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tredite par leur acte de naissance, ne peuvent jamais être tenus de représenter l'acte de mariage de leur pere et mère, décédés. ]

En 1703, décès de la femme de Jean Poutiant, menuisier à Lyon. Deux enfans, Claude et Marie, sont issus du mariage. En l'an 4, Poutiant prend à son service la demoiselle Guy. Quelques mois après cette fille devient enceinte. Pendant sa grossesse, le 26 vendémiaire an 5, il est passé entre elle et Poutiant un contrat de mariage, mais un contrat seulement; du moins il n'apparaît d'aucun acte de célébration qui ait suivi. Le 5 nivose, la demoiselle Guy accouche d'une fille, qui reçoit le nom de Benoîte. Poutiant se présente lui-même à l'officier de l'état civil, et déclare que l'enfant est né dans son domicile, de lui et de Marguerite Guy, son épouse. L'année d'après, le 4 messidor, la demoiselle Guy donne le jour à un deuxième enfant, du sexe masculin, qui est nommé Jean. Son acte de naissance renferme les mêmes déclarations et énonciations que celui de Benoîte. Deux ans après, le 17 ventôse an 8, la demoiselle Guy décède au domicile de Poutiant. Son acte de décès, comme les deux actes de naissance de ses enfans, la qualifient épouse de Poutiant. Poutiant ne lui survit que de quelques jours: il meurt le 4 germinal. Ses enfans et ceux auxquels la demoiselle Guy avait donné naissance étant mineurs, le juge de paix du canton de Nord-Est de Lyon convoque d'office une assemblée de famille, à l'effet de les pourvoir de tuteur. Dans cette assemblée, le juge de paix expose, à l'égard des enfans de Marguerite Guy, « que, le 6 vendémiaire an 5, il » y avait eu entre elle et Jean Poutiant, un contrat » de mariage; que les parties s'étaient respectivement

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promis de s'épouser l'une et l'autre ; mais qu'il ne » paraissait pas que cet acte eût été suivi des forma» lités voulues par nos lois pour consacrer la validité > d'un mariage. >>

Les parens, d'une voix unanime, reconnaissent la vérité de ces faits. Ils nominent deux tuteurs, l'un pour Claude et pour Marie, l'autre pour Jean et pour Benoîte. Le premier est exclusivement chargé de la gestion des biens délaissés par Poutiant. En 1806, Claude et Marie, parvenus à leur majorité, annoncent l'intention de n'admettre Jean et Benoîte à l'hérédité du père commun que comme enfans naturels légalement reconnus: en cet état, le tuteur de Jean et de Benoîte prévient l'action qui les menace, et demande, en leur nom, le partage, en portions égales, de l'hérédité paternelle. Claude et Marie le soutiennent non recevable; attendu que Jean et Benoîte ne représentent pas l'acte de célébration du prétendu mariage de leur père et mère ; attendu d'ailleurs que tout concourt à établir que ce mariage projeté n'a jamais été réalisé. Le tribunal et la Cour de Lyon rejettent cette défense, déclarent enfans légitimes Jean et Benoîte, et ordonnent le partage par eux demandé ; attendu 1°. que l'art. 197 du C. N. dispensent les enfans de représenter l'acte de célébration du mariage de leur père et mère décédés ; 2o. que dès lors il ne s'agit que de savoir si Jean et Benoîte ont possession d'état d'enfans légitimes, et si leur père et mère ont vécu comme mari et femme; mais que ces faits sont suffisamment prouvés par les actes de naissance des deux enfans, par le contrat de mariage du 6 vendémiaire, par l'acte de décès de Marguerite Guy, enfin par la convocation et par la

délibération de l'assemblée de famille, après le décès de Jean Poutiant.

Claude et Marie se pourvoient, et disent :

L'art. 197 n'est pas applicable à la cause; deux preuves:

1o. Il dispense les enfans de représenter l'acte de célébration du mariage de leur père et mère décédés; mais dans quel cas? C'est dans celui des art. 194 et 195; or, ces deux art. portent que tout individu qui réclame le titre d'époux doit représenter l'acte de célébration de son mariage, sauf le cas prévu dans l'art. 46, et ce dernier art. statue que la preuve du mariage sera reçue tant par titres que par témoins quand il n'a point existé de registres de l'état civil, ou quand ces registres ont été perdus. Ce n'est donc que lorsqu'il n'a point existé de registres ou qu'ils sont perdus, que l'art. 197 dispensent les enfans de représenter l'acte de célébration du mariage de leur père et mère décédés. Jean et Benoîte doivent donc représenter cet acte de célébration; car les registres de l'état civil étaient tenus exactement à Lyon à l'époque où le prétendu mariage de Poutiant et de Marguerite Guy aurait pu avoir lieu, et ces registres n'ont point été perdus.

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2o. L'art. 197 porte que lorsque les père et mère sont décédés, << la légitimité des enfans ne peut être > contestée sous le seul prétexte du défaut de repré>> sentation de l'acte de célébration. » - Sous le seul prétexte, c'est-à-dire, qu'elle peut être contestée lorsque le défaut de représentation de l'acte de célébration n'est pas le seul indice qui s'élève contre le mariage allégué ; lorsqu'il résulte de l'ensemble des circonstances qu'il n'y a jamais eu de mariage. Or,

dans l'espèce, tout prouve qu'il n'y a point eu de mariage entre Jean Poutiant et Marguerite Guy.

Ces interprétations de l'art. 197 sont les seules admissibles. Si l'on pensait avec la Cour d'appel, qu'il a pour objet de dispenser dans tous les cas les enfans de représenter l'acte de célébration du mariage de leur père et mère décédés, il en résulterait que l'état civil serait sans aucune garantie: quelques hypothèses vont le prouver.

Un homme entretient à la fois deux commerces illégitimes sous des toits différens: de ces deux commerces naissent des enfans: leur père reconnaît et les uns et les autres dans les actes de naissance : il y donne à ses deux concubines le même titre, le titre honorable d'épouse. Dans le système de la Cour de Lyon, ces actes de naissance seraient pour tous ces enfans des titres irréfragables de légitimité. La bigamie serait donc consacrée par une loi positive.

Un homme marié vit dans un commerce adultérin. Les enfans nés de ce commerce sont reconnus par lui dans leurs actes de naissance : ils sont qualifiés enfans légitimes la légitimité ne peut donc leur être déniée, aux termes de l'arrêt attaqué. Enfin, sans sortir de l'espèce de la cause, on peut établir une troisième hypothèse. Supposons que dans l'acte de naissance de Jean, second enfant de Marguerite Guy, Poutiant eût déclaré qu'elle n'était pas son épouse. Jean, dans cette hypothèse, ne pourrait se prévaloir de l'art. 197 il ne pourrait invoquer une possession d'état contredite par son acte de naissance; et en conséquence il serait tenu de représenter l'acte de célébration du mariage de ses père et mère, tandis que cette obligation ne peserait pas sur Benoîte. Ainsi, contre ce principe constant que l'état des hom.

mes est indivisible, Marguerite Guy serait épouse a l'égard de son premier enfant, et concubine à l'égard du second, sans qu'il y eût eu de divorce.

M. Giraud, Avocat-général, a conclu au rejet du pourvoi. Il a dit que ce n'est pas seulement dans le cas de perte ou de non-tenue des registres de l'état civil, que l'art. 197 dispense les enfans de représenter l'acte de célébration du mariage de leur père et mère décédés; mais encore, comme l'a dit l'orateur du Gouvernement, parceque souvent des enfans ne connaissent ni ne peuvent connaître ce qui s'est passé avant leur naissance, et qu'il leur est impossible de savoir dans quel lieu leur père et mère ont formé leur union. Il en a conclu que la règle contenue dans l'art. 197 est absolue et ne souffre aucune exception. Quant aux trois hypothèses imaginées par les demandeurs, il a répondu, aux deux premières, qu'on ne devait pas trouver surprenant que les enfans qu'un homme aurait de deux concubines, ou de sa femme et d'une concubine, pussent être réputés légitimes, puisque, selon les circonstances, la loi ellemême répute légitimes les enfans issus d'un second mariage contracté avant la dissolution du premier (art. 147, 201, 202). — Il a répondu à la troisième que, bien qu'elle présente un résultat singulier, elle ne prouve cependant rien contre le principe, parceque l'exception admise en faveur de l'enfant par l'article 197, ne repose que sur la présomption du mariage de ses père et mère, et que dès-lors l'enfant qui remplit les conditions auxquelles elle est attachée, peut seul l'invoquer.

LA COUR, attendu que Jean Poutiant et Marguerite Guy, étant décédés, et les actes de naissance de Benoîte et Jean

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