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Les actes du

cipe les services publics; l'organisation centrale des ministères, en particulier, est réglée par des décrets délibérés en Conseil d'État (L. 29 déc. 1882, art. 16); 4° il exerce certains droits de tutelle sur les administrations subordonnées à l'État, ce qui entraîne la nomination de certaines autorités locales, comme celles du préfet, autorité administrative du département, le droit de révocation ou de dissolution de certaines autres autorités locales, révocation du maire, dissolution du conseil général, du conseil municipal; le droit d'annuler certains actes d'administration, de suspendre par décret certaines délibérations du conseil général, le droit d'en approuver d'autres, etc.; 5° il exerce certains droits de police sur les individus, soit par des mesures générales dans des règlements, soit par des mesures individuelles (V. Cons. d'Ét., 2 déc. 1892, Mogambury, S. 94. 3. 97; 29 mars 1901, Grimaux, S. 1903. 3. 126); 6° le chef de l'État fait certains actes intéressant le domaine public de l'État, décrets de délimitation du rivage de la mer, décrets déclarant l'utilité publique d'un travail, etc.; 7° enfin, certaines ventes des biens de l'État, certaines concessions sur le domaine privé sont décidées par lui. C. Les actes du chef de l'Étal et les voies de recours. chef de l'État sont généralement des décisions exécutoires de principe; il en prend très peu qui puissent être considérées comme des mesures d'exécution; cependant, il faut signaler les décrets concédant des pensions à des fonctionnaires qui sont des mesures d'exécution par rapport à la décision d'admission à la retraite, etc. Les actes du chef de l'État, en principe, sont en forme de décrets. Le décret est un acte écrit, qui comporte des considérants avec visa des textes, un dispositif généralement par articles, la date et la signature du chef de l'État toujours accompagnée du contreseing d'un ministre, le chef de l'État ne peut pas déléguer sa signature pour les décrets. Le décret est toujours publié au Journal officiel ou au Bulletin des lois. On distingue des décrets réglementaires et des décrets individuels (pour les décrets réglementaires. V. suprà, p. 50). Les décrets individuels sont rendus dans l'une des formes suivantes : 1° sur le rapport d'un ministre; 2° en conseil des ministres; 3° en assemblée générale du Conseil d'Etat, alors ils s'appellent décrets en forme de règlements d'administration publique; 4° en section du Conseil d'État.

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Il y a cependant de simples décisions, quand le chef de l'État se borne à approuver la proposition d'un ministre (Cons. d'Ét., 29 mars 1901, Grimaux, S. 1903. 3. 126; Aucoc, Conférences, 3° édit., I, n° 56).

Voies de recours. On recourt contre les décisions du chef de l'État :

titutionnelle qu'en ce qui concerne les conseillers d'État (L. const. 25 févr. 1875, art. 4), des lois ordinaires pourraient enlever au chef de l'État la nomination de certains fonetionnaires pour la confier au ministre ou à d'autres autorités; elles peuvent aussi créer des fonctions électives. D'un autre côté, le chef de l'État peut déléguer son droit de nomination (V. sur tous ces points; Esmein, op. cit., p. 623 et s.).

1° par la voie gracieuse au chef de l'Etat lui-même; 2° par la voie contentieuse a) par le recours pour excès de pouvoir contre les décrets qui contiennent des décisions exécutoires considérées comme indépendantes de toute opération, ou comme détachables des opérations dont elles font partie; b) par le recours contentieux ordinaire, devant le Conseil d'État, contre les décrets qui contiennent des décisions considérées comme n'étant point détachables des opérations dont elles font parlie (par exemple décrets concédant pension, à la fin de l'opération de liquidation de la pension) (1).

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I. Le conseil des ministres, les ministres, les sous-secrétaires d'État. - Un ministère ou département ministériel est une certaine branche de l'administration centrale, déléguée par le chef de l'État d'une façon permanente à un ministre. L'organisation de chaque ministère comporte une administration centrale et des services extérieurs; l'administration centrale d'un ministère comprend : 1° un ministre; 2° quelquefois un ou plusieurs sous-secrétaires d'État; 3° le cabinet du ministre; 4° lest

bureaux du ministère.

On admet que le nombre des ministères est réglé par décret du chef de l'État, sauf le contrôle du Parlement qui peut s'exercer par voie. budgétaire (3). En fait, le nombre en a souvent varié. Il n'avait été créé que six ministères par la Constituante (L. 25-27 avr. 1791) Justice,

(1) Nous verrons plus loin, à propos de l'administration et des recours contentieux, que le contentieux de l'annulation, dont fait partie le recours pour excès de pouvoir, est le contentieux de la décision exécutoire prise en soi et considérée comme détachable des opérations administratives accomplies pour la gestion des services publics; au contraire le contentieux de la pleine juridiction est celui de l'opération administrative elle-même. Le premier contentieux se meut dans la sphère du pouvoir de domination, le second dans la sphère du commerce juridique.

Mais ce qu'il faut bien comprendre, c'est que, pour une décision exécutoire donnée, il se pose une question de point de vue; comme une décision exécutoire est toujours plus ou moins relative à une opération de gestion des services publics, il s'agit de savoir si elle sera considérée comme détachable ou comme non détachable de cette opération. (2) V. les études de M. H. Chardon sur le Ministère des travaux publics, Paris, 1904, et sur celui de l'intérieur, Revue politique et littéraire, février 1910; l'Administration de la France, le Ministère de la justice, 1907; le Pouvoir administratif, 1911; Henri Noëll, Les ministères, 1911. G. Demartial, La réforme administrative, 1911.

(3) Le ministère des Colonies a été créé par une loi du 20 mars 1894, mais les droits du chef de l'État ont été formellement réservés : le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale a été créé par décret du 25 octobre 1906; la répartition des affaires entre ministères est également réglée par décret: V. Décr. du 31 octobre 1906 intervenu entre le département de la Marine et celui du Commerce; Décr. 3 novembre 1906, déterminant les attributions du ministre du Commerce en ce qui concerne les agents du corps consulaire; Décr. 3 novembre 1906 déterminant les attributions du ministre du Commerce en matière de tarifs de chemins de fer, etc.

Intérieur, Finances, Guerre, Marine, Affaires étrangères; il y en a maintenant douze, parce que du ministère de l'Intérieur se sont détachés ceux du Commerce, de l'Agriculture, des Travaux publics, de l'Instruction publique, que du ministère de la Marine s'est détaché celui des Colonies et qu'un douzième ministère a été créé de toutes pièces par le décret du 25 octobre 1906, sous le nom de ministère du Travail et de la Prévoyance sociale.

Les ministres réunis en conseil constituent un organe politique et gouvernemental qui prend le nom de conseil des ministres. Le conseil des ministres n'est pas une autorité administrative proprement dite, en ce sens qu'il ne prend pas en son propre nom des décisions exécutoires; il s'y fait surtout des échanges de vues, à la suite desquels les mesures nécessaires sont prises par le ministre compétent, soit seul, soit avec le concours du chef de l'État. Cependant certains décrets doivent être, de par la loi, délibérés en conseil des ministres et en porter la mention (1). Exceptionnellement, en cas de vacance de la présidence, le conseil des ministres deviendrait une autorité administrative et rendrait de véritables décrets, car il serait investi du pouvoir exécutif (L. const. 26 févr. 1875, art. 7) (2).

Le conseil des ministres peut être présidé soit par le chef de l'État, soit par le président du conseil qui est le ministre auquel le chef de l'État a confié le soin de former le cabinet. Dans le premier cas, on dit qu'il y a conseil des ministres, dans le second qu'il y a conseil de cabinet.

Règles d'organisation.

A. Les ministres. Les ministres sont nommés par décret du chef de l'État ; ils peuvent être révoqués par lui. quoique dans la pratique il use peu de ce droit (V. p. 215); ils peuvent aussi donner leur démission, laquelle doit être acceptée par le chef de l'État, ils touchent un traitement fixe de 60.000 francs sans retenues et peuvent bénéficier d'une pension de retraite après trente ans de service et à soixante ans d'âge (L. 22 août 1790; L. 16 juin 1871, art. 26). Ils sont logés et meublés aux frais de l'État (L. 10 vendém. an IV, art. 17).

I. La responsabilité ministérielle. On appelle de ce nom la respon. sabilité politique que les ministres encourent à raison de leurs actes. Cette responsabilité consiste en ce qu'un vote de blâme de l'une des

(1) Par exemple les décrets de nomination et de révocation des conseillers d'État. (2) L'existence officielle du conseil des ministres est liée à celle du régime parlementaire dont il est l'organe essentiel; elle a toujours été reconnue depuis la loi du 25 mai 1791 qui avait substitué le conseil des ministres à l'ancien Conseil d'Etat, sauf à certaines époques de pouvoir personnel. C'est ainsi que, depuis la Constitution de l'an III jusqu'en 1814, les ministres ont cessé de former un conseil pour être considérés comme des agents d'exécution chacun dans son département; il en a été de même sous la Constitution de 1852 et jusqu'au sénatus-consulte de 1869. En d'autres termes, sous les régimes où les ministres ne sont considérés que comme des commis, il n'y a ni conseil des ministres, ni régime parlementaire.

deux chambres, surtout de la Chambre des députés, peut les contraindre à donner leur démission. Lorsque l'acte est l'œuvre d'un ministre isolé, la responsabilité est individuelle; elle est collective, lorsque l'acte est l'œuvre du cabinet tout entier ou lorsque le cabinet se solidarise avec le ministre interpellé. Cette responsabilité des ministres, jointe à l'irresponsabilité du chef de l'État, est l'institution essentielle du régime parlementaire. Il s'agissait de donner la haute main au Parlement dans la direction des affaires, d'établir sa suprématie sur le pouvoir exécutif, sans toutefois affaiblir par trop ni déconsidérer celui-ci. Le résultat est obtenu en ce sens que le chef de l'État, en qui est incarnée la majesté du pouvoir exécutif, en lui-même est inattaquable, mais les ministres, en qui réside le pouvoir effectif, sont sous la dépendance du Parlement. Or, la responsabilité des ministres est engagée pour le moindre acte du pouvoir exécutif, grâce à la règle qui veut que chacun des actes du Président de la République soit contresigné par un ministre (L. const. 25 févr. 1875, art. 3, § 6).

II. La responsabilité criminelle des ministres. Les ministres peuvent être mis en accusation par la Chambre et jugés par le Sénat en cas de crimes commis dans l'exercice de leurs fonctions (L. const. 16 juill. 1875, art. 12, § 2) (1).

III. La responsabilité civile des ministres, vis-à-vis des particuliers lésés par leurs actes. Nous avons examiné la question générale de la responsabilité des fonctionnaires vis-à-vis des particuliers (suprà, p. 92). Il y a pour le ministre une difficulté spéciale, qui est celle de savoir si l'accusation au crimine! devant les Chambres n'est pas le préalable obligé des poursuites au civil ou au correctionnel que les particuliers pourraient intenter contre lui. D'après les lois du 27 avril 1791, art. 31, et du 10 vendémiaire an IV, art. 13 et 14, cette accusation préalable était nécessaire, et c'est pourquoi l'art. 75 de la Constitution de l'an VIII n'avait pas organisé au profit des ministres la garantie de l'autorisation préalable du Conseil d'État (2). Cette garantie était inutile puisqu'il y avait celle de l'examen préalable du pouvoir législatif. Cette garantie spéciale subsiste-t-elle sous la législation actuelle? Les auteurs sont partagés (3). Nous serions assez disposé à penser qu'elle a disparu, parce

(1) 1° L'expression crime comprend ici certainement les crimes et les délits; 2° on peut se demander s'il s'agit seulement des crimes et délits prévus au Code pénal, ou bien si la Chambre peut incriminer des actes politiques; 3° pour les crimes et délits de droit commun, la compétence du Sénat n'exclut pas celle des tribunaux répressifs (Cf. Cass., 24 févr. 1893, S. 93. 1. 217. V. Esmein, op. cit., p. 760 et s.).

(2) Cet art. 75 disait en effet : « Les agents du Gouvernement autres que les ministres, etc. »>.

(3) Batbie, Traité de droit public, II, 477; Ducrocq, Cours de droit adm., 7• édit., t. III, n° 1033; Esmein, op. cit., estiment que cette garantie a disparu, et que, par suite, le ministre peut être poursuivi comme un fonctionnaire ordinaire. Adde, Béquet, Rép., vo Fonctionnaire, no 218. Laferrière, Juridict. adm., t. I,

que les textes qui l'établissaient ont perdu leur valeur constitutionnelle et aussi parce que le décret du 19 septembre 1870 a formellement abrogé toutes les dispositions législatives qui entravaient les poursuites dirigées contre les fonctionnaires publics de tout ordre (1). Mais, bien entendu, sur les poursuites engagées contre le ministre, le conflit pourra être élevé et, finalement, le ministre ne sera condamné par le tribunal civil ou correctionnel que s'il a commis un fait personnel, on lui appliquera donc la théorie générale (Cf. Confl., 5 mai 1877, Laumonnier-Çarriol). IV. La responsabilité civile des ministres vis-à-vis de l'État. Lorsque les ministres ont, par une faute administrative, causé à l'État un préjudice pécuniaire, peuvent-ils être condamnés à le réparer? Bien que le principe de cette responsabilité soit certain, bien qu'elle soit consacrée par des textes dans le cas spécial de dépassement de crédits (L. fin., 25 mars 1817, art. 151 et 152; L. 15 mai 1850, art. 9), elle n'est pas organisée comme procédure. Sans doute, dans le cas d'un véritable crime de concussion commis par un ministre, si celui-ci était poursuivi au criminel, une action civile pourrait être jointe à l'action publique, mais pour le cas de simple faute administrative, il n'y a ni procédure organisée, ni tribunal formellement déclaré compétent. En 1829, pour M. de Peyronnet, en 1832, pour M. de Montbel, en 1881, pour M. Caillaux, le Gouvernement fut invité à exercer des poursuites et déclara ne pouvoir saisir aucune juridiction (2).

Au fond, le grand obstacle à la réalisation effective de cette responsabilité gît dans les mœurs politiques, et peut-être le régime parlementaire est-il à ce prix; les ministres ne sont pas en situation de surveiller efficacement le détail des affaires, et, d'autre part, il est des cas imprévus auxquels il faut qu'ils puissent parer sans avoir à redouter des responsabilités, qui seraient d'ailleurs hors de proportion avec leur fortune. personnelle. Si la question ne se posait véritablement que sur le terrain juridique, elle serait beaucoup plus simple qu'on ne le dit; le droit commun permettrait de saisir les tribunaux civils, l'État agissant comme personne civile, traduirait le ministre devant le tribunal civil, le préfet élèverait le conflit au nom de la puissance publique s'il y avait lieu, le

p. 658 et s., estime au contraire, que la garantie spéciale de l'autorisation législative est maintenue.

(1) V. Esmein, loc. cit.

(2) En effet, la Cour des comptes n'a juridiction que sur les comptables et non pas sur les ordonnateurs, le Conseil d'État ne pourrait être saisi qu'indirectement, si, au préalable, on décernait contre le ministre une contrainte administrative consécutive à un arrêté de débet, mais l'arrêté de débet et la contrainte ne peuvent non plus viser que des comptables et non des ordonnateurs; les tribunaux civils auraient été compétents à notre avis (V. le texte) mais on ne songea pas à les saisir. De nombreuses propositions de loi ont été déposées pour organiser à l'avenir cette responsabilité ministérielle. On en trouvera le détail dans Laferrière, op. cit., t. I, p. 669 et s., et dans Esmein, op. cit. Cf. E. Pierre, Droit politique, p. 108 et s.

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