longtemps, on réclame l'application de la formule de la progressivité, c'est-à-dire la perception d'un tant pour cent plus élevé sur les gros revenus que sur les petits. Une certaine progressivité est réalisable dans la mesure où elle ne portera pas sérieusement atteinte à l'égalité devant l'impôt, c'est-à-dire dans la mesure où elle ne rendra pas illusoire la première proposition, à savoir que chacun paie sa part des impôts. Au delà, la progressivité constituerait le plus grave des dangers politiques. En effet, dans les démocraties où le pouvoir appartient au nombre, si l'on s'écarte du principe tutélaire de l'égalité devant l'impôt, on arrivera vite à ce résultat que la classe aisée, forcément en minorité, aura toutes les charges et pas de pouvoir. Cette situation intolérable amènera rapidement la disparition de la classe moyenne, il ne restera en présence que la masse des prolétaires et quelques financiers puissants, l'histoire est là pour nous apprendre que ce ne sont pas les prolétaires qui l'emporte ront; 3o Enfin, l'impôt public doit être établi sur des bases légales, avoir, suivant les termes consacrés, une assiette légale. Cette assiette est destinée à écarter l'arbitraire des taxations administratives dans l'établissement de l'impôt. Elle est déterminée de façons différentes, selon qu'il s'agit d'impôts indirects qui frappent des choses dont il n'y a qu'à apprécier la valeur, ou selon qu'il s'agit, au contraire, d'impôts directs qui frappent les revenus des contribuables, mais, dans les deux cas, l'assiette légale présente le même caractère qui est d'être objective; soit pour l'appréciation de la valeur des choses, soit pour la détermination des revenus des contribuables, la loi s'attache à des faits très extérieurs et très faciles à constater auxquels, s'il est besoin, elle attache des présomptions; telle est, par exemple, l'assiette légale de la contribution mobilière où la valeur locative du logement occupé par le contribuable, fait extérieur facile à constater, devient la base d'une présomption légale sur l'importance de son revenu. La règle de l'assiette légale, que l'on peut aussi appeler règle des cédules, suffit à condamner les tentatives d'établissement de l'impôt sur le revenu en tant qu'il reposerait sur la taxation administrative, forcément arbitraire, et il est bien possible que sans taxation administrative l'impôt sur le revenu, au sens global, soit impossible à établir, car il n'y a pas de fait spécial, ni même d'ensemble de faits révélateurs de la totalité du revenu d'un contribuable. Le projet d'impôt sur le revenu, voté par la Chambre des députés en 1909, comporte la taxation administrative combinée avec la déclaration du contribuable pour l'impôt complémentaire sur l'ensemble des revenus. Mais si l'impôt global n'est pas possible sans la taxation administrative, il vaut mieux renoncer à l'impôt global que de renoncer à la règle tutélaire de l'assiette légale (1). (1) Ces observations sur l'assiette légale de l'impôt rendent très compliquée la ques Н. PR. 55 Impôts directs; impôts indirects. - L'impôt direct est celui qui est perçu sur un contribuable déterminé, au moyen d'un rôle nominatif établi administrativement à l'avance; l'impôt indirect est celui qui n'est perçu sur le contribuable qu'indirectement à l'occasion de certains faits, de telle sorte que le contribuable ne saurait être déterminé d'avance et qu'il est impossible de dresser un rôle nominatif. Ainsi l'impôt foncier est direct parce qu'il est perçu sur le possesseur d'un foncs, lequel est déterminé et peut être inscrit sur un rôle nominatif dressé à l'avance; les droits de douane sont indirects parce qu'ils sont perçus à l'occasion du passage de marchandises à la frontière et qu'on ne saurait déterminer à l'avance ni le fait de leur entrée, ni surtout le nom du contribuable. Il y a, entre ces deux espèces d'impôts, des différences juridiques importantes, les impôts directs présentent beaucoup plus que les impôts indirects le caractère de droits de puissance publique d'abord, leur établissement et leur perception supposent des opérations administratives recommencées tous les ans, tandis que les impôts indirects sont perçus simplement par application directe des lois; de plus, et c'est un peu une conséquence, le contentieux des contributions directes est attribué aux tribunaux administratifs, tandis que celui des contributions indirectes est attribué aux tribunaux judiciaires (1). Impôts de quotité; impôts de répartition. - C'est la très antique distinction de l'impôt individuel et de l'impôt collectif. On appelle impôt de quotité tout impôt qui consiste en une taxe individualisée par la loi. c'est-à-dire dans lequel la taxe à payer par chaque contribuable est déterminée isolément et sans aucune solidarité avec les autres contribuables de la même circonscription. Tous les impôts indirects sont des impôts de quotité. Le contribuable qui achète une propriété, par exemple, connait par les tarifs des droits de mutation la taxe qu'il aura à payer. On sait, pour chaque marchandise qui passe en douane, la taxe dont elle sera frappée, etc. Certains impôts directs sont aussi des impôts de quotité, la patente, par exemple; le patentable sait, au moyen des tarifs, étant donné la profession qu'il exerce, la population de la ville, le loyer qu'il occupe, quelle sera la taxe. Depuis la loi du 8 août 1890, l'impôt foncier sur la propriété bâtie est devenu aussi un impôt de quotité, chaque maison a été estimée individuellement et frappée d'une taxe. tion agitée en droit constitutionnel de savoir si le droit des assemblées publiques de voter l'impôt est le même que le droit de légiférer. Il semble que le droit de voler l'impôt doive être décomposé en deux. Il y a le droit purement financier de voter e subside, ce droit appartient à des assemblées qui ne sont pas législatives, aux conse, s généraux, aux conseils municipaux, par conséquent il est en soi indépendant de la loi. Mais il y a aussi le droit de déterminer l'assiette de l'impôt et ce droit-là parait biet être une forme du droit de légiférer. Il faut remarquer que, jusqu'à présent, les impits votés par les assemblées purement administratives ont leur assiette déterminée d'avance par la loi. La loi du 29 décembre 1897, sur la suppression des taxes d'octroi est tre intéressante à consulter à ce point de vue, elle détermine l'assiette pour certaines taxes de remplacement, elle réserve l'approbation législative pour certaines autres; en un port cependant elle a le tort de réserver à un simple règlement d'administration publique la fixation de l'assiette (art. 4-2°). (1) Il y a des raisons économiques de maintenir côte à côte ces deux espèces d'impos mais il y a aussi une raison politique, leur établissement et leur perception sont contes à des administrations distinctes et il est bon de perpétuer ce dualisme pour échapper. péril fiscal, c'est-à-dire à la constitution d'un fisc unique qui deviendrait très vite puissance redoutable. On appelle, au contraire, impôts de répartition des impôts qui, consistant en des contingents dûs à l'État par les départements, les arrondissements et les communes, se distribuent entre ces collectivités et, finalement, entre les unités contribuables, par une opération annuelle appelée répartition. L'impôt ressemble ici à un tribut de guerre levé par le gouvernement sur les localités du pays; dans la commune, qui est la dernière collectivité débitrice, les contribuables sont solidaires les uns des autres, non pas en ce sens qu'ils doivent chacun la totalité du contin gent de la commune, mais en ce sens que ce contingent doit être partagé entre eux tous, quel que soit leur nombre, de telle sorte que si leur nombre varie, leur cote individuelle variera (par exemple dans la cote mobilière). Pour les impôts d'État, la répartition se fait à quatre degrés. Au premier degré, contingent total de la France réparti entre les départements par le Parlement dans la loi du budget; au second degré, contingent du département réparti entre les arrondissements par le conseil général; au troisième degré, contingent de l'arrondissement réparti entre les communes, par le conseil d'arrondissement; au quatrième degré, contingent de la commune réparti entre les contribuables de la commune par une commission de répartiteurs ainsi composée: 1°cing contribuables de la commune choisis par le sous-préfet sur une liste de dix, dressée par le conseil municipal, dont deux au moins non domiciliés dans la commune s'il s'en trouve de tels; 2° le maire et un adjoint (dans les communes de cing mille habitants, le sous-préfet peut désigner à la place deux conseillers municipaux; la commission ne peut délibérer qu'avec cinq membres présents au moins) (L. 3 frim. an VII, art. 8; L. 19 flor. an VIII, art. 4) (1). (1) Aux trois premiers degrés, la répartition est opérée d'après les évaluations du revenu des diverses circonscriptions fournies par l'administration et qui, en fait, depuis 1821, sont restées les mêmes. Cependant, comme cette répartition était devenue très injuste, une nouvelle évaluation a été opérée en ce qui concerne l'impôt foncier de 1879 à 1884 et la loi du 8 août 1890 a réalisé une péréquation, en ce sens que les départements qui payaient plus de 4,60 0/0 de leur revenu imposable ont été ramenés à ce taux moyen par un dégrèvement, mais il existe encore des départements qui ne paient pas 4,60 0/0 de leur revenu. Au quatrième degré, c'est-à-dire à l'intérieur de chaque commune, la répartition est opérée, non pas sur la base d'évaluations administratives, mais sur la base des évaluations cadastrales. V. infra, p. 875. Il n'y a d'impôts de répartition que parmi les impôts directs, et il n'y en a que trois: l'impôt foncier sur la propriété non bâtie (depuis la loi du 8 août 1890, l'impôt foncier sur la propriété bâtie a cessé d'être un impôt de répartition); l'impôt des portes et fenêtres; la cote personnelle-mobilière (Sur la répartition de la contribution mobilière de 1791 à 1794, V. Mestre, Recueil de législation de Toulouse, 1908, p. 46 et s.). Les impôts de répartition ne sont plus en faveur dans le monde politique (1) et de fait, on peut se demander s'il n'y a pas en eux quelque chose de suranné. Ils exigent une opération annuelle assez compliquée, qui généralement est accomplie par les conseils locaux d'une façon mécanique, d'après le travail dressé par l'administration, et dont par conséquent l'utilité est contestable. Sous l'ancien régime, l'impôt avait pris cette forme parce qu'il était levé comme un tribut plutôt sur des collectivités que sur des individus (2), mais aujourd'hui, avec son administration perfectionnée, l'État peut renoncer à cette garantie des collectivités, et percevoir directement l'impôt sur l'individu. Cependant, de ce que la répartition est devenue un peu inutile au point de vue strictement administratif, de ce qu'elle présente certains inconvénients comme de créer des obstacles à la péréquation, il ne s'ensuit pas nécessairement qu'il faille la supprimer, car il faut aussi tenir compte des garanties politiques de la liberté; or, la répartition assure l'intervention des conseils locaux dans l'établissement de l'impôt, le conseil général intervient dans la fixation de certains tarifs (journée de travail, cote personnelle, prestations), le conseil municipal dresse les listes d'indigents qui sont exemptés, la commission des répartiteurs procède à certaines évaluations de matières imposables (cote mobilière, valeur locative); en même temps qu'elle justifie l'existence de ces conseils (3), la répartition est certainement une institution décentralisatrice; si on la supprime, (1) La loi du 21 juillet 1894, art. 4, a prescrit à l'administration des contributions directes de préparer la transformation de l'impôt foncier sur la propriété non bâtie; et la loi du 31 décembre 1907, art. 3, a posé les bases d'une évaluation directe du revenu de chaque domaine foncier dont l'opération s'exécute en ce moment; une fois cette opération terminée, il est à supposer que l'impôt foncier sur la propriété non bâtie deviendra un impôt de quotité (résolution de la Chambre des députés du 21 février 1913). L'assiette actuelle de la contribution personnelle est très menacée aussi, à supposer que l'impôt global sur le revenu tel qu'il a été voté en 1909 par la Chambre des députés, ne soit pas définitivement établi (mème résolution). Quant à l'impôt des portes et fenêtres, sa suppression est decidée en principe depuis longtemps. (2) La taille, d'où procède l'impôt foncier, était levée sur une province, sur une élec tion, sur une paroisse, c'était la paroisse qui devait l'impôt, sauf à le recouvrer sur les habitants. Il est demeuré quelque chose de ce régime, puisque, aujourd'hui, encore, les contingents des départements, des arrondissements, des communes, doivent toujours être fournis intégralement, et que ce qui n'a pas été perçu, pour cause de décharge ou de réduction, doit être réimposé sur les habitants. (3) On peut se demander, notamment, quelle sera la raison d'être des conseils d'arrondissement si la répartition est abolie. c'est une des formes de la liberté qui disparaîtra, c'est encore une centralisation de plus qui s'opérera, c'est le fisc de l'État qui s'organisera et se fortifiera; d'ailleurs, des temps difficiles peuvent venir où la taxation individuelle ne sera plus aussi commode pour l'administration, à ces moments de désordre ne serait-on pas heureux de retrouver l'instrument plus grossier, mais aussi plus résistant de la contribution collective (1). N. 1. Les impôts directs (2). Dispositions communes à toutes les contributions directes. L'impôt direct est celui qui est perçu sur les contribuables in personam au moyen de rôles nominatifs annuels, à l'occasion de certains faits qui révèlent un revenu. a) Division en principal et en centimes additionnels. Le montant de chacune des contributions directes se divise généralement en principal et en centimes. Les centimes sont des suppléments perçus en sus du principal et dont chacun équivaut à un centième de ce principal. Des centimes additionnels de ce genre, portant sur les quatre grandes contributions directes, peuvent être perçus au profit des départements et des communes, mais alors ils constituent des impôts départementaux et communaux accolés aux impôts d'État et perçus en même temps que ceux-ci. Le véritable centime additionnel est celui qui est perçu au profit de l'État, aussi bien que le principal (3). b) Principe de l'annalité. Toute contribution directe est une dette annuelle: elle est due pour l'année entière à raison des faits existants au 1er janvier, et quels que soient les événements survenus au cours de (1) Il nous est revenu que, bien loin de désirer la suppression totale de la répartition, l'administration des contributions directes souhaiterait qu'elle fût rétablie pour l'impôt sur la propriété bâtie, parce qu'au fond elle assure plus de justice dans l'établissement de la taxe que l'évaluation directe. Mais le mouvement politique est donné en sens inverse et sans doute ne s'arrêtera pas. (2) Bibliographie: Tardieu, Traité théorique et pratique des contributions directes, 1896, 1 vol. in-40; Rép., Béquet-Laferrière, vo Impôt direct, 1900; Jèze, op. cit.; Allix, op. cit. (3) De ces centimes additionnels perçus au nom de l'État qui portent le nom de centimes généraux, il en est qui sont sans affectation spéciale et qui constituent une simple aggravation d'impôts, il y a ainsi dix-sept centimes sur la contribution personnellemobilière, quatorze centimes sur la patente, outre des centimes extraordinaires; il n'y en a pas sur la contribution foncière depuis la loi du 7 août 1850. Il est d'autres centimes généraux qui ont une affectation, ainsi un centime sur la contribution foncière et un sur la cote personnelle-mobilière, sont affectés à la création d'un fonds de secours en cas de grêle, incendie, etc. La loi du 9 avril 1898, sur les accidents, a créé des centimes additionnels à la patente des industriels pour la constitution du fonds de garantie (art. 25). Enfin, pour presque toutes les contributions directes, un ou plusieurs centimes sont affectés à la création d'un fonds de non-valeur destiné à couvrir l'État des cotes remises ou des cotes irrécouvrables. |