Jacques, Renaud, Hardi. Qui croiroit que ces mêmes hommes qui avoient applaudi au peuple et à ses intentions, qui avoient offert de rester en otage, de protéger les pétitionnaires de la force publique; qui croiroit que ces mêmes magistrats ont été reporter à la municipalité qu'ils avoient trouve le champ de la fédération couvert d'un grand nombre de personnes de l'un et l'autre sexe, qui se disposoient à rédiger une pétition contre le décret du 18 de ce mois ; qu'ils leur avoient remontré que leur démarche et leur reclamation étoient contraires à l'obéissance à la loi, et tendoient évidemment à troubler l'ordre public? Si la France redevient libre il faut que les noms de Jacques, Renaud et Hardi soient affichés dans toutes les villes, à toutes les rues, pour être à jamais voués à l'exécration publique. On ne peut pas dire cependant que la munieipalité en soit moins coupable, qu'elle ait été induite en erreur par le rapport de ses commissaires, car elle se mettoit en marche à leur arrivée. Ces mêmes commissaires ont dit qu'un homme avoit essayé de tirer un coup de fusil à bout portant sur M. de la Fayette; que le coup avoit manqué; qu'il avoit été arrété et conduit au comité, d'où M. de la Fayette l'avoit fait sortir et mettre en liberté. Ce fait est bien singulier, sur tout quand on le compare à ce qui venoit de se passer au même lieu, au Gros-Caillou : une heure auparavant, on avoit aussi essayé de tirer un coup de fusil sur. M. Desmottes, aide-de-camp, et le coup avoit également manqué. Par quelle inconcevable fatalité arrive-t-il que deux armes à feu ratent dans les mains de séditieux, de hardis scélérats qui se dévouent à fusiller en public un général et soa aide de camp? Le ciel veilloit-il sur ces deux têtes? Ou bien les brigands avoient-ils reçu ordra de manquer leur coup? Oui, ils en avoient reçu ordre; oui, ce simulacre d'assassinat du général étoit un coup monté pour enflammer la garde nationale. Le commandant général a-t-il pu favoriser le crime? A-t-il pu soustraire un assassin aux mains de la justice? Devoit-on lui obéir quand il commandoit une infraction à la loi ? Comment! on se récrie avec tant do fureur contre ceux qui jetèrent des pierres, et l'on sauve un scélérat qui tire un coup de fusil à bout portant? quel mystère d'iaiquité! ou plutôt ce n'est plus nn mys tère, ce sont des iniquités, c'est un complot évident. La coalition a payé des gens pour faire feu, pour jeter des pierres, pour insulter à la garde nationale; ces insultes ont été faites hors du champ de Mars, et les chefs de la conspiration ont dirigé les armes et la fureur égarée du soldat contre les tranquilles pétitionaires, groupés en silence sur l'autel de la liberté. 23 « En arrivant, dit M. Bailly, par le chemin qui » traverse le Gros-Caillou, le corps municipal a » remarqué un très-grand nombre de personnes » des deux sexes qui sortoient précipitamment du champ de la fédération. Lorsque le corps municipal y est entré, il étoit sept heures et demie, » où huit heures moins un quart; ainsi plus de deux » heures s'étoient écoulées depuis la proclamation » de la loi martiale. L'intention du corps munici» pal étoit de se porter d'abord vers l'autel de la >> patrie qui étoit couvert de personnes des deux » sexes, ensuite à l'école militaire; mais à peine » le corps municipal étoit-il engagé dans le passage » qui conduit au champ de la fédération, qu'un » grand nombre de particuliers qui s'étoient pla»cés au haut des glacis, et qui conséquemment dominoient les gardes nationales, se sont mis à » crier à plusieurs reprises à bas le drapeau » rouge! à bas les bayonnettes »>! D Ainsi plus de deux heures s'étoient écoulées depuis la proclamation de la loi martiale.... donc vous aviez le droit de faire tirer sur le peuple da champ de Mars. Vous aviez proclamé la loi mar tiale à la Grève, et les pétitionnaires qui étoient à plus d'une lieue devoient le savoir.'intention du corps municipal étoit de se porter d'abord vers l'autel de la patrie.... et parce que des brigands salariés, des brigands que vous aviez rencontrés au Gros-Caillou, vous ont suivis, se sont placés au haut du glacis, vous ont crié : à bas le drapeau rouge! à bas les bayonnettes! vous avez ordonné le massacre des pétitionnaires muets sur l'autel de la patrie? Français, qui voulez être éclairés sur vos intérêts, ne perd z pas de vue la position de cet autel, celle du champ de Mars, celle du Gros Caillou. Toutes les insu'tes à la garde nationale ont été faites au Gros- Caillou; ce sont les mêmes hommes qu'on y avoit apostés qui sont venus les réitérer sur les g acis du champ de Mars; mais des glacis à l'autel il y a une longue di tance; mais c'étoit sur l'autel qu'en signoit la pétition; mais l'autel et son pourtour n'étoit garai que de citoyens honnêtes; mais il ne fut fait aucune proclamation à ces citoyens, et c'est principalement ceux-là qui ont、 été massacrés; on a épargné les scélérats, on a soustrait à la justice un assassin qui avoit manqué son coup, et l'on a sacrifié les pétitionnaires. On vante beaucoup M. le commandant général d'avoir employé tous ses efforts pour faire cesser le feu et empêcher la troupe de tirer; mais, encore un coup, s'il s'est mis entre le feu et les picr res, ce n'est que du côté du Gros Caillou, du côté des glacis ou étoient les brigands, et nullement du côté de l'autel de la patrie; là, il n'y avoit ni armes, ni pierres; il n'a don. pu se mettre entre le feu et les pièrres; il étoit donc loin de p nser à sauver les pétitionnaires Enfia eten deux mots, la loi martiale n'est instituée que pour dissiper les rassemblemens quand on les croit dangereux : chaque rassemblement, chaque groupe doit être averti de se disperser; un groupe de 30 mille personnes a été fusillé sans qu'on lui ait donné le moindre avis; la garde a poursuivi avec acharnement ceux même qui fuyoient que l'on juge de la profonde scélératesse de ceux qui sont parvenus à faire exécuter un tel massacre au nom de la loi, et par les mains des enfans de la liberté. Qui leur a doncpu donner le funeste exemple d'une conduite si barbare? Sont-ce les troupes de ligne? Ah! nous vous le rappelleroas ici, Parisiens, c'est à des soldats encore esclaves, encore aux ordres et sous la main des despotes que vous devez votre régénération. Si dans les premiers troubles de la révolution ils eussent brûlé une amorce contre le peuple qui souvent les attaquoit, auriez-vous jamais pu dire ma patrie? Traitera-t-on de lâcheté leur patience héroïque au milieu des séditions populaires? Etoit-il composé de lâches, ce brave régiment de Royal Piémont, en garnison à Nevers, qui préférant être victime de son obéissance à la loi, à l'enfreindre pour sa défense, resta immobile sous une grêle de pierres que lui lançoit une multitude égaréa? Il étoit cependant déployé ce drapeau du carnage; mais la loi n'avoit pas parlé. Combien la conduite que vous venez de tenir fait ressortir la beauté de celle des cavaliers de Pié mont, vous qui deviez les surpasser en modération et en générosité! Mais hélas! nous ne le savons que trop, il y a dans le sein de la garde nationale des brigands payés pour la déshonorer. M. Bailly dit qu'on évalue le nombre des merts à onze ou douze, celui des blessés à dix ou douze: c'est ainsi qu'a toujours fait le despotisme; toujours il a pris soin de cacher le nombre de ses victimes. Nous croyons, avec tous ceux qui étoient sur le champ da massacre, que le nombre des morts est à peu près de cinquante; et qui sait ce que la cavalerie en a sabré dans la campagne? L'assemblée a approuvé la conduite de la municipalité et de la garde nationale. Depuis lors, on од arrête dans les rues tous ceux qui osent parler de cet événement: on informe contre ceux qui y ont eu part; et si les choses restent dans cet état, l'on peut dire que la contre révolution est faite, et que c'est la garde nationale de Paris qui l'a faite sans s'en douter. Mais ne désespérons de rien, notre perte n'est pas encore assurée, nous avons deux moyens de nous sauver; la pétition qui nous reste, et le patriotisme des gardes nationales, qu'on n'égarera pas jusqu'au bout. Oui, la pétition reste; elle est accompagnée de six mille signatures; de généreux patriotes ont exposé leur vie pour la sauver du désordre, et eile repose aujourd'hui dans une arche sainte, placée dans un temple inaccessible à toutes les brionnettes; elle en sortira quelque jour; elle en sortira rayonnante. Peut-être la garde nationale à leur tête, les patriotes iront la chercher en triomphe; ce sera pour eux l'oriflamme de la liberté. L'assemblée nationale, ouvertement coalisée aujourd'hui avec la cour, aura beau dire que cette pétition est incendiaire, qu'elle est contraire à son décret : une législature suivante, si nous avons le bonheur d'en avoir une; si le complot ne va pas jusqu'à vouloir initer le long parlement d'Angleterre ; une législa ture suivante dira: Le décrc étoit contraire à l'opinion publique, et l'opinion publique sera consultée par les nouveaux législateurs. La pétition du 17 juillet étoit incendiaire..... Quoi! une pétition! Le mot incendiaire placé à côté du mot pétition ! Cela se peut-il? Ou l'assemblée nationale est un corps despotique, ou une pétition, telle qu'elle soit, ne peut être incendiaire. Depuis que le décret du marc d'argent est rendu, combien de pétitions n'ont pas été adressées à l'assemblée, pour en obtenir la suppression? S'est on jamais avisé de dire que ces pétitions étoient séditieuses; que les pétitionnaires étoient des factieux? On insinue aujourd'hui que les re |