JURISPRUDENCE GÉNÉRALE. RÉPERTOIRE MÉTHODIQUE ET ALPHABÉTIQUE DE LÉGISLATION DE DOCTRINE ET DE JURISPRUDENCE EN MATIÈRE DE DROIT CIVIL, COMMERCIAL, CRIMINEL, ADMINISTRATIF, NOUVELLE ÉDITION, CONSIDÉRABLEMENT AUGMENTÉE ET PRÉCÉDÉE D'UN ESSAI SUR L'HISTOIRE GÉNÉRALE DU DROIT FRANÇAIS PAR M. D. DALLOZ AINÉ Avocat à la Cour d'appel de Paris, ancien Président de l'Ordre des Avocats au Conseil d'État et à la Cour de Cassation avec la collaboration DE M. ARMAND DALLOZ, SON FRÈRE, Avocat à la Cour d'appel de Paris, Auteur du Dictionnaire général et raisonné de Législation, de Doctrine et de Jurisprudence et celle de plusieurs jurisconsultes TOME DIXIÈME. A PARIS AU BUREAU DE LA JURISPRUDENCE GÉNÉRALE, RUE DE LILLE, N° 19 1848 : RÉPERTOIRE MÉTHODIQUE ET ALPHABÉTIQUE DE LÉGISLATION, DE DOCTRINE ET DE JURISPRUDENCE TIT. 4. COMMUNE (SUITE). DES ACTIONS ACTIVES ET PASSIVES DES COMMUNES 1356. Les procès que les communes peuvent avoir se divisent en classes distinctes, comme ceux des particuliers. Il peut y avoir en effet des contestations sur le possessoire ou sur le pétitoire, et ces contestations peuvent s'élever devant des juridictions différentes. Ainsi, elles peuvent s'élever devant les tribunaux civils, administratifs ou criminels suivant les circonstances de la cause et l'attribution de compétence que les lois ont faite. On va parler sous ce titre : 1o des personnes qui ont le droit de plaider pour les communes (no 1357 et suiv.);-2o Des actions des habitants relatives aux intérêts communaux (nos 1394 at suiv.), suivant qu'il y a question préjudicielle (nos 1412 et suiv.), ou que l'action a trait à des chemins ou autres lieux publics (nos 1418 et suiv.), ou à des usages communaux (nos 1444 et suiv.), ou de l'exercice du droit ouvert aux tiers ou contribuables par la loi de 1837 (nos 1457 et suiv.); 3o Des actions des sections de communes (nos 1467 et suiv.); 4o Des actions irrégulières (nos 1489 et suiv.); -5° De la délibération du conseil municipal (no 1494 et suiv.). CHAP. 1. A qui appartient le droit d'agir ou de plaider pour les communes. 1357. Quelle que soit la juridiction compétente, c'est le maire qui est chargé de plaider au nom de la commune. Ce principe est dès longtemps établi dans nos lois. En effet, la délibération appartient bien au conseil municipal sur les intérêts de l'ensemble; mais lorsqu'il faut agir, il est indispensable qu'une seule personne soit chargée de représenter l'association. Les discussions ne peuvent s'allier avec la nécessité de pourvoir à des besoins pressants; c'est pour cela que les assemblées délibérantes sont toujours obligées de remettre le soin de l'exécution de leurs volontés à un petit nombre de leurs membres. Dans l'ancien droit, le principal officier de la communauté, qu'on le nommåt maire ou autrement, était celui qui intentait les procès au nom de tous, et c'était lui qui devait être ajourné lorsque l'on voulait diriger une action contre la commune (Freminville, (1) e Espèce:-(Faucher C. Trémiolles.)-Le conseil municipal de la commune de Saint-Pont, appelé par le préfet à délibérer sur la réclamation des sieurs Faucher, Purelle et buit autres habitants qui prétendaient qu'un terrain possédé par le sieur Trémiolles était communal, avait déclaré que la commune était sans droit et qu'elle ne devait pas le revendiquer. Louis, etc.; - Vu la loi du 29 vend. an 5; - Considérant que le conseil de préfecture de l'Allier n'a statué, par son arrêté du 17 sept. 1821, que sur la question de savoir si la commune de Saint-Pont serait autorisée à plaider ou non sur les demandes purement administratives formées par les sieurs Faucher, Purelle et autres; Considérant qu'aux termes de la loi du 29 vend. an 5, le droit de suivre les actions qui intéressent les communes appartient aux maires desdites communes ou à leurs TOME X. Traité général des biens et affaires des communautés d'habitants. p. 203). Le décret du 14 déc. 1789 (art. 54) voulut que les conseils généraux des communes délibérassent sur les procès à intenter et sur ceux à soutenir lorsque le fond du droit était contesté; il laissait, comme par le passé, l'exercice des actions au maire de la commune. Une loi du 29 vend. an 5 résolut, sous la constitution de l'an 3, la question dans le même sens, en disposant que le droit de suivre les actions qui intéressent uniquement les communes serait confié aux agents desdites communes, et, à leur défaut, à leurs adjoints (art. 1). Cependant une exception était faile par celle loi (art. 2) pour les communes au-dessus de 5,000 âmes l'administration municipale devait charger un officier de suivre les actions qui les intéressaient. Dans les communes composées de plusieurs administrations municipales, le droit de suivre les actions qui les intéressaient collectivement fut confié au bureau central (L. 24 brum. an 5). La loi de l'an 8 confia aux maires et adjoints les fonctions administratives exercées alors par l'agent municipal et l'adjoint. C'était par conséquent donner aux maires le droit de plaider pour exercer les actions des communes et celui de répondre aux demandes dirigées contre elles (L. 28 pluv. an 8, art. 13). — Enfin, la loi des 18-22 juill. 1837 a consacré le même principe dans les termes suivants :- — « Art. 10. Le maire est chargé, sous l'autorité de l'administration supérieure... 8° de représenter la commune soit en demandant, soit en défendant. »> 1358. Il a été formellement déclaré à la chambre des députés que cet article n'était pas limitatif, ce qu'il faut entendre en ce sens que non-seulement l'adjoint peut remplacer le maire, mais encore que les habitants peuvent, dans certains cas et après certaines formalités préalables, exercer les actions qui appartiennent aux communes. - V. nos 1457 et suiv. 1359. Ainsi, la marche régulière des affaires exige que le maire soit le représentant des intérêts communaux : c'est lui qui doit intenter l'action et la suivre; c'est contre lui que celles qui s'adressent à la commune sont dirigées. Et il a été jugé que des habitants sont sans qualité pour attaquer l'arrêté qui refuse l'autorisation de plaider (ord. cons. d'Êt. 19 fév. 1823 et 6 sept. 1826)(1). 1360. Il ne faut pas cependant se montrer trop rigoureux adjoints; qu'ils sont seuls compétents pour demander l'autorisation de plaider ou attaquer les arrêtés qui refusent ladite autorisation; que, dés jors, les sieurs Faucher, Purelle et autres étaient sans qualité pour attaquer l'arrêté du conseil de préfecture de l'Allier, du 14 sept. 1821, et sont non recevables, soit dans leur pourvoi contre ledit arrêté, soit dans leur demande en sursis;- Art. 1. Les requêtes... sont rejetées. Du 19 fév. 1825.-Ord. cons. d'État.-M. de Crouseilhes, rap. 2o Espèce (Habit. de Peyriac.) CHARLES, etc.,- Sur le rapport du comité du contentieux; Vu la loi du 30 sept. 1796; — Considérant qu'aux termes de ladite loi, le droit de suivre les actions qui intéressent les communes appartient aux maires desdites communes ou à leurs adjoints; qu'ils sont seuls compétents pour demander l'autorisation dans l'appréciation des actes de procédure. Ce que la loi veut, c'est que le maire, représentant de la commune, soit en cause et plaide pour elle, qu'il approuve le procès et qu'il dirige l'affaire. Du moment où son nom et sa qualité figurent dans un exploit, le vœu de la loi est donc rempli; et on ne peut exiger, par exemple, qu'il soit dit et exposé à chaque nouvelle signification que c'est bien lui qui procède comme représentant de ses administrés. Du reste, quand la cause est liée valablement, les actes qui suivent se réfèrent à ceux qui ont précédé, s'ils renvoient de l'un aux autres. Lorsque les attributions des conseillers municipaux et celles des maires n'étaient pas encore bien définies, les actions des communes étaient engagées et suivies au nom des habitants, poursuite et diligence du maire, des officiers municipaux et agents nationaux. Il y avait surabondance dans ces expressions, et cet usage s'est perdu peu à peu depuis la loi de l'an 5; mais cette redondance de mots n'était pas une nullité de procédure, parce qu'en définitive le maire se trouvait en cause.-V. à cet égard vo Exploit. -- de plaider ou attaquer les arrêtés qui refusent ladite autorisation ;-Que, dés lors, les sieurs Terral, Bonnes et autres étant sans qualité pour attaquer l'arrêté du conseil de prefecture de l'Aude, du 8 sept. 1825, sont non recevables dans leur pourvoi; Art. 1. La requête des sieurs Terral et consorts est rejetée. Du 6 sept. 1826.-Ord. cons. d'Ét.-MM. Feutrier, rap.-Jacquemin, av. (1) (Com. de Condoulet. C. Gramon.) — LE TRIBUNAL; — Vu l'art. 1 de la loi du 29 vend. an 5;-Et attendu que, dans l'espèce, l'assignation donnée au défendeur le 18 pluv. an 5, pour comparaître au tribunal de cassation, lui a été signifiée en exécution du jugement d'admission a requête d'un syndic de la commune de Condoulet, nommé par délibération du 18 fruct. de l'an 4, tandis que ladite commune pouvait d'autant moins ignorer qu'elle ne pouvait agir, se faire représenter en justice et suivre une action quelconque que par le fait de son agent ou, à son defaut, de l'adjoint de celui-ci, que le jugement du tribunal de l'Hérault, du 23 germ. précédent, lui avait été signifié dans la personne de sondit agent;-Par ces considérations, déclare nulle ladite assignation comme contraire à l'art. 1 de la loi ci-dessus citée. Du 7 fruct. an 5.-C. C., sect.. civ.-MM. Giraudet, pr.-Cochard, rap. (2) Espèce: (De Riberolles, etc., C. hab. d'Arcousat.) — Une partie de la commune d'Arcousat dépendait autrefois de l'ancien mandement et châtellenie de Cervières. Les habitants de cette section de commune, prétendant à certains droits d'usage, dans des bois particuliers acquis de la famille d'Arcourt de la Feuillade, par les sieurs de Riberolles et Mignot, se sont pourvus, aux fins d'être autorisés à exercer en justice une action en cantonnement, devant le préfet du Puy-de-Dôme. Mais ce magistrat ayant exigé l'avis préalable du conseil municipal, ce dernier a pris une delibération contraire aux prétentions des habitants. Alors ceux-ci se sont réunis devant un notaire, et là, après avoir élu le sieur Dargou, dit Lancé, pour les representer, ils sont convenus de demander au conseil de prefecture de confirmer ce choix, tout en les autorisant à plaider, et de nommer le sieur Dargou leur syndic. Un arrête du 29 oct. 1824 a accueilli cette pétition, en se fondant sur ce que le maire de la commune d'Arcouzat avait des intérêts opposés à ceux des pétitionnaires; que l'adjoint et le plus grand nombre des conseillers municipaux avaient manifesté une opinion contraire à leur demande, et que, dès lors, il y avait lieu de leur donner pour représentant, en qualite de syndic, celui d'entre eux qu'ils avaient élu. L'action a été introduite conformément à cet arrêté. Bientôt après, Dargou, dit Lancé, étant venu à décéder, les habitants ont choisi pour le remplacer le sieur J. M. Dargou de Cambrelache, et, le 23 mars 1825, ils out obtenu un nouvel arrêté qui ratifiait ce rempla cement. -- En cet état, divers actes de procédure ont été signifiés de part et d'autre, et une expertise a même été ordonnée. Mais lorsque le syndic a demandé l'homologation du rapport, de Riberolles et Mignot ont prétendu que Dargou était sans qualité pour représenter les habitants. · Celte prétention a été rejetée par jugement du 22 août 1828, qui ordonnait en même temps une production de titres. Renouvelée plus tard, elle a été de nouveau repoussée par jugement du 19 mars 1850, qui considérait cette fois : Que si, d'après les lois des 28 oct. 1796 et 11 janv. 1800, et 'art. 69 § 5, c. pr., les communes ne peuvent ester en jugement que par l'organe de leur représentant légal, qui est le maire, ou, à son défaut, l'adjoint, ou un membre du conseil municipal, en cas d'empêchement de ces derniers, cette règle, clairement tracée pour les cas généraux, n'en est pas moins susceptible d'exception dans nombre de cas particuliers que le législateur n'a pu prévoir, comme lorsque deux sections d'une mème commune plaident entre elles, lorsqu'une commune ou section de commune a des intérêts à défendre contre le maire et l'adjoint, lorsque ces fonctionnaires et le conseil municipal ont manifesté une opinion contraire aux intérêts du corps commun; que, dans ces cas exceptionnels, la loi, ainsi 1361. Dans l'ancien droit, les communautés d'habitants déléguaient parfois le droit de plaider pour les communes à des syndics. Il paraît que l'usage s'en était conservé jusqu'à la loi du 29 vend. an 5; mais il a été jugé que cet usage a été proscrit par cette dernière loi (Rej., 7 fruct. an 5) (1). 1362. Cependant il a été jugé, dans une espèce née avant la loi de 1831, qu'il est des cas où soit les communes, soit leurs habitants, plaidant en nom collectif contre des particuliers, pe uvent être représentés en justice par d'autres que par les mair es, adjoints ou conseillers municipaux tel est celui où il est démontré que ces officiers ont un intérêt opposé aux prétentions des communes ou habitants, ou bien ont manifesté dans une délibération une opinion contraire à ces prétentions; qu'en pa-reille occurrence, il appartient au conseil de préfecture, en autorisant l'action des communes, de leur permettre de nommer et élire un syndic pour les représenter, et l'autorité judiciaire ne peut méconnaître la légalité de cette nomination, ni, par suite, la qualité du syndic (Req., 13 juin 1838) (2). que l'établit l'arrêté du 14 avril 1803, attribue aux conseils de préfecture le soin de prendre les mesures que commandent les diverses positions dans lesquelles une communauté d'habitants peut se trouver, et particulièrement celui de lui nommer un syndic; Que, dans l'espéce, les arrétés préfectoraux des 29 oct. 1824 et 23 mars 1825, qui ont donné un syndic aux habitants pour suivre l'action qu'ils ont formée contre de Riberolles, maire, et Mignot, ont été pris dans des circonstances qui justifient cette nomination de syndic; qu'ils ne peuvent être changés ni modifiés par les tribunaux, et que leur legalité n'aurait pu être contestée que devant l'autorité administrative supérieure, avant toutes defenses au fond, ce que les sieurs de Riberolles et Mignot n'ont pas fait; Qu'au surplus, la qualité du syndic a été reconnue par jugement du 22 août 1828, passé en force de chose jugée, et qu'au besoin, son maintien dans la cause serait devenu irrevocable par suite de l'acquiescement des défendeurs. - Appel. Durant l'instance d'appel, les appelants ont formé une tierce opposition aux arrêtés dont il s'agit, devant le conseil de préfecture qui l'a rejetée par arrêté du 20 mai 1832, confirmé, sur recours au conseil d'État, par ordonnance du 24 janv. 1835. - La cour royale avait prononcé un sursis Jusqu'après cette décision. - Les parties étant revenues à l'audience, de Riberolles et Mignot ont renouvelé leurs conclusions de première instance, sur le défaut de qualité du syndic Dargou; en outre, ils ont conclu subsidiairement à la mise en cause du maire, ou, en cas d'empêchement, de l'adjoint de la commune d'Arcousat, pour représenter les habitants. Dans ces circonstances, la cour royale de Riom a rendu, le 16 nov. 1855, l'arrêt suivant: — « Sans s'arrêter à la demande subsidiaire des appelants, tendant à la mise en cause du maire d'Arcousat, laquelle demeure rejetée..., statuant au principal, et déterminée par les motifs exprimés aux jugements dont est appel; dit qu'il a été bien jugé par lesdits jugements, etc. >> -- Pourvoi des sieurs de Riberolles et Mignot. -1° Violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué n'a pas motivé le rejet des conclusions subsidiaires tendant à la mise en cause du maire d'Arcousat; 2° Violation de l'art. 8, tit. 2, de la loi constitutionnelle du 14 sept. 1791, de la loi du 29 vend. an 5, de l'art. 28 de loi du 28 pluv. an 8, du décret du 24 germ. an 11 et de l'art. 1052 c. pr., en ce que l'arrêt attaqué a permis à certains habitants d'Arcousat de plaider par le ministère d'un syndic. Arrêt. LA COUR; Sur le premier moyen: Attendu que les conclusions subsidiaires des demandeurs sur l'appel, et tendant à la mise en cause du maire d'Arcousat, n'étaient autres qu'incidentes et faisant suite aux conclusions principales qui avaient pour but de faire déclarer nulles, irregulieres, l'action et les poursuites du syndic Dargou, nommé pour representer au procés les habitants d'Arcousat, défendeurs éventuels; - Attendu que ces conclusions incidentes qui faisaient suite aux conclusions principales dont elles étaient la conséquence, ne pouvaient être accueillies qu'autant que celles dont elles dérivaient eussent été admises, puisque la mise en cause du maire ne pouvait s'effectuer et être ordonnée qu'en déclarant nulies, irrégulières, la présence et la nomination du syndic; - Attendu qu'en confirmant le jugement du tribunal de première instance dont l'arret adopte les motifs, la cour royale a très-explicitement motivé en même temps le refus de la mise en cause du maire, et le rejet de la demande da hors de cause du syndic; car l'annulation virtuelle de la mise en cause de l'un résultait nécessairement du maintien de l'autre dans la cause; d'où suit que le reproche de violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810 n'est aucunement justifié ; Sur le deuxième moyen : - Attendu que, si les habitants des communes ou sections de communes ont pour représentants légaux les maires, adjoints, etc., et doivent procéder en justice sous le nom et par le ministère de ces officiers, néanmoins toutes les fois que, par les circonstances, il se trouve démontré que les maires, leurs adjoints, ou même un officier municipal à défaut de ceux-ci, ne sauraient ou ne pourraient, sans péril ou 1863. Cela était possible avant la loi de 1831, en cas d'empêchement du maire et de l'adjoint, parce que les conseillers municipaux étaient choisis par l'autorité supérieure, tandis que maintenant ils sont élus et que le nombre des suffrages acquis à chacun d'eux marque le rang qui détermine le droit qu'ils ont d'agir les uns au défaut des autres.-On examinera plus loin la question de savoir si un syndic doit être nommé dans le cas où les habitants de la commune veulent plaider malgré le conseil municipal; mais ce qui est positif et ce qui a d'ailleurs été jugé, c'est que, dans le cas où la commune plaide contre le maire et où l'adjoint n'est pas empêché, il ne peut y avoir lieu de nommer un syndic; c'est l'adjoint qui est le représentant de la commune (ord. cons. d'Ét. 19 juill. 1826, aff. com. de Bellechassaigne, V.n° 4474). 1364. Deux cas peuvent se présenter: 1o le maire et l'adjoint refusent d'agir; 2° ils ont des intérêts opposés à ceux de la commune, ce qui les met dans la nécessité de se récuser ou ce qui oblige le conseil municipal à leur refuser le droit de plaider pour la commune. La question de savoir si le maire ou l'adjoint qui refusent d'agir peuvent être remplacés, s'est presentee avant les lois de 1831 et de 1837 sur l'organisation municipale. L'adversaire de la commune était son maire et l'adjoint ne poursuivait pas. Il s'agissait d'une commune ayant moins de cinq mille habitants. Le conseil municipal, réuni par le préfet à cet effet, chargea un de ses membres de continuer la procédure qui avait été précédemment commencée; mais la cour de cassation décida que le conseiller municipal délégué n'avait pas qualité (Cass., 17 juin 1834) (1).—V. nos 346 et suiv. cinq mille âmes; mais cette circonstance était indifférente dans la cause; car la loi du 29 vend. an 5, faite pour mettre les communes à même de faire valoir leurs droits en justice, n'avait concédé aux administrations municipales le droit de déléguer un de leurs membres pour suivre le procès des communes dont la population excède cinq mille habitants, qu'afin de les placer sous la tutelle immédiate de l'administration cantonale. Et, du moment où les communes chefs-lieux de canton n'ont plus eu un rang supérieur aux autres, dans la hiérarchie administrative, leur droit d'intervenir pour nommer un de leurs membres afin de suivre les procès des communes ayant plus de cinq mille âmes, s'est évanoui et il n'est plus resté que le droit commun, c'est-à-dire que l'exercice des actions communales a appartenu en entier au maire et à l'adjoint. 1366. Cependant, lorsque les intérêts de la commune étaient en conflit avec ceux du maire et des adjoints, la commune no pouvait pas rester à la merci de celui qui plaidait contre elle; il devait lui être permis de se faire défendre par un des conseillers municipaux. C'est ce qui résulte implicitement d'une décision du conseil d'État, où on lit: « Louis, etc.; Considérant que les sieurs Chagrin, Thorel, Benard et Bigot, en cessant d'être membres du conseil municipal, ont perdu le droit de défendre, en cette qualité, les intérêts de la commune d'Orvaux; — Considérant qu'il n'a été justifié par eux ni de pouvoir ni d'autorisation d'agir pour et au nom de la commune, postérieurement à la réorganisation du conseil municipal; Art, 1. Les requêtes des sieurs Chagrin, Thorel, Benard et Bigot, sont rejetés» (8 juill, 1818, ord. cons. d'Ét,, aff. Chagrin C. Postel). 1367. Sous la loi du 28 pluv. an 8, et quoiqu'il y eût dans placer l'agent qu'elle désigne par un autre qu'elle ne nomme pas. L'arrêt attaqué, rendu contre Rigoulot, membre du conseil municipal, est done nul. A la vérité, l'art. 2 de la loi du 29 vend. dispose que, dans les communes de plus de 5,000 âmes, le droit de suivre les actions qui les intéressent est attribué à l'officier, choisi à cet effet par l'administration municipale; mais la commune de Saviange n'a pas 5,000 âmes, et Rigoulot, membre du conseil municipal, n'était pas officier municipal; d'ail préfecture; ainsi, sous tous les rapports, l'arrêt attaqué est nul. 1365. On a remarqué qu'il s'agissait d'une commune de sans graves inconvenients, demeurer chargés de la poursuite des intérets des communes et de leurs habitants plaidant en nom collectif, il appartient à l'autorité administrative, en autorisant les communes ou leurs habitants à former leurs actions en justice, de leur permettre de nommer et élire un syndic pour les représenter et poursuivre les actions autorisées; - Attendu qu'il est constant dans la cause que le syndic Dargou, élu par les babitants d'Arcousat (les défendeurs éventuels), à l'effet des poursuites formées contre les demandeurs, n'a été nommé et autorisé par le conseil de préfec-leurs, cet officier municipal n'aurait pas dû être nommé par le conseil de ture du Puy-de-Dôme qu'à raison de ce que ne pouvaient être confiés les intérêts des défendeurs au maire, à l'adjoint ou à l'un des officiers municipaux de la commune d'Arcousat, parce que les uns et les autres de ces fonctionnaires pouvaient avoir ou avaient des intérêts contraires; Attendu que le pourvoi des demandeurs contre l'arrêté du conseil de préfecture, qui autorisait la nomination du syndic des défendeurs éventuels, a été rejeté par le conseil d'État, qui a ainsi confirmé l'arrêté; — D'où résulte que l'autorité administrative, chargée des intérêts des communautés et de leurs habitants, ayant jugé opportun de donner aux défendeurs un representant officiel, à la place de ceux que les circonstances ne permet taient pas de leur laisser, il ne pouvait appartenir aux tribunaux de méconnaître la légalité d'un pareil choix aussi, en admettant l'action des défendeurs éventuels sur la poursuite du syndic, leur représentant légal, l'arrêt attaqué n'a mérité aucunement le reproche de violation des textes de lois invoqués par les demandeurs ; Rejette. -- Du 13 juin 1858.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Gartempe, rap. (1) Espèce:- (Commune de Saviange C. hérit. Dulac.) — La commune de Saviange avait intenté une action contre le sieur Dulac, pour faire déclarer toutes les propriétés qu'il possédait dans cette commune soumises à un droit de vaine pâture; mais, par jugement du 29 avril 1807, le tribunal de Chalons sur-Saône avait rejeté sa demande. --- Il y eut appel, et l'affaire en resta là jusqu'en 1827. Dulac était maire, et l'adjoint restait dans l'inaction. Le procureur général de la cour de Dijon ayant eu connaissance de cet état de choses, en donna avis à l'autorité administrative. Le préfet convoqua alors un conseil municipal, sous la présidence du juge de paix du canton de Buxy, qu'il délégua á cet effet. Ce conseil émit l'avis qu'il fallait suivre sur l'appel, et nomma Rigoulot, l'un de ses membres, pour poursuivre le procès. - Cette déliberation fut approuvée en tout point par arrêté du conseil de préfecture du département de Saône-et-Loire, du 19 janv. 1828. Rigoulot reprit alors l'instance, et la cour de Dijon, par arrêt du 26 nov. 1829, confirma le jugement attaqué. — Depuis, un nouveau maire fut nommé à la com mune. Pourvoi de ce maire pour violation de l'art. 1 de la loi du 29 vend. an 5. -Aux termes de cet article, a-t-on dit, ce sont les adjoints des maires seuls qui ont qualité pour représenter les communes dans les precès qui les concernent, toutes les fois que les maires ne peuvent être chargés de ce soin tout autre individu désigné à leur place serait sans mandat légal. La loi ayant en effet désigné nominativement et exclusivement les fonctionnaires qui devaient, en pareil cas, représenter les communes, il ne peut appartenir à personne de modifier la volonté de la loi, et de rem On répondait pour les heritiers Dulac, défendeurs, que le membre du conseil municipal, qui a soutenu les intérêts de la commune, ayant été délégué a cet effet, non-seulement par le conseil de préfecture, mais encore par le conseil municipal de la commune, le vœu de la loi était rempli; qu'on ne peut contester à l'administration le droit d'aviser à ce qu'une commune ne reste pas sans défenseur, dès l'instant que l'adjoint, devenu, à défaut du maire, son mandataire légal, apportait dans l'exécution de son mandat une négligence telle que l'autorité supérieure se croyait fondée à le soupçonner de sacrifier entièrement les intérêts de la commune; Qu'au surplus, tout ce que l'administration avait cru devoir faire ne pouvait être l'objet d'une discussion devant l'autorité judiciaire. Arrét. LA COUR; Vu l'art. 1 de la loi du 29 vend. an 5; Attendu, en droit, que les communes ne peuvent être légalement représentées devant les tribunaux que par leur maire, et, en cas d'empêchement du maire, que par leur adjoint; Et attendu, en fait, que, dans l'espèce, la commune de Saviange n'a été représentée ni par son maire ni par l'adjoint, devant la cour royale, qui a rendu l'arrêt attaqué; - Qu'à la vérité, le conseil de préfecture, en donnant à la commune de Saviange l'autorisation de plaider, l'avait autorisée à se faire représenter par un membre du conseil municipal; mais que si les conseils de préfecture sont compétents pour autoriser ou refuser l'autorisation aux communes de plaider, il ne rentra pas dans leurs attributions de déléguer un membre du conseil municipal pour les représenter devant les tribunaux ; - Qu'une pareille délégation, lorsqu'elle a été donnée même d'après l'autorisation du préfet du département, comme dans l'espèce, ne peut autoriser les tribunaux, saisis à s'écarter du vœu de la loi, qui ne permet aux communes de plaider que par l'organe de leur maire, ou de l'adjoint en cas de l'empêchement du maire; - Que, dans un pareil état de choses, le tribunal saisi peut ordonner que le maire, ou, dans le cas d'empêchement du maire, que l'adjoint sera mis en cause, sans s mettre en contradiction avec la décision administrative qui aurait autorisé la commune a se faire représenter par un membre du conseil municipal; Que, dans tous les cas, il est du devoir du tribunal saisi d'ordonner que la commune se pourvoira par les voies de droit contre l'arrêté administratif, pour en faire opérer la réfor mation; - Que la cour royale de Dijon ayant statué, sans que la commune de Saviange eût été légalement représentée, a violé ouvertement l'article cité de la loi du 29 vend. an 5; - Par ces motifs, donne défaut contre Louise Dulac; Casse, Du 17 juin 1834.-C. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1er p.-Carnot, rap. Laplagne-Barris, 1er av. gén., c. conf.-Desclaux et Gayet, av. |