(tandis que, dans cette hypothèse, la loi du 9 avr. 1898, art. 20, § 2, majore l'indemnité pour accident à la charge du patron); 4° elle n'est pas responsable lorsque la victime de l'accident était elle-même en faute, notamment lorsque l'accident survenu à un militaire est le résultat de la désobéissance de celui-ci aux ordres qu'il avait reçus (Cons. d'Ét., 26 juill. 1907, Bernard) ou bien la responsabilité peut être partagée (Cons. d'Ét., 7 août 1909, Préfet de la Creuse) (1). Des relations de la faute de service avec la décision exécutoire. faut bien faire attention que la faute de service suppose des faits d'exécution; il ne saurait en être question lorsque le tort causé ne peut être rattaché ni à l'exécution d'un service ni à l'exécution d'une opération administrative, mais résulte du seul effet de droit d'une décision exécutoire et, par conséquent, n'est pas un préjudice pécuniaire, mais un simple tort juridique. Cela revient à dire que l'administration n'est pas responsable pécuniairement des effets de droit causés par ses décisions exécutoires, même lorsque celles-ci sont fautives, tant qu'elles ne sont pas exécutées, et que sa responsabilité pécuniaire ne commence qu'avec l'exécution (2). Mais la portée de ce principe, que pendant un temps on a été porté à (1) On trouvera le développement de cette théorie spéciale de la faute de service ou faute de l'entreprise, avec les références à l'appui, dans une note sous les décisions, Cons. d'Ét., 10 février 1905, Tomaso Greco et 17 février 1905, Auxerre, (S. 1905. 3. 113). On y verra les raisons pour lesquelles elle doit être jugée plus fine que la théorie du risque de l'entreprise et beaucoup plus avantageuse pour l'administration publique : 1o la théorie du risque de l'entreprise, dans sa brutalité, n'est tolérable dans la matière des accidents industriels que parce que les chefs d'entreprise sont assurés, or, l'administration n'est pas assurée et ne peut pas s'assurer contre les fautes de service; 2o en matière d'accident industriel, l'indemnité est forfaitaire et déterminée par la loi; cette fixation à forfait était impossible pour les préjudices résultant de fautes de service; 3o la théorie du risque a l'inconvénient d'éliminer toute préoccupation morale de diligence ou de zèle dans l'accomplissement de la fonction, or l'institution administrative a un besoin urgent de cet élément moral. M. Michoud adhère complètement à cette idée de la supériorité de la théorie de la faute sur la théorie du risque (Théorie de la personnalité morale, II, p. 277). La théorie du risque ou de l'accident est, au contraire, celle admise par la loi du 9 juin 1853, art. 11, § 2, sur les pensions exceptionnelles du personnel civil (Cons. d'Ét., 4 mai 1906, de Gislain); elle est aussi celle des lois sur les pensions militaires et sur les pensions servies aux gens de mer. Aussi, dans toutes ces hypothèses, le Conseil d'État parie couramment de l'accident qui donne droit à pension et il ne soulève plus la question de la faute de service. V. Cons. d'Ét., 1er février 1907, Delaunay, Chionga, etc. Ainsi, théorie de la faute pour l'indemnité qui n'est pas réglée sous forme de pension et théorie de l'accident et du risque pour l'indemnité réglée sous la forme de pension; la divergence est curieuse et mériterait d'ètre étudiée de près (V. Cons. d'Ét., 21 janv. 1910, Bally). (2) Par conséquent, de ce qu'une décision administrative aura été annulée pour excès de pouvoir, il ne s'ensuit pas nécessairement qu'une indemnité puisse être demandée. Si la décision n'a jamais été exécutée la question de l'indemnité ne se posera pas. s'exagérer, doit être restreinte par cette considération qu'il y a peu de décisions exécutoires qui puissent produire leurs pleins effets sans être suivies de mesures d'exécution; or, la mesure d'exécution entraîne immédiatement la responsabilité pécuniaire. Soit la décision exécutoire révoquant un fonctionnaire; assurément, par elle-même et par le seul effet juridique qu'elle produit, cette décision ne saurait engager la responsabilité de l'administration; mais tout va dépendre des mesures d'exécution qui seront prises. Si la révocation est injuste et que cependant la décision ait été exécutée, il y aura indemnité; si la révocation est régulière et juste et si une indemnité de congé est spontanément offerte à ce fonctionnaire, ou si, simplement, un délai de congé suffisant lui est accordé, avec traitement, pour qu'il ait le temps de trouver une autre situation, il n'y aura pas faute de l'Administration, sinon, sa responsabilité sera encore encourue pour faute de service (Cons. d'Ét., 11 déc. 1903, Villenave, S. 1904. 3. 121 et la note; Lacourte, 15 févr. 1907, S. 1907.3. 49 et la note; 31 mars 1911, Blanc, Argaing et Bézie; trois arrêts, S. 1912. 3. 129 et la note). Dans bien des hypothèses, où l'on se croirait au premier abord uniquement en face d'une puissance publique irresponsable parce qu'elle aurait pris une simple décision exécutoire, on découvre ainsi que le fait dommageable peut se rattacher à l'exécution de la décision, et, dès lors, de ce point de vue de l'exécution, l'indemnité apparaît possible. Cette juxtaposition du point de vue de l'exécution à celui de la décision exécutoire doit être observée avec soin dans les matières de police. Sans doute, les dispositions d'un règlement de police, même illégales ou imprudentes, tant qu'elles ne sont pas envisagées dans leur exécution, ne sauraient engager la responsabilite de l'État, car elles constituent une décision exécutoire qui, dans le pur état de droit qu'elle crée, n'entraîne aucune responsabilité pécuniaire (1). Mais, déjà, des injonctions individuelles adressées à un intéressé et à lui notifiées, peuvent être considérées sous le rapport de l'exécution (Cons. d'Ét., 15 juin 1864, Compagnie des Combes; 6 mars 1903, Chemin de fer du Midi; 11 déc. 1903, Favril et Flacon; Cf. 31 janv. 1902, Grosson). Déjà, le fait de n'avoir pas pris un règlement de police indispensable au maintien de l'ordre peut être en visagé sous le rapport de l'exécution, car c'est en tant qu'exécuté que ce règlement eût été indispensable (Cons. d'Ét., 10 mars 1911, Larue). En effet, il y a autre chose dans les matières de police que l'exercice du pouvoir réglementaire, il y a l'exécution de mesures d'ordre, c'est à-dire qu'il y a de l'opération. Il faut donc bien se garder de dire, d'une façon absolue : « l'État n'est pas responsable des mesures de (1) Cons. d'Ét., 23 juin 1882, Larbaud. Cf. Laferrière, op. cit., II, p. 187; cf. 20 mai 1892. Grandjean; 13 janvier 1893, Cazeaux. police », ou bien <<< l'État n'est pas responsable en tant que puissance publique ». Cela dépend des mesures de police, il y en a qui sont relatives à l'exécution d'un service d'ordre et qui doivent entraîner responsabilité. Une jurisprudence persévérante, s'appliquant ainsi fermement à relever tous les cas d'exécution de services ou d'exécution d'opérations ou d'exécution de décisions qui se cachent derrière la façade des décisions exécutoires, arrivera à établir d'une façon très large la responsabilité de la puissance publique en cas de faute de service (1). Du champ d'application de la théorie administrative de la responsabilité pour faute de service. Il faut partir de la que cette théorie est administrative, c'est-à-dire postule la compétence des tribunaux administratifs. Les recours en indemnité sont des recours contentieux ordinaires qui exigent le ministère d'un avocat au Conseil d'État (Cons. d'Ét., 7 juill. 1899, Seytre); ils ne peuvent être formés qu'après une réclamation administrative, laquelle, s'il s'agit de l'administration de l'État, doit avoir été adressée au ministre compétent; on se pourvoit contre la décision explicite, si le ministre en a rendu une; on se pourvoit contre la décision explicite de rejet si le ministre a gardé le silence pendant quatre mois (L. 17 juill. 1900; Cons. d'Ét., 31 juill. 1896, Carré; 6 janv. 1899, Hoegestrand; 15 févr. 1901, Kaszelik, etc.); s'il s'agit d'une administration départementale ou communale, la réclamation doit être adressée au conseil général cu au conseil municipal et le reste s'ensuit. La théorie est administrative et postule la compétence administrative parce qu'elle a pour champ d'application l'exécution des services publics, laquelle s'accompagne toujours de puissance publique. Il est clair, en effet, que la responsabilité pour faute de service suppose un service public et envisage ce service du point de vue de son exécution. Dans les débuts, cependant, la théorie, n'étant pas complètement développée, ne s'appliquait qu'à l'exécution des services publics de l'État. En (1) Cons. d'Ét., 6 mai 1881, Tysack; 21 juillet 1882, Turnbull; 27 juin 1890, Chedruet Craquelin; 6 janvier 1899, Hægestrand. - Il s'agit d'accidents arrivés dans les ports maritimes à des navires du fait de l'officier de port ou pour insuffisance de balisage: ou encore d'accidents arrivés en rivière par suite d'insuffisance du service des crues (Cons. d'Ét., 13 janv. 1899, Société des produits céramiques de Boulogne); il y a évidemment là mauvaise exécution de services d'ordre (Cf. Cons. d'Ét., 27 févr. 1903, Zimmermann, S. 1905. 3. 17 et la note; pour la commune, Cons. d'Ét., 12 juill. 1912, Perpière). V. à ce point de vue la critique d'une décision du Conseil d'État, 13 juillet 1899, Lepreux, dans Sirey, 1900. 3. 1. Il s'agissait justement d'un accident occasionné par l'insuffisance d'un service d'ordre. Un revirement, probable après la décision Tomaso Greco du 10 février 1905, S. 1905. 3. 113 et la note, s'est affirmé après la décision Cons. d'Ét., 25 mai 1906, Leontieff. Cf. Rép., Béquet-Laferrière, vo Fonctionnaires, no 285. vertu d'anciennes traditions, l'exécution des services départementaux ou communaux était considérée comme constituant une opération privée plutôt qu'une opération publique et entraînait une responsabilité civile de ces administrations justiciable des tribunaux civils. Mais, depuis plusieurs années déjà, une évolution de jurisprudence était à prévoir, nous-mêmes l'avions fait pressentir dans notre sixième édition, p. 469 et 494; elle s'est réalisée en 1908 par une série d'arrêts énergiquement motivés du tribunal des conflits (Confl., 29 févr. 1908, Feutry, S. 1908. 3. 97 et la note; 11 avr. 1908, de Fonscolombe; 23 mai 1908, Joullié, S. 1909. 3. 49 et la note; Cons. d'Ét., 10 mars 1911, Hédoin; Cour de Bordeaux, 6 déc. 1909, S. 1910. 2. 164; Toulouse, 21 juill. 1909, S. 1911. 2. 282, note de M. Mestre; Cass., 26 févr. 1912, Commune d'Eyguière; Confl., 6 juill. 1912). Désormais, dans l'exécution de tous les services publics, qu'ils soient de l'administration locale ou de l'administration centrale, ou même des établissements publics, la responsabilité pour faute de service sera traitée administrativement. Comme, déjà, la responsabilité des colonies était, elle aussi, traitée de la même façon (Cons. d'Ét., 3 août 1906, Tinayre), on peut dire que l'unification est complète dans le sens de la théorie administrative (sur les anciennes distinctions, cf. Laferrière, op. cit., 11, p. 186 et 187) (1). La théorie de la responsabilité administrative pour faute de service ne cesse de s'appliquer que dans trois cas: 1o Lorsque le préjudice a été causé dans l'administration du domaine privé, parce que là il est entendu qu'il y a responsabilité civile et compétence des tribunaux civils (Confl., 30 mai 1884, Linas; cf. Laferrière, 1, 687; II, 191); 2o Lorsque, pour certains préjudices causés dans certains services, la compétence des tribunaux civils a été stipulée par la loi (2); (1) La compétence administrative, pour la responsabilité du fait de service, est admise par toutes les juridictions: par le tribunal des conflits (Confl., 30 mai 1850, Manoury; 1** févr. 1873, Blanco; 8 déc. 1893, Gessler; 27 juin 1903, Fargère; 15 avr. 1905, Debief; même quand les agents sont poursuivis en correctionnelle et l'État en responsabilité civile), par le Conseil d'État (Cons. d'Et., 6 déc. 1885, Rothschild; 15 avr. 1868, Bourdet, etc.); par la Cour de cassation (Cass., 4 avr. 1876, Larre-Brusset; 19 nov. 1883, Ministre de la Marine). Voici les considérants de la décision Blanco qui est fondamentale : << Considérant que la responsabilité qui peut incomber à l'État, pour des dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu'il emploie dans le service public, ne peut être régie par les principes du droit civil..., que cette responsabilité n'est ni générale ni absolue, qu'elle a ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l'État avec les droits privés ». (2) Par exemple, dans le service des douanes (L. 22 août 1791, titre XIII, art. 19: Confl., 23 janv. 1907, Comp. l'Abeille) mais c'est uniquement en ce qui concerne la perception des droits; en dehors de cette hypothèse, le droit commun impose la compétence administrative (Confl., 31 juill. 1875, Renaux; Cons. d'Ét., 14 déc. 1906, Currie; Laferrière, op. cit., I, p. 684; G. Teissier, op. cit., no 63); 2° le service des contribu 3o Pour les fautes commises dans l'exécution du service de la justice, lorsqu'elles donnent lieu à indemnité (Cons. d'Ét., 19 mai 1911, Lasabatie). Exemples de cas de responsabilité pour faute de service tirés de la jurisprudence. - Il s'agit seulement des exemples puisés dans la jurisprudence du Conseil d'État, par conséquent, surtout de cas de responsabilité de l'administration de l'État; en ce qui concerne les exemples de responsabilité départementale ou communale, le revirement qui s'est produit dans la compétence est encore trop récent pour avoir pu produire beaucoup de décisions; on trouvera surtout les exemples dans la jurisprudence des tribunaux civils antérieure à 1908(1). Même en ce qui concerne la responsabilité de l'État, le courant de jurisprudence n'est pas très ancien, il ne date guère que de 1872. Avant cette date, c'est-à-dire avant la loi du 24 mai 1872 qui fortifia le Conseil d'État en lui donnant justice déléguée, on ne rencontre guère qu'une série de décisions sur conflits qui, elle, remonte assez haut, mais qui n'a eu pendant longtemps qu'une valeur négative, à savoir que les tribunaux civils devaient être dessaisis de pareilles questions (Conflits, 21 sept. 1827, Lemercier; 26 juill. 1837, Allard: 30 mai 1850, Manoury, etc.). On rencontre aussi quelques décisions positives reconnaissant le principe de l'indemnité et l'une des premières doit être Cons. d'Ét., 11 août 1861, Glass, Elliot et Cie), dans une affaire d'abordage par un tions indirectes en matière de saisie mal fondée, non seulement pour les frais du procès et ceux de fourrière, le cas échéant, mais encore pour le préjudice que la saisie a pu causer (D. 1*r germ. an XIII, art. 29; L. 6 août 1905, art. 22. Cf. Conflits, 27 juin 1903, Fargère); 3o le service des postes et des télégraphes (L. 24 juill. 1793, art. 37; L. 5 niv. an V, art. 14 et 15; L. 29 nov. 1850, art. 6; L. 4 juin 1859, art. 3; L. 4 juill. 1868; D. 25 mai 1870; L. 25 janv. 1873, art. 4; Conv. 15 janv. 1892), tantôt, en cas de lettres ou dépèches ordinaires, les textes exemptent complètement l'État de la responsabilité, tantôt, en cas de lettres ou d'objets recommandés ou de colis postaux, ils fixent l'indemnité à forfait, tantôt, en cas de valeurs déclarées ou de mandats télégraphiques, ils la fixent au montant de la valeur perdue, sauf certaines limitations. De même, en matière d'accidents survenus sur les chemins de fer de l'État, en vertu d'une disposition particulière de la loi, la responsabilité reste soumise aux règles du droit civil (L. 15 juill. 1845, art. 22) de même, pour les accidents arrivés à l'école pendant les heures de service, il y a responsabilité civile de l'État et compétence des tribunaux civils; seulement la responsabilité de l'État exclut celle des membres de l'enseignement (L. 20 juill. 1899); d'après la loi du 9 avril 1898, les accidents aux ouvriers de l'État entraînent compétence judiciaire, sauf pour les exceptions de l'art. 32; de mème les dommages occasionnés aux propriétés pour les exercices de tir, depuis la loi du 17 avril 1901. (1) V. Laferrière, op. cit., t. 1, p. 686; Michoud, De la responsabilité des communes à raison des fautes de leurs agents (Rev. du droit public), 1897.1.41; Perrin-Jacquet, De la responsabilité de communes en matière de police, Bordeaux, 1905. Il y avait ici une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation (Cass. req., 19 oct. 1898, Delimal; 18 nov. 1903, Boulogne-sur-Mer; 15 févr. 1904, Département de l'Aude; 3 avr. 1905, Ville de Boulogne, S. 1906. 1. 333 et la note de M. Appert; S. 1907. 1. 81, note Appert. |