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COURS D'APPEL.

Suppression d'état.

Paris, 1ère, et 2o. chambres réunies, 20 évrier 1810. C. N., 323, 1382. [ Celui qui se plaint d'une suppression d'état, doit prouver d'abord quel est l'état qu'on lui a enlevé. Des secours volontaires fournis pen ↑ dant long-temps à un enfant abandonné, ne produisent pas l'obligation de lui assurer un état convenable. ]

Un nommé Charles Hyppolite forme contre les héritiers de la dame 'de Raray, une action en dommages-intérêts pour suppression d'état. Il articule et demande à prouver que la dame de Raray a déclaré que Charles Hyppolite lui avait été remis par des amis; qu'elle a payé la pension de l'enfant d'abord à Créteil, ensuite à Lisy, et enfin chez le sieur Quique, chirurgien ; que Charles Hyppolite a été baptisé par les soins de la dame de Raray; qu'on l'a dit dans l'acte, né à Paris de Jean-Hyppolite et de Marie Hélène, personnes évidemment supposées; que la dame de Raray a prodigué des soins et des secours à Charles Hyppolite pendant près de trente ans ; que ce n'est que peu d'années avant de mourir qu'elle l'a abandonné.

De ces faits il résulte, dit le demandeur:

1°. Que la dame de Raray, en le recevant de mains étrangères, a contracté l'obligation de pourvoir à ses besoins; obligation que ses héritiers sont tenus de remplir

2°. Que la dame de Raray a supprimé ou contribué V. Arr.

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à supprimer le véritable état de Charles Hyppolite; qu'elle ou ses héritiers doivent par conséquent réparer le tort qui lui a été fait, et lui assurer un état convenable à titre de dommages-intérêts.

Les héritiers Raray répondent lorsque le demandeur avance que les noms insérés dans son acte de naissance, comme étant ceux de ses père et mère, sont supposés, il ne peut pas en être cru sur son affirmation; il faut qu'il le prouve, et il ne peut y parvenir que de l'une ou de l'autre de ces deux manières : 1o. en établissant qu'à l'instant où son acte de naissance a été fait, il n'existait point d'individus, dans Paris, auxquels les noms dont il s'agit appartinsent; ou 2o. en établissant que ses père et mère étaient réellement autres que ces individus. Or, d'une part, il est impossible au demandeur de prouver qu'à l'époque où il est né, il n'existait point, dans Paris, d'individus appelés Jean Hyppolite et Marie Hélène; d'autre part, il ne désigne point d'autres individus comme étant ses père et mère, il ne prouve pas qu'il appartienne à une autre famille: il doit donc être jugé non - recevable dans sa demande en déclaration de suppression d'état ; et on doit lui appliquer ce principe, que l'individu qui possède un état, et qui veut prouver que cet état n'est point le sien, doit établir d'abord quel est l'état qui lui a été enlevé. En effet, la loi astreint tout individu qui réclame un état, à produire un commencement de preuve par écrit, et conséquemment à désigner le père ou la mère qu'il réclame, puisque, suivant les articles 323 et 324 du Code, le commencement de preuve par écrit résulte des titres de famille, des registres et papiers domestiques du père, de la mère, etc.

Non-recevable dans sa demande en déclaration de suppression d'état, Charles Hyppolite l'est encore dans sa demande en dommages-intérêts, 1°. parcequ'il ne lui a été causé aucun tort dès que son état n'a pas été supprimé; 2°. parceque les secours qui lui ont été long-temps accordés par la dame de Raray, n'étaient que de purs bienfaits, et ne constituaient aucune obligation.

Jugement de Versailles qui accueille cette défense et rejette la demande d'Hippolyte. Arrêt confirmatif ainsi conçu:

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LA COUR, considérant qu'une demande en dommagesintérêts pour suppression d'état, qui n'a été précédée ni de l'action civile en réclamation, ni de l'action criminelle et secondaire en suppression, ne trouve ni ne saurait trouver de fondement dans aucune disposition de la loi; - considérant qu'Hyppolite jouissant et ayant toujours joui de l'état d'enfant de Jean Hyppolite, bourgeois de Paris, et de Marie Hélène, conformément à son titre de naissance, n'a constamment et successivement reçu, sollicité et fait solliciter de Marie-Victoire de Durcet, décédée femme Raray, que des actes de pure bienfaisance, qui ne peuvent devenir le principe d'une obligation quelconque en sa faveur contre les héritiers de sa bienfaitrice; a mis et met l'appellation au néant; ordonne que ce dont est appel sortira son plein et entier effet.

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Bruxelles, deuxième chamb., premier mars 1810. C. de P., 1007, 1012; C. de C., 51, 54. [En matière de société commerciale, le compromis auquel il n'a point été fixé de terme ne finit pas dans le délai de trois mois ; il ne finit qu'au terme dont les parties conviennent postérieurement, ou que la justice détermine. ] ·

Une société de commerce, formée entre les sieurs Marcellis et Huttebuys, engendre entre eux de longues contestations. Les deux associés décèdent. Le 20 mars 1809, leurs héritiers transigent sur la plupart des objets restés en litige, et remettent la décision de cinq autres à trois arbitres ; le compromis fait partie de la transaction, aucun terme n'y est fixé. Les arbitres procèdent; trois mois et plus s'écoulent, sans que les parties contestent leurs pouvoirs. Cependant l'un des arbitres estime qu'aux termes des art. 1007 et 1012 du C. de P., le compromis qui l'a nommé n'ayant pas fixé de délai, a fini par l'expiration de celui de trois mois; il refuse donc son ministère. De là une instance introduite contre cet arbitre par les héritiers Marcellis, et où ils appellent la veuve et les héritiers Huttebuys. L'arbitre s'en rapporte à justice; mais la veuve Huttebuys soutient affirmativement que le compromis n'existe plus. Le tribunal de Bruxelles accueille ses conclusions. Appel.

Les héritiers Marcellis disent que les parties ont contracté sous l'empire du C. de C., qui dispose (art. 51) que toute contestation entre associés et pour raison de la société, doit être jugée par des arbitres; qu'il suit de là que les parties se sont volontairement et d'avance soumises à la loi qu'elles auraient reçues des tribunaux ; qu'ainsi l'arbitrage institué par elles, est un arbitrage forcé; mais qu'il est contre la nature des choses qu'un arbitrage de ce genre finisse par l'expiration d'un délai; qu'il faut donc tenir pour constant que les art. 1007 et 1012 du C. de P. s'appliquent exclusivement aux arbitrages volontaires; que des négocians associés qui compromettent pour les contestations que fait

naître leur société, et qui ne fixent pas le délai du jugement, doivent être assimilés à des négocians qui n'auraient pas été d'accord sur le délai; que dans ce cas, l'art. 54 du C. de C. fixe la marche à suivre ; qu'il dispose que le délai sera réglé par le juge; que dans l'espèce, l'observation de cet article est d'autant plus nécessaire,que le discord des parties est plus marqué, et que le délai subsiste suivant les unes, tandis qu'il a fini suivant les autres ; qu'il faut donc que la justice prononce, et que tant qu'elle n'aura pas prononcé, le délai ne courra point.

Les héritiers Huttebuys invoquant aussi cet art. 54, disent qu'il résulte de ses expressions, que tout arbitrage en matière de commerce est soumis à un délai fixé par les parties ou réglé par le juge; mais réglé dans un cas unique, lorsque les parties ne se sont pas accordées ; que c'est donc contre le texte de la loi que l'on prétend qu'il suffit du silence des parties sur le délai, pour autoriser le juge à le déterminer; que l'effet unique de ce silence, c'est de faire présumer que les parties ont voulu se soumettre à la règle générale établie pour les arbitrages, c'est-à-dire, à l'art. 1007 du C. de P.; que dans l'espèce, les parties ont compromis spontanément, hors la présence de la justice; qu'elles ont donc constitué un arbitrage volontaire et qu'on ne peut soutenir qu'elles ont constitué un arbitrage forcé, puisqu'il n'y a d'arbitrages de ce genre, que ceux qui ont été ordonnés par le juge.

Attendu que l'objet des contestations à décider est entre associés raison de commerce, pour et qu'aux termes du Code de Commerce, ces contestations doivent être vidées par la voie de l'arbitrage; - attendu que le compromis étant rédigé

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