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des gens compétents sans que cependant l'administrateur eût les mains liées; les bureaux ne font que préparer un peu mécaniquement les affaires, ils ne délibèrent pas; l'administrateur, quant à lui, n'est généralement pas compétent, surtout le ministre sous le régime parlementaire : en instituant des conseils délibératifs et consultatifs; on profitait des avantages de la délibération, sans avoir les inconvénients du partage de pouvoir qu'elle entraîne lorsqu'elle est confiée à des assemblées délibérantes électives (1);

2o On voulait aussi que certains de ces conseils constituassent une sorte de représentation purement consultative des intérêts professionnels. Il est à remarquer, en effet, que les intérêts agricoles, commerciaux, industriels, etc., n'ont pas de représentation politique dans l'État, tel qu'il est conçu depuis la Révolution, la représentation politique n'est que pour les intérêts communs. Cela est parfaitement prémédité, c'est le principe même de l'État puissance publique, mais si on excluait les intérêts professionnels de l'organisation politique, on songeait à leur donner une représentation purement administrative et consultative, de façon qu'ils fissent entendre leur voix sans aucun pouvoir.

De là deux catégories de conseils: les uns purement administratifs, Conseil d'État, conseils de préfecture, conseil technique des ponts et chaussées, etc., les autres professionnels, tels que Chambres de commerce, Chambres consultatives de l'agriculture, Chambres des arts et manufactures, etc.

Cette organisation consultative a peu réussi en ce qui concerne la représentation des intérêts, précisément sans doute parce que les corps constitués n'eurent pas de pouvoir. Les Chambres de commerce seules montrèrent quelque vitalité. En ce qui concerne la délibération purement administrative, l'organisation consultative a mieux résisté, quoique le développement des pouvoirs des assemblées politiques délibérantes l'ait certainement affaiblie; le Conseil d'État, considéré comme conseil administratif, a perdu en fait la préparation des lois, mais il prend sa revanche du côté de la préparation des règlements d'administration publique qui deviennent de plus en plus nombreux et qui influent tellement sur l'application des lois; de plus, il continue à émettre des avis précieux sur les points d'administration douteux, et le seul regret que l'on puisse exprimer, c'est que ses avis ne soient pas régulièrement recueilis et publiés commele sont ses arrêts au contentieux. Les conseils de préfecture ont été relégués au second plan par les conseils généraux. Les conseils tout à fait techniques et spéciaux se sont maintenus et même se sont multipliés (2).

(1) C'est par la délibération consultative que les conseils administratifs se distinguent des bureaux, car les bureaux ne délibèrent pas, et c'est par l'absence d'origine élective qu'ils se distinguent des assemblées délibérantes.

(2) Dans tous les ministères, il y a des comités dont les ministres prennent les avis;

Le Conseil d'État. Le Conseil d'État est le conseil du pouvoir central; il est à compétence universelle. Le Conseil d'État est une institution nécessaire à tout régime d'administration régulière; il représente à la fois la science et la conscience morale administrative et, comme toute conscience morale, il conseille et il juge. Notre Conseil d'État actuel remonte visiblement à celui des dernières années de l'ancien régime, et, de la sous des noms divers, au Conseil d'État de l'empire romain (1). А toutes les époques, le Conseil d'État présente un caractère singulier, toujours le même, qui est d'être d'une très grande plasticité: 1o le Conseil d'État a toujours eu des attributions multiples; actuellement il est à la fois conseil administratif et tribunal administratif; à la fin de l'ancien régime il était tout cela et, en plus, il jouait le rôle de conseil des ministres; au xm* siècle, il était toute l'administration et aussi toute la juridiction, puisque de son sein sont sortis la Cour des comptes et le Parlement de Paris, etc.; 2° Le Conseil d'État a toujours eu un personnel un peu flottant; sous l'ancien régime, il y a eu pendant longtemps un Conseil d'État sans qu'il y eût de conseillers attitrés et, plus tard, outre les conseillers réguliers, il y a eu des personnages qui venaient siéger extraordinairement, à l'inverse, les membres du Conseil d'État étaient délégués dans des fonctions d'administration active, les maîtres des requêtes étaient fréquemment commissaires départis ou intendants. A l'heure actuelle, la fixité dans le personnel tend à s'établir, cependantil y a encore des personnages qui ont entrée sans être conseillers, par exemple,

quelquefois ils sont tenus de prendre ces avis, quelquefois même ils sont tenus de les suivre. Quelques-uns de ces conseils sont en même temps des juridictions disciplinaires, par exemple le conseil supérieur de l'instruction publique. La liste de ces conseils ou comités est considérable, on la trouvera à l'Almanach national. V. aussi Noëll, Les ministères.

Un fait intéressant à signaler, c'est qu'il y a tendance à changer le mode de recrutement de ces conseils. Autrefois ils avaient quelque chose d'immobile, ils étaient composés uniquement de fonctionnaires de l'administration centrale qui y demeuraient longtemps. Actuellement, il y a tendance à y introduire des fonctionnaires régionaux assez fréquemment renouvelés, et aussi des personnes étrangères à l'administration. Ils ont des sessions périodiques qui deviennent ainsi plus vivantes (conseil supérieur du commerce, conseil supérieur de l'assistance publique, conseil supérieur du travail, etc. Les conseils ou comités de la guerre ont été aussi très renouvelés). La plupart des membres de ces conseils sont nommés par les ministres; il est cependant des conseils où certains des membres sont élus par les intéressés, par exemple, le conseil supérieur de l'instruction publique (L. 27 févr. 1880).

(1) Le Conseil d'État de l'ancien régime avait été supprimé pendant la Révolution. Le Conseil d'État moderne date de la Constitution du 12 frimaire an VIII, art. 52. Nous verrons, dans la partie du contentieux, quel fut son rôle comme juridiction; comme conseil administratif, son importance a varié avec les régimes, elle a toujours été plus grande sous les régimes de pouvoir personnel que sous les régimes parlementaires; d'abord les régimes de pouvoir personnel donnent tous leurs soins à l'administration, de plus, le Gouvernement ayant seul l'initiative des lois, fait préparer celles-ci par le Conseil d'État. Il serait à souhaiter que sous le régime parlementaire, on suivit sur ce point les mèmes

errements.

Jes ministres qui ont rang et séance au conseil à des titres divers: le ministre de la Justice, garde des Sceaux, a même le titre de président du Conseil d'État et peut présider effectivement en matière administrative (1); en sens inverse, des membres du Conseil d'État sont détachés en mission; 3o le Conseil d'État fonctionne sous ce que nous appellerons les formations les plus diverses, tantôt en sections, tantôt en assemblée générale, tantôt en assemblée du contentieux, etc. Cette plasticité du Conseil d'État est une nécessité de gouvernement, elle répond à ce qu'il y ade varié, d'imprévu, de complexe dans l'administration quotidienne. Le personnel du Conseil d'État. (L. 3 mars 1849; D. O. 25 janv. 1852; L. 24 mai 1872; L. 25 févr. 1875; L. 13 juill. 1879; D. R. 2 août 1879; L. 1er juill. 1887; L. 30 nov. 1895; L.13 avr. 1900; Décr. 30 mars 1897, modifié par Décr. du 11 mai 1900 et du 7 août 1900; L. 8 avr. 1910, art. 96 et 97). — Il faut distinguer l'organisation générale du personnel et l'organisation en vue du travail, ce que nous appellerons les formations du conseil.

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A. Organisation générale du personnel fixe du Conseil d'État. se subdivise en un personnel de carrière dit ordinaire et un personnel extraordinaire.

Le personnel ordinaire comprend: 1o un vice-président nommé par décret et choisi parmi les conseillers en service ordinaire; un secrétaire général placé à la tête des bureaux du conseil, ayant rang et titre de maître des requêtes; un secrétaire spécial attaché au contentieux; 2o trois catégories de membres, des conseillers d'État en service ordinaire, des maîtres des requêtes, des auditeurs (2). Il y a 35 conseillers en service ordinaire; 37 maîtres de requêtes (3); 18 auditeurs de première classe et 22 de seconde classe (4); total, 112 membres du personnel ordinaire.

(1) Des personnages ayant des connaissances spéciales peuvent être appelés à prendre part aux séances avec voix consultative (L. 1872, art. 14); les conseillers, maîtres des requêtes et auditeurs de première classe, actuellement délégués dans les fonctions publiques, aux termes de l'art. 3 de la loi du 13 juill. 1879, ont cependant entrée au conseil (R. 2 août 1879, art. 3).

(2) Il faut observer que cette division des membres du conseil en catégories, qui est d'ailleurs très ancienne, correspond à une division du travail. On peut dire sommairement que les conseillers d'État formulent les délibérations, tandis que les maîtres des requêtes et les auditeurs préparent les affaires. Il faut observer, en outre, qu'il n'y a pas dans ces trois classes un avancement hiérarchique régulier. Le chef de l'État n'est tenu de prendre qu'un conseiller d'État sur deux parmi les maîtres des requêtes; il n'est tenu de prendre les maîtres des requêtes parmi les auditeurs de première classe que jusqu'à concurrence des trois quarts des places. On saisit là la préoccupation de conserver une certaine mobilité, même au personnel fixe du conseil (L. 13 avr. 1900, art. 24 et L. 8 avr. 1910, art. 97).

(3) La loi du 8 avril 1910, art. 97, a porté le nombre des conseillers en service ordinaire de 32 à 35; la loi du 13 avril 1900 avait porté le nombre des maitres des requêtes de 30 à 32; celle du 8 avril 1910, art. 97, l'a porté de 32 à 37.

(4) La loi du 13 avril 1900 a porté le nombre des auditeurs à 40, dont 18 de première classe.

Quant au personnel extraordinaire, il se compose uniquement de 21 conseillers (1). Ce sont de hauts fonctionnaires de l'administration active, généralement de grands directeurs des ministères, qui reçoivent l'entrée au Conseil d'État et assurent ainsi la collaboration de l'administration active et du conseil. Les conseillers d'État en service extraordinaire sont nommés par décret simple; ils perdent leur titre de plein droit, dès qu'ils cessent d'appartenir à l'administration active (L. 1872, art. 5, § 1).

Organisation corporative du conseil. Le personnel ordinaire du Conseil d'État est organisé d'une façon très particulière en ce sens que trois catégories de membres, les conseillers, les maîtres des requêtes, les auditeurs sont associés au même travail, tout en étant séparés par la triple différence de l'âge, du traitement et des attributions. De ces différences, la plus importante est celle de l'âge; les conseillers sont d'un âge plus mûr que les maîtres des requêtes et les auditeurs sont des jeunes gens. Le Conseil d'État bénéficie ainsi de la collaboration d'hommes qui sont aux différents âges de la vie, de l'expérience des uns, de l'ardeur au travail des autres, de l'émulation que provoque chez tous le rapprochement des générations échelonnées. Il est un microcosme, il rappelle en petit les conditions ordinaires de la collaboration sociale. De plus, il se recrute lui-même, en ce sens que les auditeurs de seconde classe y font leur entrée à la suite d'un concours dont le jury est puisé dans son sein. Cette heureuse organisation se trouve reproduite à la Cour des comptes où il y a aussi des conseillers maîtres, des référendaires et des auditeurs; elle se retrouve aussi, avec des variantes, dans les Facultés et Universités de l'enseignement supérieur où collaborent des professeurs titulaires, des agrégés, des chefs de travaux, des préparateurs recrutés par des concours universitaires, etc. Si l'on va au fond des choses, cette organisation est d'essence corporative, et sans doute l'ancien régime l'avait-il empruntée aux maîtrises et jurandes qui comptaient dans leur sein des maîtres qui se recrutaient entre eux, des compagnons et des apprentis. Toujours est-il qu'elle se révèle féconde et qu'elle devrait être appliquée à toutes les grandes institutions. Si, par exemple, on compare au Conseil d'État la Cour de cassation, uniquement composée de magistrats au terme de leur carrière, on ne peut pas ne pas être frappé de la différence de rendement des deux institutions. Sans doute, si la corporation était fermée, cela constituerait un gros danger, mais elle est ouverte, ainsi qu'il sera facile de s'en rendre compte par les règles ci-après.

Conseillers d'État en service ordinaire.

Ils sont nommés et révo

qués par décret rendu en conseil des ministres (L. 25 févr. 1875, art. 4).

(1) La loi du 30 novembre 1895 avait ajouté un conseiller en service extraordinaire aux dix-huit qu'il y avait précédemment et celle du 8 avril 1910, art. 97, en a encore ajouté deux.

Ils doivent avoir quarante ans accomplis (L. 13 juill. 1911, art. 90), aucune autre condition de capacité. Le chef de l'État est tenu de prendre un conseiller sur deux parmi les maîtres des requêtes (L. 13 avr. 1900, art. 24).

Maîtres des requêtes. Les maîtres des requêtes, le secrétaire général et le secrétaire spécial du contentieux, sont nommés par décret du Président de la République sur présentation du vice-président et des présidents de section, ils ne peuvent être révoqués que par un décret individuel, après avis des présidents (art. 5, §§ 2, 3 et 4). Age minimum, trente ans (L. 13 juill. 1911, art. 90) trois sur quatre sont pris parmi les auditeurs de première classe (L. 8 avr. 1910, art. 97), ceux qui ne sont pas pris parmi les auditeurs de 1re classe en exercice, doivent justifier de dix ans de services civils ou militaires (L. 13 juill. 1911, art. 90).

Auditeurs. Les auditeurs de première classe sont choisis exclusivement parmi les auditeurs de seconde classe actuellement en exercice, ou parmi les anciens auditeurs sortis du conseil qui comptent quatre années d'exercice soit de leurs fonctions, soit des fonctions publiques auxquelles ils auraient été appelés. Ils sont nommés par décret du Président de la République. Le vice-président et les présidents de section sont appelés à faire des présentations (L. 13 juill. 1879, art. 2). Ils ne doivent avoir ni moins de vingt-cinq ans, ni plus de trente-quatre ans au 1er janvier de l'année de leur nomination (L. 1er juill 1887, modifiée par L. 31 janv. 1907, art. 80). La durée de leurs fonctions n'est pas limitée. Les trois quarts au moins des places de maitres des requêtes leur sont réservées (L. 8 avr. 1910, art. 97).

Les auditeurs de deuxième classe sont nommés au concours dans les formes et aux conditions déterminées dans un règlement que le Conseil d'État est chargé de faire (V. Décr. 30 mars 1897, modifié par Décr. 11 mai 1900 et 7 août 1900). Nul ne peut être nommé s'il n'a eu, au 1er janvier de l'année du concours, vingt et un ans au moins et vingt-six ans au plus (1), s'il n'est Français, jouissant de ses droits, et s'il ne justifie avoir satisfait aux obligations du recrutement; certains diplômes sont exigés. Les auditeurs de deuxième classe ne restent en fonctions que pendant huit ans (L. 1er juill. 1887; L. 13 avr. 1900, art. 24) (2).

(1) Cette limite d'âge sera abaissée à vingt-cinq ans pour les candidats qui ne justifient pas d'un an de présence sous les drapeaux.

(2) Chaque année, le Gouvernement fait connaître par une décision prise en conseil des ministres et insérée au Journal officiel, les fonctions qui seront mises à la disposition des auditeurs de deuxième classe qui auront au moins quatre ans de service. Ces fonctions sont les suivantes: commissaire du Gouvernement près le conseil de préfecture de la Seine; secrétaire général d'une préfecture de première ou de deuxième classe; sous-préfet de première ou de deuxième classe; substitut dans un tribunal de deuxième classe.

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