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vo Travaux publics) (1). La cession amiable présente les caractères suivants :

1o Les contrats de vente, quittances et autres actes relatifs à la cession amiable, peuvent être passés dans la forme des actes administratifs, la minute restera déposée au secrétariat de la préfecture, expédition en sera transmise à l'administration des domaines (art. 56); tous ces actes participent de l'exemption des droits de timbre et d'enregistrement établie par l'art. 58;

2o La cession amiable est facilitée, en ce qui touche les biens appartenant à des incapables, par les règles posées en l'art. 13, §§ 1 à 3 de la loi du 3 mai 1841, et en ce qui touche les biens appartenant à des personnes morales, par les règles posées au même article, §§ 3 et 4;

3o La cession amiable, lorsqu'elle contient transfert de propriété, est assujettie aux mêmes formalités de publicité et de transcription que le jugement d'expropriation (art. 19, § 1), moyennant quoi, elle produit les mêmes effets au point de vue de la résolution des droits réels, des actions réelles et des droits du locataire. Elle produit aussi les mêmes effets au point de vue des privilèges et hypothèques, en ce sens que: 1° lesdits privilèges et hypothèques doivent, pour valoir sur le prix, être inscrits dans la quinzaine qui suit la transcription de la cession, sauf réserve du droit des femmes, mineurs, interdits, sur le montant de l'indemnité, tant qu'elle n'est pas payée; 2° il y a purge virtuelle des privilèges et hypothèques ainsi inscrits, et l'effet du droit de suite est réduit au droit de demander la fixation de l'indemnité par le jury;

4° L'administration peut, sauf les droits des tiers, et sans accomplir les formalités ci-dessus tracées, payer le prix des acquisitions amiables dont la valeur ne s'élèverait pas au-dessus de 500 francs (art. 19, § 2); 5o La cession amiable gratuite est dispensée des formes des donations. D. Le contentieux de l'expropriation et de la cession amiable. Bien que le droit d'expropriation soit un droit de puissance publique, depuis la loi du 8 mars 1810, dont la loi du 3 mai 1841 n'est qu'une réédition revue et corrigée, l'expropriation est une opération judiciaire dont le contentieux est, lui aussi, en partie judiciaire. Il faut, en effet, distinguer 1° dans la phase administrative de la procédure, l'acte déclaratif d'utilité publique et l'arrêté de cessibilité peuvent être l'objet de recours pour excès de pouvoir toutes les fois que leur existence matérielle n'est pas contestée et qu'il ne s'agit que d'apprécier leur validité (2); 2° à

(1) A noter, toutefois, la disposition de faveur de l'art. 58, in fine, relative à la resttution des droits perçus sur les acquisitions amiables faites dans les deux ans qui précèdent l'arrêté de cessibilité. Il peut se faire que ces deux ans remontent au delà de la déclaration d'utilité publique (Cf. Aucoc, op. cit., no 852).

(2) Si l'existence matérielle d'un de ces actes ou bien l'existence matérielle de l'enquête qui a dû précéder l'arrêté de cessibilité est contestée, le tribunal judiciaire qui doit vérifier cette existence matérielle avant de prononcer le jugement d'expropriation

partir du jugement d'expropriation, les incidents auxquels donne lieu la procédure normale d'expropriation se règlent devant le tribunal civil, par exemple, les contestations relatives aux offres réelles et à la prise de possession par l'administration; 3° il en est de même des difficultés que peuvent susciter les cessions amiables (1); 4o de même aussi des difficultés que peuvent susciter les engagements que l'administration prend parfois devant le jury d'expropriation (Cons. d'Ét., 6 avr. 1906, Ministre des Travaux publics).

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Le fait que le contentieux de l'expropriation pour cause d'utilité publique est devenu judiciaire, a eu une grande importance; il a donné naissance à la théorie de l'expropriation indirecte, toute favorable à la protection de la propriété privée, et qui a inspiré tantôt des dispositions particulières de loi, tantôt des décisions de jurisprudence. La théorie est la suivante : toutes les fois qu'en fait l'Administration, au cours d'une opération quelconque, s'est emparée d'un terrain appartenant à un particulier et qu'il en est résulté une dépossession définitive avec transfert de propriété les réclamations d'indemnité sont de la compétence judiciaire; l'expropriation pour cause d'utilité publique n'étant au fond qu'une dépossession définitive avec transfert de propriété entourée d'une certaine procédure protectrice, et les tribunaux judiciaires étant compétents, ils doivent l'être a fortiori lorsqu'il y a dépossession définitive et transfert de propriété sans procédure ou avec des procédures moins protectrices. Cette théorie a été appliquée par la loi elle-même: 1° à la dépossession définitive qui résulte de l'effet des plans d'alignement dressés pour l'élargissement ou le redressement des chemins ou des rues des villes (3);

est juge du fait. On a tranché par cette distinction entre l'existence matérielle des actes et leur validité, les difficultés de compétence qui pourraient s'élever entre les deux autorités (L. 3 mai 1841, art. 2 et 14).

1) La compétence judiciaire est tellement bien assise pour le contentieux des cessions amiables, qu'elle tient en échec la compétence administrative dans l'hypothèse où des travaux ont été stipulés comme condition de la cession: ces travaux, quoique exécutés sur le domaine public, perdent la qualité de travaux publics et le contentieux n'en est point porté au conseil de préfecture (Confl., 15 mars 1850, Ajasson de Grandsagne ; 24 juill. 1880, Latham; 20 nov. 1880, Thuillier. Cf. Aucoc, Conf., 3o édit., no 860). (2) Sanlaville, De l'occupation définitive sans expropriation, 1899 et Rev. ď’adm., 1888.

(3) L. 16 septembre 1807, art. 50, interprétée en ce sens, bien qu'antérieure à la loi de 1810, qui posa le principe de la compétence judiciaire (Av. Cons. d'Ét., 7-20 août 1839; 1 avr. 1841). Le transfert de propriété qui résulte de l'effet des plans d'alignement diffère de celui qui résulte de l'expropriation, d'abord en ce qu'il est opéré non pas par autorité de justice, mais par acte administratif, ensuite en ce que le paiement de l'indemnité n'est pas préalable à la prise de possession; l'indemnité est fixée par le jury. Cf. p. 721.

2o à celle qui résulte des décisions des conseils généraux ou des commissions départementales fixant la largeur des chemins vicinaux (1); 3° à celle qui résulte, en certains cas, de l'établissement des lignes télégraphiques et téléphoniques (2); 4o à celle qui résulte d'une occupation temporaire en matière de mines prolongée pendant plus d'une année (3).

Elle a été étendue par la jurisprudence: 1° à l'emprise qui résulte d'un acte de délimitation d'une dépendance du domaine public naturel, rivage de la mer ou lit d'un fleuve (V. p. 715); 2o à celle qui résulte de l'exécution de travaux publics, lorsque l'ouvrage public a été à tort établi en tout ou en partie sur une propriété privée (Confl., 26 mai 1894, de Gasté; 29 juin 1895, Sanières; Trib. de la Seine, 16 juill. 1896, Cauvin); 3° à celle qui résulte de l'interdiction permanente d'exploiter une mine située sous une voie ferrée; ou de l'interdiction faite à un propriétaire de relever le niveau d'une maison pour que la manœuvre d'un pont tournant demeure possible (Confl., 5 mai 1878, houillères de SaintÉtienne; Cons. d'Ét., 29 déc. 1860 et 9 févr. 1865, Letessier) (4). Et, d'une façon générale, lorsque le propriétaire, par suite d'une opération administrative quelconque a subi une dépossession définitive (Cons. d'Ét.. 15 juill. 1898, Beilon c. Compagnie des eaux du Ragas; 7 juin 1902. Parazols). Seulement, dans ces hypothèses, la propriété de l'immeuble n'est transférée à l'administration que par le jugement du tribunal civil qui statue sur l'indemnité; jusque-là, l'administration n'avait que la possession (5).

Le Conseil d'État manifeste même l'intention de l'étendre à d'autres formes de propriété que la propriété corporelle immobilière, par exemple

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Ici encore, l'indemnité n'est pas préalable à la prise par le juge de paix du canton, après expertise. Cf.

(2) L. 28 juill. 1885, art. 13. - Ici, l'indemnité est préalable à la prise de possession, mais réglée par le juge de paix après expertise; la dépossession définitive résultant surtout de ce que les travaux pénètrent à l'intérieur des maisons (Confl., 25 févr. 1893. L'hospitalier).

(3) L. 27 juill. 1880, art. 43. — Ici, l'indemnité est réglée par les tribunaux de première instance.

(4) Ces deux dernières hypothèses sont singulièrement voisines de la théorie des dommages permanents résultant des travaux publics et l'on sait que, dans les cas de dommage permanent, le contentieux relève du conseil de préfecture. Ce qui a fait pencher la balance en faveur de la théorie de l'expropriation indirecte et du contentieux judiciaire, c'est que le sous-sol de la voie et l'espace au-dessus de la maison avaient été vraiment annexés aux ouvrages publics; il y avait eu véritablement une appropriation par l'administration et par conséquent une sorte de transfert de possession joint à la dépossession définitive du propriétaire, tandis que le dommage permanen ne suppose qu'une privation de jouissance (Cf. Laferrière, Jurid. adm., t. I, p. 543. V. d'ailleurs, sur la théorie de l'expropriation indirecte, Sir., 1896. III. p. 33 en note). (5) Sur ces hypothèses, qui sont en réalité très délicates, V. une excellente note de M. Mestre sous Cass., 2 février 1909, S. 1912. 1. 577, Préfet de la Corse contre Casanova; V. aussi Sanlaville, op. cit.

à la propriété industrielle dans le cas où, par une concurrence déloyale, l'administration aurait dépossédé l'inventeur de son brevet (Cons. d'Ét., 31 juill. 1896, Carré). Elle peut, en effet, être étendue à toute forme de propriété et elle fournit une base à la compétence judiciaire pour toute atteinte au droit de propriété qui va jusqu'à la dépossession définitive (Sur la portée de cette jurisprudence relativement nouvelle qui donne une situation privilégiée aux droits qui revêtent la forme d'une propriété el qui entraîne en certains cas des compétences parallèles, V. p. 93).

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Observations préliminaires. Il y a possibilité de distinguer dans la matière des travaux publics deux éléments, l'opération avec ses diverses procédures d'exécution (adjudication, marché de travaux, concession, etc.) et le résultat de cette opération, qui est l'ouvrage public. En effet, les conséquences des travaux publics se rattachent les unes à l'opération, les autres à l'existence même de l'ouvrage : les offres de concours, les réquisitions d'occupation temporaire, sont des incidents de l'opération proprement dite; au contraire, les dommages occasionnés par les travaux aux personnes et aux propriétés tendent, de plus en plus, à se rattacher directement à l'ouvrage public, de même que les contributions de la plus-value.

Mais si, pour la commodité de l'exposition, les deux éléments des travaux publics peuvent être séparés, il ne faut pas oublier, cependant, qu'ils font partie d'une même matière, les travaux publics, et que toute cette matière donne lieu à un contentieux global, de la compétence du conseil de préfecture en premier ressort, du Conseil d'État en appel (L. 28 pluv. an VIII, art. 4, nos 2 et 3). Ce contentieux est de pleine juridiction et très compréhensif; y rentre tout ce qui est mode d'exécution ou conséquence de l'opération, tout ce qui est conséquence de l'existence de l'ouvrage public, à la condition d'intéresser de près ou de loin la responsabilité pécuniaire de l'administration (2). Le contentieux des travaux

(1) Bibliographie: Tarbé de Vauxclairs, Dictionnaire des travaux publics, 1835; Husson, Législation des travaux publics, 1841; Aucoc, Conf., 3o édit., t. II, no 568 et s.; Perriquet, Les travaux publics, 1883; Christophle et Auger, Traité des travaux publics, 2° édit., 1890; Debauve, Dictionnaire administratif des travaux publics, 1892; A. des Cilleuls, Origines et développement du régime des travaux publics en France; Léchalas, Manuel de droit adm. Service des ponts et chaussées, 2 vol., 1888-1898; Potiquet, Recueil des lois, ordonnances, décrets concernant les services du ministère des Travaux publics; Enou, Les travaux publics. V. infra, Cahier des clauses et conditions générales.

(2) Et cela, non seulement pour les travaux de l'État, mais pour ceux de toutes les administrations publiques, car il est à remarquer que, tandis que les marchés de fournitures des départements et communes sont laissés à la compétence judiciaire, leurs marchés de travaux publics ont été revendiqués par la compétence administrative (Cf.

publics, tant par l'importance des affaires qui sont jugées tous les ans, que par la quantité des principes qui ont été posés par la jurisprudence, est le premier des contentieux administratifs. Cela n'a rien de surprenant. Les travaux publics eux-mêmes, tant par la gravité des intérêts dont l'administration y prend la responsabilité, que par la nature très spéciale des rapports qui s'y nouent entre elle et le personnel des entrepreneurs de travaux ou des concessionaires, ou même la masse des administrés, peuvent être considérés comme le type des opérations administratives accomplies pour l'exécution des services publics (1).

Aucoc, op. cit., no 701; Laferrière, op. cit., t. II, p. 124). Sous l'ancien régime, le contentieux des travaux publics appartenait aux intendants; pendant la Révolution il fut partagé entre les directoires de département et les ministres; la loi du 28 pluviose an VIII l'attribua aux conseils de préfecture, dans des termes un peu obscurs, mais qu'une interprétation traditionnelle a tournés au profit de la compétence exclusive de ces conseils (V. Laferrière, op. cit., t. I, p. 172, 190 et s.).

Comme exemple de travaux qui n'intéressent pas la responsabilité pécuniaire de l'administration et où le conseil de préfecture est déclaré incompétent, V. Cons. d'Ét., 11 novembre 1910, Bernard.

(1) J'ai annoncé souvent l'importance des travaux publics comme type de l'opération administrative, il est temps de fournir mes preuves :

I. Le contentieux de l'opération administrative est essentiellement un contentieux de l'indemnité. Or, il n'est pas douteux que les travaux publics ne créent une sorte d'atmosphère juridique spéciale dont la vertu se traduit par deux phénomènes liés l'un à l'autre, les indemnités pour dommages et la dénaturation qui transforme en droits à indemnités pour dommages les diverses prétentions qu'auraient à faire valoir contre l'administration les intéressés. Il ne serait pas difficile de montrer que, dans les rapports de l'administration et de l'entrepreneur de travaux, toutes les prétentions de celui-ci se convertissent en demandes d'indemnité, mais il sera préférable de choisir nos exemples dans les rapports de l'administration avec les administrés, dans Ja matière des dommages à la propriété. La générosité progressive avec laquelle la jurisprudence administrative accorde des indemnités à tous ceux qui ont souffert préjudice dans leur propriété, par suite de l'exécution des travaux publics, est bien connue. En aucune autre circonstance elle ne se montre aussi évidente. Mais ce que l'on a moins remarqué c'est la dénaturation systématique des rapports juridiques qu'entraine cette pratique constante des indemnités. Voici, par exemple, que par suite de l'aménagement d'une caserne, toutes les eaux ménagères de celle-ci se trouvent déversées sur une propriété privée qui, par la situation naturelle des lieux, n'était pas exposée à les recevoir (Confl., 4 déc. 1897, Charreyron), en réalité, il y a établissement d'une servitude et le véritable recours du propriétaire serait l'action négatoire par laquelle il ferait cesser l'écoulement des eaux; cette action négatoire est supprimée et transformée en un recours en indemnité. Voici, maintenant, qu'un droit de passage primitivement établi sur une voie ferrée est supprimé par des travaux ultérieurs, l'action confessoire tendant au rétablissement de la servitude est remplacée par un recours en indemnité (Confl., 1er août 1896, Préfet de la Manche). De même, si par suite d'un travail public il est apporté un trouble à la possession, l'action possessoire pour obtenir la cessation du trouble est convertie en une simple action en indemnité (Confl., 2 mars 1901, Veuve Lacaille). - Dans ces trois hypothèses, la « dénaturation » s'explique parce qu'il faut que l'opération de travaux publics s'exécute malgré les résistances des particuliers ; elle joue en somme le même rôle que l'expropriation, elle détruit des droits préexistants pour les remplacer par un droit à indemnité. Mais voici des hypothèses où le même

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