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NOTICE HISTORIQUE

SUR LA GENDARMERIE.

La gendarmerie est une force composée d'infanterie et de cavalerie, instituée pour veiller à la sûreté publique, pour assurer le maintien de l'ordre et l'exécution des lois. Elle est particulièrement destinée à la sûreté des campagnes et des voies de communication. Le corps de la gendarmerie est une des parties intégrantes de l'armée; les dispositions générales des lois militaires lui sont applicables, sauf les modifications et les exceptions que son organisation particulière et la spécialité de son service rendent indispensables.

Les militaires de la gendarmerie, avant d'entrer en fonctions, sont tenus de prêter le serment suivant : « Je jure obéissance à la Constitution et << fidélité à l'Empereur. Je jure également d'obéir à mes chefs, en tout ce << qui concerne le service auquel je suis appelé; et, dans l'exercice de mes << fonctions, de ne faire usage de la force qui m'est confiée, que pour le << maintien de l'ordre et l'exécution des lois. »>

Corps spécial et d'élite, la gendarmerie prend rang dans l'armée à la droite de toutes les troupes de ligne.

Toutes les fois que la gendarmerie est insuffisante pour dissiper les émeutes populaires ou les attroupements séditieux et faire cesser toute résistance à l'exécution des lois et règlements, elle est autorisée, en remplissant les formalités légales, à requérir l'assistance des gardes nationales et des troupes de ligne, qui sont tenues de lui prêter main-forte; mais elle ne doit employer la force des armes, de son propre mouvement, que lorsqu'elle est attaquée elle-même : dans tout autre cas, elle ne peut agir que sur la réquisition des autorités compétentes.

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Del'origine de la gendarmerie.- Des connétables, des maréchaux de France. Des grands prévôts et prévôls; de leurs rangs, honneurs el prérogatives.

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Sous tous les gouvernements, anciens et modernes, il a existé un corps armé destiné à protéger la société contre les individus qui attentent à la sûreté des personnes et à la conservation des propriétés: aussi l'origine de la gendarmerie, ou des institutions analogues, se confond-elle avec l'origine des peuples.

En France, le corps de la gendarmerie est le plus ancien de l'armée. C'est en traversant quatorze siècles qu'il est arrivé jusqu'à nous, prenant constamment part à la gloire de la France, et n'ayant jamais rien perdu de son honneur, de son rang, de sa fidélité et de ses habitudes militaires.

Son organisation en corps militaire vient des Romains: ils avaient établi, dans toutes les provinces de leur vaste empire, des stations militaires sous les ordres de magistrats appelés latrunculatores ou juges des brigands.

On a souvent confondu le guet avec la maréchaussée ou la gendarmerie. C'est une erreur qu'il importe de détruire.

Dès la naissance de la monarchie, il y avait un guet de nuit établi dans les principales villes du royaume. Certaines classes d'habitants étaient assujetties à ce service. Ces soldats citoyens devenaient responsables des vols commis la nuit, quand ils n'arrêtaient pas les coupables, et une forte amende était imposée à ceux qui mettaient de l'inexactitude dans leur service. Cette garde nationale était désignée sous le nom de guet assis.

Au XIIIe siècle, on substitua ou l'on adjoignit aux citoyens qui faisaient ce service des gens de guerre à pied et à cheval. L'on donna à cette troupe le nom de guet royal. Celui qui la commandait s'appelait chevalier du guet. Ce corps était sous les ordres du principal magistrat de la ville. Cette institution, qui nous venait aussi des Romains, disparut en 1790.

La première dénomination donnée à la gendarmerie fut celle de compagnies d'ordonnance, composées d'hommes d'armes ou de gens d'armes attachés aux connétables. L'époque de cette organisation est aussi inconnue que celle des connétables.

Ces compagnies furent d'abord chargées de la police et de la discipline de l'armée; mais les désordres dans l'intérieur du royaume s'étant accrus, les maréchaux de France, assemblés sous le titre de connétablie, organisèrent cette troupe en prévôtés : il fut nommé un grand prévòt près la connétablie, et des prévôts, sous-prévôts ou lieutenants dans les provinces. On créa plus tard, à leur suite, des vice-sénéchaux, des vice-baillis, des procureurs du roi, des greffiers et autres officiers de robe courte, chargés de diriger les instructions relatives aux crimes et aux délits.

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L'institution des connétables est aussi ancienne que la monarchie. Un connétable était l'homme de confiance, le premier officier du roi. Ses voirs étaient des plus étendus; il avait non-seulement le commandement de toute l'armée, mais la police de tout le royaume; les princes, les frères du roi, les maréchaux de France étaient tenus de lui obéir. C'est surtout en 1100, sous Mathieu de Montmorency, que ces fonctions furent élevées à un haut rang. Mais cette première charge de la couronne fut suppriméc en 1626, après la mort du connétable Lesdiguières.

L'origine de la dignité de maréchal de France est également inconnue; seulement quelques auteurs citent, comme officier de la cour de Clotaire Ier, en 543, un maréchal de France. Ce qui paraît vraisemblable, c'est que les maréchaux n'ont été créés que comme coadjuteurs des connétables; conséquemment ils datent à peu près de la même époque.

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Les grands prévôts de la connétablie étaient grands officiers de la couronne; ils avaient sous leur commandement une certaine quantité d'archers (ou gendarmes) pour la garde ou le service du connétable et l'exécution de ses ordres durant la paix. Ces militaires le suivaient à la guerre et y prenaient part dans l'occasion. Un prévôt des maréchaux (officier de gendarmerie) fut tué à la bataille d'Azincourt, en 1415. Les fonctions de grand prévôt étaient tellement élevées, que, parmi les juges présidés par Charles VII lui-même, et qui prononcèrent sur le sort du duc d'Alençon, on voit figurer les prévôts de la connétablie et ceux de l'hôtel; car, indépendamment de la grande prévôté établie près des maréchaux de France, les rois avaient aussi une prévôté particulière, dont la première fut créée en 1271, sous Philippe III, dit le Hardi. C'était la compagnie d'élite de la maréchaussée, la garde royale du temps; elle avait de grands priviléges: le rang des officiers et sous-officiers de cette compagnie était supérieur à celui des autres maréchaussées. Les soldats étaient armés de javelines; les officiers étaient commensaux du roi, convivæ regis. Cette qualité de commensaux est aussi ancienne que la monarchie; elle exemptait d'impôts.

Le prévôt de l'hôtel prenait le titre de grand prévôt de France, pour marquer sa supériorité sur le grand prévôt des maréchaux, qui était autant au-dessous de lui que les maréchaux de France étaient au-dessous des connétables. Cette grande prévôté de l'hôtel exerçait une puissante juridiction relative à la sûreté et au bon ordre de la cour: ses officiers avaient seuls le droit de faire la police à sa suite.

On voit figurer Tristan, comme grand prévôt de l'hôtel, en 1467, sous Louis XI; le sieur Débrosses, en 1543, sous François Ier; Nicolas de Beaufremont, sous Charles IX. L'historien de Thou prétend que c'est à ce grand prévôt que cette charge doit ses plus belles prérogatives. On cite également un lieutenant de cette prévôté, nommé Lugoli, qui, sous les règnes de Henri III et Henri IV, sut, par son adresse et sa fidélité, découvrir toutes les intrigues des grands et les machinations des coupables. L'histoire désigne aussi, comme attachés aux connétables et aux maréchaux de France, les grands prévôts Antoine Dubois, en 1547; Morel et Rapin, en 1589. Ce dernier est celui que Duchat qualifie de brave et savant Rapin. En 1588, il avait été chassé de Paris et dépouillé de sa charge par les ligueurs, à cause de sa fidélité au roi. Il était né en Poitou, dont il fut vice-sénéchal: il fut un de ceux qui travaillèrent à la satire Ménippée.

Dans l'origine, il n'y avait qu'un prévôt dans chaque province; mais les circonstances et les besoins en multiplièrent le nombre. C'est ainsi qu'il fut attaché une compagnie de maréchaussée à chaque hôtel des monnaies existant dans toutes les grandes villes. Bientôt toutes les prévôtés furent supprimées et concentrées dans une seule compagnie chargée du service intérieur et extérieur des hôtels des monnaies pour toute la France. L'étatmajor résidait à Paris, et des détachements étaient envoyés partout où ils devenaient nécessaires.

Comme toutes les autres maréchaussées du royaume, cette compagnie

était sous les ordres des maréchaux de France. On attachait une trèsgrande considération à la charge de prévôt des monnaies.

Les désordres augmentant sans cesse, les prévôts se multiplièrent de nouveau partout. Ce grand nombre d'officiers, avec plus ou moins d'attributions, enfanta des rivalités parmi les anciens prévôts; mais Henri IV, en 1609, les fit cesser, en ordonnant qu'il n'y aurait plus, par chaque province, qu'un prévôt provincial, que tous les autres demeureraient ses lieutenants et l'assisteraient dans ses fonctions.

A cette époque, la maréchaussée se composait done:

1° De la prévôté de l'hôtel, indépendante des maréchaux de France, ayant pour objet spécial la police et la sûreté du roi;

2° De la compagnie de la connétablie près et à la suite des maréchaux de France. Cette compagnie n'avait pas de résidence fixe: elle se transportait partout où elle était nécessaire pour l'exécution des ordres de ces hauts dignitaires de l'Etat;

3o De la prévôté de l'hôtel des monnaies, ayant son siége à Paris, mais portant sa surveillance et sa juridiction sur tous les hôtels des monnaies du royaume;

4° De la prévôté des maréchaux de France, ayant une compagnie et des prévôts de maréchaussée dans chaque province;

5° De la prévôté des armées, pour maintenir la discipline dans les corps, châtier et chasser les filles de joie et les étrangers suspects, à la suite de l'armée.

Toutes les prévôtés, à l'exception de celle de l'hôtel à la suite de la cour, étaient sous la direction de la connétablie dont le tribunal siégeait à Paris. La connétablie, les grands prévôts et prévôts, et la maréchaussée, ont joui de grands priviléges, depuis leur origine jusqu'à leur suppression. Ces institutions indispensables, quelques dénominations qu'on leur ait données, ont été l'objet d'une attention spéciale du gouvernement.

Jusqu'en 1595, la connétablie nomma les prévôts et officiers de la maréchaussée; mais, depuis, au roi seul appartinrent les nominations.

Les prévôts avaient le privilége de nommer les brigadiers et les archers, privilége qu'ils ont toujours conservé jusqu'en 1778, époque à laquelle le ministre se réserva ces nominations. Ils purent, pendant longtemps, interdire les lieutenants, destituer les sous-officiers et les archers, réduire leurs gages, et même leur infliger des peines corporelles. Quand ils marchaient, ils avaient à leur suite un trompette à la livrée du roi. Ils étaient tenus de monter à cheval à la tête de leur troupe lors des voyages du roi et de la famille royale, et de fournir à son escorte.

Les prévôts généraux, leurs lieutenants et exempts, portaient le bâton du commandement avec la pomme d'ivoire, excepté au Louvre et dans les lieux où se trouvaient les officiers des gardes du roi, quand ils étaient de service près de Sa Majesté.

Les prévôts et leurs lieutenants portèrent longtemps les titres honorifiques de chevalier du guet, de vice-sénéchaux, vice-baillis, écuyers et conseillers du roi.

Les officiers et cavaliers de maréchaussée étaient admis à l'hôtel des Invalides; les sous-officiers même obtinrent, en 1778, l'honneur de pouvoir recevoir la croix de Saint-Louis. Ils étaient exempts du logement des troupes de guerre et de l'impôt, même en retraite.

Sous le règne de Henri IV, les charges de prévôts et de leurs lieutenants

devinrent héréditaires et purent s'acquérir, jusqu'au 25 février 1768, où Louis XV déclara qu'elles ne seraient plus, à l'avenir, possédées qu'à vie, L'hérédité des charges, moins calculée sur le bien du service que sur le désordre des finances, les rendit trop souvent le patrimoine de la fortune au lieu d'être celui des services. Les maréchaux de France firent bien tous leurs efforts pour s'opposer à ces abus qui avaient envahi la plupart des charges militaires; mais leurs efforts échouèrent devant le mauvais état des finances qu'il fallait relever. Henri IV ne craignait pas d'avouer qu'il était pauvre, presque nu, sans armes et sans chevaux : il donnait le premier l'exemple de la plus sévère économie.

Pour être admis dans la maréchaussée, en 1768, on exigeait des prévôts douze années de service, dont quatre comme capitaine; des lieutenants, huit, dont six comme lieutenant; des exempts, douze, dont six en qualité de porte-drapeau, et des archers huit. Ce corps, comme on le voit, officiers et soldats indistinctement, se recrutait dans l'armée; mais, en 1778, Louis XVI institua une spécialité d'avancement. Les inspecteurs généraux étaient choisis parmi les prévôts les plus capables; les places de prévôts appartenaient aux lieutenants de l'arme; celles de lieutenants étaient l'apanage des sous-lieutenants du corps, concurremment avec les lieutenants de l'armée ayant quatre ans de grade et dix ans de service. Les maréchaux des logis étaient choisis parmi les brigadiers et ceux-ci parmi les cavaliers: il fallait avoir cinq ans de service dans le grade inférieur. Les places de cavaliers étaient données à des hommes ayant cinq pieds quatre pouces au moins, sachant lire et écrire, et ayant seize ans de service.

Les maréchaussées ont eu, dans tous les temps, le rang supérieur au grade réel; elles avaient le pas sur les milices bourgeoises, le guet et les gardes des villes; elles jouissaient d'honneurs et de préséances qui ont souvent fait naître des divisions. Heureusement, ces temps-là avaient aussi leur décret qui venait régler les droits de chacun et comprimer momentanément les jalousies et les ambitions. Les prévôts et leurs lieutenants avaient leurs places marquées dans les bailliages et autres siéges royaux, dans les cérémonies publiques, dans les églises, à l'armée, partout où ils étaient de service; enfin, la conduite de ce corps a su toujours le rendre redoutable aux malveillants, lui attirer l'estime des gens de bien, la protection des gouvernants et le respect des peuples.

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L'origine du tribunal de la connétablie n'est pas connue. Il se tenait à Paris, et était composé des maréchaux de France. Tous les prévôts, tous les officiers de maréchaussée étaient reçus au siége de la connétablie. En l'an 1263, ce siége avait le titre de Connétablie et Maréchaussée de France assis à la table de marbre du palais, à Paris. Les sentences rendues à la table de marbre s'intitulaient au nom des connétables et maréchaux de France et étaient sans appel.

Le titre de table de marbre était générique et s'appliquait à toute juridiction en sous ordre. Ce nom lui fut donné, parce que la justice était rendue sur une table de marbre placée dans la grande salle du palais de justice, à Paris, qui a subsisté jusqu'au 7 mars 1618, où il fut incendié et la table consumée.

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