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Les décisions émanant des tribunaux administratifs autres que le conseil d'Etat sont expédiées par les autorités qui les ont rendues. Les expéditions sont faites par les employés du secrétariat et aucune forme particulière n'est prescrite.

Lorsqu'il s'agit d'une décision dont la minute a dû être déposée dans les bureaux de la préfecture, les expéditions sont signées par le préfet ou par le secrétaire général.

L'art. 35 du décret du 11 juin 1806 dispose:

« Le secrétaire général de notre conseil d'Etat délivrera à qui de droit des expéditions des décisions et avis de notre conseil qui auront eu notre approbation.-Les expéditions seront exécutoires. »

Pour ce qui concerne les expéditions des arrêts de la Cour des comptes, et celles des décisions universitaires, Voy. mon Code d'instruction administrative, no 686 et 720.

Celui qui veut avoir copie d'une décision ou d'un acte administratifs doit en adresser la demande au fonctionnaire dépositaire de la minute.

En cas de refus de la part de ce fonctionnaire, il faut se pourvoir devant l'autorité supérieure dans l'ordre hiérarchique, et celle-ci a le droit d'ordonner à ses inférieurs de délivrer la copie demandée.

On peut aussi, dans certains cas, se pourvoir devant les tribunaux judiciaires, suivant la distinction que j'ai établie dans mes Principes de Compétence, no 444 à 448, t. 1, p. 123, et t. 2, p. 262.

Lorsqu'on veut faire exécuter ou simplement produire une décision ou un acte administratif hors de la circonscription territoriale dans laquelle l'agent de qui ils émanent exerce ses fonctions, il est nécessaire de les faire légaliser.

Cette légalisation a pour but d'attester la vérité des signatures apposées à l'acte, ainsi que la qualité des fonctionnaires qui l'ont signé. Tout acte de légalisation doit être revêtu du sceau de l'autorité qui le délivre.

Les signatures des maires sont légalisées par les sous-préfets et, si l'acte est destiné à être produit hors du département, par le préfet.

Les signatures des autres agents des diverses administrations sont légalisées par leurs supérieurs hiérarchiques.

Voyez, au surplus, LERAT DE MAGNITOT ET DELAMARRE, Vo Légalisation, t. 2, p. 122.

ARTICLE 174.

COUR ROYALE DE BOURGES.

EXPLOIT-PARLANT-A.-CRAYON.

Est nul, comme ne contenant pas mention suffisante de la personne à laquelle la copie a été laissée, l'exploit dont le parlant-à est écrit au crayon.

(Mariaux C. Coqueblin.)—ARRÊT.

LA COUR;- Considérant que la copie de l'acte d'appel signifié aux intimés, le 3 janv. 1845, renferme bien la mention de la personne à laquelle l'huissier a remis cette copie, mais que cette mention tracée au crayon ne présente pas le caractère de fixité et n'a pas l'indélébilité que veut la loi et qui résulterait de l'usage de la plume et de l'encre;

Que la validité de l'acte ne peut dépendre de la volonté et être à la merci de celui auquel il est signifié; qu'il en serait cependant ainsi si on admettait qu'on pût écrire au crayon les indications de la personne à laquelle un exploit a été remis, cette personne ayant la facilité de faire disparaître par un simple frottementla trace de cette indication, et par ce moyen de donner à la copie un caractère différent de l'original, quoique l'un et l'autre doivent être semblables; Qu'ainsi, bien que le nom de la personne à laquelle a parlé l'huissier, soit écrit à l'encre dans l'original de l'acte du 3 janv. 1845, cette énonciation étant tracée au crayon dans la copie signifiée, doit être considérée comme n'ayant aucune existence certaine, aucune valeur légale;-Qu'il suit de là que cet acte doit être déclaré nul, étant aussi irrégulier et n'ayant pas plus d'efficacité que si l'huissier avait omis de faire mention de la personne à laquelle il l'a remis, avait laissé le parlant-à en blanc; Par ces motifs, déclare nul et de nul effet l'appel du 3 janv. 1845.

Du 24 avr 1847.-Ch. corr. jug. civ.-M. Robert Chennevière, av. gén. (concl. contr.).

OBSERVATIONS. Cet arrêt est conforme à la jurisprudence des Cours de Colmar et de Grenoble; mais je persiste à croire que cette doctrine est erronée (1). Aucun article de loi n'a défini le mot écriture. On écrit tout aussi bien avec du crayon gris, du crayon rouge, du crayon noir, qu'avec de l'encre. On écrit habituellement avec de l'encre noire; dira-t-on que des lignes tracées avec de l'encre bleue ou de l'encre rouge, ne seront pas des lignes d'écriture? on est forcé d'avouer que la loi est muette. Comment donc, en l'absence d'une disposition formelle, prononcer une nullité? que fait-on de l'art. 1030, C.P.C. « Aucun exploit ou acte de procédure ne pourra être déclaré nul, si la nullité n'en est pas forme.lement prononcée par la loi ? » La violation de cet article ne saurait être contestée, puisque la Cour de Bourges ne se fonde que sur des considérations. L'exploit est comme tout autre écrit renfermant une obligation, un testament, etc. Aussi a-t-il été jugé qu'un testament olographe écrit au crayon est valable (2).

(1) Voyez les arrêts et mon opinion, Lois de la Procédure civile, CARRÉ,5• édit., t. 1, p. 354, quest. 308 ter.

(2) Voci le texte de l'arrêt de la Cour d'Aix, du 27 janv. 1846 (MILLE C. LIEUTAUD); Considérant qu'aux termes de l'art. 970, C. C., le testament olographe n'est point valable s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur; il n'est assujetti à aucune autre forme; Considérant que dans son acception légale le mot écrire signifie tracer des lettres, des caractères; que la loi n'a spécifié ni l'instrument, ni la matière avec lesquels les caractères seraient tracés; que, loin d'avoir subordonné la validité de l'écriture à l'emploi d'un instrument particulier et d'une matière spéciale, le législateur après avoir énuméré les conditions requises pour la validité du testament olographe, ajoute: il n'est assujetti à aucune autre forme;Qu'il suit de là, que bien que les lettres, les caractères qui constituent l'écriture du testament de Louis Lieutaud soient tracés avec un crayon, cette écriture remplit le vœu de l'art. 970, et que ce testament ne peut être attaqué sous prétexte qu'il n'est pas écrit de la main du testateur;-Considérant que les monuments de la jurisprudence ne présentent rien de contraire à cette doctrine; en effet que si les arrêts ont décidé que dans le cas où le parlant-à d'un exploit était écrit avec un crayon, cet exploit était nul, ce n'est pas à raison de ce que les lettres, les caractères de l'écri ture n'étaient point tracés avec une plume et de l'encre, mais parce que rien n'étant plus facile que de faire entièrement disparaître des lettres, des caractères tracés avec un crayon, il dépendrait toujours de la volonté de celui qui a reçu copie de l'exploit,

La Cour de Colmar dans l'arrêt que je rapporte en note se fonde sur ce que l'art. 970, C.C., n'exige pas d'autre forme que l'écriture de la main du testateur, et ne spécifie ni l'instrument, ni la matière avec lesquels les caractères seront tracés. Le Code de procédure a-t-il spécifié ces instruments et ces caractères? s'est-il prononcée pour la plume d'oie contre la plume de fer, pour l'encre noire contre l'encre rouge? Insister sur l'absence d'un texte, ce serait vouloir prouver qu'il fait jour la nuit; et comme il faut un texte pour annuler, ma doctrine me paraît tout aussi évidente.

Ce qu'il y a de bizarre, c'est que la Cour de Colmar approuve dans ses motifs la jurisprudence qu'on avait invoquée à l'appui de la nullité du testament. Cette Cour a été également touchée des considérations qui ont déterminé la Cour de Bourges. On ne veut pas que la validité d'un acte dépende de la volonté et du simple frottement de celui qui le reçoit. Où est le danger, et pour qui? Ce n'est pas pour celui qui reçoit l'acte, puisqu'il peut, d'un coup de pouce, l'anéantir. Peu importe que l'original porte le parlant-à, si la copie ne le renferme pas. Pour le requérant, mais on rend sa condition pire, car on annulle l'acte fait à sa requête. A mon sens, les considérations les plus graves s'élèvent en faveur de la validité de l'exploit. S'il peut y avoir fraude et dommages, c'est au requérant à s'en imputer la faute; qu'il choisisse un huissier qui n'oublie pas sa plume et son écritoire. Il se trouve quelquefois des officiers ministériels si négligents, qu'ils oublient même de remplir le parlant-à.—Si la personne à laquelle l'exploit est remis est assez déloyale pour effacer l'écriture au crayon, le requérant aura, contre son huissier une action en dommages dans ce cas, comme dans celui d'absence totale de parlant à. Il faut, a dit encore la Cour de Colmar, extirper un abus aussi grave, et le seul moyen est de prononcer la nullité. Un législateur ne parlerait pas plus pertinemment; mais ce langage ne peut jamais être celui de la magistrature. J'ai signalé bien des abus qui résultent de l'oubli du législateur de 1841, sans qu'il soit venu à ma pensée de conclure à la nullité, seul moyen d'extirper les abus.

A-t-on bien calculé les effets moraux résultant d'une jurisprudence aussi fâcheuse? L'acte étant nul, celui qui le reçoit peut n'en tenir aucun compte. On l'autorise implicitement à opérer le fatal frottement qui fera disparaître la preuve du parlant à... Je pense au contraire que celui qui agirait ainsi devrait être poursuivi comme faussaire.

En résumé, je conseille à Messieurs les huissiers d'écrire leurs actes avec de bonnes plumes et de l'encre bien noire, autant que faire se pourra; cependant, si, à raison d'un accident de voyage, au moment où un délai fatal serait prêt à s'accomplir, ils ne pouvaient disposer que d'un crayon, qu'ils écrivent leur acte en tout ou en partie, qu'ils signent avec l'instrument qu'un hasard heureux leur fournira, et si celui contre lequel ils exploitent est un honnête homme, peut-être reviendra-t-on à mon sentiment, qui repose sur le texte formel de nos lois de procédure.

de rendre nulle la signification à lui faite en effaçant le parlant-à, ce qui serait une source féconde de fraude pour les uns et de dommages pour les autres; qu'il était indispensable d'extirper un abus aussi grave, et que le seul moyen d'en prévenir le retour était de prononcer la nullité d'un parlant-à écrit avec un crayon. »>

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ARTICLE 175.

Dissertation.

APPEL. JUGEMENT.-ExpÉDITION.-REJET.

L'appelant qui ne produit pas, devant la Cour, une expédition du jugement attaqué, doit-il être déclaré non recevable?.

J'ai résolu affirmativement cette question, ainsi posée d'une manière générale, dans les Lois de la Procédure civile, CARRÉ, 3e édit., t. 4, p. 39, question 1598 bis. Ce principe a été appliqué, pour les pourvois, devant la Cour de Cassation, par arrêt du 20 avr. 1846 (J. Av., t. 71, p. 477), devant le conseil d'Etat, par diverses ordonnances que j'ai indiquées dans mon Code d'instruction administrative, t. 1er, p. 429, no 640.

L'ancien droit contenait une disposition contraire; on lit dans l'ordonnance de 1667, titre xi, l'art. 8, ainsi conçu : « Dans la même huitaine après l'échéance de l'assignation pour comparoir, l'intimé sera tenu de fournir et mettre au greffe la sentence en forme ou par extrait à son choix; et faute de ce faire dans le temps, l'appelant, sans commandement, ni signification préalable, pourra lever la sentence par extrait, aux frais et dépens de l'intimé, dont il sera délivré exécutoire. » PIGEAU, Procédure du Châtelet, t. 1er, p. 539, donne les formules de la procédure qui devait être suivie pour l'exécution de cette disposition. Toutefois, RODIER, dans son commentaire sur l'ordonnance, p. 185, s'exprimait ainsi : « Au parlement de Toulouse on ne sait pas la disposition de cet article: et il faut convenir qu'il n'est pas naturel que l'appelant, qu'il faut supposer condamné aux épices de la sentence, soit dispensé par provision et jusqu'à ce que l'appel soit jugé, de payer les épices et frais de cette sentence, parce qu'il en aura relevé appel et que cette charge retombe sur l'intime. L'usage est donc au Parlement de Toulouse qu'en matière civile, c'est à la partie la plus diligente qui veut aller avant en cause, de fournir et remettre au greffe la sentence dont est appel, comme nous l'avons déjà dit dans l'art. XIV, quest. 1re. Lorsque la sentence a été déjà expédiée et signifiée à celui qui en est appelant, l'intimé, s'il est le plus pressé, en remet l'expédition, ou si c'est l'appelant qui est le plus pressé, il remet la copie qui lui a été signifiée et lorsque la sentence n'a pas été expédiée avant l'appel ou avant l'échéance des délais, la partie la plus diligente la fait expédier pour la remettre; et en l'un et l'autre cas, l'usage est que celle qui est condamnée aux épices par la sentence, en supporte les frais par provision et si c'est l'autrepartie, comme plus diligente, qui la fait expédier, elle prend exécutoire au bas de ladite sentence contre l'autre et s'en fait rembourser. >>

La jurisprudence des Cours royales n'a pas suivi celle du 1.-2¢ s.

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Parlement de Toulouse. Je puis attester que la Cour qui a remplacé ce Parlement n'a jamais hésité à prononcer le rejet de l'appel, lorsque l'appelant n'a pas produit la sentence attaquée. Je ne vois aucun motif pour dispenser un demandeur (l'appelant ne peut répudier cette qualité), de produire les actes dont il demande l'annulation. Les prétentions d'un individu qui se plaindrait d'un acte de vente, de partage, etc., ne seraient-elles pas ridicules, s'il ne produisait pas le contrat lui-même objet de la contestation?

Comment la production du jugement devra-t-elle être faite? C'est là où commence la difficulté pratique? L'appelant devrat-il faire signifier des qualités à l'intimé, les déposer pour obtenir l'expédition du jugement? Les motifs et le dispositif d'une décision forment-ils un jugement complet et régulier? Les juges d'appel peuvent-ils apprécier la véritable position des parties, s'ils n'ont pas sous les yeux les conclusions prises par chacune d'elles, conclusions qui changent quelquefois l'état primitif du litige?

A ne s'en tenir qu'aux principes rigoureux, dès là qu'on exige de la part de l'appelant la production du jugement, on devrait décider que cette production sera irrégulière et incomplète, s'il ne produit qu'une partie de la décision attaquée; on ne pourrait puiser un motif de décider autrement dans le texte de l'ordonnance qui se servait de cette locution, la sentence en forme ou par extrait à son choix, parce que, comme nous l'explique RODIER, p. 186, la sentence en forme était une grosse prête à être mise à exécution, tandis que la sentence par extrait, n'était t qu'une simple copie du dictum sans sceau et ne pouvant servir qu'à faire juger l'appel. Comme le dictum œuvre du rapporteur contenait la sentence tout entière, faits, conclusions, visa et dispositif, l'ordonnance ne peut donc pas être invoquée comme une raison écrite. Cependant la Cour de Toulouse a adopté une doctrine moins sévère. Elle a déclaré suffisante l'expédition du plumitif d'audience. (Voy. l'article suivant. J'inclinerais assez à suivre cette opinion qui évite des frais inutiles de rédaction et de signification de qualités.

La Cour de Lyon (voy. suprà, p. 376, art. 174), a exigé de la part de l'appelant, la production du jugement (sans expliquer en quelle forme), même lorsqu'il n'a pas été enregistré. Seulement elle a apporté un certain tempérament à la rigueur du principe en accordant à l'appelant un délai de trois mois pour faire sa production. C'est aux magistrats de Cours royales à apprécier la position de l'appelant. Et, pour éviter des lenteurs, l'intimé en mettant la cause au rôle peut, dans le cas où il n'a pas levé et signifié le jugement, faire sommation à l'appelant de le produire. Ainsi averti, l'appelant ne pourra pas, lorsque la cause viendra à son tour, en ordre utile d'être jugée, obtenir un délai qui,

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