Malouet a été rejetée, et les questions posées par M. de Beaumetz sont demeurées dans le même ordre vicieux où elles étoient quand il les a présentées. La première de ces questions a été traitée le vendredi, par M. Ræderer; c'est par lui et par M. Barnave que l'intervention royale a été attaquée avec le plus de force et de succès. Voici la substance de leurs moyens. Le concours de la volonté du roi pour la nomination des juges ne donnera pas à la nation de meilleurs juges que l'institution nationale, sans concours et sans partage; ce concours rendra les élections immorales. Ceux qui auront la noble ambition de parvenir à un emploi de judicature, seront obligés de revêtir deux visages: l'un pour se montrer au peuple avec des vertus populaires, un caractère franc et loyal; l'autre pour solliciter les ministres, leurs subalternes, des femmes peut-être..... Quel est l'homme fier et libre qui se mettra sur les rangs, si, après avoir reçu l'honorable distinction de la confiance du peuple, il est forcé d'aller mendier la faveur d'un ministre? Ce systême détruit la liberté, la morale et tous les principes sans lesquels il n'y a ni liberté ni morale. A l'époque d'une révolution qui laissera tant 'de haine et de projets de vengeance, le concours des ministres et de leurs entours seroit plus particulièrement funeste dans les élections des juges: il ne nous laisseroit pas un juge vraiment populaire. On prétend que le concours du roi est nécessaire à la sta bilité de notre constitution monarchique; qu'il dérive nécessairement de l'attention que nous avons eue de placer dans les mains d'un seul le pouvoir exécutif; que refuser au roi cette influence dans l'élection des juges, c'est avouer le des sein d'établir parmi nous une démocratie outrée. Eh bien! cette vue secrette étoit celle de Montesquieu, lorsqu'il dis tinguoit si soigneusement les trois pouvoirs, le pouvoir légis latif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire; lorsqu'il disoit que tout est perdu, si le prince exerce lui-même la justice. Il y a plus: cette opinion étoit réalisée dans nos usages, dans notre droit public; car jamais le roi n'a jugé : le conseil lui-même ne juge pas, il décide seulement s'il y a lieu à faire juger de nouveau une affaire sur laquelle quelque tribunal a déjà prononcé. - L'inamovibilité des juges fut établie pour qu'ils ne fussent jamais soumis à l'influence royale. La nature du pouvoir judiciaire justifie et l'opinion de Montesquieu, et nos anciens usages. Le pouvoir judiciaire, le pouvoir d'appliquer les loix est le plus voisin du pouvoir de les faire; il y touche de si près, qu'il ne peut jamais être aliéné par le peuple. Quand il feroit partie du pouvoir exécutif, il devroit être séparé des autres branches de ce pouvoir, parce que sans cela il conduiroit à réunir sur la tête du prince le pouvoir législatif lui-même, et à priver les peuples de toute liberté. On demande ce qui restera au roi dans les pouvoirs politiques nationaux? On répondra 1o. l'exécution des jugemens 2. le droit de surveiller les juges, et de les citer devant la cour suprême: 3. la nomination aux emplois de notre armée fiscale: 4. celle des emplois de notre armée proprement dite, qui, quoique plus resserrée, n'en aura que plus d'influence: 5. il sera le chef suprême des corps administratifs, Si le roi veut plus d'autorité, il aura une grande ressource à sa dispo 4 sition; c'est l'amour de son peuple, qui ne manque jamais à la vertu des rois, et qui n'a jamais manqué à celle de Louis XVI. De deux choses l'une, ou la nomination royale donnera au roi, c'est-à-dire à sa cour, de l'influence sur la justice, ou elle n'en donnera pas. Dans ce dernier cas, comment la nomination royale sera-t-elle le ciment de la constitution, comment rappellera-t-elle à l'unité les membres de l'empire qui tendroient à se séparer ? - Si, au contraire, elle doit influer sur les jugemens, si nos tribunaux nommés par le prince doivent recevoir leurs inspirations de la cour, c'està-dire, du foyer de toutes les intrigues, du centre de toutes les corruptions, si l'on entend que nous vivrons sous des loix saintes et sous des jugemens arbitraires, nous dirions à notre tour: il est enfin dévoilé ce secret redoutable! Des ennemis de la liberté et de la royauté veulent rétablir, étendre même le despotisme ancien par le plus exécrable moyen, par la corruption de la justice. M. Goupil de Préfeln, également éloigné de donner au roi une influence destructive de l'influence populaire, comme de lui refuser toute espèce d'influence, a proposé un mezzo termine auquel personne n'a fait d'attention. Les juges élus par le peuple devoient être institués par le roi, dans le terme de quarante jours après la remise de leur acte d'élection au chancelier et garde des sceaux. Dans le cas où S. M. estimeroit ne devoir pas leur faire expédier les provisions nécessaires, le chancelier leur re mettroit une déclaration par écrit contenant les causes sur lesquelles le refus seroit fondé. Muni de cette pièce, le sujet refusé pourroit se pourvoir à la cour supérieure pour faire juger contradictoirement la validité du refus. Si le refus n'étoit pas motivé, la cour supérieure accorderoit l'institution comme si le sujet élu n'avoit pas été refusé par le roi. M. de Cazalès a parlé à différentes reprises en faveur de l'intervention royale. Il a combattu l'autorité de Montesquieu, et soutenu qu'il n'y avoit essentiellement que deux pouvoirs, le législatif et l'exécutif; - que le pouvoir judiciaire rentre nécessairement dans le second de ces deux pouvoirs; que le jugement n'est autre chose qu'un acte qui ordonne l'exécution de la loi, et qu'ainsi le pouvoir de juger n'est point différent du pouvoir d'exécuter; - que si le pouvoir exécutif propre demeure entre les mains du roi, la nomination des juges doit dépendre de lui comme celle de tous les officiers qui servent à l'exécution des loix. Il a cherché à opposer au tableau des vices de la cour, celui des factions populaires. - Il a cité les Socrate, les Lycurgue, les Aristote, les Coriolan, les Camille, etc. (Il eût mieux valu 1 1 traiter la question par des raisons, que par ce vain étalage d'une erudition de collége ). Il a imputé aux ennemis de l'intervention royale dans le choix des juges, le dessein de réduire là monarchie à une simple énonciation. Il a appelé tous les bons François au secours de l'autorité royale.-Dans un empire, disoit-il, où il n'existe plus d'intermédiaire entre le peuple et le roi, où la destruction du clergé de la noblesse et des parlemens. (Des applaudissemens redoublés s'étant fait entendre. « Il est bien étonnant, » s'est écrié M. Lavie, qu'on ne veuille pas >> entendre l'oraison funebre de tant d'op>> presseurs. « ) Il me seroit facile de prouver que c'est l'oraison funèbre de la monarchie, a reparti M. de Cazalès. - Et après une excursion plus violente que raisonnée contre ceux qui s'opposent à l'influence royale, contre ceux qui veulent rendre le pouvoir judiciaire, ce lien sacré qui unit les rois et les peuples, étranger au gouvernement, il a conclu en exhortant tous les bons citoyens à se réunir pour demander que le roi choisisse parmi trois sujets qui lui seroient présentés. L'assemblée a écarté par la question préalable et l'amendement de M. Goupil de Prefeln, et un autre de M. de Toulongeon, qui étoit fondé sur ( |