Droit Commercial. Des commissionnaires pour les transports. CHAPITRE PREMIER. § 1. L'industrie des transports constitue une partie très importante, nous pouvons dire indispensable, du commerce le commerce, en effet, n'est en réalité que le transport des marchandises d'un lien à un autre. Si, autrefois le commerce était moins actif, moins développé qu'aujourd'hui, il faut en attribuer en grande partie la cause à la rareté et à la cherté des moyens de transport. On aperçoit surtout l'immense utilité des commission naires de transports, quand un transport ne peut pas être fait par le même voiturier, et qu'il faut dans le cours du trajet en changer le mode ou les agents. Les commerçants évidemment seraient dans le plus grand embarras s'ils avaient à s'occuper eux-mêmes de ces difficultés. § 2. On peut définir le commissionnaire de transport, celui qui, moyennant un prix de commission, traite en son nom avec un voiturier, mais pour le compte d'un commettant, afin de faire conduire les marchandises de ce dernier. On peut prouver le contrat de commission de transports par tous les moyens admis en droit commercial (correspondance, acte authentique ou sousseing privé, livres). Cependant l'acte qui le plus souvent sert à en constater l'existence, est la lettre de voiture. § 3. Lettre de voiture. La lettre de voiture, d'une manière générale, est tout acte contenant l'avis donné à une personne de l'envoi qui lui est fait; elle est adressée par le commissionnaire ou l'expéditeur au destinataire. Les diverses énonciations que doit renfermer la lettre de voiture sont indiquées dans l'art. 102 du Code de Commerce : << Elle doit être datée; elle doit contenir le poids ou la contenance des objets à transporter, le délai dans lequel le transport doit être effectué; elle indique le nom et domicile du commissionnaire par l'entremise duquel le transport s'opère, s'il y en a un; le nom de celui à qui la marchandise est adressée, le nom et le domicile du voiturier; elle énoncera le prix de la voiture, l'indemnité due pour cause de retard; elle est signée par l'expéditeur ou le commissionnaire; elle présente en marge les marques et numéros des objets à transporter. La lettre de voiture est copiée par le commissionnaire sur un registre coté et parafé sans intervalle et de suite.. » La lettre de voiture est soumise au timbre. On admet d'une manière à peu près unanime que l'absence d'une des énonciations contenues dans l'art. 402 ne vicierait pas la lettre de voiture; seulement ceux que ces énonciations pourraient intéresser, devraient y suppléer par d'autres moyens de preuves. La lettre de voiture, quoiqu'établissant des conventions synallagmatiques, n'a pas besoin d'être rédigée en double original. Exemple d'une lettre de voiture : Lyon, le..... Monsieur, A la garde de Dieu et conduite. de.... je vous expédie 4 colis (désignation de la nature de la marchandise) marqués comme en marge, du poids de... pour être rendus le.... à peine de perte pour ledit voiturier du tiers de sa voiture. Vous lui paierez la somme de.... par 100 kilogr. et lui rembourserez la somme de 70 centimes suivant le détail cicontre. (Signature.) L'expéditeur qui veut envoyer une marchandise pent s'adresser lui-même directement au voiturier, et la lettre de voiture forme un contrat entr'eux. Il en est de même des rapports entre le commissionnaire et le voiturier, quand l'expéditeur s'est adressé à un commissionnaire qui a traité avec le voiturier. Nous croyons que l'expéditeur qui a eu recours pour effectuer un transport à un commissionnaire, a une action aussi bien contre le voiturier avec qui il n'a pas directement traité. que contre le commissionnaire. (Cour de Paris, 12 juillet 1845; cour de Grenoble, 20 juin 1849). C'est là, suivant notre opinion, ce qu'a voulu dire l'art. 101 du Code de Commerce, quand il a dit : «La lettre de voiture forme un contrat entre l'expéditeur et le voiturier ou entre l'expéditeur, le commissionnaire et le voiturier. »> § 4. Obligations et responsabilité des commissionnaires de transport. Les commissionnaires de transports doivent inscrire sur leur livre-journal la déclaration de la nature et de la quantité des marchandises qu'ils ont commission de faire transporter; s'ils en sont requis, ils sont tenus d'en faire connaître la valeur; ils doivent encore, comme nous l'avons déjà dit en citant l'art. 102, copier sur un registre spécial coté et paraphé, toutes les lettres de voiture; c'est là une mesure prise pour constater l'existence et le contenu d'une lettre de voiture qui aurait disparu. Le commissionnaire s'engage à faire parvenir les marchandises à destination, dans le délai déterminé par la lettre de voiture, sous peine de payer une indemnité destinée à réparer les dommages causés par le retard. Cette indemnité est généralement fixée d'avance par les parties; si elle ne l'était pas, le juge apprécierait. Nous faisons ici une petite digression pour dire que les compagnies de chemins de fer refusent constamment de payer des indemnités pour les retards survenus dans le transport des marchandises; ce refus de leur part vient de ce que le monopole des transports est aujourd'hui entre leurs mains; il leur est donc facile d'imposer leur volonté, puisqu'elles savent qu'on est obligé bon gré mal gré de venir à elles. Nous devons ajouter que la jurisprudence donne toujours raison aux compagnies des chemins de fer; nous sommes loin de partager l'opinion de la jurisprudence; nous trouvous, en effet, qu'on accorde aux chemins de fer d'assez nombreux priviléges, pour qu'ils ne soient pas mis en dehors de la loi quand il s'agit de payer une indemnité qui en définitive est juste. Revenons à la responsabilité du commissionnaire. L'indemnité fixée par la lettre de voiture pour le cas où il y aurait retard, ne pourra-t-elle pas être augmentée si le retard est tellement grand qu'il ait causé des pertes très considérables dans la vente de la marchandise? Nous répondons affirmativement. En effet, ce retard aura probablement été causé par une faute lourde, et personne ne peut se prémunir par stipulation contre sa faute lourde. Si le commissionnaire prouve que le retard a été causé par une force majeure, |