décidant, par suite, que le nantissement consenti par Saur en même temps qu'a été contractée la dette pour laquelle il a été stipulé et constitue seulement pendant la période suspecte, le 2 avril 1890, ne garantit pas la dette du demandeur du 3 mars, la Cour n'a fait qu'une juste application de la loi, et que les articles de loi prérappelés n'ont été ni violés, ni faussement appliqués;

Rejette le recours formé par le demandeur contre l'arrêt de la Cour supérieure de justice du 20 févr. 1891, etc.

Du 23 déc. 1892. C. de cassation du Grand-duché de Luxembourg. - MM. Vannerus, prés.; Schaack, rapp.; Arendt, av. gén. (concl. contr.); A. Feyden, Fischer, Schmidt et Brasseur, av.

TRIB. FÉDÉRAL SUISSE 9 décembre 1892. MÉDECIN, FAUTE, HONORAIRES, RESPONSABILITE, DOMMAGES-INTÉRÊTS.

Le médecin est tenu de posséder les connaissances nécessaires pour l'exercice de saprofession (1). S'il se trouve en présence de cas qui mettent sa science en défaut, il doit faire appeler un autre médecin compétent, à moins que les circonstances ne le lui permettent pas; sinon, et faute par lui d'avoir accompli les obligations qui lui incombent, il ne peut exiger des honoraires du client (C. civ., 1780).

Le médecin qui, par négligence, porte atteinte à l'existence et à l'intégrité personnelle d'un malade, contrevient non seulement à ses obligations contractuelles, mais encore aux prescriptions générales de la loi qui accorde protection à l'existence et à la santé des citoyens contre tous dommages résultant d'un acte illicite intentionnel ou non (2). - En conséquence, le médecin doit être condamné à des dommages-intérêts, d'après les principes qui regissent, non les fautes contractuelles, mais les fautes délictuelles (3) (C. civ., 1382). (Meister C. B...).

B..., ébéniste, âgé de 50 ans, s'est remis, dès le 8 sept. 1890, aux soins du docteur Meister. Celui-ci a diagnostiqué un accident syphilitique, et a procédé à un traitement antiseptique; les souffrances devenant toujours plus graves, B... s'est décidé, vers le milieu de décembre, à consulter un autre médecin, le docteur Fierz, à Riesbach, qui a reconnut l'existence d'un cancer et la nécessité d'une amputation immédiate. Le docteur Fierz et le professeur docteur Kronlein, appelés en consultation, ont partagé cette manière de voir; le malade a été alors transporté à l'hôpital et opéré (amputation du pénis). Des

(3) Les règles relatives aux dommages-intérêts pour fautes délictuelles sont différentes des règles relatives aux dommages-intérêts pour fautes contractuelles. V. not. Aubry et Rau, t. 4,

déclarations des médecins et d'un préavis du professeur von Wyss, désigné comine expert, résulte qu'une opération était absolument inévitable, mais que, si elle avait été pratiquée plus tôt, elle n'aurait pas entrainé, pour le malade, une mutilation aussi grave, qu'enfin, si, tout à fait au début, une erreur était possible sur la nature de l'affec tion, aucun doute ne pouvait subsister sur l'existence d'un cancer dès les premiers jours de novembre. En cet état des faits, Meister a réclamé le payement de ses soins (56 fr.). B... a contesté devoir payer cette somme, et a reconventionnellement conclu à une indemnité de 5,000 fr. Le tribunal de première instance a débouté Meister de ses conclusions, et a admis dans son entier la demande reconventionnelle. Sur appel, par arrêt du 17 sept. 1892, la Cour d'appel de Zurich a confirmé la décision des premiers juges sur le premier point, mais l'a réformé sur le second, quant au chiffre de l'indemnité, qu'elle a réduit à 300 fr; la Cour d'appel décide à cet égard qu'il s'agit, en l'espece. non d'un acte illicite, mais d'une faute contractuelle, et que B... n'a droit à une indemnité que pour le préjudice pécuniaire qu'il a éprouvé, c'est-à-dire pour le gain dont il a été privé. Les deux parties out recouru au Tribunal fédéral.

ARRÊT.

LA COUR; — Il est constant, en fait, que Meister, en ne reconnaissant pas le cancer dès les premiers jours de novembre, a commis une faute contre les règles de l'art, soit par négligence dans l'examen insuffisant des symptômes et dans le traitement suivi, soit par ignorance. Le médecin, en effet, est tenu de posséder les connaissances nécessaires pour l'exercice de sa profession : s'il se trouve en présence de cas qui mettent sa science en défaut, il doit faire appeler un autre médecin compétent, à moins que les circonstances ne le permettent pas. Meister, n'ayant pas accompli les obligations qui lui incombaient, ne peut exiger que l'autre partie lui paye ses services. Sa demande doit être repoussée. Mais le médecin qui, par négli gence, porte atteinte à l'existence ou à l'inte grité personnelle d'un malade, contrevient. non seulement à ses obligations contractuelles, mais encore aux prescriptions gea rales de la loi qui accorde protection à l'exis tence et à la santé des citoyens contre tou dommage résultant d'un acte illicite, intestionnel ou non, et qui interdit ces actes dou mageables à toutes personnes, même aux mé decins. En conséquence, Meister doit être condamné à des dommages-intérêts conformément aux art. 50 et 53, C. oblig. (relatifs aux obligations résultant d'actes illicites); se justifie d'élever l'indemnité à 1,000 fr. il n'y a pas lieu de faire application de l'art. 54, C. oblig., et d'allouer à B... une indemnite pour tort moral, Meister ne s'étant read i coupable ni de dol, ni de faute grave. Du 9 déc. 1892. - Trib. fédéral suisse.

p. 750,445, et p. 755, 446, texte et nota 7: Larombière, Théor. et prat. des oblig, edil t. 7, sur les art. 1382 et 1383, n. 8; Laurent, Pr%cipes de dr. civ., t. 20, n. 523.

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