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par application de l'art. 15 de la loi du 21 avril 1810, au profit d'une mine, à l'effet de la garantir des dépenses qu'elle est expo

tinction, par conséquent lors même que l'inondation résulterait d'une faute non imputable au concessionnaire de cette mine. En effet, l'article débute par ces mots : « lorsque, par l'effet du voisinage, ou par toute autre cause... ». Si donc le déversement des eaux se produit d'une manière quelconque, l'obligation de réparer les dommages existe, ce qui montre bien qu'il n'y a pas à se préoccuper de la question de savoir s'il y a faute ou non.

Le caractère spécial de la propriété minière. << La mine n'existe pas, dit à cet égard M. Ch. Neef, ubi supra, car elle n'est pas exploitable, avant d'avoir été déchargée des eaux qui l'inondent. L'obligation d'exhaurer les eaux est donc une charge qui grève l'exploitation, car elle en est la première nécessité. Chaque mine a donc la charge de ses eaux. Et, si le propriétaire d'une mine n'épuise pas ses eaux, s'il laisse celles-ci s'infiltrer dans la concession voisine, il est en faute il n'a point accompli une obligation qui lui incombe, car elle résulte de la nature même de sa propriété ».

Il est vrai que la propriété des mines est en principe régie par le droit commun. Mais, dans le cas particulier, l'intention par le législateur de déroger au droit commun, et la dérogation au droit commun de la responsabilité des fautes résultent du texte même de l'art. 45.

Et le législateur a entendu déroger et a dérogé au droit commun dans l'intérêt même de l'exploitation des mines. « Car, s'il pouvait appartenir à un exploitant de ne pas extraire les eaux de son périmètre, de les laisser s'écouler dans les concessions voisines, sans se préoccuper des dommages qu'elles y occasionneront, et des dépenses supplémentaires d'exhaure auxquelles elles donne ont lieu pour leurs propriétaires, l'exploitation deviendrait bientôt, pour ces derniers, une source de ruine et une impossibilité» (M. Ch. Neef, ubi supra).

La jurisprudence belge, la Cour de cassation de France, par arrêt du 13 juin 1883, précité, et la plupart des auteurs, se sont prononcés en ce dernier sens. V. la note sous Cass. 13 juin 1883, précité. Aux autorités citées, adde, Liège, 31 déc. 1884, Société de Patience et Beaujour et Liège, 22 janv. 1885, Charbonnage de Bellevue; et MM. Aguillon, Législ. des mines franç. et etr., t. 1, n. 398; Féraud-Giraud, Code des mines et min., t. 2, n. 681; et Delecroix, Revue de la legislat. des mines, 1892, p. 257 et s.

B. Si la mine, dont les travaux d'exploitation ont occasionné l'inondation, doit, en l'absence même de toute faute de sa part, une indemnité à la mine inondée, la mine inondée a-t-elle droit encore à une indemnité, quand l'inondation provient de sa faute?

On a soutenu qu'en pareil cas, la mine inondée, qui subit l'inondation par suite de sa faute, n'a pas droit à une indemnité. En vertu de la première disposition de l'art. 45, a-t-on dit, la mine inondante doit une indemnité, qu'il y ait faute ou non de sa part. Il en résulte que, si elle n'allègue rien à la charge de la mine inondée, elle est tenue de réparer la totalité des dommages. Mais la disposition de l'art. 45 n'a pas cette portée d'interterdire à la mine inondante d'invoquer une faute à la charge de la mine inondée. Ici l'art. 45 est muet; par conséquent, la dérogation aux principes généraux cesse, et on rentre dans le droit

sée à devoir faire dans l'avenir pour exhaurer les eaux lui venant d'une autre mine; un événement de cette nature, quelle qu'en

commun. - Aussi bien la règle de l'art. 45 se fonde sur l'intérêt public. Or, l'intérêt public veut qu'un exploitant ne soit point obligé de discuter avec le concessionnaire voisin dont il reçoit tout à coup les eaux, la question de savoir si les travaux de ce dernier sont exempts de tout reproche. « Imposer le fardeau de cette preuve à la victime de l'envahissement, c'eût été éloigner les demandes de concessions et compromettre l'exploitation par crainte des suites de procès difficiles souvent et dispendieux. Mais, si ces considérations justifient la dérogation admise en texte, elles ne justifieraient nullement l'inapplicabilité de cette règle de droit que celui qui est actionné eu réparation d'un dommage, échappe à la responsabilité, s'il prouve que le dommage est le résultat d'un fait imputable à la victime. Ici l'intérêt général sera sauf, car le fardeau de la preuve retombera tout entier sur celui qui est présumé être l'auteur du dommage, la victime n'ayant toujours qu'une chose à établir: c'est que les eaux qui l'envahissent proviennent du charbonnage voisin » (M. Ch. Neef, loc. cit.). Dans la première édition de son ouvrage sur la Législation des mines (1859), M. Bury défend la même doctrine, au no 669 : « S'il s'agit d'une exploitation qui vient se plaindre de ce qu'elle est inondée et endommagée par sa voisine, et qui vient lui réclamer la réparation du dommage souffert, on comprend que sa plainte ne soit pas recevable, et qu'elle supporte elle-même le dommage qu'elle s'attire (en attirant par ses propres travaux les eaux de la concession voisine). Et au u° 673 de la même édition... : « L'exploitant (auteur de l'invasion des eaux) n'a qu'un seul moyen de dégager sa responsabilité, c'est de prétendre que le concessionnaire de la mine inondée est lui-même l'auteur de l'inondation, mais c'est à lui de prouver le fondement de cette exception ». Mais il convient d'ajouté que l'auteur paraît avoir abandonné, cette opinion dans la seconde édition de son ouvrage, où ne figurent plus les passages cités. M. le conseiller Beltjens, dans son Encyclopédie du droit civil, sous l'art. 1382, exprime la même pensée, lorsqu'il dit (n° 486 bis) que l'art. 45 n'exige pas la faute dans le chef de la mine inondante, pour la soumettre à l'obligation d'indemniser la mine inondée, et qu'il ajoute «Si la pénétration est, en tout ou en partie, le résultat des travaux de la mine inondée, il y lieu, au contraire, le cas échéant, de tenir compte de la faute de celle-ci. » Enfin, dans des conclusions prises devant la Cour d'appel de Bruxelles, le 17 mai 1890 (conclusions rapportées dans les Pandectes belges, vo Exhaure d'équité), M. l'avocat général Staes adopte la même opinion. Mais maintenant, dit-il, les rôles se renversent. La victime du dommage en est en même temps l'auteur. C'est la mine inondée elle-même qui a attiré les eaux de la mine voisine. Elle les a attirées (c'est notre supposition), non point par une exploitation irréprochable, mais par la méconnaissance absolue des premières règles d'exploitation... Voici qu'il arrive que ces détestables agissements lui valent une invasion d'eaux; au lieu du gain illicite qu'elle poursuivait, c'est un désastre qu'elle éprouve... et à cette mine, il sera permis de venir demander à la mine voisine, dont elle a violé les droits les plus certains, la réparation du dommage qu'elle subit, sans qu'il soit permis de la re

soit la cause, est compris dans le terme général d'accident de l'art. 15, qui embrasse tout fait résultant des travaux souterrains

pousser, en prouvant la faute dont elle s'est rendue coupable! Est-ce là l'intérêt social qu'a voulu sauvegarder le législateur de 1810?... La dérogation de l'art. 45 au droit commun en matière de faute (continue M. Staes) consiste done exclusivement à ne pas exiger la faute de l'exploitant de la mine inondante, de celle d'où proviennent les eaux ».

Cependant l'arrêt ci-dessus recueilli se prononce en sens contraire, car il déclare non relevants des faits cotés par lesquels la mine inondante tendait à prouver, pour échapper à la responsabilité de l'inondation, que c'était le concessionnaire de la mine inondée, qui, en s'introduisant dans la mine inondante, avait provoqué l'inondation; il y avait là une faute imputée au concessionnaire de la mine inondée. De son côté, M. Delecroix, ubi supra, p. 264, décide très nettement que la faute commise par la mine inondée ne lui enlève pas le droit à une indemnité. En ce sens on peut dire que, dans l'esprit de l'art. 45, l'inondation d'une mine par les eaux d'une autre donne toujours lieu à une indemnité par la mine inondante à la mine inondée, par la raison que chaque mine a la charge d'épuiser ses eaux. En cette matière spéciale, le droit commun est sans application. I n'y a pas dès lors à se préoccuper ni de la règle suivant laquelle la faute est la condition de la responsabilité, ni de la règle suivant laquelle la victime d'un dommage ne peut demander la réparation d'un préjudice causé par sa faute. Le législateur a écarté ces règles par des raisons d'intérêt général. Aussi bien, s'il avait fallu apprécier les fautes de chacune des deux mines, de pareilles appréciations auraient été difficiles, pour ne pas dire impossibles, et en tout cas il en serait résulté des procès longs et dispendieux, dont la seule éventualité aurait découragé les demandes de concession et qui auraient été funestes à l'exploitation des mines (M. Delecroix, loc. cit., p. 260 et 264).

II.

Deuxième hypothèse. Les travaux d'exploitation d'une mine tendent à évacuer les eaux d'une autre mine, en d'autres termes à exhaurer les eaux de cette mine.

Dans ce cas, d'après la deuxième disposition de l'art. 45, la mine exhaurée doit à la mine exhaurante une indemnité. Cette indemnité est, comme dans la première hypothèse, une indemnité de dédommagement, et elle a ei sa cause dans les frais d'exhaure, suivant M. Ch. Neef, ubi supra. V. aussi M. Splingard, Des concess. de mines, no 123. Suivant M. Ch. Bury, op. cit., 2e édit., t. 2, n. 748, et M. Delecroix. ubi suprà, l'indemnité a pour cause l'avantage ou bénéfice que l'exhaure procure à la mine exhaurée, et telle est, semble-t-il, l'opinon dominante.V.M. Féraud-Giraud, op. cit., t. 2., n.681. A. Prenons l'interprétation de M. Neef, d'après laquelle l'indemnité a sa cause dans les frais d'exhaure.

a) Dans cette doctrine, la mine exhaurée doitelle une indemnité pour frais d'exhaure en l'alsence de toute faute de sa part ayant amend l'infiltration des eaux ?

Si l'on consultait le droit commun, il faudrait exiger une faute de la part de la mine exhauree pour la rendre responsable, la faute étant une

et pouvant causer prejudice à une mine voisine, quand même ces travaux auraient été exécutés sans imprudence, sans faute et conformément aux règles d'une bonne exploitation (1) (L. 21 avril 1810, art. 15). (Société de Belle-et-Bonne C. Société du char

bonnage du Levant du Flénu).

M. l'avocat général De Rongé a, sur les questions soumises à la Cour, donné son avis dans les termes suivants :

« La société anonyme pour l'exploitation du charbonnage du Levant du Flénu a, par exploit du 28 sept. 1889, intenté une action en dommages-intérêts à la société anonyme charbonnière de Belle-et-Bonne. Basée sur ce que les eaux de ce dernier charbonnage avaient pénétré dans les travaux d'exploitation du Levant du Flénu, l'action tendait au payement d'une somme de 41,062 fr. 50, représentant les frais causés, pendant la période écoulée du 1er sept. 1888 au 1er sept. 1889, par l'exhaure des venues d'eau provenant de la concession de Belle-et-Bonne. La société du Levant du Flénu réclamait en outre, sur le pied de l'art. 15 de la loi du 21 avril 1810, l'allocation d'une caution de 1,368,750 fr., destinée à la garantir contre les conséquences dommageables du mode d'exploitation de la société de Belle-et- Bonne, et à la couvrir pour 1 avenir des frais d'exhaure auxquels elle devrait continuer à faire face.

«La société de Belle-et-Bonne opposa à l'action de la société du Levant du Flénu une fin de non recevoir. Cette fin de non recevoir était formulée en ces termes dans les conclusions signifiées le 22 mai 1890: « Attendu que la deman

condition essentielle de la responsabilité ordinaire.

Mais, ici encore, il y a une dérogation au droit commun, et la mine exhaurante est en droit de réclamer de sa voisine une indemnité, et ce, quand bien même la mine asséchée n'aurait aucune faute à se reprocher. C'est ce que la Cour de cassation de Belgique a proclamé le 26 oct. 1877 (en cause: Braconnier contre la Nouvelle-Espérance, Pasicrisie, 1877.1.401). « Attendu, porte cet arrêt, que les deux dispositions de l'art. 45 de la loi du 21 avril 1810 ne sont pas une application des principes du droit commun sur la réparation des fautes, formulés par les art. 1382 et s. du C. civil; qu'elles ont été dictées par l'équité et l'intérêt public, qui exigent que les frais d'exhaure des eaux d'une mine soient à la charge de ses exploitants, même quand l'exhaure est produit par les travaux d'une autre exploitation minière; que cela résulte de la teneur même de l'article précité; qu'aux termes de la première de ses dispositions, en effet, lorsque les eaux d'une mine s'infiltrent dans une exploitation voisine, celle-ci, dont les charges sont ainsi aggravées, a droit à une indemnité, alors même que l'infiltration est, non la conséquence d'une faute commise par les exploitants de la mine d'où elles proviennent, mais seulement l'effet du voisinage, c'est-à-dire indépendante du fait de l'homme; qu'il en est de même de l'hypothèse prévue par la seconde disposition, qui est corrélative à la première et conçue dans le même esprit ».

Aussi l'existence ou la non-existence d'une faute de la mine exhaurée est indifférente. Du moment que la mine exhaurante prouve que les eaux qu'elle épuise sont celles de la concession voisine, elle a droit à une indemnité.

deresse s'est introduite dans la concession de la défenderesse par les couches dites de Petite Bêchée et de Grande Houbarde; Attendu que si, par l'effet de cette communication, des eaux provenant de Belle-et-Bonne sont allées au Levant du Flénu, c'est par le fait de la demanderesse, qui a rompu ainsi les espontes qui la protégeaient contre cette invasion »>.

<< Le tribunal de première instance de Mons statua le 31 Juill. 1890. Nous rappellerons le dispositif de cette décision, à cause de la complexité des questions déférées à l'appréciation de la Cour :

«Le Tribunal : En ce qui concerne la demande de payement de 41,062 fr.50; - Déclare l'action recevable; et avant de faire droit au fond, ordonne que par trois experts dont les parties seront tenues de faire choix dans les trois jours de la signification du jugement, et, pour leur défaut d'en être convenues dans ledit délai, par MM. E. Hallez, ingénieur à Hornu, Victor Watteyne et Adolphe Demeure, tous deux ingénieurs des mines à Mons, que le tribunal désigne dès à présent et pour lors, les travaux d'exploitation charbonnière des deux sociétés en cause seront visités à l'effet de rechercher et vérifier 1 si la société anonyme charbonnière de Belle-et-Bonne a, dès le 7 juill. 1888, arrêté l'exhaure de son siège, n. 28, dit avaleresse, sur Jemmapes; 2° si la société anonyme charbonnière de Belle-et-Bonne, après avoir momentanément repris cet exhaure le 23 févr. 1889, l'a définitivement abandonné le 20 avril de la même année; 3 si les venues d'eaux que Belle-etBonne aurait dû exhaurer, après avoir envahi les travaux souterrains dudit siège n. 28, dit

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b) Faut-il admettre que la mine exhaurée doit encore une indemnité, lorsque c'est la faute de la mine exhaurante qui a amené l'infiltration des eaux ?

M. Ch. Neef estime que la mine exhaurée, actionnée par la mine exhaurante, est recevable à prouver que c'est par une faute, une négligence ou une imprudence de cette dernière que l'infiltration des eaux s'est produite. Il pense également ici que la dérogation de l'art. 45 au droit commun, en matière de faute, consiste exclusivement à ne pas exiger la faute de l'exploitant de la mine d'où proviennent les eaux. L'intérêt public veut que l'on n'oblige pas l'exploitant qui procure l'exhaure à prouver qu'il y a faute dans les travaux de l'exploitant voisin. Mais l'intérêt public ne pourrait souffrir, en aucune façon, de ce que la mine actionnée en indemnité fût autorisée à prouver que la pénétration des eaux est due à un fait illicite de la mine exhaurée. Du moment où l'utilité générale ne réclame pas une dérogation aussi évidente, non seulement aux règles du droit civil, mais encore aux principes de l'équité, il faut décider que la dérogation ne se justifie pas et qu'elle doit être repoussée. Et M. Ch. Neef cite en ce sens un arrêt rendu par la Cour de Liège, dans l'affaire de la Société de Patience et Beaujour C. Bonne-Fin. « Suivant le texte de l'art. 45, comme d'après son esprit, dit l'arrêt, le demandeur, pour établir le fondement de son action, ne doit prouver que le fait de la pénétration des eaux d'une mine dans sa concession; il n'est aucunement tenu de démontrer que cette infiltration serait due à une faute ou à une négligence quelconque, et il a droit à la réparation de tout le préjudice souffert, dès qu'il a établi que les eaux de la mine voisine pénètrent dans son exploitation. Si le défendeur

avaleresse de Belle-et-Bonne, ont pénétré ensuite dans la concession de la société demanderesse; 4° si ces venues d'eaux, se réunissant au bas de la pompe n. 6 du Levant du Flénu, sise près de la limite de Belle-et-Bonne, ont augmenté le débit journalier de cette pompe d'un volume d'eau sensiblement correspondant à celui exhauré par la pompe du siège n. 28, dit avaleresse de Belle-et-Bonne, avant son arrêt; 5° si cette augmentation, datée du 1er sept. 1888, peut, eu égard à la reprise momentanée que la société anonyme charbonnière de Belle-et-Bonne a fait de son exhaure, du 23 févr. au 20 avril 1889, être modérément évaluée pour la période du 1er sept.1888 au 1er sept. 1889 à 450 mètres cubes par vingt-quatre heures; 6° si le coût de l'exhaure, à la profondeur de 600 mètres, de la pompe n. 6 du Levant du Flénu, s'élève à 0 fr. 25 par mètre cube;- En ce qui concerne la demande de caution; - Réserve à la demanderesse la faculté de faire valoir postérieurement ses droits à cet égard, si elle s'y croit fondée; ordonne aux experts de constater l'état actuel des travaux d'exploitation des deux sociétés en cause, au point de vue de l'exhaure et du point de savoir si la demanderesse reçoit encore les eaux venant de Belle-et-Bonne ».

« La société de Belle-et-Bonne, qui a interjeté appel de ce jugement, a reproduit devant la Cour la fin de non recevoir écartée par le tribunal de Mons.

«Elle critique l'interprétation donnée par le premier juge à l'art. 45 de la loi du 21 avril 1810. « Cet article est ainsi conçu Lorsque, par l'effet du voisinage ou pour toute autre cause, les travaux d'exploitation d'une mine occasion

soutient que le concessionnaire de la mine exhaurante est lui-même la cause du dommage, c'est à lui qu'il incombe d'en rapporter la preuve, d'après le principe général déposé dans l'art. 1315, C. civ. Dans ce dernier cas, la preuve rapportée du fait ci-dessus ne dégage pas la responsabilité de l'exploitant de la mine exhaurée; mais elle a uniquement pour résultat de limiter la réparation due par ce dernier au bénéfice que lui a procuré l'évacuation de ses eaux par la mine voisine» (Liège, 31 déc. 1884, Pasier., 1885, II, 79).

Mais, ici encore, on peut se demander s'il n'y a pas une dérogation au droit commun. Il n'y a pas, semble-t-il, à distinguer entre les deux dispositions de l'art. 45, et, si l'on admet, par application de la première, que la mine inondée a droit à une indemnité même en cas de faute de sa part ayant produit l'infiltration des eaux, les mêmes raisons conduisent à décider que, par application de la seconde disposition de l'art. 45, la mine exhaurée a droit à une indemnité, même en cas de faute de sa part, ayant amené l'infiltration. Telle est, du reste, la décision de l'arrêt ci-dessus.

B. Dans l'interprétation dominante, suivant laquelle l'indemnité a pour cause l'avantage ou bénéfice que l'exhaure procure à la mine exhaurée, les même solutions doivent être données, d'autant que, le principe de l'indemnité étant alors dans l'avantage ou le bénéfice procuré par l'exhaure, n'y a pas lieu de se préoccuper des règles sur la responsabilité des fautes. V. M. Bury, op. cit., t. 2, n. 744, et Delecroix, ubi supra, p. 266.

(1) V. Cour d'appel de Bruxelles, 28 nov. 1891, qui suit, et la note.

nent des dommages à l'exploitation d'une autre mine à raison des eaux qui pénètrent dans cette dernière, en plus grande quantité; lorsque, d'un autre côté, ces mêmes travaux produisent un effet contraire et tendent à évacuer tout ou partie des eaux d'une autre mine, il y aura indemnité d'une mine en faveur de l'autre; le règlement s'en fera par experts ».

« Quelle est la portée de cet article?

La règle est, d'après la société intimée, que, soit que la mine inondante envoie ses eaux dans la mine inondée, soit que la mine inondée évacue les eaux de la mine inondante, il y a lieu à indemnité d'une mine en faveur d'une autre mine, c'est-à-dire à une indemnité réelle, à une indemnité attribuée à une chose et grevant une autre chose.

<< La doctrine et la jurisprudence sont unanimes à proclamer que, lorsqu'il s'agit de la première des deux hypothèses prévues par l'art. 45, c'està-dire du cas où les travaux d'exploitation d'une mine occasionnent des dommages à l'exploitation d'une autre mine à raison des eaux qui pénètrent dans cette dernière en plus grande quantité, la disposition est dérogatoire au droit commun et étrangère aux art. 1382 et suivants du C. civ., sans qu'il faille rechercher si les travaux qui ont créé la communication sont ou non irréguliers, illicites ou exécutés à dessein de nuire. Fût-il établi que la pénétration des eaux n'est pas due à une faute de l'exploitant de la mine inondante, cet exploitant n'en serait pas moins tenu d'indemniser le concessionnaire de la mine inondée.

<< La seconde hypothèse dont s'occupe l'art. 45, est celle où les travaux d'exploitation de la mine inondée évacuent tout ou partie des eaux de la mine inondante, et, dans ce cas comme dans le précédent, une indemnité est stipulée au profit de la mine inondée.

<<< Interprétant la partie finale de l'art. 45, la société appelante en restreint l'application, soit au cas où la communication par laquelle se déversent dans la concession voisine les eaux de la mine inondante serait la conséquence d'un fait imputable à cette mine inondante, soit au cas où cette communication serait purement accidentelle. Cette interprétation sert de base à la fin de non recevoir opposée par la société appelante à l'action du Levant du Flénu, et consistant à refuser toute indemnité à cette société, par le motif qu'elle aurait elle-même et abusivement créé la communication par laquelle se déversent dans ses travaux les eaux de Belle-etBonne.

<< Interprétation erronée, répond la société intimée. «Si la disposition de l'art. 45 déroge, en ce qui concerne la première hypothèse, au droit commun, si elle est spéciale et absolument étrangère aux règles de l'imputabilité, elle doit offrir le même caractère quand il s'agit de la seconde hypothèse; rien n'autorise à supposer que le législateur de 1810 ait voulu, dans une même disposition, établir à la fois une dérogation au droit commun et une application de ce même droit, énoncer un principe spécial pour l'effacer immédiatement après. Rien ne permet de croire que le Conseil d'Etat et l'empereur Napoléon aient pu employer, dans la même disposition, les mêmes termes dans deux acceptions différentes et opposées. Pas plus dans la seconde hypothèse que dans la première, le législateur ne distingue entre les causes de la communication; dans l'une comme dans l'autre, il parle des travaux d'exploitation d'une façon

absolue et en termes généraux. Que les travaux soient réguliers et exécutés sans dessein de nuire, qu'ils soient au contraire illicites et fautifs, il y a lieu à indemnité d'une mine en faveur de l'autre ».

«La Cour de cassation a, par son arrêt du 17 juin 1854 (Pasier, 1834.1.292, et Belg. jud., 1854, p. 1217), résolu la question avec une remarquable rigueur d'argumentation: « Attendu que l'exhaure des eaux qui empêchent l'extraction des mines est une des premières nécessités de leur exploitation et constitue ainsi une charge de cette exploitation; que cette charge s'aggrave pour la mine dans laquelle les eaux d'une autre mine arrivent, et que, dans ce cas, il est juste que la mine dont les eaux pénètrent en tout ou partie dans une autre mine indemnise cette dernière; - Attendu que le but et la portée de l'art. 45 sont de satisfaire, à cet égard, à ce qu'exigent, et l'équité qui veut que celui qui recueille les avantages d'une chose en supporte les charges et qui ne permet à personne de s'enrichir au préjudice d'autrui, et l'intérêt public qui exige que les mines soient exploitées, et, par suite, que les exploitants n'abandonnent pas leurs travaux à cause des frais d'exhaure ou des dommages que les eaux provenant des autres mines peuvent occasionner... ». Après avoir rappelé le texte de l'art. 45, la Cour ajoute : << Attendu que, dans le premier cas dont s'occupe cette disposition, pas plus que dans le second, il n'est fait aucune application des principes du droit commun, consacrés par les art. 1382 et suivants du C. civ.; qu'elle distingue la cause pour laquelle les eaux pénètrent d'une mine dans une autre mine de ce qui n'en est que l'occasion; que cette cause peut consister dans le voisinage ou dans toute autre circonstance aussi peu imputable aux exploitants; que, loin d'exiger que les travaux d'exploitation de cette mine soient la cause directe et immédiate de ce que les eaux pénètrent dans l'autre mine, elle se borne à requérir que celte infiltration des eaux en plus grande quantité dans l'autre mine, soit occasionnée par ces travaux; Attendu que ledit article n'exige pas davantage que les travaux qui occasionnent l'infiltration plus abondante des eaux soient irréguliers, illicites ou exécutés à dessein de nuire; qu'il parle de travaux d'exploitation en général et sans distinction; que les expressions travaux, d'exploitation d'une mine, les mêmes travaux, dont il se sert, s'appliquent, pour le premier comme pour le second cas dont il s'occupe, à toutes espèces de travaux d'exploitation de mines, qu'il y ait faute ou non....

« L'affaire qui avait donné lieu à l'arrêt de la Cour de cassation, du 17 juin 1854, ayant été renvoyée devant la Cour de Liège, celle-ci, par arrêt du 12 juill. 1855 (Belg. jud., 1855, p. 1432), maintint le principe que le déversement dans un charbonnage des eaux d'une mine voisine donne lieu à la réparation du dommage souffert, bien qu'il n'y ait d'ailleurs rien d'illicite dans les travaux d'exploitation. Cet arrêt fut l'objet d'un nouveau pourvoi. Par arrêt du 21 oct. 1856 (Belg. jud., 1857, p. 433), la Cour de cassation disposa en ces termes : « Attendu qu'il est constaté par l'arrêt attaqué que le déversement a été occasionné par les travaux d'exploitation de la mine de la Grande Veine; qu'il importe peu que la cause de la communication entre les deux mines soit restée inconnue, puisque l'art. 45 n'exige aucunement que la cause de la pénétration des eaux consiste dans un fait imputable aux auteurs de ces travaux d'exploitation..... ». Ainsi est net

tement mis en relief le principe qui subordonae l'application de l'art. 45 de la loi du 21 avril 1810, non à l'intervention d'un fait de l'homme, mais aux rapports des mines entre elles, rapports naissant de la contiguïté et de la situation respective des concessions, de la direction des couches, des conditions de l'exploitation. Déterminées par des nécessités spéciales inhérentes à leur nature et à l'industrie que le législateur s'est appliqué à protéger dans un intérêt social, dominées par le principe d'équité qui défend de s'enrichir aux dépens et au détriment d'autrui, les relations des mines entre elles ne sont pas influencées par la théorie de la faute, telle que l'établissent les art. 1382 et suivants du C. civ.

La règle ainsi énoncée trouve une sinetion nouvelle dans un arrêt de la Cour de Gand, du 1er mai 1865 (Belg. jud., 1867, p. 996), qui accentue le caractère des décisions précédentes. Attendu, porte cet arrêt, que, d'après l'art. 45 de la loi du 21 avril 1810, il est dû une indemnité par cela seul que les eaux de l'exploitation d'une mine se sont répandues dans l'exploitation d'une autre mine, qui en procure l'exhaure; — Attendu que cet article oblige à indemnité, en l'absence de tout fait occasionnel de l'homme et dans le cas même où le déversement serait la conséquence directe et exclusive de la situation naturelle des lieux...; Attendu que cette charge prend donc exclusivement sa source dans les rapports réciproques de deux propriétés immobilières, et qu'elle est, dès lors, également elle-même immobilière ou réelle de sa nature; Attendu, d'autre part, que l'art. 45, en établissant cette obligation, en impose directement et en termes exprès l'exécution à la mine déversante au profit de la mine qui a fait l'exhaure, et ainsi à charge d'un immeuble et au profit d'un autre immeuble; d'où la conséquence que, de ce chef encore et en vertu de la disposition formelle et expresse de l'article précité, cette obligation a reçu de la loi elle-même le caractère essentiel d'obligation parement réelle. La mine doit à la mine, parce qu'elle est tenue de retenir ses eaux... ».

« C'est en ces termes que s'exprimait M. le premier avocat général Keymolen dans les conclusions qui ont précédé l'arrêt de Gand du 1er mai 1863 (a) (Belg. jud., 1863, p. 12×1).

« Le 2 de l'art. 45, dit à son tour Peyret-Lallier (Traité des mines, t. 1o, p. 544), ouvre une action en indemnité par le fait seul de l'introduction des eaux d'une mine dans une autre... L'indemnité est due par cela seul que l'exploitant de la mine supérieure profite de l'épuisement opéré par l'exploitant de la mine inférieure. Il n'est pas besoin de prouver que ce sont les travaux de la première qui ont produit le déversement des eaux de la seconde... ».

« Ce système, sanctionné par une jurisprudence qui a désormais atteint une stabilité immmuable. peut invoquer encore l'autorité de Bury, qui le résume en ces termes affectant les allures d'une formule doctrinale: L'indemnité prévue dans la seconde hypothèse de l'art. 45 a pour cause le bénéfice que l'exhaure opéré par les travaux d'une mine procure à la mine exhaurée. C'est pour cela que l'art. 45 la consacre, alors même que c'est la mine exhaurante qui va chercher les eaux de la première, alors même que ce

(a) Telle est encore la pensée développée par M. le procureur général Mesdach de ter Kiele. dans des conclusions auxquelles la Cour de cassation s'est ralliée par arrêt du 26 oct. 1877 (Bely. jud., 1877, p. 1448).

sont ses travaux qui tendent à les évacuer », la mine exhaurée de la sorte n'en recueillant pas moins le bénéfice de l'exhaure» (Bury, Législ. des mines, 2o éd., t. 2, p. 13, n° 744).

«Que résulte-t-il de ces règles juridiques? La conséquence qui s'en dégage nous paraît avoir été exactement retracée par la société intimée, lorsqu'elle dit : « Celui qui réclame l'application de la disposition spéciale de l'art. 45 ne doit prouver que le simple fait de la pénétration des eaux d'une mine dans une autre mine, ou de l'évacuation des eaux d'une mine à travers une autre mine. Il n'est pas obligé de prouver que cette situation est imputable à un défaut de prévoyance ou de précaution de la mine inondante. On ne peut davantage opposer à sa demande un moyen déduit de ce que la situation aurait été créée par son propre fait ».

« Dès lors, la conclusion s'impose. La fin de non recevoir proposée par la société appelante ne saurait être accueillie, et les deux faits qui devraient être, d'après elle, l'objet d'un débat préparatoire et d'une vérification préliminaire et dont elle offre subsidiairement la preuve, sont dépourvus de toute pertinence...

...Les critiques de la société appelante portent encore sur la demande de caution formulée par la société du Levant du Flénu. La société de Belle-et-Bonne reproduit la thèse consistant à subordonner le versement de la caution soit au cas d'accident, à l'exclusion des phénomènes ordinaires, tels que des venues d'eau, soit au cas d'exploitation fautive, imprudente ou illicite. -Nous ne renouvellerons pas l'exposé que nous avons fait à une précédente audience des conditions d'exigibilité de la caution prévue par l'art. 15. (V. l'arrêt qui suit, avec les conclusions de l'avocat général). Une discussion à cet égard est d'autant plus inutile que le premier juge n'a pas alloué de caution, et que la Société intimée s'est abstenue de critiquer cette décision par voie d'appel incident. Le premier juge s'est borné à prescrire certaines vérifications qu'il convient d'autant plus de maintenir, qu'elles se tient intimement à la demande principale, avec laquelle elles ont un étroit rapport.

Nous cencluons à la confirmation du jugement ».

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ARRÊT.

LA COUR; Attendu que l'intimée réclame à l'appelante une indemnité du chef d'exbaure qu'elle a dû faire pour épuiser les eaux lui venant du charbonnage de Belle-etBonne; que l'action est donc régie par l'art. 45 de la loi du 21 avril 1810 sur les mines; - Attendu que cette disposition, fondée exclusivement sur des motifs d'équité et d'utilité publique, est exorbitante du droit commun; qu'elle a pour but d'éviter qu'une mine soit, sans dédommagement, tenue d'épuiser les eaux affluant d'une exploitation voisine, et que celle-ci profite injustement de l'avantage résultant pour elle de cette diminution des charges qui lui incombent naturellement; que, basée sur ce principe général, relle doit exclure toute distinction entre les diverses causes pouvant faire passer les eaux d'une mine dans l'autre; - Attendu que le texte de cet article exprime avec précision la pensée du législateur; qu'il

(1-2-3-4-5-6) V. les conclusions ci-dessus reproduites de M. l'avocat général Rongé. Adde, C. d'appel de Bruxelles, 28 mai 1891, qui suit.-La caution

prévoit, d'une part, le cas où les travaux d'une mine sont cause qu'une autre exploitation reçoit des eaux en plus grande quantité, et, d'autre part, l'hypothèse où ces mêmes travaux ont pour effet d'évacuer les eaux de cette exploitation; qu'il prescrit néanmoins qu'il y aura toujours indemnité d'une mine en faveur de l'autre, montrant ainsi que les principes généraux du droit, notamment les règles des art. 1382 et s., C. civ., ne peuvent être appliqués en cette matièré; Attendu, dès lors, qu'il importe peu que les venues d'eaux dont l'intimée fait la base de son action aient été causées par ses propres travaux; qu'en supposant qu'il en soit ainsi, le droit au dédommagement revendiqué par la Société du Levant du Flénu n'en existerait pas moins; qu'aucun débat préliminaire sur ce point n'était nécessaire; - Attendu qu'on ne peut donc considérer comme relevants les faits cotés par l'appelante sous les numéros 1o et 2°, et tendant à prouver que c'est la société intimée qui s'est introduite dans la concession de la société appelante, et a ainsi provoqué les venues d'eau signalées comme cause du dommage; qu'il n'y a donc pas lieu d'en admettre la preuve; Attendu, qu'il n'est pas plus nécessaire de déterminer dans quelles circonstances l'appelante a suspendu l'exhaure à son puíts n. 28; qu'il suffit que les eaux aient pénétré de sa concession dans celle de l'intimée et que celle-ci ait été obligée de l'épuiser, pour que la Société du Levant du Flénu ait droit au bénéfice de l'art. 45 de la loi du 21 avril 1810; que, partant, les faits cotés sous les numéros 1 à 6° des conclusions subsidiaires de la Société de Belle-et-Bonne sont irrelevants, et que la preuve n'en peut être autorisée;

... Attendu que la caution postulée par l'intimée tend à la garantir des dépenses qu'elle est exposée à devoir faire dans l'avenir pour exhaurer les eaux lui venant de la mine de Belle-et-Bonne; qu'un événement de cette nature, quelle qu'en soit la cause, est compris dans le terme général d'accident, inscrit dans l'art. 15 de la loi du 21 avril 1810 et embrassant tout fait résultant de travaux souterrains et pouvant causer préjudice à une mine voisine, quand même ces travaux auraient été exécutés sans imprudence, sans faute et conformément aux règles d'une bonne exploitation; que tel est le sens dudit art. 15, suivant son texte clair et précis, interprété, du reste, par les motifs tout d'équité qui l'ont inspiré au législateur; Attendu, en conséquence, que c'est avec raison que le premier juge, tout en n'accordant pas immédiatement la caution demandée, a chargé les experts de donner leur avis sur cette partie de la demande Par ces motifs et ceux du premier juge, Confirme, etc. Du 28 nov. 1891. C. Bruxelles, 4 ch. -MM. de Brandner, prés.; de Rongé, av. gén.; Woeste et Sainctelette, av.

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C. D'APPEL DE BRUXELLES
28 novembre 1891.

MINES, INDEMNITÉ, CAUTION, FAUTE, Accident,

de l'art.15 de la loi du 21 avril 1810, implique le droit à l'indemnité dans les termes de l'art. 45. V. Cass. Belgique,30 mai 1872 (S. 1874.2.129.-P 1874.588).

VOISINAGE IMMÉDIAT, DOMMAGE FUTUR, Rup-
TURE D'ESPONte, Exhaure.

L'art. 15 de la loi du 21 avril 1810, qui oblige le concessionnaire d'une mine, le cas arrivant de travaux à faire sous des maisons ou autres exploitations ou dans leur voisinage immédiat, à donner caution de payer indemnité en cas d'accident, déroge au droit commun. La caution ne doit pas être fournie seulement pour parer aux dommages causés par des travaux fautifs et dénotant une impéritie coupable, mais elle doit être fournie même pour les dommages qui sont la suite de travaux dirigés suivant les règles d'une bonne exploitation (1) (L. 21 avril 1810, art. 15).

Tout fait, quel qu'il soit, résultant des travaux souterrains, et pouvant causer quelque tort aux propriétés avoisinantes, constitue un accident, dans le sens de l'art. 15 (2) (Id.).

La caution mentionnée en l'art. 15 n'implique pas que les travaux dont elle doit assurer l'exécution aient licu immédiatement; le qualificatif immédiat, inscrit dans l'art. 15, a pour objet de déterminer les immeubles ou exploitations dont les propriétaires sont fondés à en réclamer le bénéfice; il est sans rapport avec l'époque plus ou moins prochaine où les mesures de précaution à prendre pourront être exécutées (3) (Id.).

La caution ayant pour objet de garantir les propriétés et exploitations voisines contre un dommage futur, est légalement justifiée, par cela même que les conséquences préjudiciables des travaux exécutés sont nettement précisées, quand même les suites dommageables de ces travaux ne seraient pas encore réalisées (4) (Id).

Ainsi, la caution est valablement ordonnée au profit d'un concessionnaire de mines à l'effet de le garantir des conséquences dommageables pouvant résulter pour lui de la rupture de l'esponte servant de separation entre sa concession et la concession voisine, rupture produite par suite de l'établissement d'un puits par le concessionnaire voisin dans la concession du premier, et pouvant obliger le premier concessionnaire à se défendre contre une venue d'eau plus considerable; c'est là un cas d'accident pouvant occasionner un dommage qui légitime la caution de l'art. 15, la nécessité pour le concessionnaire demandeur de se protéger contre la venue d'eau ne fût-elle encore qu'éventuelle (5) (Id.).

Il en est ainsi surtout alors que cette nécessité s'est réalisée, le concessionnaire voisin ayant interrompu l'exhaure des eaux au puits creusé par lui dans la concession du demandeur, et ayant ainsi obligé celui-ci à des frais d'épuisement pour éviter l'inondation de sa mine (6) (Id.). (Société de Belle-et-Bonne C. la Société des Produits).

Des difficultés se sont élevées entre la société anonyme charbonnière de Belle-et

V. sur la question de l'indemnité, la note 1-2 sous C. d'appel de Bruxelles, 28 nov. 1891, qui précède.

Bonne et la société anonyme pour l'exploitation du charbonnage des Produits, à Flénu. Les concessions obtenues par ces deux sociétés, en vertu d'arrêtés royaux datés, pour la Société de Belle-et-Bonne, du 30 juin 1830, et, pour la Société des Produits, du 11 nov. 1837, sont voisines, et les veines exploitées par la Société de Belle-et-Bonne sont superposées à celles dont l'exploitation a été concédée à la Société des Produits. Au cours de son exploitation, la Société de Belle-et-Bonne a pénétré dans les travaux de la Société des Produits. Cette dernière société a fait défense à la Société de Belle-et-Bonne de franchir par un ouvrage quelconque le mur de la couche de Belle-et-Bonne et de pénétrer soit par un puits, soit par un bouveau, dans le groupe des couches des Produits, et elle lui a demandé des dommages-intérêts. avec une caution, dans les termes de l'art. 15 de la loi du 21 avril 1810. Après une expertire, est intervenu, le 29 déc. 1887, un jugement par défaut, faute de conclure, du tribunal de Mons, condamnant la Société de Belle-et-Bonne à payer à la Société des Produits, avec les intérêts judiciaires, la somme de 14, 131 fr. 57, « pour la valeur du charbon enlevé par ladite Société de Belle-et-Bonne dans les veines Grand et Petit Franois faisant partie de la concession de la Société des Produits et pour les parties de charbon que cette dernière société doit abandonner dans les mêmes veines, ainsi que dans la veine Braise, pour empêcher le déversement des eaux de la Société de Belle-et-Bonne dans les travaux de celle des Produits ». Le tribunal condamnait en outre la Société de Belle-et-Bonne à fournir à la Société des Produits, sur le pied de l'art. 15 de la loi du 21 avril 1810, sur les mines, une caution de 54,500 fr., « pour répondre, le cas échéant, de toutes dépenses qu'entraînerait l'exécution des travaux déclarés nécessaires par les experts pour rétablir artificiellement les espontes entre les deux charbonnages et maintenir ou assurer l'exhaure pendant l'exécution de ces travaux... Une opposition a été formée au jugement par défaut par la Société de Belle-et-Bonne, qui a été déboutée de son opposition, par un jugement du 26 avril 1888. Appel par la société de Belle-et-Bonne. M. l'avocat général de Rongé a donné des conclusions dont extrait suit

& ...

Deux ordres d'idées, qu'il importe de ne point confondre, dominent le jugement du 29 déc. 1887.

«La destruction, avouée par le charbonnage de Belle-et-Bonne, de l'esponte séparant sa concession de celle des Produits, constituait un dommage né et actuel dont il y avait lieu de réparer les suites certaines et immédiates. A cet ordre d'idées se rattache l'allocation de la somme de 14,131 fr. 57 qui n'est pas critiquée par la société appelante.

« Restait l'éventualité d'un autre dommage signalé par les experts, la pénétration des eaux de Belle-et-Bonne dans le charbonnage des Produits pour différentes causes, et notamment par suite de l'interruption ou de la cessation des travaux d'exhaure; mais, ainsi que le fait remarquer la société intiméc, comme, à l'heure où le juge statue, cette pénétration des eaux n'est pas

encore un fait accompli, le juge ne peut prononcer de condamnation en réparation d'un dommage qui n'est qu'éventuel. Il doit se borner à prescrire les mesures propres à réparer le dommage pour le moment où il se produira.

« I. L'art. 15 de la loi du 21 avril 1810 lui fournit le moyen d'assurer la réalisation de ces mesures protectrices. L'art. 14 dispose : « L'individu ou la société doit justifier des facultés nécessaires pour entreprendre et conduire les travaux et des moyens de satisfaire aux redevances, indemnités qui lui seront imposées par l'acte de concession. - Art. 15. Il doit aussi, le cas arrivant de travaux à faire sous des maisons ou lieux d'habitation, sous d'autres exploitations ou dans leur voisinage immédiat, donner caution de payer toute indemnité, en cas d'accident; les demandes ou oppositions des intéressés seront, en ce cas, portées devant nos tribunaux et Cours ».

«II. L'argumentation de la société appelante consiste à soutenir que la caution stipulée par l'art. 15 n'est exigible que dans le cas de travaux fautifs dénotant une impéritie coupable, et qu'elle ne peut avoir pour objet que de réparer des accidents, c'est-à-dire des événements imprévus, à l'exclusion des faits naturels, tels que des venues d'eau.

« La société appelante allègue en outre que le dommage, aux conséquences duquel les travaux spécifiés par les experts ont pour but d'obvier, constitue une éventualité trop incertaine et trop lointaine pour autoriser la société intimée à immobiliser, peut-être indéfiniment, une somme importante appartenant à la Société de Belle-et

Bonne.

«III. La disposition de l'art. 15 de la loi du 21 avril 1810 est-elle subordonnée à l'existence d'un dommage subi? Suffit-il, au contraire, pour en justifier l'application, de la simple possibilité d'un préjudice?

«La nature de la mesure décrétée, les termes mêmes dont s'est servi le législateur, contribuent déjà à élucider la question. N'est-il pas vrai de dire, avec la société intimée, que, quand un dommage a été causé, que les effets en ont été ressentis, l'auteur de la lésion ou du préjudice est aussitôt tenu de le réparer par l'allocation de dommages-intérêts immédiatement exigibles? Si des circonstances spéciales nécessitent même l'octroi d'une provision, c'est-à-dire d'un prélèvement partiel et anticipé sur une somme due en principe, il ne saurait y avoir place pour une caution. La caution s'applique, non au passé, mais à l'avenir elle prévoit l'éventualité d'un dommage, elle sert à en assurer la réparation.

:

«En vain la société appelante invoque-t-elle le texte des art. 1382 et 1383, C. civ. « La loi du 21 avril 1810, répond l'honorable M⚫ Sainctelette, avec cette sûreté d'argumentation qui est l'un des traits saillants de son talent magistral, est l'expression d'une législation spéciale. Elle doit donc être interprétée en elle-même, par les nécessités de l'industrie qu'elle règle, par les considérations d'équité qui en ont motivé les dispositions, plutôt que par les règles du droit commun. Elle déroge à ce droit commun, tant en ce qui concerne les rapports du concessionnaire avec le propriétaire de la surface, qu'en ce qui touche aux rapports des concessionnaires entre eux. Elle déroge spécialement aux règles édictées par les art. 1382 et 1383, C. civ., en ce sens qu'elle ne fait point de l'existence d'une faute imputable la condition essentielle de la responsabilité, et qu'elle fonde le droit à l'indemnité

sur le principe que nul ne peut, sans une justc cause, s'enrichir au détriment d'autrui ». Ces règles juridiques ne sont plus contestées. Altendu, disait la Cour de cassation, dans un arres du 17 juin 1854 (Belg. jud., 1854, p. 1217), que la lo au 21 avril 1810, en faisant de la mine concédée une propriété immobilière, distincue de celle de la surface, déroge au droit commun, d'après lequel la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous; que, dès lors, cette loi a dû tracer des règles spéciales pour déterminer les effets de cette dérogation, netanment en ce qui concerne les droits, les obligations et les rapports respectifs, tant du propriétaire de la surface et du concessionnaire, l'uo à l'égard de l'autre, que des divers concessionnaires entre eux; Attendu que ces regles... dérivant ainsi d'un principe exorbitant du droit commun, s'expliquent et s'interprètent moins d'après ce droit que par les considérations d'équite qui les ont dictées et les nécessités de l'explor tation des mines... ». V. aussi, Bruxelles, 3 nov 1886 (Belg. jud., 1887, p. 635).

« L'art. 15 de la loi du 21 avril 1810 est ceaça dans les termes les plus larges et les plus absolus. Les considérations par lesquelles Napolėsa qui en a été l'inspirateur, justifiait la mesure proposée, achèvent d'en préciser et d'en accentuer la signification: Pour prévenir toute entreprise nuisible aux voisins, disait l'empereur devant le Conseil d'Etat, on pourrait astreinere l'exploitant à donner caution des dommages que son entreprise peut occasionner, toutes les fou qu'un propriétaire voisin craindrait que les foule ne vinssent ébranler les fondements de ses ede fices, tarir les eaux dont il a l'usage, ou lui causer quelque tort; il pourrait former opposition aut travaux, et la contestation serait portée devant les tribunaux ordinaires ».

<< C'est dès lors à bon droit que la Cour de ca sation, interprétant l'art. 15 dans son arrêt du 30 mai 1872 (S. 1874.2.129. P. 1874.588. s'exprimait en ces termes : « Considérant que par la généralité de sa rédaction, l'art. 15 satisfait à l'observation de l'empereur qui, apres avoir spécifié certains dommages, les a compris tous dans une désignation commune en sigralant les fouilles qui viendraient causer que›que tort; que l'obligation de payer toute indem en cas d'accident, est absolue; qu'il faut estendre par accident tout événement de nature à porter préjudice..... ».

«De ces principes, découlent des conséquences impérieuses, que la société intimée a formule avec une irrésistible logique dans ces terse qui nous paraissent devoir clore le débat sur de point : « Le texte de l'art. 15 consacre sans de tinction ni limite l'obligation pour tout esp tant de donner caution, à l'effet de réparer le dommage que son entreprise peut occasionaer, toutes les fois que cette exploitation entrainerat pour un propriétaire voisin, la crainte ea in danger d'un tort ou d'un dommage quelconque a

<< IV. La mesure édictée par l'art. 15 s'est pa restreinte au cas où les travaux seraient illicites ou irréguliers, où ils trahiraient une imper the conpable, où ils dénoteraient l'intention de nuire.

En matière de dommages causes par une exploitation de mines, il est de principe, a decidé la Cour d'appel de Bruxel.es, par arrêt de 3 déc. 1873 (Belg. jud., 1874, p. 771), qu'il s dû une réparation de tout préjudice, par rela seul qu'il a été éprouvé et qu'il est la es quence des travaux, alors même que cesauraient eu lieu conformément aux règies

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