Images de page
PDF
ePub

a disparu; les textes parlent du divorce sans épithète, puisqu'il n'y en a plus qu'un.

Les causes pouvant le motiver sont réduites à trois : 1° l'adultère de l'un des époux,- 2o les excès, sévices ou injures. graves,-3° la condamnation de l'un des époux à une peine afilictive et infamante. Dans les projets divers qui se sont succédé et au cours de la discussion, plusieurs causes ont été proposées, dont quelques-unes avaient été admises par la loi de 1792, savoir : l'absence déclarée d'un des époux depuis un certain temps, la folie survenue, certaines condamnations. à des peines correctionnelles, quand les faits les motivant sont vraiment infamants: vol, escroquerie, abus de confiance, etc. Toutes ces causes ont été définitivement rejetées'. Restent seulement les trois qui viennent d'être indiquées et qui sont limitatives. Ce sont, sauf quelques modifications, celles qu'avait admises le Code de 1804 2.

A. Adultère de l'un des époux.

393. L'article 229 porte: « Le mari pourra demander le « divorce pour cause d'adultère de sa femme. » L'article 230 ajoute: « La femme pourra demander le divorce pour cause d'adultère de son mari. » Cela revient à dire que chacun des époux peut demander le divorce pour cause d'adultère de l'autre, sans distinction aucune entre le mari et la femme. Le Code de 1804 distinguait à cet égard entre l'adultère du mari et celui de la femme; la loi de 1884 a rétabli l'égalité complète entre les époux quant aux suites civiles de l'infidélité. Nous avons insisté sur ce point en traitant des effets du mariage et n'avons pas à y revenir.

L'adultère de l'un des époux est, au profit de l'autre, une cause péremptoire de divorce, c'est-à-dire que le juge est obligé d'admettre le divorce demandé dès que le fait de l'alultère est établi. La violation de la foi conjugale n'a pas

1. Voy. Poulle, Le divorce et les lois du 27 juillet 1884 et du 18 avril 1886, 127 et suiv.

2. Sur les causes du divorce, voy. Joseph Hitier, Le développement de la juisprudence en matière de divorce depuis 1884 (Paris, Arthur Rousseau, 1895), ). 4 á 41. Cette étude est extraite des Annales de l'Université de Grenoble (1894 t 1895).

3. Voy. suprȧ, tome I, p. 427 et suiv., no 306.

4. Nancy 12 novembre 1884, D. P. 1886. II. 31, Sir. 1885.II.83.

de degrés; dès qu'elle est constatée, par elle-même et indépendamment de toute circonstance accessoire, elle entraine le divorce par cela seul qu'il est demandé. Cependant, la rigueur de cette règle est tempérée par l'article 246 (rédaction de 1886), lequel permet au juge de sursceoir au jugement pendant un certain délai, même après que la preuve de l'adultère est acquise 2.

394. Trois éléments constituent l'adultère 3.

1o Il faut qu'il y ait eu union sexuelle. Les privautés les plus condamnables, même les plus immorales, ne suffiraient pas. Elles pourraient, selon les cas, être considérées comme injures graves; mais ce serait alors en vertu de l'article 231 que le divorce serait prononcé, non en vertu des articles 229 et 230. La distinction est importante, car, en cas d'allégation d'une injure grave, précisément parce qu'il faut qu'elle soit grave et qu'il y a dès lors des degrés, le juge a un pouvoir d'appréciation qu'il n'a pas en cas d'adultère.

20 Il faut qu'il y ait mariage valable. En cas de contestation, la validité du mariage doit être jugée préalablement.

3o Il faut enfin, puisque le fait reproché est un délit, qu'il soit imputable à l'époux, c'est-à-dire qu'au fait de l'infidélité accomplie se soit jointe l'intention de le commettre, en d'autres termes, que l'époux en ait été l'agent responsable, volontaire et libre. C'est pourquoi la femme victime d'un viol ne serait pas coupable d'adultère; c'est pourquoi encore le divorce ne pourrait pas être demandé si l'infidélité n'avait été que le résultat d'une fraude, en cas, par exemple, de substitution d'un tiers à la place de l'autre conjoint, à l'insu du conjoint qui a eu des relations avec le tiers substitué; c'est pourquoi enfin les relations reprochées ne constitueraient pas l'adultère si le conjoint se croyait libre par exemple, si l'autre conjoint passait pour mort et reparaît, il n'y a pas adultère, car l'intention fait défaut.

B. Excès, sévices ou injures graves.

395. « Les époux, dit l'article 231, pourront réciproque

1. Voy. cependant Trib. de la Seine 14 mars 1889, Journal Le Droit da 19 avril 1889, Nancy 20 décembre 1873, D. P. 1874.II.208.

2. Voy. infra, p. 35 et 54.

3. Dalloz, Supplément au Répertoire, Vo Divorce, no 37.

<«<ment demander le divorce pour excès, sévices ou injures << graves de l'un d'eux envers l'autre. » C'est de beaucoup la cause de divorce la plus large en fait.

((

Les excès sont les voies de fait, les actes de violence. Les sévices sont les mauvais traitements de tout genre qui, sans être précisément des violences, rendent le foyer conjugal inhabitable ou peu digne; le refus de secours ou d'assistance est un sévice. Les injures sont plutôt d'ordre moral: offenses, insultes, outrages par paroles, par écrit, par actions. Les cas présentent une infinie variété. Il appartient aux tribunaux d'apprécier la gravité de ces blessures morales, gravité toujours relative et qui varie selon l'éducation des époux, leurs habitudes, leur condition sociale, leur àge, etc. Les juges du fait statuent souverainement '.

Ont été considérés comme injures graves: 1° l'inconduite notoire, — 2o le refus par le mari de recevoir sa femme 3,— 3o le refus par la femme de rejoindre son mari,—-4° le refus par l'un ou l'autre époux, sans motif valable, de remplir le devoir conjugal', -5° le fait par un conjoint d'avoir trompé l'autre sur certaines circonstances antérieures au mariage, de lui avoir laissé ignorer des condamnations encourues, une grossesse, l'inscription sur les registres de police, — 6o le refus par un des époux de procéder à la célébration du mariage religieux, joint à la prétention d'imposer sans cela la cohabitation, etc., etc. . Rien de plus élastique. On peut

[ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

(2) Riom 22 décembre 1886, D. P. 1887.11.230. (3) Amiens 30 novembre 1887, Sir. 1889.11.87.

(4) Trib. de Langres 13 août 1884, D. P. 1884. V. 155, Sir. 1885.II.22, Paris 28 juillet 1886, Sir. 1886.II.164.

[ocr errors]

(5) Metz 25 mai 1869, D. P. 1869. II.202, Sir. 1870.II.77, Douai 29 avril 1884, D. P. 1885.II.73 (note), Sir. 1884.II.92.

(6) Dalloz, Supplément au Répertoire, Vo Divorce, nos 91 et suiv.

(7) Angers 29 janvier 1859, D. P. 1860. II.97 (note), Sir. 1859. II.77, — Orléans 10 juillet 1862, dans Dalloz, Supplément au Répertoire, Vo Divorce, no 87. La question a été souvent agitée de savoir si le refus par un des époux de procéder à la célébration du mariage religieux est une cause de divorce. L'auteur du COURS DE DROIT CIVIL semble avoir éprouvé des doutes sur cette question, car il indique ici la solution affirmative sans la combattre, après avoir annoncé précédemment le dessein de rejeter cette solution comme injustifiable. Voy. suprà, tome I, p. 296 (R. B.).

(8) Voy. Hitier, op. laud., p. 4 et suiv.,- Glasson, Les effets de la loi du di

III. - 3

dire sont des injures tout ce qu'un avocat habile parvient à faire admettre comme tel1.

Qu'il s'agisse des excès, des sévices ou des injures, la gravité, avons-nous dit, en est relative et varie selon l'éducation, les habitudes, le milieu social. C'est assez dire que les excès, sévices ou injures graves ne sont pas, à l'inverse de l'adultère, des causes péremptoires, mais seulement facultatives de divorce. Il appartient au juge du fait d'apprécier le degré de gravité des faits allégués, selon les personnes et les cir

constances.

C. Condamnation de l'un des époux à une peine

afflictive et infamante.

396.Ce serait un supplice pour un époux honnête et délicat, a-t-il été dit lors de la confection du Code, de vivre avec un être flétri par la justice; « vouloir qu'ils vivent ensemble, « c'est vouloir réunir un cadavre à un corps vivant ». Aussi l'article 232 (rédaction de 1884) dispose que « la con« damnation de l'un des époux à une peine afflictive et <«< infamante sera pour l'autre une cause de divorce ». L'ancien article 232 (rédaction de 1804) portait : « la condamna<«<tion de l'un des époux à une peine infamante... » ; cela embrassait toutes les peines criminelles quelconques, car les

vorce, dans la Réforme sociale du 16 décembre 1895, p. 871 et suiv., Dalloz, Supplément au Répertoire, Vo Divorce, nos 55 et suiv. Les décisions judiciaires sont innombrables à cet égard et nous ne pouvons que renvoyer aux tables méthodiques des recueils de jurisprudence. Voy. cependant un arrêt de principe de la Cour de Montpellier en date du 5 février 1895, D. P. 1896.II.101.

1. En fait, les tribunaux se montrent d'année en année moins rigoureux quant à l'admission des demandes fondées sur des excès, sévices ou injures graves. Il leur est d'autant plus facile de le faire que les juges du fait ont un pouvoir souverain d'appréciation à cet égard (suprà, p. 33, texte et note 1). La notion d'injure, en particulier, a reçu une extension considérable (Voy. Glasson, Les effets de la loi sur le divorce, p. 871 et suiv., et Hitier, op. laud., p. 4 et suiv.). Cette extension explique comment la proportion des demandes en divorce admises par les tribunaux va sans cesse croissant, car les demandes fondées sur les excès, sévices ou injures graves représentent l'immense majorité. En 1892, il y a eu 8923 demandes de cette espèce sur un chiffre total de 11137 demandes tant en divorce qu'en séparation de corps. Les 2214 autres demandes se répartissaient ainsi quant aux causes: 1254 fondées sur l'adultère de la femme, 704 sur l'adultère du mari, 256 sur la condamnation de l'un des époux à une peine afflictive et infamante (Voy. le rapport du Ministre de la justice sur l'administration de la justice civile en 1892, dans le Journal officiel du 15 décembre 1895).

2. Séance du Conseil d'Etat du 24 vendémiaire an X (Locré, V, p. 97).

peines criminelles sont toutes infamantes (articles 7 et 8 C. pén.). Aux mots « peine infamante » la loi de 1884 a substitué ceux de « peine afflictive et infamante »; d'où la condamnation à une peine simplement infamante et non afflictive n'est plus une cause de divorce. En cela, la loi de 1884 a été restrictive.

Il a été donné de cette modification deux motifs.

a) Les peines criminelles simplement infamantes sans être afflictives sont le bannissement et la dégradation civique (article 2 C. pén.); or le bannissement est une peine d'ordre politique et la dégradation civique a le plus souvent le même caractère, au moins quand elle est prononcée comme peine principale; ces peines ne supposent pas dès lors, au même degré que les peines de droit commun, l'immoralité et la perversité pouvant exciter la répugnance du conjoint. Cette considération a sa valeur ; cependant elle n'est pas décisive, car, même parmi les peines afflictives et infamantes, il en est qui sont d'ordre politique et dont on pourrait dire la même chose la déportation et la détention; cependant la condamnation à l'une de ces peines reste une cause de divorce.

6) Tout ce qu'on peut dire, c'est que, les deux peines simplement infamantes occupant le degré inférieur de l'échelle pénale en matière criminelle, on s'est arrêté à elles, afin de ne pas multiplier les cas de divorce.

397. A plus forte raison, la condamnation à une peine correctionnelle ne suffirait pas. Cependant il a été jugé quelquefois qu'elle peut devenir une cause de divorce, si le fait pour lequel elle est prononcée, par les circonstances dans lesquelles il s'est produit, est de nature à être considéré comme injurieux pour l'autre époux. Tel serait le cas d'une escroquerie dans laquelle l'un des époux aurait mêlé le nom de son conjoint. Seulement le divorce alors n'est plus prononcé par application de l'article 232, mais par application de l'article 231, la condamnation étant considérée comme une injure grave. La pente est dangereuse, car elle peut aboutir à sortir du texte, ce qui, en cette matière, serait illégal 1.

398. La condamnation de l'un des époux à une peine afflictive et infamante est une cause péremptoire de divorce, comme l'adultère et à l'inverse des excès, sévices ou injures graves. Elle est même péremptoire à un degré plus fort que 1. Voy. Hitier, op. laud., p. 23 et suiv.

« PrécédentContinuer »