Bonaparte de le faire fusiller à la tête de son camp, le héros ne lui répondit qu'en veillant sur sa vie, et en lui donnant des secours pour alléger son infortune. Le pape n'attendit pas que le conquérant fût dans sa métropole pour se soumettre; il demanda la paix, et l'obtint les conditions furent : que la Romagne seroit libre, qu'il y auroit garnison française dans Ancône, qu'une pension seroit faite à la famille de Basseville, qu'on livreroit au général seize cents chevaux tout enharnachés, et qu'on remettroit trente-un millions pour le trésor de la république: ce traité de Tolentino, signé le 19 février 1797, fut ratifié à Paris par le corps législatif. Depuis la bataille de Rivoli, les Français occupoient la rive gauche du Larésio jusqu'à l'Adige et la droite de la Piave, depuis sa source dans les Alpes jusqu'à la mer Adriatique; les Autrichiens avoient reçu des renforts et ils étoient rassemblés entre la Piave et le Tagliamento, sous les ordres de l'archiduc Charles. A peine Bonaparte a-t-il terminé son expédition contre le Pape, qu'impatient de se mesurer avec le héros de l'Allemagne, il réunit ses colonnes à celles des généraux Masséna, Guyeux et Joubert, qui avoient déjà obtenu quelques avantages. L'arrivée du général en chef est marquée par un premier triomphe sur le Tagliamento, où les Autrichiens abandonnè rent une partie de leur artillerie et s'enfuirent vers les montagnes, laissant à Gradisca trois mille hommes d'élite qui furent prisonniers peu de jours après. Cette ville ouvrit aux Français la province de Gorlitz, la Carniole et le chemin de la Carinthie. Le 14 mars ils entrèrent dans Trieste et s'emparèrent des fameuses mines d'A-: dria, où ils trouvèrent pour deux millions de mercure préparé. Peu de jours après, une colonne ennemie tombe imprudemment au milieu de la division de Masséna, et ce général s'empare de cinq mille hommes, de trente pièces de canon et de quatre cents charriots de bagage, puis il défait complètement une autre division autrichienne accourue au secours de la première, déjà faite prisonnière de guerre. Joubert, d'un autre côté, obtenoit des succès non moins importans et traversoit en vainqueur les montagnes du Tyrol, regardées comme un des plus fermes boulevards de la monarchie autrichienne, après avoir battu en différentes occasions le général autrichien Laudon, considéré jusqu'alors comme le plus habile partisan. Bonaparte s'avançoit avec le centre jusqu'àLay bac,etdirigeoit toutes ses divisions sur le Murch où elles devoient se réunir pour marcher sur Vienne; en moins d'un mois il avoit pénétré des bords de la Brenta sur ceux de la Drave, et il établissoit son quartier général à Klagenfurth. Cependant tant de victoires avoient affoibli les vainqueurs; les Tiroliens, le peuple le plus belliqueux de ces contrées, s'étoient armés pour la cause de leur roi, et ils avoient obtenu quelques succès. D'un autre côté la république de Venise s'étoit aussi armée contre les Français, et elle menaçoit les derrières de l'armée. D'abord pressé par le nombre et la célérité de son ennemi, l'archiduc n'avoit songé qu'à la retraite, et il s'étoit refusé à tout combat décisif; mais il venoit de recevoir des renforts, et sa ligne d'opérations se trouvoit de beaucoup resserrée. C'est dans cet état de choses, que le marquis de Gallo, ambassadeur du roi des Deux-Siciles, vint demander, au général en chef de la république, un passe-port pour l'archiduchesse Clémentine qui devoit épouser le prince royal de Naples: celui-ci fit entendre, qu'il ne repousseroit pas des propositions de paix que l'honneur français pourroit avouer. Cette paix étoit vraiment dans les principes du héros, et on le vit par la lettre vraiment philantropique qu'il écrivit peu de temps après au prince Charles, et dont je vais transcrire quelques textes dignes de mémoire. <<< Les braves militaires font la guerre, et désirent la paix; celle-ci ne dure-t-elle pas depuis six ans? Avons-nous assez tué de monde, et fait assez de maux à l'humanité! Elle réclame de tout côté : l'Europe, qui avoit pris les armes contre la république française, des a posées; votre nation reste seule, et cependant le sang ya couler plus que jamais; cette sixième campagne s'annonce par des présages sinistres; quelle qu'en soit l'issue, nous tuerons de part et d'autre quelques milliers d'hommes de plus, et il faudra que l'on finisse par s'entendre, puisque tout a un terme, même les passions haineuses.... .... » Monsieur le général en chef, vous qui par votre naissance approchez si près du trône, et êtes au dessus de toutes les passions qui animent souvent les ministres et les gouvernemens, êtesvous décidé à mériter le titre de bienfaiteur de l'humanité et de sauveur de l'Allemagne? Songez que, dans la supposition que les chances de la guerre vous deviennent favorables, l'Allemagne n'en sera pas moins ravagée. Quant à moi, si l'ouverture, que j'ai l'honneur de vous faire, peut sauver la vie à un seul homme, je m'estimerai plus fier de la couronne civique que je me trouverois avoir méritée, que de la triste gloire qui peut revenir des succès militaires. ›› Cette lettre auroit été écrite par Platon, par Confucius et par Tacite; mais ni Platon, ni Confucius, ni Tacite ne commandoient des armées, ne faisoient de conquêtes, ne portoient la gloire militaire de leur pays aux limites du monde. Le prince Charles, un des premiers héros de l'Europe, aimoit aussi la paix; ce qui, comme on vient déjà de le voir, n'est pas incompatible; mais comme il n'avoit aucun pouvoir de son souverain pour la négocier, il répondit qu'il attendroit, à cet égard, des ordres ultérieurs, et, en attendant, Bonaparte entra en conquérant dans la Carinthie, gagna la bataille de Neumark, et opéra sa jonction avec les trois généraux Joubert, Dumas et Baraguay-d'Hilliers, qui avoient traversé le Tirol. Le général en chef des Français étoit à Jundembourg, quand deux généraux autrichiens, Bellegarde et Merveldt, vinrent le trouver au nom de l'empereur, et demandèrent un armistice pour traiter de la paix entre l'Allemagne et la république. Cette ouverture fut reçue avec un noble empressement; et neuf jours après, c'est-àdire, le 16 avril 1797, les préliminaires d'une paix tant désirée par les peuples, furent signés dans un château près de Léoben, en Styrie. Le traité fut porté à Paris aux deux conseils, et ratifié par le directoire. Il étoit temps pour la sûreté de l'Empire germanique que cette paix fît respirer l'Europe; car l'armée du Rhin, commandée par Moreau, s'approchoit de son côté, et ne tendoit à rien moins qu'à se réunir à Bonaparte pour faire le siége de Vienne, et détrôner la maison d'Autriche. Cette armée, pendant les préliminaires, osa passer le Rhin en présence des vieilles bandes |