brise les liens du mariage dès qu'ils sont à charge ne semble pas même attirer vers le mariage une clientèle plus nombreuse. L'augmentation du chiffre des divorces ne tient pas seulement à ce que les demandes sont plus nombreuses, mais encore à ce que les demandes sont accueillies dans une proportion qui va sans cesse croissant ; à mesure que les demandes se multiplient, les juges se montrent plus disposés à les accueillir. Chose étrange, les demandes en séparation de corps sont admises, elles aussi, dans une proportion croissante, mais les demandes en divorce aboutissent plus souvent que les demandes en séparation; la facilité à admettre la demande est en raison inverse de la gravité de cette demande. Le tableau suivant le fait assez apercevoir. Enfin la statistique fournit une dernière indication qui fait présager un nouvel accroissement du nombre des divorces. En 1892, les femmes ont formé 1774 demandes en séparation et 4909 demandes en divorce, tandis que les hommes ont intenté 320 demandes en séparation contre 3210 actions en divorce. Cela revient à dire que le choix des femmes se porte plus souvent vers la séparation que celui des hommes; le motif paraît être dans ce fait que les considérations religieuses et les convenances sociales ont plus d'influence sur les femmes que sur les hommes. Or il semble que l'empire de ces motifs va s'affaiblissant, car les femmes donnent de plus en plus la préférence au divorce sur la séparation. Les chiffres suivants en font foi. Tous ces symptômes sont inquiétants et la question du divorce reste une des plus graves de la législation, dans l'ordre du droit de famille1. Quoi qu'il en soit, la loi du 27 juillet 1884 a rétabli le di vorce. 388. Elle n'a pas eu seulement cet effet, mais en outre, au point de vue pratique, celui de remettre en vigueur les lois qu'avait abrogées virtuellement la loi du 8 mai 1816. L'article 1 porte « La loi du 8 mai 1816 est abrogée. >> Puis, déduisant les conséquences naturelles de cette abrogation, l'article continue: « Les dispositions du Code civil abrogées <<< par cette loi sont rétablies. » Elles ne le sont pas cependant tout à fait telles qu'elles étaient, car, sur bien des points, la loi de 1884, en les remettant en vigueur, les a modifiées; il en est même qui sont restées abrogées; d'autres sont modifiées; peu sont restées telles qu'elles étaient. Tout compte fait, sur quatre-vingt-trois articles que comprenait le titre du divorce dans sa rédaction de 1804, vingt-cinq sont res 1. Les chiffres cités sont empruntés aux rapports du ministre de la justice sur l'administration de la justice civile et commerciale en France pendant les années 1892 (Journal officiel du 15 décembre 1895), 1893 (Journal officiel du 13 juillet 1896) et 1894 (Journal officiel du 11 février 1897). Sur les statistiques du divorce et sur les craintes qu'elles font naître, il faut consulter en outre l'étude de M. Glasson, Les effets de la loi sur le divorce, dans la Réforme sociale du 16 décembre 1895, un article de M. Georges Michel dans l'Economiste français de 1891, 2o volume, p. 421, - enfin l'ouvrage de M. Georges Bonjean, Enfants révoltés et parents coupables, 1 vol. in-12, Paris, Armand Colin, 1895, p.120 et suiv. Ces travaux divers portent la trace des inquiétudes les plus vives et cette trace se retrouve jusque dans les rapports officiels du ministre de la justice. Cpr., sur certaines particularités des statistiques du divorce, un article de M. de Loynes dans la Réforme sociale du 1er mai 1892. tés abrogés, treize ont été modifiés. C'est ce qu'indique la fin de l'article 1: « Les dispositions du Code civil abro«< gées par cette loi sont rétablies, à l'exception de celles qui sont relatives au divorce par consentement mutuel et « avec les modifications suivantes, apportées aux articles 230, « 232, 234, 235, 261, 263, 295, 296, 298, 299, 306, 307 et « 310. Sont abrogés les articles 233, 275 à 294, 297, 305, 308 «<et 309 du Code civil. >> En présence de ce texte et dès que la loi de 1884 fut en vigueur, la pratique s'est trouvée embarrassée. Voici comment'. En 1816, lorsque le divorce fut aboli, la législation sur cette matière ne comprenait pas seulement le titre VI du livre I du Code civil, mais en outre un certain nombre de textes placés dans les autres Codes (articles 174, 187, 268, 881, 1004 C. proc. civ., article 66 C. co., articles 156 et 322 no 5 C. d'inst. crim.), puis quelques lois et décrets portés à des dates diverses, les uns antérieurs au Code civil, les autres postérieurs (loi du 22 frimaire an VII, article 68, § 6, tarif du 16 février 1807, articles 29,79,91,92,-- loi du 28 avril 1816,articles 19 alinéa 2, 45 alinéa 8, 48 alinéa 3). En abolissant le divorce, la loi de 1816 avait abrogé, par voie de conséquence, non seulement les dispositions du Code civil, mais l'ensemble de la législation relative au divorce; l'article 1 de la loi de 1884 restreignant aux seuls articles contenus dans le Code civil la disposition qui remet formellement en vigueur les textes abrogés en 1816, faut-il conclure que le surplus de l'ancienne législation du divorce reste abrogé? Ou bien, élargissant la portée de l'article 1, faut-il admettre que la loi de 1884 n'a pas seulement rétabli les dispositions du Code civil, mais l'ensemble de la législation sur le divorce, telle qu'elle était en vigueur en 1816? Les auteurs de la loi de 1884 n'ont pas songé à cela. Ils sont d'autant moins excusables que, dans le premier projet présenté au nom de la commission de la Chambre des députés, il y avait un article remettant en vigueur, d'une manière expresse, non seulement le titre du divorce au Code civil, mais tous les autres textes, soit du Code civil, soit des autres Codes, soit des lois spéciales, qui formaient, en 1816, 1. Voy.Introduction, Explication du titre préliminaire du Code civil, pp. 108 et 109. . la législation du divorce; l'article du projet contenait même une énumération de ces textes 1. Cet article a disparu au cours des nombreuses péripéties qu'a entrainées la discussion du projet, sans que d'ailleurs on puisse dire pourquoi. De là la question signalée. La jurisprudence, qui offre déjà de nombreux précédents sur la loi de 1884, a résolument pris son parti; malgré les termes imprudemment limitatifs de l'article 1 de la loi, elle admet que la loi de 1884 a remis en vigueur non seulement les dispositions du Code civil, quoiqu'elle ne vise que celles-ci, mais l'ensemble de la législation du divorce. C'est ce qu'a notamment admis, dans les termes les plus explicites, une Instruction du Directeur général de l'Enregistrement, datée du 5 août 1884,relative à l'exécution de la loi du 28 juillet 1884 sur le rétablissement du divorce 2. L'Instruction relève en bloc toute la législation fiscale antérieure à la loi du 8 mai 1816 et relative aux droits d'enregistrement à percevoir sur les actes de la procédure du divorce. « Les dispositions « qui précèdent, porte le document officiel, n'ont jamais « été abrogées. Elles sont restées sans exécution pendant «tout le temps que le divorce a été aboli; mais elles re<< prennent de plein droit leur efficacité par le rétablisse«ment de cette procédure. » Il faut aller plus loin. Ce ne sont pas seulement les lois et décrets antérieurs à 1816 qui, rendus à la vie, forment la législation du divorce; il faut y joindre des prescriptions qui n'ont été édictées que depuis 1816, de 1816 à 1884, c'est-àdire à une époque où le divorce n'existait pas. A cet égard encore, le législateur de 1884 n'a pas été bien avisé. Il a formellement étendu au divorce une disposition de loi qui date de 1850 et qui n'avait été faite que pour la séparation de corps, celle de l'article 313 alinéa 2 du Code civil 3. On pour 1. Carpentier, Traité théorique et pratique du divorce, p. 65. 2. Voy. le texte de cette circulaire dans D. P. 1884. V. 217 et 218. 3. La loi du 6 décembre 1850 avait ajouté à l'article 313 un alinéa ainsi conçu << En cas de séparation de corps prononcée, ou même demandée, le << mari pourra désavouer l'enfant qui sera né trois cents jours après l'ordon<<nance du président, rendue aux termes de l'article 878 du code de procédure «< civile et moins de cent quatre-vingts jours depuis le rejet définitif de la demande << ou depuis la réconciliation. L'action en désaveu ne sera pas admise s'il y a eu « réunion de fait entre les époux.» C'est cette disposition que la loi du 27 juillet 1884 étend expressément au divorce: « Le paragraphe ajouté à l'article 312 du rait conclure de la décision prise pour un cas particulier qu'il en est autrement des autres dispositions analogues. Ce serait une erreur. Les modifications apportées au droit commun de 1816 à 1884 et qui, comme dispositions du droit commun, sont applicables à toute matière, sont devenues par là même applicables au divorce rétabli. Il en est ainsi de quelques dispositions de procédure. En outre, l'Instruction précitée du 5 août 1884 déclare applicables aux actes relatifs au divorce diverses dispositions fiscales qui ont modifié les textes antérieurs à 1816, lesquels s'appliquaient en matière de divorce, notamment la loi du 21 février 1872 qui, dans son article 4, a modifié en quelques points le tarif antérieur. Un autre exemple très significatif peut être cité. La loi du 23 mars 1855, dans son article 8, impose à la femme veuve, si elle veut conserver intact le bénéfice de son hypothèque légale sur les biens de son mari, certaines formalités. Il n'est guère douteux que ces formalités soient applicables à la femme divorcée; si la loi de 1855 parle seulement de la femme veuve, c'est que la mort naturelle était, en 1855, le seul mode de dissolution de mariage. En résumé, par l'effet de la loi de 1884, non seulement les lois antérieures à 1816, relatives au divorce, ont été remises en vigueur, mais plusieurs lois postérieures ont reçu une extension d'application imprévue lors de leur rédaction. Le divorce ayant été rétabli, toute la législation du divorce antérieure à 1816 a été rendue à la vie et, en outre, les dispositions légales applicables en toute matière parce qu'elles forment le droit commun sont devenues, quoique édictées à une époque où le divorce n'existait pas, applicables au divorce code civil par la loi du 6 décembre 1850, dit l'article 2, est modifié comme il << suit : En cas de jugement ou même de demande, soit de divorce, soit de « séparation de corps,le mari pourra désavouer l'enfant qui sera né trois cents « jours après la décision qui aura autorisé la femme à avoir un domicile séparé, « et moins de cent quatre-vingts jours depuis le rejet définitif de la demande, « ou depuis la réconciliation. L'action en désaveu..... etc. » Le texte ainsi conçu contenait une erreur, car il visait inexactement l'article 312 au lieu de l'article 313. Le législateur de 1886, voulant faire disparaître cette inadvertance, introduisit dans le second alinéa de l'article 313 quelques modifications de style, sans portée juridique, et les consigna dans l'article 3 de la loi du 18 avril, se procurant ainsi l'occasion de restituer à l'article 313 son véritable numéro : « Le 1 paragraphe ajouté à l'article 313 du code civil par la loi du 6 décembre 1850 test modifié comme il suit ... » |