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tenu de suivre son avis; dans ce premier cas, la force exécutoire de la délibération se limite à ceci que l'avis doit être transmis à l'autorité qui l'a demandé; 2° l'organe exécutif est obligé d'obtenir l'avis conforme de l'assemblée délibérante pour les mesures dont il a pris l'initiative, le pouvoir de décision sur le fond de l'affaire est partagé et l'assemblée délibérante, dont l'assentiment doit être obtenu, devient déjà une demiautorité; c'est la délibération proprement dite et il est de la nature de cette opération, d'essence supérieure par les discussions qu'elle implique. que l'avis délibéré soit obligatoire; 3° l'assemblée prend à elle seule la décision sur le fond, avec pouvoir réglementaire, c'est-à-dire avec le pouvoir d'obliger à exécuter; elle la rend exécutoire, sauf à ne pas l'exécuter elle-même; elle devient une autorité complète, parce qu'elle a l'initiative et le pouvoir réglementaire et même elle se subordonne l'organe exécutif qui est obligé à exécuter. Ces trois modes d'activité de l'organe délibérant (délibération consultative, délibération proprement dite, délibération réglementaire), se sont réalisés successivement pour les assemblées départementales et communales, qui avaient à prononcer sur les affaires locales, de concert avec des organes de l'administration centrale (1).

Validité des délibérations. Dans les deux premières situations, la question de la validité des délibérations n'a aucune importance juridique, elle reste une pure affaire administrative qui se règle dans les bureaux (2). Mais dans la troisième situation, avec les délibérations réglementaires où l'organe exécutif est obligé d'exécuter, la question

(1) Ainsi, jusqu'à la loi du 10 mai 1838, les conseils généraux de département n'eurent que des attributions consultatives; la loi de 1838 leur accorda des attributions délibératives pour une certaine liste d'affaires départementales qui, désormais, ne purent être réglées que par le concert de l'autorité centrale et du conseil général; la loi du 18 juillet 1866 leur conféra pour la première fois des pouvoirs de décision réglementaire pour quelques affaires; enfin la loi du 10 août 1871, art. 48, fit des délibérations réglementaires le droit commun, en les assujettissant, il est vrai, à un contrôle de tutelle énergique qui porte non seulement sur la légalité, mais sur l'opportunité.

Les conseils municipaux eurent dès le début des pouvoirs plus étendus que les conseils généraux; il est d'ailleurs dans la tradition française d'accorder plus d'autonomie à la commune qu'au département. Ils eurent, dès le commencement du siècle, des attrbutions délibératives pour certaines affaires; la loi du 18 juillet 1837 leur reconnut le droit de prendre des délibérations réglementaires dans quatre cas la loi du 24 juillet 1867 augmenta le nombre de ces délibérations réglementaires et enfin la loi du 5 avril 1884, art. 61 et s., en fit le droit commun, en les assujettissant à un contrôle de tutelle plus modéré que celui qui pèse sur les délibérations des conseils généraux, parce qu'il n'est qu'un contrôle de légalité.

(2) Dans le cas de délibération consultative, l'Administration centrale peut demander à l'assemblée locale une seconde délibération si la première n'est pas régulière; il en est de même dans le cas de délibération proprement dite, puisque les deux autorités en présence ne peuvent rien l'une sans l'autre, l'Administration centrale retournera à l'assemblée locale les délibérations que celle-ci lui envoie pour qu'elle s'y conforme ou pour qu'elle les approuve, jusqu'à ce que la délibération soit parfaitement régulière.

change d'aspect; l'administration centrale, n'ayant plus d'approbation à donner, ne peut plus faire recommencer la délibération; quel procédé va-t-on employer pour assurer le contrôle au point de vue de la régularité? Remarquons que la question est d'importance majeure à l'heure actuelle, car il résulte des dernières lois départementales et communales que le droit commun des délibérations des assemblées locales est la délibération réglementaire (L. 10 août 1871, art. 48; L. 5 avr. 1884, art. 61). Deux procédés sont employés qui, tous les deux, sont juridiques:

1o Le premier consiste à retarder l'exécution de la délibération en introduisant un délai pendant lequel la délibération, quoique parfaite comme œuvre de l'autorité locale, ne s'exécute pas encore, et pendant lequel l'Administration centrale l'examine; elle a le pouvoir de l'annuler ou de la suspendre avec des procédures variées, non seulement en cas d'illégalité, mais même, parfois, pour simple inopportunité administrative de la mesure (1);

2o Ce premier procédé ne serait pas suffisant, on a enfermé l'examen de l'Administration centrale dans des délais trop courts. Un second procédé s'est introduit à côté du premier en même temps que lui, dès la loi municipale du 21 mars 1831, c'est la nullité juridique pour illégalité. Puisque la délibération est un acte juridique astreint à des conditions légales et que c'est, d'ailleurs, un acte cérémoniel et par conséquent solennel, il est naturel que l'absence des conditions requises frappe cette délibération d'une nullité qui pourra être, soit proposée devant un juge par les intéressés, soit opposée par eux à titre d'exception. Voilà l'idée. Restait à organiser des voies de nullité, car on sait qu'elles ne se suppléent pas. Il en fut organisé d'abord dans deux cas, celui de délibérations d'un conseil municipal ou d'un conseil général sur des objets hors de leur compétence et celui de délibérations prises par ces deux conseils hors de leurs sessions légales (2); ces deux cas ont toujours persisté à

1) Cela se rapproche de l'ancien pouvoir qu'avait l'Administration centrale de faire recommencer la délibération irrégulière, car, bien entendu, une fois la délibération annulée, il faudra la recommencer; mais cependant cela est très différent et plus respectueux de l'indépendance de l'assemblée locale; d'abord, il y a des délais très courts, obligation pour l'Administration supérieure de se hâter dans son examen (vingt jours ou trois mois pour certaines délibérations du conseil général un mois pour les déliberations du conseil municipal (L. 10 août 1871, art. 47, 49; L. 5 avr. 1884, art. 68 in fine), ensuite, il y a, pour la plupart des délibérations, limitation des cas dans lesquels elles peuvent être annulées. Elles ne peuvent l'être le plus souvent que pour Cause déterminée; enfio des formes sont introduites pour l'annulation qui se rapprochent des formes juridictionnelles, l'affaire ne se traite plus uniquement dans les bureaux de la préfecture ou du ministère; si le préfet annule les délibérations réglementaires des conseils municipaux, c'est en conseil de préfecture (L. 5 avr. 1884, art. 65 et 66); si les délibérations des conseils généraux sont annulées ou suspendues, c'est tantôt par décret motivé du chef de l'État (L. 10 août 1871, art. 49); tantot, même, par décret en Conseil d'État sur recours du préfet (L. 10 août 1871, art. 47).

2) L. 21 mars 1831, art. 28 et 29; L. 22 juin 1833, art. 14 et 15.

travers les lois successives et se retrouvent dans les lois actuelles (1). Mais il reste bien d'autres cas d'illégalité.

La loi du 5 avril 1884 a réalisé un progrès remarquable; elle a organisé une nullité pour toute violation de la loi ou d'un règlement d'administration publique, nullité qui est absolue; d'abord, elle est proposable et opposable, c'est-à-dire qu'elle peut être invoquée par voie d'action ou d'exception, par voie d'action elle est portée devant le préfet en conseil de préfecture avec recours au Conseil d'État contre la décision du préfet en la forme du recours pour excès de pouvoir; ensuite elle n'est enfermée dans aucun délai, elle peut être invoquée à toute époque (Cons. d'Ét., 12 juin 1896, Marchand); enfin elle peut être invoquée par toute partie intéressée ou prononcée d'office par le préfet (art. 63 et 65). On ne saurait imaginer de nullité plus absolue (2). Une nullité aussi générale et aussi absolue n'a point été organisée par la loi du 10 août 1871 pour les délibérations des conseils généraux; cette loi en est restée aux deux seuls cas d'incompétence et de session illégale organisés en 1833 (3).

C. Condition personnelle des membres des assemblées délibérantes. — 1° En tant qu'ils prennent part aux travaux de l'assemblée, ils ont des droits ou prérogatives qui doivent être respectés, par exemple, le droit d'être convoqués aux séances, le droit de prendre la parole aux débats, etc. et la violation de ces droits motive un recours pour excès de pouvoir (Cons. d'Ét., 1er mai 1903, Bergeon, S. 1905. 3. 1 et la note; 4 août 1905, Martin, avec conclusions Romieu dans Lebon, p. 750; 9 nov. 1906, Taudière; 10 mars 1911, Brasseur);

(1) L. 10 août 1871, art. 33 et 34; L. 5 avr. 1884, art. 63.

(2) Sur cette voie de nullité, V. infrà, Organisation communale, et, pour plus de détails, la note dans Sirey, 1904. 3. 137. Nous ne parlons pas ici de la nullité relative des art. 64 et 66, établie pour le cas tout spécial où un conseiller intéressé à l'affaire a pris part à la délibération.

(3) On ne peut point suppléer la nullité générale, au moins en tant qu'elle serait proposée par voie d'action, puisque l'action n'est pas créée (Cons. d'Et., 23 mars 1880, Conseil général de la Côte-d'Or). — V. Les Conseils généraux, Berger-Levrault, éditeur, t. II, p. 222 et s.; et Jèze, article précité, Rev. d'administration, 1895, t. III, p. 40. Mais ne peut-on pas dès maintenant opposer la nullité de la délibération par voie d'exception? Nous penchons pour l'affirmative. Les nullités n'ont besoin d'être organisées expressément que s'il s'agit de les faire valoir par voie d'action; par voie d'exception elles existent de droit dans le cas d'illégalité, car toutes les lois administratives sont d'ordre public. Cela semble être le sentiment du Conseil d'État, d'après une décision relative à une délibération irrégulière de conseil municipal, prise sous l'em. pire des lois antérieures à celle de 1884 qui n'avaient point organisé de nullité générale (Cons. d'Ét., 21 févr. 1893, Commune d'Orches).

Pour les délibérations contre lesquelles aucune voie de nullité n'a été organisee, par exemple, celles des commissions administratives des hôpitaux, le recours pour excès de pouvoir est recevable, à la condition que les réclamants aient qualité et que la délibé ration contienne décision exécutoire (Cons. d'Et., 2 août 1889, Casse; 6 avr. 1900, Du Bouays).

2o En dehors de leur participation aux travaux de l'assemblée, ils ont quelques attributions personnelles qui sont aussi des droits, ainsi les conseillers généraux ont droit à faire partie du conseil de revision dans un canton ou dans un autre (Cons. d'Ét., 22 juill. 1910, de Framont) (1).

Il est bon de noter aussi qu'ils sont protégés dans l'exercice de leurs fonctions, contre les outrages et les actes de violence par les art. 224 à 230 du Code pénal, contre la diffamation et l'injure par les art. 31 et 33 de la loi du 29 juillet 1881; par la procédure du conflit, s'ils sont poursuivis en responsabilité personnelle (V. suprà, p. 98).

Les événements qui mettent fin à leur mandat sont la mort, l'expiration de la durée normale du mandat, la dissolution de l'assemblée, l'acceptation de fonctions incompatibles avec le mandat, la déchéance, la' démission volontaire ou forcée (2).

(1) 1o Les députés et sénateurs ont le droit de prendre part aux élections sénatoriales dans leur département; ils ont l'aptitude à être nommés ministres; ils peuvent faire partie de certaines commissions ou de certains comités de surveillance où leur présence est exigée par la loi : par exemple, la commission du contrôle des ordonnateurs, la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, qui comprend deux sénateurs et deux députés élus par leurs collègues (L. 6 août 1876), etc.

2o Les conseillers généraux ont le droit de prendre part aux élections sénatoriales dans leur département (L. 9 déc. 1884, art. 6); ils peuvent être appelés à suppléer des conseillers de préfecture (Arr. 19 fruct. an IV), ou le sous-préfet (Ord. 29 mars 1821); deux membres du conseil général doivent faire partie du conseil académique (L. 17 févr. 1880, art. 9); quatre membres doivent faire partie du conseil départemental de l'instruction primaire (L. 30 oct. 1886, art. 44); un membre doit faire partie du conseil de revision dans chaque canton; deux membres font partie des comités départementaux relatifs à la protection des enfants en bas àge (L. 23 déc. 1874); des membres font partie du comité d'hygiène départemental et des commissions sanitaires instituées par la loi du 15 février 1902, etc.

3o Les conseillers d'arrondissement ont le droit de prendre part aux élections sénatoriales; ils peuvent remplacer le sous-préfet (Ord. 29 mars 1821); un membre fait partie du conseil de revision;

4° Les conseillers municipaux peuvent faire partie des commissions administratives de certains établissements publics, tels qu'hôpitaux, hospices, bureaux de bienfaisance et des commissions de surveillance de certains établissements d'utilité publique, tels que les monts de piété; ils font partie des commissions administratives chargées de reviser les listes électorales; ils peuvent être chargés de présider un bureau de vote, etc. (2) Démission volontaire. Tout représentant élu peut toujours donner sa démission. A la Chambre des députés et au Sénat, les démissions sont adressées au président. Au conseil général, elles sont adressées au président du conseil ou à celui de la commission départementale, qui doit immédiatement avertir le préfet (L. 10 août 1871, art. 20). Au conseil municipal, elles sont adressées au préfet. La démission doit être acceptée par l'autorité à qui elle est adressée; il peut se faire en effet qu'il y ait lieu de la refuser, et de prononcer à la place une déchéance ou une invalidation. Les démissions des conseillers municipaux sont censées acceptées lorsque le préfet a envoyé un accusé de réception, ou bien, à défaut, un mois après un nouvel envoi de la démission constaté par lettre recommandée (L. 1884, art. 60).

Démission forcée.

- La démission forcée ne s'applique pas dans les Chambres légis

Les fonctions électives de membres d'assemblées sont les unes gratuites, les autres rémunérées par une indemnité (1).

latives (remplacée par la déchéance). Au conseil général, elle est tantôt un moyen de faire respecter les règles sur l'inéligibilité et sur les incompatibilités, sur la perte du droit de suffrage, le tout survenant après l'élection, alors elle est prononcée par le conseil général lui-même (L. 1871, art. 18); tantôt une sanction de l'obligation d'assister aux séances, soit du conseil général, soit de la commission départementale, alors elle est déclarée par le conseil ou la commission (art. 19 et 74); tantôt une sanction du refus d'accomplir une fonction dévolue par la loi, alors elle est prononcée par le Conseil d'État (L. 7 juin 1873). Au conseil d'arrondissement, elle est une sanction de l'obligation d'assister aux séances (L. 22 juin 1833, art. 7), et une sanction du refus d'accomplir une fonction dévolue par la loi, dans ce cas elle est prononcée par le Conseil d'Etat (L. 7 juin 1873).

Au conseil municipal, elle est une sanction des règles sur l'exclusion et l'incompatibilité (art. 36), de l'obligation d'assister aux sessions (art. 60), dans ces cas elle est prononcée par le préfet avec recours au conseil de préfecture et au Conseil d'État et une sanction du refus d'accomplir une fonction dévolue par la loi, dans ce cas elle est prononcée par le Conseil d'État (L. 7 juin 1873).

(1) Pour les conseils généraux, il n'avait jamais été question, même dans la loi du 10 août 1871, de salarier les conseillers (D. 3 févr. 1896, Conseil général de la Seine; D. 9 mars 1886, Conseil des Bouches-du-Rhône). Il n'en avait pas été de même pocr la commission départementale, le projet comportait une indemnité, on faisait observer qu'il y avait des déplacements fréquents; malgré cela (art. 75), le principe de la gratuité l'avait emporté. Cf. Roussel, De l'indemnité des conseillers généraux, Rev. de droit public, 1900, II, 5. Cette législation a été modifiée par la loi du 27 février 1912, art. 28, suivie du décret du 25 mai 1912: 1° Une indemnité de déplacement pourra etre accordée aux conseillers généraux, conseillers d'arrondissement, membres des commissions départementales, lorsque le déplacement dépasse deux kilomètres; elle est de O fr. 10 par kilomètre parcouru, tant au retour qu'à l'aller, à raison d'un voyage par session; 2° une indemnité de séjour pourra également être accordée; elle est pour chaque journée de présence, de 20 francs à Paris, de 18 francs dans les villes de 100.000 habitants et au-dessus, de 15 francs dans les villes de 40.000 à 100.000, de 12 francs dans les autres. Les fonds seront pris sur les ressources ordinaires du budget départemental.

Pour les conseils municipaux, ce fut assez vivement discuté, mais le principe de la gratuité l'emporta, sauf l'exception de l'art. 74 de la loi du 5 avril 1884, pour les frais de missions spéciales. Ces frais ne peuvent pas être réglés par abonnement, car ils deviendraient en fait de véritables traitements, mais chaque fois sur état (Av. miuis!. int., 29 juill. 1892).

A l'inverse, les membres de la Chambre des députés et du Sénat touchent une indemnité fixe (L. 30 nov. 1875, art. 17; L. 2 août 1875, art. 26). Cette indemnité réglée primitivement par les art. 96 et 97 de la loi du 15 mars 1849 et par les dispositions de loi du 16 février 1872, était fixée à 9.000 francs par an; elle a été portée à 15.000 francs par la loi du 23 novembre 1906. Les représentants envoyés des colonies reçoivent, en outre, l'indemnité de passage pour l'aller et le retour. L'indemnité fixée pour les représentants pourra être saisie, même en totalité. La loi du 16 février 1872 règle, au point de vue de l'indemnité, la situation des fonctionnaires nommés députés, et vice versa. I\ y a interdiction du cumul du traitement et de l'indemnité; cette règle s'applique au Sénat depuis la loi du 31 mars 1903, art. 103.

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