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non possumus (1). La raison de cette différence, dit Pothier, c'est que l'usufruit s'applique à des fruits qui sont divisibles, tandis que l'usage se rapporte à l'indigence de la personne qui est une chose indivisible, ususfructus terminatur ad fructus qui possunt dividi; usus ad personæ indigentiam quæ est quid individuum : ou en d'autres termes, c'est que l'usufruit a pour objet la perception des fruits qui sont des corps certains et très-divisibles, tandis que l'usage ne se rapporte à aucun corps particulier, mais seulement à une somme de jouissance qui ne peut être qu'une, puisqu'elle ne se mesure que sur la loi de la nécessité qui ne souffre aucun retranchement. Quia servitus usus, dit Gomez, debetur à re persona, habito respectu ad indigentiam, et illa necessitas est indivisibilis; quia si persona, cui debetur, comederet vel biberet tantum pro parte ejus, quod sibi necessarium est pro alimentis, non posset vivere (2) : c'està-dire que ce qui est dû pour les besoins, de la vie doit être indivisiblement perçu, sur le fonds qui en est débiteur, en quantité suffi sante pour faire subsister la personne, par la raison que comme moyen de vivre il doit être, sous le rapport du droit, lindivisible comme la vie même au soutien de laquelle il est employé.

(1) L. 19, ff. de usu et habitat., lib. 7, tit. 8; idem, 1. 1, §. 9, ff. ad leg. falcid., lib. 35, tit. 2.

(2) GOMESII, variarum resolutionum, de dividuo et in dividuo, cap. 10, n.° I9.

3107. Il est donc bien démontré que l'usage servitude-personnelle doit être classé au rang des choses que l'on considère comme indivisibles dans le droit; or, en le rattachant à un fonds ou en l'associant à la classe des servitudes foncières, il ne change pas de nature sous le rapport de son indivisibilité; loin de là cette qualité se montre en lui avec plus d'évidence encore, puisque telle est généralement la nature des servitudes réelles que toutes sont indivisibles dans le droit; stipulationes non dividuntur, earum rerum quæ divisionem non recipiunt veluti vice, itineris, aquæductús, cæterarumque servitutum (1). Ce principe d'indivisibilité proclamé par la loi romaine est aussi reconnu dans notre code lorsqu'il déclare que la servitude foncière est une charge imposée sur un héritage, pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire (637), ce qui signifie bien que la charge est due par tout le fonds de l'un, à tout le fonds de l'autre, et par toutes les parties du premier à toutes les parties du second.

Ainsi, l'on peut dire du droit d'usage dans les bois, comme de toute autre servitude foncière, que, passivement considéré, il est indivisiblement dû par tout le fonds, totus fundus serviet (2); et sur toutes les parties du fonds qui en est grevé, ita diffusa est ut omnes glebæ serviant. (3)

(1) L. 72, ff. de verbor. obligat., lib. 45, tit. 1.
(2) L. 21, ff. de servit. præd. rustic., lib. 8, tit. 3..
(3) L. 13, §. 1, ff. eod.

3108. Cependant, quoique le droit d'usage pèse sur toute la forêt et sur toutes les parties de la forêt usagère, il est reçu en jurisprudence que le propriétaire peut faire modifier l'exercice des usages par le moyen de ce qu'on appelle un aménagement qui consiste à faire assigner aux usagers, par la justice, en connaissance de cause, en jouissance et non en propriété, un canton de la forêt, suffisant pour fournir à tout ce qui peut leur être dû, et dont ils auront tout le produit, à condition qu'à l'avenir ils ne pourront plus couper dans le surplus de la forêt.

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Mais il faut observer que par cette assignation d'aménagement on restreint l'exercice de l'usage sans déroger à son indivisibilité, parce qu'il est toujours vrai de dire que le droit de l'usager porte sur tout le canton et sur toutes les parties du canton dans lequel il a été resserré. C'est ainsi que, quoique l'hypothèque soit de sa nature indivisible, et subsiste en entier sur tous les immeubles qui en sont affectés et sur chaque portion de ces immeubles (2114), on peut néanmoins la faire réduire à une partie de ces immeubles seulement (2161), lorsque le débiteur y trouve son avantage, sans nuire à la sureté des créanciers.

Le droit d'usage servitude-réelle affecte donc indivisiblement le fonds qui en est grevé, puisqu'il porte sur tout ce fonds et sur toutes les parties de ce fonds.

D'autre part on doit dire aussi que la ser vitude en est due indivisiblement à tout le fonds

et pour toutes les parties du fonds dominant; quæcumque servitus fundo debetur, omnibus ejus partibus debetur (1).

3109. Mais pour se former de justes idées sur cette espèce d'indivisibilité, il faut prendre garde de confondre le droit avec le fait.

Il est bien incontestable que le droit d'usage, considéré en lui-même et dans un sens abstrait, est indivisible comme les autres servitudes réelles, et que c'est par le principe de cette indivisibilité qu'on doit régler les actions qui ont pour objet la constitution, la conservation, la transmission et les modifications de ce droit; néanmoins lorsqu'on arrive au fait de l'exécution, ou à la prise ou délivrance des émolumens qui sont dus à l'usager comme produits du fonds sur lequel il exerce son usage, il n'y a a plus d'indivisibilité dans ses droits qui, sous ce point de vue, peuvent avoir plus ou moins d'étendue, suivant que l'usage aurait été établi sur plus ou moins d'espèces de produits de la forêt usagère; ou suivant qu'il faudrait une plus ou moins grande somme de ces produits pour satisfaire aux besoins ou aux aisances de l'usager. Mais cette divisibilité de fait n'est point incompatible avec l'indivisibilité de droit dont nous venons de parler : c'est ainsi que, quoique la servitude de passage soit indivisible dans le droit en lui-même, parce que comme personne ne peut passer à demi, de même on

(1) L. 23, §. 3, ff. de servit. præd. rustic., lib. 8, tit. 3.

ne peut avoir l'idée d'un droit de passage à demi; néanmoins, considérée dans le fait et en tant qu'elle s'applique au fonds assujetti, cette servitude est susceptible de plus ou de moins, parce qu'on peut, en exécution, donner plus ou moins de largeur ou d'amplitude au chemin par où elle sera exercée, et il en est de même des autres servitudes positives.

Tels sont les principes sur ce point de la matière que nous traitons. Reste à en signaler les conséquences pratiques, soit relativement au fonds grevé de l'usage, soit par rapport au fonds pour l'utilité duquel ce droit a été constitué.

ur les conséquences de l'indivisibilité du droit d'usage, en ce qui touche au fonds asservi.

3110. LE DROIT d'usage servitude-réelle affecte le fonds et toutes les parties du fonds qui en est grevé; donc en cas de vente totale ou partielle de la forêt usagère, l'affectation de la charge sera la même entre les mains des acquéreurs parce que toute servitude suit le fonds sur lequel elle fut imposée. Si fundus serviens vel is cui servitus debetur, publicaretur; utroque casu durant servitutes: quia cum suá conditione quisque fundus publicaretur (i). 3111. LE DROIT d'usage porte indivisiblement sur toute la forêt et sur chacune des parties de la forêt; donc en admettant que le propriétaire y ait fait opérer des défrichemens, l'usager n'en aura pas moins le droit d'y exercer

(1) L. 23, §. 2, ff, de servit. præd. rustic, lib. 8, tit. 3.

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