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La compétence de la connétablie a souvent varié. Le roi Jean, en 1326, en avait fixé l'étendue par un acte intitulé: Articles fondamentaux. Cet acte a été cité, à différentes époques, dans plusieurs arrêts du parlement de Paris.

Cette compétence comprenait, entre autres, la connaissance des abus et malversations des prévôts, vice-baillis, vice-sénéchaux, de leurs lieutenants, des greffiers, archers, trésoriers, receveurs - payeurs, et autres officiers de robe courte attachés aux prévôtés; des griefs à l'occasion de l'exercice de leur charge; des duels; enfin, de tous désordres, crimes, délits et manquement à la discipline par les gens de guerre, en quelque occasion que ce fût, et aussi des excès qui pouvaient avoir lieu à leur égard. Les affaires touchant le ban et l'arrière-ban étaient également de sa juridiction, qui s'étendait aussi sur les jeux de l'arbalète et de l'arc. Ce tribunal connaissait également, sans appel, de tout différend entre les gentilhommes et gens qui faisaient profession des armes, pour raison de leurs engagements de paroles, de paris et de billets d'honneur.

Les comtes furent aussi chargés par Clotaire II, en 615, de réprimer les malfaiteurs. Sans doute, leur autorité ne fut pas suffisante, puisque cette mission fut confiée plus tard aux baillis et aux sénéchaux. Mais cette mesure n'ayant pas encore atteint son but, François Ier accrut la juridiction des prévôts, et l'étendit, en concurrence avec les baillis et sénéchaux, aux crimes de lèse-majesté et de fausse-monnaie; aux vols commis sur les chemins et dans les maisons des particuliers; à tous guetteurs de chemins, tant aux villes qu'aux champs; aux sacriléges avec effraction, et agression avec armes. Cette juridiction s'étendit même jusqu'aux délits de chasse. Enfin, Charles IX leur accorda le droit de connaître, par prévention et en concurrence avec les juges ordinaires, de tous les cas et délits qui étaient attribués à ces derniers, de quelque qualité que fussent les per

sonnes.

On lit, dans l'histoire de Port-Royal de Racine, que l'exécution de ces dispositions était telle qu'en 1618 on vit le prévôt de Lille, en vertu d'un arrêt du parlement, se rendre à l'abbaye de Maubuisson, pour y arrêter l'abbesse, sœur de Gabrielle d'Estrées, le confesseur du couvent et une religieuse, et y réintégrer la mère Angélique, célèbre à Port-Royal, et ses religieuses, qui en avaient été chassées de vive force.

$3.- Des Cours prévôtales. Leur juridiction. — Leurs attributions.

La juridiction exercée par les officiers de maréchaussée s'appelait prévôtale. Elle n'était point soumise à appel, excepté dans certains cas, celui de duel, par exemple, lesquels devaient être portés à la connaissance de la connétablie, tribunal supérieur siégeant à Paris.

Une déclaration du 5 février 1731 spécifia définitivement les crimes considérés comme prévôtaux, conséquemment jugés par les prévôts de maréchaussée et leurs lieutenants. Cette autorité prévôtale, ainsi que nous l'avons dit, atteignait toutes les personnes, sans distinction de qualité.

Immédiatement après l'arrestation du prévenu, l'officier de maréchaussée était tenu de lui déclarer qu'il entendait le juger prévôtalement. Le prévenu avait vingt-quatre heures pour se pourvoir et faire statuer sur la compétence, au présidial ou tribunal dans le ressort duquel la capture

avait eu lieu. Ce tribunal n'était compétent que pour juger si le cas était ou n'était pas prévôtal.

Dans les cas prévôtaux, les officiers de maréchaussée réunissaient surle-champ la Cour prévôtale, qui se composait de quatre notables au moins, pris sur les lieux, et désignés par les officiers. Le nombre des juges a varié selon les temps. Différentes ordonnances le fixèrent à quatre, d'autres à sept; pendant quelque temps, il fut élevé jusqu'à dix. En cas de refus des notables de s'assembler pour rendre un jugement prévôtal, le prévôt pouvait y suppléer par des gradués, c'est-à-dire des avocats, ou porter le procès devant un autre siége. Cette juridiction, qui livrait la vie des citoyens à des hommes pris au hasard, qui pouvaient n'avoir ni les lumières, ni la délicatesse nécessaires pour des fonctions si terribles, fut souvent attaquée par les parlements qui ont toujours vu, avec peine, ces effrayantes juridictions attribuées à des militaires. La sentence prévôtale était exécutée immédiatement après qu'elle avait été rendue.

Les prévôts et leurs lieutenants avaient voix délibérative dans les jugements prévôtaux; mais ils ne pouvaient siéger ensemble. Les sentences étaient toujours rendues au nom des prévôts présents ou non dans les assises prévôtales. Les expéditions de la juridiction de la maréchaussée étaient scellées de son sceau.

Ce mode ne parut point encore assez expéditif pour juger les malfaiteurs qui, dans le xvi siècle, augmentaient d'une manière effrayante. L'obligation imposée à la maréchaussée de conduire le prévenu arrêté devant les juges royaux pour faire décider les cas prévôtaux, apportant de la lenteur à l'instruction des procédures, il fut créé successivement, de 1547 à 1640, en chaque juridiction, des prévôts, des vice-sénéchaux, des vice-baillis, des greffiers, des lieutenants de robe courte, pour accompagner les officiers de maréchaussée et assister aux expéditions de justice, afin de régulariser les instructions dirigées contre les prévenus et de suppléer les conseillers des présidiaux et les juges royaux. On appelait lieutenants de robe courte des magistrats nommés en dehors des juges ordinaires de présidial et bailliage.

Ces nouveaux juges décidaient sur-le-champ de la compétence. Ils étaient tenus de monter à cheval et de suivre les prévôts. Ils siégeaient dans les cours prévôtales, mais ne pouvaient y paraître l'épée au côté, et n'instruisaient qu'en robe. Quoique non militaires, ils exerçaient cependant, en l'absence des prévôts, la même autorité qu'eux sur tous les cavaliers de la maréchaussée, sous le rapport de la discipline et des ordres à donner. Ce conflit d'attributions amena des rivalités sans nombre entre les officiers de maréchaussée et les magistrats de nouvelle création; mais ces difficultés furent réglées par des ordonnances successives. Enfin, cette création d'assesseurs, celle des greffiers, en 1549, et celle des procureurs du roi, en 1553, complétèrent la juridiction des cours prévôtales qui se sont maintenues jusqu'en 1790.

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Variations dans les corps de la maréchaussée et de la gendarmerie, depuis leur création jusqu'à nos jours.

Nous avons vu que la première dénomination donnée à la gendarmerie était celle de compagnies d'ordonnance. Tout porte à croire que c'est en

1060, sous Philippe I", que les compagnies d'ordonnance changèrent leur titre pour celui de maréchaussée. Če nom de maréchaussée vient de ce que ces compagnies étaient immédiatement subordonnées aux maréchaux de France. Cependant, ce n'est qu'à partir de 1299 que l'on trouve quelques témoignages authentiques dans les historiens de Bouclas et de Beaufort, établissant que les companies d'ordonnance attachées aux maréchaux portaient le nom de maréchaussée. Il règne une grande obscurité sur le régime intérieur de ce corps jusqu'en 1373, où un édit de Charles V jette quelque lumière sur ses obligations.

$5.

Nouvelle organisation de la maréchaussée, en 1444,
sous Charles VII.

La maréchaussée subit peu de changements jusqu'en 1444, où elle fut augmentée par Charles VII, lors du licenciement de ses troupes. Cette augmentation fut nécessitée par l'accroissement des vagabonds qui inquiétaient alors les voyageurs.

En 1474, Louis XI ordonna au grand prévôt des maréchaux de déléguer, dans chaque province, un prévôt pour le représenter, avec pouvoir d'assembler, selon les occasions, une cour prévôtale pour juger les malfaiteurs.

Il paraît qu'à cette époque les prisonniers étaient nourris par les soins de la maréchaussée, puisqu'un édit de 1475 porte que « les archers ne « pourront avoir aucun profit sur les prisonniers, que ce soit de bien<< venue ou autrement; qu'ils ne pourront ordonner et mettre à prix une << table de geòlier, selon le temps que les vivres seront chers ou bon « marché, etc. >>

En 1515, sur la fin du règne de Louis XII, chaque province avait son prévôt.

$6. Réorganisation de la maréchaussée, de 1515 à 1544,

sous François Ier.

De 1515 à 1544, François Ier rendit plusieurs ordonnances qui réglérent la juridiction de la maréchaussée et le placement de différentes brigades dans les lieux qui lui parurent avoir le plus besoin d'être protégés. Toutes les maréchaussées furent accordées sur la demande des peuples, mais à la charge de les solder de leurs propres finances, celles du roi ne lui permettant pas de pareilles dépenses; de sorte qu'il existait deux maréchaussées dans le royaume, l'une payée par l'Etat, l'autre par les provinces, et même par les villes, ce qui multiplia considérablement les prévôts, qui furent divisés en deux classes: les prévôts de maréchaussée provinciaux et les prévôts des connétables; la solde variait aussi, suivant les localités.

De 1520 à 1540, un prévôt n'avait que 180 livres, et un archer 90 livres par an.

De 1540 à 1544, un prévôt avait 300 livres; un lieutenant 144 livres; ot un archer 120 livres par an.

$7.

-

Réorganisation de la maréchaussée, en 1547, sous Henri II. Institution des procureurs du roi, greffiers, vice-sénéchaux, vicebaillis, el autres officiers de robe courte attachés aux prévôts de maréchaussée.

De 1547 à 1554, Henri II établit une circonscription régulière des prévôts et de leurs archers, nom que l'on donnait aux militaires du corps de la maréchaussée. Cette circonscription était divisée en trois inspections, ayant pour chefs, sous les ordres du connétable de Montmorency, trois maréchaux de France, qui firent, dès cette même année, et successivement tous les ans, des tournées dans leur arrondissement d'inspection.

Ce fut Henri II qui institua, dans chaque juridiction, des prévôts, des vice-sénéchaux, des vice-baillis, des procureurs du roi, des greffiers, et autres officiers de robe courte, pour assister aux expéditions de justice et avcir communication de toutes informations faites par autorité, commission ou mandement des prévôts ou de leurs lieutenants, et donner telles conclusions qu'il appartiendrait.

Ces magistrats étaient tenus d'accompagner les prévôts et de siéger dans les cours prévôtales formées sur les lieux. En 1554, les offices de prévôts des maréchaux de provinces furent supprimés pour éviter les nombreux débats qui s'élevaient entre les juges ordinaires et les prévôts des connétables, et on les remplaça, en partie, par des lieutenants de robe courte qui n'étaient point militaires, mais qui pouvaient cependant donner des ordres aux archers des prévôts des maréchaux.

Pendant cette période, de 1547 à 1560, la solde des prévôts, lieutenants et autres, a varié suivant les localités; les prévôts eurent de 300 à 1,200 livres; les lieutenants, de 150 à 300 livres; les archers et trompettes, de 120 à 180 livres.

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Nouvelle organisation et augmentation de la maréchaussée, de 1560 à 1613, sous Charles IX, Henri III et Henri IV. — Création des commissaires aux revues et des payeurs en 1586, et des exempts, en 1592.

Ce fut en 1560, sous Charles IX, que le chancelier de L'Hôpital créa de nouveaux baillis et de nouveaux sénéchaux de robe courte, pour aider les anciens baillis et sénéchaux de robe longue. Voulant récompenser la maréchaussée de ses bons et loyaux services, il honora les prévôts des titres de vice-baillis, vice-sénéchaux; ce qui ajouta à leur autorité et au respect qui leur était dû.

De 1560 à 1613, dans ces temps de désordre où s'armèrent tant de mains égarées par l'ignorance et le fanatisme, la maréchaussée fut considérablement augmentée. Cette troupe, toujours brave et fidèle, recherchée au moment du danger, ne pouvait manquer de fournir ses victimes à un siècle dévoré par la guerre civile. Le lieutenant Tavernay, prévôt de maréchaussée à la table de marbre du palais, périt assassiné le 24 août 1572, le jour de la Saint-Barthélemi, après s'être défendu pendant neuf heures, contre une populace effrénée, et avec un courage digne d'un meilleur sort. Si, dans ces temps de crimes et d'aveuglement, la maréchaussée eut à

regretter une grande partie de ses braves, cette occasion lui fournit les moyens de rendre d'importants services au gouvernement et de lui donner de nouveaux gages de sa fidélité. Lors d'une conjuration contre Henri III, en 1587, Nicolas Poulain, lieutenant du prévôt de Paris, avait eu l'adresse de gagner la confiance des ligueurs qui devaient enlever le roi dans le tumulte de la foire de Saint-Germain où il allait mal accompagné. Ils l'avaient même chargé du soin d'acheter des armes et de les cacher. Poulain, fidèle à ses devoirs, avertit le roi de ce complot.

Pour faire parvenir au roi le détail d'une autre conjuration beaucoup plus dangereuse, Poulain eut recours à un stratagême assez singulier. Il donna au chancelier l'avis de le faire mettre en prison, comme soupçonné de mauvais desseins. Ce magistrat le fit paraître devant lui, et au lieu de subir l'interrogatoire, Poulain lui expliqua toute l'intrigue. Le roi, bien instruit des détails, rassemble ses troupes, s'empare des portes de Paris et s'assure des lieux menacés. Voyant le complot découvert, les conjurés

se retirent confus.

Depuis 1549, la situation militaire du corps de la maréchaussée était constatée par les baillis, sénéchaux et juges présidiaux, et sa solde payée par les receveurs généraux et particuliers des finances; mais, en 1586, il fut créé des commissaires aux revues, qui s'appelaient Contrôleurs aux montres (ou revues), lesquels constataient l'effectif de la troupe, ainsi que celui des vice-baillis, vice-sénéchaux et autres officiers de robe courte attachés à la maréchaussée.

On créa également, durant cette année, des receveurs-payeurs spéciaux, qui furent établis dans chaque juridiction de prévôté, ainsi que nous avons maintenant des trésoriers dans chaque compagnie.

Dans le xvi siècle, les désordres dans l'intérieur du royaume étaient tels que, non seulement toutes les communications entre particuliers ne pouvaient s'établir qu'au péril de la vie, mais qu'il y avait danger même pour une troupe armée qui aurait été peu nombreuse. Ces faits paraîtraient fabuleux, si une ordonnance de 1577, de Henri III, ne défendait aux prévôts et à ses archers de venir prêter serment au siége de la connétablie, attendu qu'ils mettraient leur personne en danger, et si une autre ordonnance de 1594, de Henri IV, n'enjoignait aux marchands et aux propriétaires de suspendre momentanément leur commerce et de ne vaquer à leurs affaires qu'avec beaucoup de prudence, s'ils voulaient ne pas être exposés à une ruine certaine et à une mort évidente.

Les officiers de maréchaussée et les archers, ne pouvant suffire au service permanent et fatigant qu'exigeaient les circonstances, il leur fut adjoint, en 1592, des exempts (grade équivalent à celui d'adjudant-sousofficier).

Le droit d'informer, dans le cas de flagrant délit, et de se faire assister d'un greffier, fut conféré, en 1708, à ces nouveaux sous-officiers; ils obtinrent les mêmes attributions que la loi de 1834 avait conférées aux maréchaux des logis et brigadiers de gendarmerie dans plusieurs départements, en les investissant de l'autorité dévolue aux officiers de police judiciaire.

De 1560 à 1613, la solde des officiers de robe courte attachés aux prévôtés, ainsi que celle de la maréchaussée, a varié ainsi qu'il suit, savoir:

Les vice-sénéchaux.
Les vice-baillis.

de

7 à 800 liv.

de

5 à 600

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