enquête sur les demandes ayant pour objet : 1o l'établissement d'ourages intéressant le régime ou le mode d'écoulement des eaux; 2o la régularisation de l'existence des usines et ouvrages établis sans permission (art. 12); ils ne doivent tenir compte, sous peine de détournement de pouvoir, d'aucune autre considération que de celle du libre écoulement de l'eau (Cons. d'Ét., 22 mars 1901, Pagès, S. 1903. 3. 73 et la note; 10 juill. 1903, Croizet). — Les réclamations des parties intéressées contre l'arrêté du préfet peuvent se produire de deux manières, par un. recours administratif qui aboutit à un décret en Conseil d'État et par le recours pour excès de pouvoir (art. 13). - Les permissions peuvent être révoquées ou modifiées sans indemnité, soit dans l'intérêt de la salubrité publique, soit pour prévenir ou faire cesser les inondations, soit enfin dans le cas de réglementation générale en vue du partage des eaux. Dans tous les autres cas, elles ne peuvent être modifiées que moyennant indemnité (art. 14). Il y aurait détournement de pouvoir si l'administration cherchait, par là, à éviter des travaux de redressement ou d'élargissement du cours d'eau (Cons. d'Ét., 7 août 1903, Convert) (1). Les ouvrages construits avec autorisation ont titre légal ou existence légale (art. 12, § 2); cette expression signifie qu'ils existent en vertu d'un droit désormais parfait, droit fondé sur l'art. 644 du Code civil et complété par l'autorisation administrative; lorsque l'ouvrage est un barrage destiné à produire la force motrice d'une usine et qu'il est régulièrement autorisé, on dit que l'usine a une existence légale, en réalité le barrage seul a une existence, l'usine n'est envisagée que comme exploitant l'utilité du barrage; lorsqu'une usine a une existence légale et que l'utilité du barrage est amoindrie par le fait de l'administration, sans que celle-ci puisse invoquer les motifs de police énumérés dans l'art. 14, par exemple, par des travaux publics exécutés en rivière, l'usinier a droit à une indemnité basée sur l'importance actuelle de son usine (art. 48, L. 16 sept. 1807), mais ce n'est pas une indemnité d'expropriation, parce que l'usinier n'a pas la propriété de la pente de l'eau (Cons. d'Ét., 17 août 1857, Robo). aussi n'y a-t-il point paiement de redevances, c'est un moyen pour l'administration de s'assurer que la prise d'eau ne sera pas établie dans des conditions qui pourraient nuire à l'écoulement des eaux. (1) Les préfets statuent sur la révocation ou la modification des permissions en la même forme qu'ils les ont accordées (art. 12). - Les autorisations d'ouvrage sont données sous réserve des droits des tiers qui peuvent avoir droit à faire abaisser le barrage (art. 17) et elles ne font pas obstacle, non plus, à ce que les propriétaires ou fermiers des moulins ou usines soient garants des dommages causés aux chemins et aux propriétés si leurs retenues d'eau occasionnent des inondations (art. 15). Enfin, les maires peuvent prendre toutes les mesures nécessaires pour la police des cours d'eau (à l'exception des autorisations ou suppressions de barrages), par exemple prescrire à des usiniers de ne pas corrompre les eaux par des produits chimiques (art. 16). D. Police de l'utilisation des eaux; les règlements d'eau (L. 8 avr. 1898, art. 9). — Nous savons déjà que les riverains n'ont qu'un droit indivis à l'usage de l'eau. Cette indivision est de nature à susciter des contestations et des troubles et il y a lieu de pourvoir au maintien de la paix. Deux autorités ont ici compétence, le tribunal civil pour procéder au partage si les riverains le demandent (art. 645, C. civ.), le Chef de l'État pour régler le régime général du cours d'eau « de manière à concilier les intérêts de l'agriculture et de l'industrie avec le respect dû à la propriété et aux droits et usages antérieurement établis » (art. 9). Les compétences respectives des deux autorités se combinent de la façon suivante : 1o Les règlements d'eau rendus après enquête dans la forme des règlements d'administration publique opèrent le partage de l'eau entre des groupes d'intéressés (1), parce qu'ils doivent se placer au point de vue de l'intérêt général et que, s'ils procédaient au partage individuel, on en conclurait qu'ils statuent sur des contestations privées (Cons. d'Ét., 9 juin 1876, Canal de Nivolas); les jugements des tribunaux civils procèdent au partage individuel entre intéressés; 2o Les règlements d'eau s'imposent aux tribunaux comme une loi; lorsqu'ils sont antérieurs, les tribunaux doivent respecter le partage par groupes qu'ils ont opéré; lorsqu'ils sont postérieurs à la décision des tribunaux, ils rescindent cette décision en tant que besoin (Cons. d'Ét., 10 nov. 1882, Delcasso), ce qui n'est pas sans danger, particulièrement pour les usiniers. En fait, l'administration ne prend pas l'initiative des règlements d'eau, elle attend qu'on les sollicite. E. Police du curage. Le curage comprend tous les travaux nécessaires pour rétablir un cours d'eau dans sa largeur (2) et sa profondeur naturelles (art. 18) (3). L'opération du curage peut être prescrite pour (1) Par exemple, entre le groupe des arrosants et celui des usiniers, entre les arrosants de la rive droite et ceux de la rive gauche; le partage s'opère le plus souvent par des jours ou des heures d'arrosage, les uns le jour, les autres la nuit, les uns le matin, les autres le soir, etc., mais il peut s'opérer aussi par les dimensions des prises d'eau.. (2) Il ne s'agit pas de rétablir le cours d'eau dans son ancien lit et c'est pourquoi on a renoncé à la formule « curer à vieux fond et à vieux bord », on laisse le cours d'eau là où il s'est placé; il ne s'agit pas non plus de lui donner la largeur et la profondeur normales pour son volume d'eau, ce qui serait le canaliser; il s'agit simplement de ramener le lit actuel à son état naturel, c'est-à-dire d'enlever les boues et les alluvions qui ne sont pas encore arrivées à maturité (recreusement, repurgement); d'enlever les herbes (faucardement) et d'élaguer les branches (récépage). L'art. 18 ajoute qu'il n'est rien innové à l'égard des alluvions dont le sort est réglé par les art. 556 et 557 du Code civil; on sait que les alluvions sont la propriété des riverains, mais ce n'est qu'à la condition qu'elles soient mûres, c'est-à-dire qu'elles s'élèvent au-dessus du niveau des plus hautes eaux, jusque-là elles peuvent être enlevées par l'opération du curage et on en doit conclure que, jusque-là, elles font partie de l'eau courante. (3) Les travaux d'élargissement, de régularisation et de redressement des cours d'eau toutes les branches de cours d'eau qui présentent un intérêt général pourvu que ce soit une eau publique et courante (Cons. d'Ét., 25 févr. 1905, Lavril). Le Conseil d'État a, sur ce point, une jurisprudence très extensive (V. Cons. d'Ét, 17 mars 1899, de Saizieu; 27 janv. 1905, Mesureux; 22 janv. 1909, Leon Toussaint-Moreau). L'opération est à la charge des propriétaires intéressés au bon écoulement des eaux (le plus souvent des riverains), elle s'opère d'une façon collective sous la surveillance de l'administration; elle s'exécutait autrefois en vertu de la loi du 14 floréal an XI; cette loi est abrogée et remplacée par les dispositions de la loi du 8 avril 1898; c'est le préfet qui prescrit l'opération et qui est chargé d'en surveiller l'exécution (1), mais il faut distinguer deux hypothèses: 1o Il existe d'anciens règlements ou des usages locaux dont l'application ne présente pas de difficulté, les préfets sont chargés, sous l'autorité du ministre, de prendre les mesures nécessaires pour l'exécution de ces règlements et usages (art. 19); 2° Il n'y a pas d'anciens règlements ou usages locaux, ou leur application présente des difficultés, ou bien les changements survenus exigent des dispositions nouvelles, il sera constitué alors une association syndicale libre ou autorisée des propriétaires intéressés qui nécessitera un règlement d'administration publique (art. 20) (Cons. d'Ét., 25 mars 1901, Fercot; 23 nov. 1906, Barbier) (2). Si les tentatives faites en vue d'arriver à la constitution d'une association syndicale libre ou autorisée n'aboutissent pas, il est procédé de la façon suivante: un décret rendu en Conseil d'État, après enquête, règle le mode d'exécution des travaux, détermine la zone dans laquelle les propriétaires intéressés, riverains ou non riverains et usiniers, peuvent être appelés á y contribuer et arrête, s'il y a lieu, les bases générales de la répartition de la dépense, d'après le degré de l'intérêt de chacun à l'exécution des travaux (art. 21, 22, complétés par D. 13 nov. 1899 (3). De toutes façons, si les riverains n'exécutent pas le travail ou ne l'achèvent pas, il sera exécuté en régie à leurs frais (Cons. d'Ét., 28 mai 1906, Baudon). Dans toutes ces hypothèses, un certain nombre de règles communes s'appliquent les contributions pour le curage sont recouvrées en les mêmes formes et avec les mêmes garanties qu'en matière de contribu qui seront jugés nécessaires pour compléter les travaux de curage sont assimilés à ces derniers et leur exécution est poursuivie par les mêmes moyens (art. 25). (1) Jamais le maire n'est compétent, même s'il prescrivait le curage pour des raisons de salubrité publique (Cons. d'Ét., 19 avr. 1907, de Noüe). (2) Cependant le préfet serait compétent pour assurer, par des mesures temporaires Fécoulement des eaux, distinction entre le temporaire et le permanent (Cons. d'Ét., 23 déc. 1898, de Martin et autres). (3) Il y a des syndicats de curage qui fonctionnent régulièrement (V. Cons. d'Ét., 4 févr. 1906, Abault, syndicat de la rivière d'Orge). H. - PR. 37 tions directes; toutes les contestations sont de la compétence du conseil de préfecture (art. 23, 24) (V. encore les art. 26 à 28). § 4. Police des établissements dangereux, Les ateliers ou établissements dangereux, insalubres ou incommodes, sont exceptés du principe de la liberté du travail, en ce sens qu'ils ne peuvent être exploités qu'en vertu d'une permission administrative. Il ne faudrait pas voir, cependant, dans cette permission une concession de la part de l'État, c'est une simple mesure de police prise à l'occasion de l'exercice d'un droit. L'administration prend en mains les intérêts contradictoires de l'industriel et des voisins (car il s'agit d'inconvénients de voisinage) et les concilie en prescrivant des conditions et des précautions d'exploitation, elle fait l'affaire des uns et des autres (2). Le texte fondamental est le décret-loi du 15 octobre 1810 qui a créé de toutes pièces cette police et qui l'a établie sur les bases suivantes : 1o Il y aura des industries classées comme dangereuses, incommodes et insalubres, et, par conséquent, il y aura des catégories d'établissements classés; suivant leur degré de nocuité ou d'incommodité, ils seront distribués en trois classes, 1ro, 2o, 3o, la première classe étant réservée aux plus dangereux; 2o Tout établissement particulier appartenant à l'une des catégories d'industries classées sera soumis à l'autorisation préalable et à la surveillance de la police. A. Du classement des industries et des établissements non classés. Aux termes du décret de 1810 (art. 10), il appartient au Gouvernement seul de dresser le tableau de classement des industries et, par suite, des établissements dangereux, insalubres ou incommodes, et d'en faire la division en trois classes: ce classement ne peut être effectué que par voie de décret portant règlement d'administration publique (V. D. réglem., 3 avr. 1886, § 26) (1). Les établissements d'une industrie ancienne non encore classée peuvent (1) Bibliographie: Tambour, De la compétence en matière d'établissements dangereux, etc., 1886; Le Marois, Ateliers insalubres, dangereux, etc., 1883; Birnel, Établissements insalubres, etc, 1887; Porée et Livache, Traité des manufactures et ateliers dangereux, etc.; Avisse, Industries dangereuses, etc.; Dejamme, vo Établissements dangereux, Répert. Béquet-Laferrière, 1900. (2) C'est un cas de police avec opération à procédure réglée; ainsi s'explique l'existence d'un contentieux de pleine juridiction. - V. suprà, p. 523, l'hypothèse analogue de la démolition de l'immeuble menaçant ruine. (1) Des tableaux de classement avaient été annexés au décret du 15 octobre 1810, ils ont été plusieurs fois remaniés, le dernier tableau d'ensemble a été dressé par le décret du 3 mai 1886; on le trouvera reproduit dans le traité de M. Dejamme, no 30; dernière addition, D. 19 juin 1909. être créés et exploités sans autorisation, et les décrets de classement ultérieurs n'ont pas d'effet rétroactif, par conséquent, le préfet ne peut pas prononcer la suspension provisoire de l'établissement (D. 15 oct. 1810, art. 11; Cons. d'Ét., 28 janv. 1887, Pral; 16 juin 1899, Nessi). Il n'en est pas de même pour les industries nouvelles, les établissements qui se fondent avant que l'industrie ne soit classée sont exposés a la suspension provisoire prononcée par le préfet, et il est plus prudent de la part des industriels de demander une autorisation et un classement provisoires (0.14 janv. 1815, art. 5) (1). B. De l'autorisation des établissements appartenant aux catégories classées. - Aucun établissement destiné à une industrie classée ne peut étre ouvert sans autorisation, sinon le préfet et le maire peuvent le faire fermer par mesure de police - il y a quelquefois des autorisations temporaires. Une interruption d'exploitation pendant six mois entraîne la nécessité de demander une nouvelle autorisation. 1° Établissements de la première classe. - Les établissements de la première classe doivent être éloignés des habitations particulières. Il n'y a pas de distance réglementaire, c'est une question de fait à trancher pour chaque hypothèse (D. 1810, art. 1, § 2). L'autorisation est accordée par le préfet (D. 25 mars 1852, art. 2 et tableau B, no 7), après une enquête de commodo et incommodo ouverte dans toutes les communes à 5 kilomètres de rayon. La demande est affichée dans le même rayon pendant un mois (D. 1810, art. 3; 0. 14 janv. 1815, art. 4). S'il y a des oppositions, le conseil de préfecture donne son avis (D. 1810, art. 4). 2o Etablissements de la deuxième classe. Ce sont, d'après le texte : « les manufactures et ateliers dont l'éloignement des habitations n'est pas rigoureusement nécessaire, mais dont il importe néanmoins de ne permettre la formation, qu'après avoir acquis la certitude que les opérations qu'on y pratique sont exécutées de manière à ne pas incommoder les propriétaires du voisinage, ni à leur causer des dommages >>> (D. 1810, art. 1, § 3). « La permission qu'exige la mise en activité des établissements compris dans la seconde classe est accordée par les préfets, sur l'avis des sous-préfets » (art. 2, § 2). Les formalités sont les mêmes que pour la première classe, sauf qu'il n'y a pas d'affiches et que l'avis du conseil de préfecture n'est pas exigé sur les oppositions. 3o Établissements de la troisième classe. <<< Dans la troisième classe sont placés les établissements qui peuvent rester sans inconvénient auprès des habitations, mais doivent rester soumis à la surveillance de la police » (D. 1810, art. 1er, § 4). L'autorité compétente pour délivrer (1) La distinction entre les industries anciennes et les industries nouvelles est très fondée. Du moment que plusieurs décrets de classement se sont succédé sans se préoccuper d'une industrie ancienne parfaitement connue, c'est sans doute qu'elle ne présente pas de gros inconvénients, et on peut laisser libres les établissements qui se sont créés. |