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disciplinaire a été fait, on ne peut appliquer d'autre pénalité que celles qu'il a prévues (Cons. d'Ét., 17 févr. 1911, Jasseron); enfin la violation d'une circulaire prend, au regard du corps des fonctionnaires auxquels cette circulaire s'applique, la valeur d'une violation d'un règlement ou d'une loi (Cons. d'Ét., 6 août 1909, Rageot).

Mais il faut que la disposition légale ou réglementaire soit obligatoire pour l'administration, c'est-à-dire qu'elle soit impérative; or, il se peut qu'elle soit simplement indicative ou permissive, auquel cas la violation de la disposition ne constitue pas une violation de la loi (Cf. ma note dans Sirey 1913. 3. 17 sous Cons. d'Ét., 26 janvier 1912, commandant Blot) (1).

La violation de la loi n'est pas nécessairement intentionnelle; ce peut être une fausse application ou une fausse interprétation, de la loi. En d'autres termes, une erreur de droit (2).

La violation de la chose jugée en droit est assimilée à une violation de la loi (Laferrière, op. cit., t. II, p. 537; Cons. d'Ét., 8 juill. 1904, Botta, S. 1905. 3. 81 et la note).

No 3. La procédure du recours pour excès de pouvoir (D. 2 nov. 1864;
L. 13 avr. 1900, art. 24; D. 16 juill. 1900).

On a vu p. 449 comment s'introduit l'instance: une requête est déposée au Secrétariat du Conseil, l'instruction est dirigée par une des sections du contentieux, un rapporteur est nommé et communication est immédiatement donnée de la requête au ministre que la matière concerne, il ne sera pas partie en cause, ne présentera pas de conclusions, mais seulement des observations. Un délai lui est en même temps indiqué pour produire sa réponse, ses observations, et toutes les pièces nécessaires au jugement de l'affaire. A l'expiration du délai, le Conseil d'État peut statuer (D. 16 juill. 1900, art. 6 et 10, § 2).

Il faut remarquer: 1° que c'est toujours à un ministre que la communication est faite, de quelque autorité que l'acte attaqué émane, et il n'y a pas à distinguer entre les autorités subordonnées, comme le préfet, et les autorités simplement soumises à tutelle, conseil général ou conseil municipal, parce qu'en effet c'est une affaire de surveillance et que le recours est dans l'intérêt de la bonne administration; 2° que le ministre

recours, car primitivement il ne s'agissait que de la violation des règlements généraux (V. Laferrière, op. cit., t. II, p. 537).

(1) Ceci est une question nouvelle que je me suis permis de soulever à l'occasion de dispositions réglementaires réservant certainement à l'autorité militaire un pouvoir discrétionnaire très large. Il m'a paru que la distinction des lois impératives et des lois permissives, qui a son application vis à-vis des particuliers, devait l'avoir aussi vis-à-vis de l'administration.

(2) Quant à l'erreur de fait, elle n'est pas une ouverture à recours pour excès de pou voirs (V. suprà, p. 439).

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n'est pas véritable partie en cause, il n'y a pas litige entre des parties (Cons. d'Ét., 8 déc. 1899, Ville d'Avignon); c'est une instance dans laquelle il n'y a pas de véritable défendeur, l'acte lui-même est attaqué in rem.

D'autres personnes peuvent être appelées en cause, d'ailleurs, si l'acte les intéresse et si la section du contentieux le juge à propos.

Il peut aussi y avoir intervention spontanée, et, même, sont recevables à intervenir ceux qui n'auraient pas un intérêt absolument direct et personnel. On reconnaît plus facilement qualité pour intervenir que pour former le pourvoi. L'autorité administrative qui a fait l'acte ne peut pas intervenir, puisqu'elle est représentée par le ministre (1).

L'affaire pourrait être retenue par la section du contentieux, comme toutes celles qui sont dispensées du ministère de l'avocat, mais en fait, à raison de l'importance du recours, elle est jugée par l'assemblée du Conseil d'État statuant au contentieux.

N° 4.

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Les pouvoirs du juge; la nature et les effets de la décision.

1o La décision ne peut que rejeter le recours ou prononcer l'annulation de l'acte attaqué (art. 9, L. 24 mai 1872); en réalité, si elle prononce l'annulation, elle ne fait qu'anéantir l'effet de droit de la décision exécutoire qui, ne l'oublions pas, aurait pu être spontanément retirée par son auteur ou aurait pu être annulée par le supérieur hiérarchique; l'annulation par le Conseil d'État produit, en principe, les mêmes effets que le retrait de l'acte et elle ne doit pas en produire d'autres. De là les conséquences suivantes :

a) Le Conseil d'État ne peut ni modifier ni amender l'acte, car ce serait faire un acte administratif nouveau; mais l'annulation peut n'être que partielle. Ainsi, dans un règlement de police, on peut n'annuler que certains articles, ou même certaines prescriptions divisibles d'un même article. Il faut reconnaître que l'annulation partielle ressemble à une réformation, il subsiste cette différence, cependant, qu'il n'y a pas d'élément nouveau introduit;

b) Il n'appartient pas au Conseil d'État de prescrire les mesures qui devront être prises par l'administration comme conséquence de l'annulation prononcée, ce qui comporte les hypothèses suivantes :

a) Il s'agirait, après l'annulation d'une décision qui a modifié des situations établies, de remettre les choses en l'état; il n'appartient pas

(1) Le ministre est le défenseur de l'acte au nom de la puissance publique, c'est une des formes de l'unité de la puissance publique établie par la hiérarchie et la tutelle, par conséquent, l'autorité qui a fait l'acte n'est pas admise à intervenir (Cons. d'Ét., 11 janv. 1878, Radaroux); quant à la personne administrative au nom de laquelle a été fait l'acte, le Conseil d'État l'admet à intervenir si elle y a intérêt, mais la nature de cet intérêt n'est pas encore bien déterminée. Cf. Laferrière, t. II, p. 563 et un article préparé dans notre salle de travail, inséré dans la Revue générale du droit, 1903.

au Conseil d'État de le faire, d'ordonner par exemple la réintégration de fonctionnaires indûment révoqués (Cons. d'Ét., 16 janv. 1874, Frères de la Doctrine chrétienne; 9 juin 1899, Toutain); d'ordonner la destruction de travaux exécutés en vertu d'une décision reconnue illégale (Cons. d'Ét., 20 avr. 1883, de Bastard) ou le rétablissement d'un crédit supprimé dans un budget (Cons. d'Ét., 21 nov. 1902, Commune de Daon) (1);

3) Il s'agirait pour le Conseil d'État, après avoir annulé le refus de l'administration d'accorder à un individu une permission ou une autorisation, de se substituer à l'administration pour accorder l'autorisation ou la permission: il ne le peut pas. Ainsi il ne peut pas, après avoir annulé un refus de délivrer un alignement ou une permission de bâtir ou une autorisation de barrage ou un refus d'accorder une dérogation à la loi sur le repos hebdomadaire, délivrer les permissions à la place de l'autorité qui aurait dû le faire (Cons. d'Ét., 4 déc. 1903, Blaise. V. cependant Cons. d'Ét., 3 févr. 1911, de Hillerin, S. 1912. 3. 17, et la note, en cas d'approbation de droit de statuts de sociétés de secours mutuels);

Y) Il ne lui appartient pas non plus de statuer sur des conclusions pécuniaires que le demandeur joindrait à son recours, soit qu'il réclame le remboursement de dépenses faites à l'occasion de l'exécution de l'acte annulé (Cons. d'Ét., 28 juill. 1876, Commune de Géry; 30 avr. 1880, Commune de Philippeville; 27 janv. 1899, Commune de Blanzac; 21 juill. 1911, Durand; 10 nov. 1911, Dejardin); soit qu'il demande des dommages-intérêts à raison de tout autre préjudice (Cons. d'Ét., 29 juin 1883, Archevêque de Sens). C'est une nouvelle question à débattre au contentieux ordinaire.

Sur les conséquences de l'annulation d'une décision exécutoire, par rapport au sort d'un traité ou d'un contrat qui aurait pu s'appuyer sur la décision annulée (V. les conclusions de M. Romieu, sous Cons. d'Ét., 4 août 1905, Martin, Lebon, p. 750). Le contrat ne sera pas résolu de plein droit, ce sera au juge du contrat à voir s'il doit l'être.

2o La décision est soumise à la règle de l'autorité de la chose jugée

(1) Au point de vue des conséquences de droit de la décision et de la restitution de l'intéressé dans son droit, c'est-à-dire dans la situation qui lui avait été enlevée par la décision annulée, on pourrait peut-être faire une distinction entre les actes simple ment annulables pour excès de pouvoir et les actes inexistants, parce qu'ils résultent par exemple d'un abus de pouvoir évident ou d'une voie de fait. Si la voie du recours pour excès de pouvoir est employée pour faire tomber ces apparences d'actes inexistants, le Conseil d'État ne refuse pas de prononcer, mais il déclare « la prétendue, décision nulle et de nul effet » (Cons. d'Ét., 28 juill. 1911, Gillot). Dans ces conditions il semblerait qu'il n'y eût pas besoin d'une nouvelle décision de l'administration pour replacer l'intéressé dans une situation qui, en réalité, n'a jamais été modifiée. Cf. la très intéressante étude de M. Alcindor, Essai d'une théorie des nullités en droit administratif, Paris, 1912.

sous les distinctions suivantes : 1° la décision du Conseil d'État est irré vocable; 2o quant aux effets à l'égard des tiers, il faut distinguer :

a) Si le recours est rejeté, il n'est pas dérogé aux règles ordinaires de l'art. 1351. Le rejet ne fera donc obstacle à une nouvelle demande que si celle-ci émane de la même partie agissant dans la même qualité, si la demande a le même objet et si elle est fondée sur le même moyen d'annulation;

b) Si l'acte a été annulé, l'annulation produit ses effets erga omnes << objectivement », elle fait disparaître l'acte aussi complètement que s'il était rapporté par son auteur. Si donc l'acte attaqué était un règlement de police municipale, l'annulation profite à tous les habitants de la commune et, même, toutes les poursuites engagées pour contravention tombent de plein droit (Cass., 25 mars 1882, Darsy)(1);

Depuis quelque temps, le Conseil d'Etat se préoccupe d'assurer l'effet de la chose jugée sur excès de pouvoir vis-à-vis de l'Administration. Ce n'est pas que celle-ci ait jamais refusé d'obtempérer et de déduire les conséquences de droit de l'arrêt d'annulation, mais elle y met plus ou moins d'empressement. Aussi, lorsque le conseil annule le refus d'une autorité de faire un acte auquel elle était obligée, a-t il pris l'habitude de renvoyer le requérant devant l'autorité compétente pour obtenir la décision à laquelle il a droit.

Cette procédure de renvoi à l'administration pour faire ce que de droit aurait cet avantage que, par là, l'administrateur serait chargé expressément d'exécuter et qu'au cas de refus définitif, cela ferait apparaître à sa charge une responsabilité pour fait personnel (Cf. conclusions Chardenet sous Cons. d'Ét., Sains-les-Fressins, 28 juill. 1911, Lebon, p. 913, et ma note dans Sirey 1911. 3. 121, sur l'affaire Fabrègues, Cons. d'Ét., 22 juill. 1910, V. suprà, p. 389) ou tout au moins, à la charge de l'administration, une responsabilité pour faute de service.

3o La décision rendue sur le recours pour excès de pouvoir est susceptible d'un recours en revision (art. 32, D. 22 juill. 1806 et art. 23, § 2, L. 24 mai 1872), mais la tierce opposition n'est pas recevable contre. elle, même de la part des intéressés qui dans l'instance auraient pu intervenir spontanément (Cons. d'Ét., 8 déc. 1899, Ville d'Avignon, S. 1900. 3. 73, et la note): « Considérant que les instances engagées par application des dispositions des lois des 7-14 octobre 1790 et 24 mai 1872 n'ont pas le caractère de litiges entre parties... qu'on ne saurait ouvrir à des intéressés la voie de la tierce opposition pour remettre en discussion des décisions d'annulation rendues définitivement par le Conseil d'État à l'égard de tous » (2).

(1) Ainsi s'affirme le caractère « objectif » et disciplinaire du recours pour excès de pouvoir, même quand il est intenté pour violation de la loi et des droits acquis.

(2) Cette décision très importante constitue un changement de jurisprudence, car l'arrêt du 28 avril 1882, Ville de Cannes, avait déclaré la tierce opposition recevable de la

SECTION IV. LES OPÉRATIONS ADMINISTRATIVES ET LE CONTENTIEUX

DE LA PLEINE JURIDICTION.

$ 1.

Les opérations administratives.

Nous savons que le contentieux de la pleine juridiction vise les conséquences juridiques de l'exécution des opérations administratives entreprises par l'administration pour la gestion des services publics (V. suprà, p. 413). Trois questions doivent être examinées :

1° Quelles sont les opérations administratives;

2° Quelles sont les conséquences juridiques de l'exécution de ces opérations telles qu'elles se présentent dans le contentieux de la pleine juridiction;

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3° Quelles sont les règles des recours contentieux de pleine juridiction. Le présent paragraphe sera consacré à l'examen de la première question. I. Généralités sur les opérations administratives. Nous avons déjà donné plus haut la définition de « l'opération administrative » parce qu'il s'agissait de la distinguer de la « décision exécutoire » et d'établir entre ces deux notions une opposition qui fût explicative de celle qui existe entre le contentieux de la pleine juridiction et le contentieux de l'annulation (V.suprà, p. 410 et s.). Nous ne reproduirons pas ici tous nos développements; nous nous bornerons à rappeler que la décision exécutoire est un acte simple dont l'effet de droit est envisagé en tant qu'il se produit avant toute exécution de fait; tandis qu'au contraire, l'opération administrative est un complexe de décisions exécutoires et de mesures d'exécution, dont l'effet de droit est envisagé dans les résultats de l'exécution finale qui aboutit au but administratif visé. En d'autres termes il y a l'opposition entre ce qui est décidé et ce qui est opéré.

Il y a deux catégories d'opérations administratives: l'opération du service qui consiste dans le fonctionnement même des divers services administratifs et les opérations accessoires qui ne sont pour les services que des moyens de gestion plus ou moins éloignés.

A. Les opérations accessoires ou moyens de gestion des services publics. - Les opérations administratives les plus connues sont les opérations. accessoires, parce qu'elles sont nommées depuis longtemps et que les lois administratives s'en sont occupées, soit pour déterminer leurs règles de

part des intéressés qui auraient pu intervenir; elle indique chez le Conseil d'État l'intention de conserver rigoureusement au recours pour excès de pouvoir le caractère de voie de nullité objective que nous lui reconnaissons; il n'y a pas, dit notre arrêt, litige entre les parties; cela revient à dire il n'y a pas de parties faisant valoir des droits et c'est pour cela que la tierce opposition n'est pas recevable, parce qu'elle suppose une condition qui ne saurait être remplie ici, elle suppose que l'arrêt préjudicie des droits (Laferrière, Il, p. 565). Cf. Revue d'administration, 1900, I, p. 158, et les observations de M. Le Gouix.

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