qu'à raison de 2 sous et demi la livre; et quelque temps auparavant, lors de notre relâche aux Vignettes, le même poisson coûtoit à Toulon 6 sous la livre. Une autre richesse de la mer, près des côtes de la Sicile, est le corail qui en rougit les hauts-fonds, et dont la pêche occupe un grand nombre de bateaux. Enfin, pour que rien ne paroisse sans vie et sans mouvement, des goëlands fendent l'air de leur vol rapide et en tous sens, au-dessus des mâts des vaisseaux mouillés dans le port, et opposent le beau blanc de leur plumage à l'azur brillant d'une atmosphère presque toujours pure. 1 CHAPITR E. V. TRAVERSÉE DE PALERME A MALTE. SONDES ENTRE LA SICILE ET L'ISLE DE MALTE, ET ENTRE CELLE-CI ET L'AFRIQUE. CÔTES DE LA SICILE. LA PANTELERIE. L'ISLE DE MALTE; SA NATURE, SES VILLES, SES PRODUC TIONS. Nous avons quitté le beau port de Palerme le 22 mai, un peu après minuit. La frégate portoit tous ses canons; ceux que l'on avoit sacrifiés à la commodité des passagers, et dont l'absence dérangeoit la symétrie de l'extérieur du vaisseau, étoient rétablis, Nos gens de cour nous avoient abandonnés. Effrayés du mauvais temps que nous avions éprouvé en mer, et particulièrement de la tempête dont nous avions été accueillis par le travers des bouches de Boniface, ils n'avoient plus voulu s'exposer aux fougues d'un élément aussi inconstant, et ils avoient pris la détermination de se rendre à Naples, en traversant la Sicile, et de revenir, par terre, en France. On leur avoit assuré, à Versailles, et j'ai entendu énoncer la même opinion à Paris, qu'un vaisseau de guerre étoit inébranlable au milieu des flots, et que l'on y étoit aussi tranquille que dans sa propre maison. Quel fut leur étonnement lorsqu'ils s'apperçurent qu'une machine si grande et si lourde, n'étoit que le frêle jouet des vents et des vagues écumantes! Nous perdions une société aimable, et je regrettai vivement que notre séparation me fit manquer l'oe casion d'aborder à Syracuse, et d'approcher du mont Etna, que la nature semble avoir placé en Sicile pour y donner, tout-à-lafois, un exemple de sa puissance dans ses bienfaits comme dans sa colère. A quelque distance du port, nous res tâmes en calme jusqu'au lendemain à midi. Nous avions autour du vaisseau une multitude de petits bateaux occupés à la pêche du corail : nous vîmès une grande tortue de mer et plusieurs de ces poissons que les marins de la Méditerranée appellent moines (1), et qui sont une espèce de chien (1) On le nomme aussi poisson-ange, ou simplement ange. Squalus squatina, L. Syst. nat.- Squalus pinna de mer. Quatre soldats de la garnison de Palerme se réfugièrent à bord, avec un bateau qu'ils avoient enlevé; on les reçut, et on renvoya le bateau par un pêcheur. Deux de ces soldats étoient déjà déserteurs françois. A dix heures du soir, un officier sicilien vint les réclamer de la part du viceroi; ils étoient sous la protection du pavillon de France; on les refusa; et l'officier s'en retourna de fort mauvaise humeur, du peu de succès de sa mission. Nous avions, de notre côté, perdu à Palerme deux matelots qui y avoient déserté, et qu'il nous fut impossible de récupérer. Buffon avoit savamment établi que la mer Méditerranée, d'abord un lac de peu d'étendue, avoit reçu, dans les temps reculés, un accroissement subit et prodigieux, à l'époque où la mer Noire s'étoit ouverte un passage par le Bosphore, et à celle où l'affaissement des terres qui, à l'emplacement du détroit de Gibraltar, unissoient l'Afrique à l'Europe, avoit permis à l'Océan d'y porter ses eaux (1); il avoit pensé que ani carens, ore in apice capitis. Artedi. gen. Pisc p. 507. (1) Théorie de la terre, et Epoques de la nature. la plupart des îles de la Méditerranée faisoient partie des continens, avant les grands bouleversemens d'une partie du globe. Afin de fixer davantage l'opinion sur ces époques de la nature, il m'avoit prié de m'as- ́ surer de la profondeur de la mer, entre la Sicile et Malte. Je ne pouvois avoir une occasion plus favorable de remplir ses vues.Nous avions à bord un pilote côtier, vieillard très-expérimenté et recommandable à tous égards, lequel, dans ses nombreux voyages, avoit sondé cette profondeur en différens endroits. Je profitai du calme pour m'entretenir à l'aise avec lui; et le résultat des détails intéressans qu'il me donna, fut parfaitement conforme aux idées de Buffon. En effet, entre l'île de Sicile et celle de Malte, la profondeur des eaux est communément de. vingt-cinq à trente brasses, et dans le milicu du canal, où le fond est le plus grand, l'on n'y en trouve pas plus de cent. De l'autre côté, entre l'île de Malte et le cap Bon, en Afrique, il y a encore moins d'eau, car la sonde ne rapporte que vingt-cinq à trente brasses, dans toute la largeur du canal qui sépare ces deux terres. Une brise de l'est nous porta sur Saint |