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ciaire, par opposition à la précédente. Le Code autorise cette qualification, car il traite de la preuve testimoniale appliquée à la filiation naturelle dans la section II, sous la rubrique De la reconnaissance des enfants naturels; donc le jugement rendu sur l'action en réclamation est bien regardé comme une reconnaissance, mais comme une reconnaissance forcée. L'article 331 corrobore cette induction. Il dit que le mariage subséquent légitime les enfants antérieurement nés, lorsqu'ils ont été « légalement reconnus » avant le mariage. Ces mots s'appliquent aussi bien à ceux dont la filiation a été judiciairement établie qu'à ceux qui ont été volontairement reconnus; les deux modes de preuve sont donc également des reconnaissances, l'une volontaire, l'autre forcée ou judiciaire.

Dirigée contre la mère, l'action en réclamation d'état, si elle réussit, aboutit à la preuve de la maternité ; elle est toujours autorisée, sous certaines conditions d'exercice cependant (article 341 alinéa 1). Dirigée contre le père, elle aboutit à la preuve de la paternité; mais, pour diverses raisons, toutes contestables d'ailleurs, elle n'est autorisée qu'exceptionnellement, ainsi que cela résulte du fameux article 340 alinéa 1.

Reprenons séparément ces deux preuves de la filiation naturelle.

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565. Les articles 334 à 339 y sont consacrés. Ils règlent: 1o la forme et les conditions de validité, 2o les effets de la reconnaissance.

I. Forme et conditions de validité de la reconnaissance.

566. Aux termes de l'article 334, « la reconnaissance d'un << enfant naturel sera faite par un acte authentique, lors« qu'elle ne l'aura pas été dans son acte de naissance ». Donc il faut un acte authentique. La forme authentique assure mieux la stabilité de la preuve ; elle est, en même temps, une garantie de sincérité de l'acte, car elle évite, par la présence et l'intervention d'un officier public, les surprises et les entrainements. Un acte de reconnaissance sous seing privé n'aurait aucune valeur directe; il ne pourrait être utilisé que comme moyen à l'appui d'une action en réclamation

d'état, comme commencement de preuve par écrit, ou comme un témoignage et sous les mêmes conditions. A plus forte raison il en serait de même d'une reconnaissance simplement verbale.

S'il faut un acte authentique, il suffit d'un acte authentique quelconque.

1° La reconnaissance peut être faite devant l'officier de l'état civil. C'est lui qui est spécialement désigné pour la recevoir. Il peut recevoir et constater la reconnaissance dans l'acte de naissance (article 334), dans un acte postérieur et spécial, qui est alors un acte de l'état civil (article 62) 1, enfin dans l'acte de mariage des père et mère s'ils se marient ultérieurement (article 331) 2. Quand la reconnaissance est reçue par l'officier de l'état civil, elle a une publicité qui résulte de la publicité même des registres de l'état civil; afin que cette publicité soit complète, l'article 62 prescrit que l'acte de reconnaissance, inscrit sur les registres à sa date, soit mentionné en marge de l'acte de naissance 3.

2o La reconnaissance peut être faite devant un notaire. Les notaires sont institués pour recevoir tous les actes auxquels les particuliers veulent ou doivent donner l'authenticité. Les pères et mères naturels peuvent faire dresser un acte notarié dans le but spécial et exclusif de constater la reconnaissance; ils peuvent aussi la faire constater dans un acte notarié dressé pour un autre objet, par exemple dans un testament par acte public (article 971). On fait la reconnaissance devant un notaire, au lieu de la faire devant l'officier de l'état civil, quand on a des raisons pour désirer qu'elle ne soit pas

connue.

3o La reconnaissance peut être faite devant un tribunal, quand elle intervient au cours d'une instance. Celui qui la

1. Supra, tome I, p. 165 et 166.

2. Paris 10 juin 1886, Le Droit du 11 octobre, La Loi du 22 novembre. 3. Aucune mention semblable n'est exigée quand la reconnaissance est reçue par un autre qu'un officier de l'état civil. Voy. Demolombe, Traité de la pɑternité et de la filiation, 3o édition, p. 424; Secus Marcadé, Cours élémentaire de droit civil français, 4 édition, II, p. 46.

4. Fuzier-Herman, Code civil annoté, article 334, no 44 à 49. Cpr. Toulouse 24 décembre 1885, D. P. 1887.1.119, Sir. 1887.I.65 et la note de M. Chavegrin, Cass. 13 juillet 1886, D. P. 1887.I.120, Sir.1887.1.65,- Cass. 24 février 1888, D. P. 1888.1.303, Sir. 1889.1.53, Trib. de la Seine 11 février 1888, Le Droit du 22 mars, Cass. 2 janvier 1895, D. P. 1895.I.867, Sir. 1895.

fait peut en demander acte et elle est consignée par le greffier sur la feuille d'audience'.

40 Enfin elle peut être faite devant un juge de paix, dans les mêmes circonstances 2.

En un mot, elle peut l'être devant tout officier public agissant dans l'ordre et la sphère de ses fonctions, ce qui exclut les officiers ayant des attributions spéciales, tels que les huissiers, greffiers, etc.

567. Aucune capacité spéciale n'est exigée de celui qui fait la reconnaissance. La reconnaissance est l'accomplissement d'un devoir; elle soulève une question de conscience, non de sens pratique; certains arrêts vont jusqu'à dire qu'elle est la réparation d'un quasi-délit, expression un peu hardie mais exacte. Aussi l'opinion générale admet que les incapables euxmêmes peuvent valablement faire une reconnaissance, pourvu qu'ils aient le discernement de leurs actes. En effet, l'incapacité est l'inaptitude à juger de son propre intérêt; or il ne s'agit pas ici d'intérêt, mais de devoir; quiconque est capable de volonté est capable de faire une reconnaissance d'enfant naturel. Le mineur peut la faire valablement sans le secours de son représentant légal, la femme mariée sans l'autorisation du mari, l'individu frappé d'interdiction légale sans l'assistance de son tuteur; de même pour l'interdit judiciaire, s'il est dans un intervalle lucide. Malgré le silence du Code, la jurisprudence est fixée en ce sens.

568. Aucune condition de temps non plus n'est imposée. L'enfant peut être reconnu avant sa naissance, dès qu'il est conçu, car il existe dès lors et le devoir des auteurs commence dès ce moment. La reconnaissance est admise, car il peut y avoir urgence, s'il y a crainte de voir le père ou la mère mourir avant la naissance. Elle est admise, mais sauf à prendre des précautions pour constater l'individualité de l'enfant dont telle femme est enceinte et dont elle accouche à telle époque.

L'enfant peut être reconnu après sa mort.

1. Fuzier-Herman, loc. cit., no 71.

2. Fuzier-Herman, loc. cit., no 69.

3. Dalloz, Table des vingt-deux années (1845 à 1867), Vo Filiation naturelle, n° 2.

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Cela ne fait pas doute s'il a laissé lui-même des enfants légitimes, car ceux-ci ont les mêmes droits que leur auteur. Du reste, l'article 332 suppose que la légitimation d'un enfant naturel peut avoir lieu dans ce cas, ce qui impose la même solution quant à la reconnaissance.

Si l'enfant naturel n'a pas laissé d'enfants légitimes, il est plus douteux que la reconnaissance soit possible après sa mort, car l'intérêt est moins grand. La question change d'aspect, puisque la reconnaissance alors ne peut plus profiter qu'à celui qui la fait. Voici comment. Les père et mère naturels, quand la filiation est constatée, succèdent à leurs enfants naturels (article 765). Un père qui aurait délaissé l'enfant pendant sa vie pourrait-il le reconnaître à la seule fin de recueillir sa succession? Au premier abord, la situation du père ne paraît pas mériter grand intérêt; aussi est-il contestable que la reconnaissance puisse être faite. Toutefois, il faut toujours se garder de décider une question de droit d'après le plus ou moins de faveur que semble mériter l'espèce à propos de laquelle on l'examine, car les espèces varient et changent totalement d'aspect. Il peut se faire que les circonstances expliquent et excusent cette reconnaissance tardive et posthume; il peut se faire qu'elle ait été retardée par des événements indépendants de la volonté des père et mère; on peut supposer même qu'elle est faite dans l'ignorance du décès de l'enfant, ce qui la rend irréprochable. Pourquoi ne pas admettre alors la reconnaissance posthume? Aucun texte ne limite l'exercice du droit de reconnaissance '.

569. La reconnaissance peut donc, en principe, être faite à une époque quelconque. Toutefois, dans un cas particulier, le moment où elle est faite, les circonstances dans lesquelles elle intervient influent sur les effets qu'elle produit. Ce cas est prévu par l'article 337, qui subordonne exceptionnellement l'efficacité de la reconnaissance à l'époque où elle a été faite.

Voici l'hypothèse. Une personne a un enfant naturel. Elle ne le reconnait pas d'abord; sans l'avoir reconnu, elle

1. Sic, Valette, Cours de Code civil, p. 429, - Demolombe, Traité de la pater— nité et de la filiation, 3 édition, p. 440 et suiv. Secus, Duranton, Cours de droit français, 4 édition, III, no 211, Aubry et Rau, VI, p. 163. Cpr. Fuzier-Herman, Code civil annoté, article 334, nos 16 à 23, - et Trib. de la Seine 13 février 1877, Le Droit du 3 mai.

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se marie, si c'est le père avec une autre que la mère, ou, si c'est la mère, avec un autre que le père. Cette personne peutelle, au cours du mariage, reconnaitre l'enfant naturel qu'elle a eu avant le mariage d'un autre que de son conjoint? Ce n'est pas douteux; il n'est pas possible de défendre à un père ou à une mère, dans quelque circonstance que ce soit, de reconnaitre son enfant et d'assumer la responsabilité de la filiation.

Mais on a craint que l'apparition inattendue de cet enfant naturel devint,dans le ménage, une cause de trouble; on a regardé comme inadmissible que l'un des époux vienne ainsi changer, après le mariage, le sort prévu de la famille légitime. Il ne peut pas dépendre de l'un des époux, dit Bigot Préame«neu, de changer après son mariage le sort de sa famille légitime, en appelant des enfants naturels qui demanderaient << une part dans les biens; ce serait violer la foi sous laquelle « le mariage a été contracté. »

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Alors l'article 337 prend le parti suivant. La reconnaissance est valable et produit ses effets habituels; seulement elle ne les produit ni à l'encontre du conjoint, ni à l'encontre des enfants issus du mariage. « La reconnaissance faite pendant « le mariage par l'un des deux époux, au profit d'un enfant « naturel qu'il aurait eu avant son mariage d'un autre que « de son époux, ne pourra nuire ni à celui-ci, ni aux enfants «nés de ce mariage 2. »

De là diverses conséquences.

1° L'enfant reconnu dans ces circonstances prend le nom de l'auteur qui l'a reconnu, car cela ne porte aucun préjudice pécuniaire à personne. De même il est soumis à la puissance paternelle. Mais, à la mort de l'auteur, il ne vient en concours à la succession ni avec les enfants issus du mariage, ni avec le conjoint survivant, car il ne peut nuire ni aux uns ni aux autres. Si le défunt ne laisse ni enfants issus du mariage, ni

1. Locré, VI, p. 216.

2. Il ressort du texte que la reconnaissance produit ses effets habituels envers et contre tous si l'enfant reconnu pendant le mariage par un des époux est aussi l'enfant de l'autre conjoint, à condition, bien entendu, que la filiation de l'enfant soit légalement établie par rapport à ce conjoint. La solution se comprend sans peine, car il n'y a place pour aucune surprise. Le cas, d'ailleurs, est peu pratique. En effet, quand deux personnes ayant un enfant naturel contractent mariage ensemble, il est rare qu'elles n'usent pas du droit que leur reconnait l'article 331 de légitimer l'enfant.

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