Si le premier alinéa de l'article 451 s'explique par la coïncidence de l'ouverture d'une succession avec l'ouverture de la tutelle, il faut conclure que l'obligation de la levée des scellés et de l'inventaire n'incombe pas toujours au tuteur; elle ne lui incombe pas quand l'ouverture de la tutelle ne coïncide pas avec l'ouverture d'une succession. Ainsi, si une tutelle commence par suite de la mort, de l'excuse ou de la destitution du tuteur précédent, il n'y a ni scellés à faire lever, ni inventaire à dresser. L'inventaire est remplacé par le compte que le tuteur entrant reçoit du tuteur sortant ou de son représentant; le compte, qui tient lieu d'inventaire, est alors rendu en présence du subrogé tuteur, pour obéir à l'article 451. Seconde obligation. 841. Le tuteur doit, dans l'inventaire, déclarer les créances qu'il peut avoir contre le mineur; il le doit lors de l'inventaire et sur l'interpellation qui doit lui être faite par l'officier public qui dresse l'inventaire, c'est-à-dire par le notaire (article 451 alinéa 2). A défaut de cette déclaration, pourvu toutefois qu'il ait été requis de la faire et que la réquisition ait été mentionnée au procès-verbal de l'inventaire, le tuteur est déchu de son droit de créance: « à peine de déchéance », dit en effet le texte; à moins, bien entendu, qu'il n'ait une juste cause d'ignorer la créance. 1 La disposition est rigoureuse; elle est admise comme une récaution contre une fraude possible. Le tuteur va prendre 'administration; il va avoir la disposition des livres de compes et des papiers; il se pourrait, ayant déjà reçu paiement e ce que le mineur lui devait, qu'il fît disparaître les quitinces données précédemment et réclamât ce qui lui aurait é payé déjà comme lui étant toujours dû. En exigeant de i qu'il déclare les créances, la loi compte qu'il n'osera pas éclarer comme existant encore des créances éteintes, de eur qu'on ne trouve dans les papiers, à l'inventaire, la euve d'une libération. La loi, en tout cela, ne suppose pas écisément la bonne foi des gens. . Le silence du tuteur ne lui est pas opposable s'il n'a pas été interpellé par notaire. Fuzier-Herman, Code civil annoté, article 451, no 17. Troisième obligation. 842. Le tuteur doit faire régler par le conseil de famille le budget de la tutelle et les conditions du maniement des deniers. Les articles 454 à 456 prescrivent à cet effet diverses mesures, les unes obligatoires dans toute tutelle, les autres seulement dans les tutelles autres que celle des père et mère, Le conseil de famille et il le fait habituellement lors de sa première réunion doit: o Fixer la somme à laquelle pourra s'élever la dépense annuelle du mineur, ainsi que celle de l'administration des biens. Toutefois, cela n'est prescrit que dans les tutelles autres que celles des père et mère. Si le survivant des père et mère a la jouissance légale des biens du mineur, les dépenses du mineur sont une charge de la jouissance; il n'y a rien à régler (article 385). S'il ne l'a pas, on s'en remet à sa sollicitude pour le mineur (article 454 alinéa 1). 20 Spécifier si le tuteur est autorisé à s'aider d'un ou de plusieurs administrateurs salariés. Même observation : cela n'est prescrit, pour les mêmes raisons, que dans les tutelles autres que celles des père et mère (article 454 alinéa 2). 3o Déterminer le chiffre auquel commencera, pour le tuteur, l'obligation de faire emploi des sommes disponibles. autrement dit de les placer (article 455). La règle est générale; elle s'applique à toutes les tutelles, mème à celle des père et mère quant aux revenus qui restent propres au mineur1. Cette prescription légale est utile et prudente. Utile, car, une fois qu'il a été satisfait aux dépenses nécessitées par l'administration ou par les soins à donner au mineur, il importe que les sommes disponibles ne restent pas improductives. Prudente, car il n'est pas sans danger que ces sommes restent aux mains du tuteur, soit momentanément, soit, à plus forte raison, indéfiniment. Une opération de bourse est vite tentée; les sommes qu'on y engage sont vite perdues. On a beau dire que le tuteur est comptable à la fin de sa gestion. cela ne mène pas à grand'chose s'il a dissipé les capitaux d'i mineur. Done il faut qu'il les place, qu'il en fasse emploi. 1. Voy. cependant en sens contraire: Aubry et Rau, I, p. 444; — Cpr. Trik. de la Seine 19 juillet 1864, D. P. 1864.III.108. Toutefois, on ne saurait exiger du tuteur qu'il fasse immédiatement emploi de la moindre somme qu'il possède. De là plusieurs prescriptions. Elles sont établies d'abord par l'article 455, puis par l'article 6 de la loi du 27 février 1880 sur la fortune mobilière des mineurs. L'article 455 est applicable aux économies, c'est-à-dire aux sommes provenant « de l'excédent des revenus sur les <«< dépenses », dit le texte. Le conseil doit, quant à elles, déterminer le chiffre auquel commence l'obligation de faire emploi; dans les six mois qui suivent le jour où ce chiffre est atteint, le tuteur doit réaliser l'emploi ; passé ce délai, il doit les intérêts. L'article 6 de la loi du 27 février 1880 est applicable non plus aux économies faites, réalisées, mais aux capitaux, c'est-à-dire aux sommes appartenant au mineur au début de la tutelle, ou bien qui lui ad viennent par succession ou autrement, ainsi par un remboursement qu'un débiteur effectue au cours de la tutelle, ou par une vente. La loi fixe elle-même le délai d'emploi : les trois mois qui suivent l'ouverture de la tutelle ou la remise du capital. Toutefois le conseil de famille peut fixer un délai plus long, auquel cas il peut ordonner le dépôt, par exemple à la caisse des dépôts et consignations. On suppose que le moment peut n'être pas favorable à un emploi ; on réserve le moyen, sans péril pour le mineur, de surseoir et d'attendre des temps meilleurs. Par cette disposition, la loi de 1880 a comblé une lacune grave, car l'article 455, en ne parlant que des économies, laissait libre l'emploi des capitaux. L'expérience avait montré que cette lacune exposait gravement les mineurs. Le tuteur est ainsi lié quant au délai dans lequel il doit faire emploi soit de l'excédent des recettes (article 455), soit des capitaux (article 6 de la loi de 1880). Mais il ne l'est pas quant au mode et aux conditions de l'emploi. Il peut dès lors, sous sa responsabilité s'il y a faute de sa part, faire cet emploi de la manière qui lui parait la plus avantageuse pour le mineur. Il le fera en acquisitions d'immeubles, de rentes 1. C'est au moins ce qu'admettait la jurisprudence. Voy. Gustave Bressolles, Explication de la loi des 27-28 février 1880, p. 55. Cette étude a paru dans te Recueil de l'Académie de legislation de Toulouse (année 1880); je cite d'après le tirage à part.- La loi de 1880 n'a fait que rétablir la tradition juridique oubliée par le Code civil. Voy. G. Bressolles, op. laud., p. 56. sur l'Etat, de bonnes valeurs pourvu qu'elles soient nominatives, car il ne peut pas, nous allons le voir, conserver de titres au porteur; c'est une autre innovation de la loi de 1880'. Le conseil pourrait-il, après avoir fixé le délai d'emploi, prescrire en outre le mode et les conditions de l'emploi, c'est-à-dire les valeurs à acquérir? Non. Les divers agents de la tutelle ont chacun leurs attributions; or, opérer un remploi c'est administrer, et l'article 450 alinéa 2 charge le tuteur d'administrer; à moins d'une disposition restrictive, il administre librement. Si le tuteur et le conseil sont d'accord, pas de difficulté; en cas de dissentiment, le tuteur peut exciper de son droit et réclamer que chacun reste dans ses attributions 2. Ces prescriptions diverses, relatives au maniement des deniers, sont édictées sous une double sanction. 1o Faute d'avoir provoqué le règlement que doit faire le conseil de famille s'il s'agit d'économies, ou d'avoir observé les prescriptions émanant soit du conseil, soit de la loi, s'il s'agit de capitaux, le tuteur doit, de plein droit, les intérêts des sommes disponibles. Cela résulte des articles 455 et 456 pour les économies, de l'article 6 alinéa 2 de la loi de 1880 pour les autres sommes. Le tuteur doit même les intérêts des intérêts 3. 2o Le subrogé tuteur est spécialement chargé de veiller à 1. Sur diverses difficultés qui s'élèvent à cet égard, voy. G. Bressolles, op. laud., p. 60. Quid des titres nominatifs avec coupons au porteur ? Voy. la circulaire du Ministre de la justice en date du 20 mai 1880, D. P.1881.III.70. 2. La solution donnée au texte ne s'applique qu'à l'hypothèse prévue par l'article 455: celle de l'emploi des sommes disponibles dépassant le chiffre fixé par le conseil de famille. Il est des cas, au contraire, où le conseil a certainement qualité pour fixer le mode d'un emploi que le tuteur est chargé de faire. Ainsi l'article 457 dit que le tuteur ne peut aliéner les immeubles de son pupille sans l'autorisation du conseil de famille homologuée par justice (infrà, p. 505); le texte ajoute (alinéa 4 in fine) que « le conseil de famille indiquera, dans tous « les cas, ..... toutes les conditions qu'il jugera utiles », ce qui comprend sans aucun doute le mode d'emploi. De même, l'article 1 de la loi du 27 février 1880 subordonne à une autorisation préalable du conseil de famille toute aliénation. par le tuteur de meubles incorporels appartenant au pupille; l'autorisation doit même, dans certains cas, être homologuée par justice (infrà, p. 494 et 500, La fin de l'article est ainsi conçue : « Le conseil de famille, en autorisant l'a«liénation prescrira les mesures qu'il jugera utiles. » Il pourra notamment fixer le mode d'emploi des deniers à provenir de l'aliénation. 3. G. Bressolles, op. laud., p. 61. l'exécution de ces dispositions. S'il n'y veille pas, il encourt une responsabilité, consacrée par l'article 7 de la loi de 1880. C'est une charge nouvelle et très importante pour le subrogé tuteur. Il faut noter en terminant que les dispositions de l'article 6 ne sont applicables qu'au cas de tutelle proprement dite et non au cas d'administration légale. Une disposition du projet de loi, signalée déjà sous l'article 389, avait pour but de l'étendre à l'administration légale ; cette disposition n'a point été maintenue. Mais l'article 6 est applicable à tous les tuteurs, même à celui qui a l'usufruit légal 2. Quatrième obligation. 843. Le tuteur doit vendre les meubles, autrement dit réaliser la fortune mobilière : « Dans le mois qui suivra la clô«ture de l'inventaire, dit l'article 452, le tuteur fera vendre, <«< en présence du subrogé tuteur, aux enchères reçues par << un officier public et après des affiches ou publications dont «<le procès-verbal de vente fera mention, tous les meubles « autres que ceux que le conseil de famille l'aurait autorisé « à conserver en nature. » Les meubles, en général, sont exposés à se perdre ou à se détériorer; il y a ordinairement, surtout si le mineur est très jeune, inutilité et péril à garder un mobilier improductif. La règle, c'est la vente; la conservation en nature est l'exception: elle doit être autorisée par le conseil de famille. La règle s'applique aux meubles appartenant au mineur au commencement de la tutelle, en outre à ceux qui lui adviennent au cours de la tutelle. Le tuteur doit les vendre dans le mois,et la vente doit être faite, à peine de nullité, dans les formes prescrites par l'article 945 du Code de procédure civile pour les ventes judiciaires de meubles ". 844. De l'aveu de tous, si l'intention qui a dicté cette règle est bonne, la règle elle-mème est beaucoup trop absolue. Aussi on en prend à son aise avec elle. D'abord on admet qu'elle n'est pas applicable aux meubles 1. Suprà, p. 378. 2. Douai 24 juin 1880, sous Cass. 7 mars 1881, D. P. 1881. I. 348, Sir. 1883. I. 197. 3. Fuzier-Herman, Code civil annoté, article 452, no 6. |