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Vitto, promontoire élevé et coupé d'aplomb. Les côtes, depuis Palerme jusqu'à ce cap, sónt escarpées et entrecoupées par des vallées dont la terré, chargée des richesses dela culture, contraste agréablement avec l'aridité des rochers qui les avoisinent. Il y a beaucoup de fond le long des côtes, et les vaisseaux peuvent les approcher de trèsprès, sans risques. Nous passâmes bientôt entre Maretimo et Favoyanne, deux petites îles qui appartiennent au roi de Naples et sur lesquelles il relègue ses prisonniers d'état. En faisant route vers Malté, nous pûmes voir une longue étendue des côtes basses de la Sicile, entre le cap Marsalla et le cap Passaro à l'extrémité duquel on a bâti un fort. Dans le lointain, nous découvrîmes une chaîne de hautes montagnes parallèles à la côte. Le temps étoit beau, le ciel étoit pur, le vaisseau s'avançoit lentement sur une surface qu'un vent léger couvroit à peine de rides, et nous ne pouvions nous lasser d'admirer de vastes plaines 'embellies par tous les charmes de la nature, et par la diversité des travaux de l'agriculture.

Le matin du 25, nous nous trouvâmes

près de la Pantélerie, ile beaucoup plus longue que large, élevée dans son milieu et se terminant en poințe basse à chacune de ses extrémités. Elle est habitée et assez fertile. Un officier da vaisseau, qui, dans un voyage précédent, y avoit abordé, me dit que, sur toute l'île, il n'y avoit qu'une seule source, mais qu'au sommet de la montagne la plus élevée, c'est-à-dire, à-peuprès au centre de l'île, il y avoit un lac assez considérable. Ce lac est sans doute le cratère d'un volcan éteint, car le mêmę officier, y en avoit trouvé tous les indices, tels que des laves, des pierres ponces, etc. etc. Le travers de la Pantélerie est redouté par les marins, sur-tout pendant l'hiver, parce que l'expérience leur a appris que l'on y passe rarement, sans éprouver quelque coup de vent.

Le soir, nous vîmes quelques hirondelles: nous étions à quatre lieues de la Pantélerie et le vent étoit à l'est. Le 26, à trois heures du soir, nous entrâmes dans le port de Malte, l'un des plus vastes et des plus beaux de l'univers. Son entrée est fort étroite et défendue de chaque côté par un château formidable; les vaisseaux doivent

porter à l'avance le plus de voiles qu'il leur est possible, afin d'avoir l'air ou la vitesse propre à leur faire franchir ce passage, au milieu duquel ils se trouvent tout-à-coup en calme, à cause de la hauteur des forts qui surpasse celle de la mâture. L'usage des vaisseaux de guerre françois étoit de saluer la place de treize coups de canon, auxquels elle répondoit par onze; lorsque les vaisseaux de la religion entroient dans les ports de France, ils observoient la même étiquette. Si la galère générale étoit dans le port, on devoit la saluer de quinze autres coups de canon, et au moment où le général venoit rendre la visite que le commandant françois devoit lui faire le premier, on l'honoroit d'une salve de treize coups. Chaque bailli de l'ordre, à qui il plaisoit de se promener à bord, étoit reçu au bruit de cinq coups de canon; ensorte qu'il arrivoit souvent qu'un vaisseau de guerre françois, qui faisoit quelque séjour dans le port de Malte, y dépensoit plus de poudre que dans le reste de sa campagne.

Les fortifications qui défendent le port et la ville sont les meilleures du monde ;

on les entretenoit avec un soin extrême. On sait que les forces réunies de l'empire Ottoman ont échoué contre ce rempart inexpugnable. C'étoit une conquête, ou plutôt -un nouveau prodige réservé à la valeur françoise.

Le comble des maisons, comme en Italie et dans tout l'Orient, est en terrasse. La cité Valette où la nouvelle ville est bien bâtie; les pierres qui servent à la construction des édifices et au pavé des principales rues n'ont point de consistance lorsqu'on les emploie: elles se durcissent à l'air; mais elles sont en même-temps d'une blancheur extraordinaire qui fatigue la vue, sur-tout quand elles réfléchissent les rayons d'un soleil ardent. Le palais du grand-maître étoit vaste, et d'une belle simplicité au-dehors et au-dedans.

L'ordre de Malte avoit une bibliothèque publique dont l'augmentation étoit assez rapide; les bibliothèques particulières des commandeurs y étoient déposées après leur mort; les exemplaires doubles se vendoient, et le produit servoit à l'acquisition des livres qui manquoient. L'on voyoit, dans cette bibliothèque, quelques objets d'histoire na

turelle, parmi lesquels on distinguoit un os pétrifié, d'un gros volume; il passoit, à Malte, pour un morceau de bois pétrifié, mais le tissu osseux étoit aisé à reconnoître, et je convainquis de sa nature les personnes instruites. C'est une portion de femur d'un grand quadrupede; j'en ai adressé le dessin à Buffon.

Un autre cabinet de curiosités, mais plus riche, étoit possédé par un M. Barbaroux. Sans être très- considérable, il renfermoit des objets précieux; et le propriétaire, qui joignoit l'honnêteté à la science, le montroit aux étrangers avec beaucoup de complaisance, Ce petit muséum contenoit plu sieurs belles coquilles et des pétrifications curieuses; un grand nombre de médailles étoient rangées dans un médaillier d'une forme ingénieuse. Au milieu des objets d'art, on y voyoit avec plaisir une fort grosse perle figurée, une belle tête peinte sur l'émail en clair-obscur, et un grand médaillon de cristal, gravé par MichelAnge. Je ne terminerai pas cette énumé ration de choses rares, sans faire mention d'un de ces phénomènes que l'on nomme communément écarts de la nature, comme

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si

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