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d'appliquer la maxime: en France, nul n'est admis à plaider par procureur. Il est d'ailleurs également hors de doute qu'on ne peut stipuler pour autrui alors que le contrat porte sur une chose indivisible.

Ainsi, il faut tenir pour constant que les personnes pour qui l'on déclare se porter fort, n'ont pas été parties dans la demande en péremption. Pour y faire dire droit, ceux-ci auraient dû y adhérer par quelque acte ou par quelque déclaration. La demande en péremption leur reste donc étrangère. Or, en vertu du principe de l'indivisibilité, c'en est assez pour qu'elle ne puisse pas être accueillie.

ARTICLE 18.

COUR ROYALE DE LIMOGES.
EXPERTISE.

FRAIS.-CONSIGNATION.

Est nul le jugement qui, en ordonnant une expertise, oblige le demandeur à consigner au greffe une somme quelconque pour les frais de l'expertise. (Art. 302 et 319, C.P.C.)

(Meynicux C. Malinvaud.)- ARRÊT.

LA COUR;-Attendu que la disposition du jugement dont est appel, par laquelle le tribunal en accordant à Meynieux la faculté de faire procéder à une vérification par experts, lui a imposé l'obligation de consigner au greffe, dans le délai de la huitaine, une somme de 100 fr. pour faire face aux prix de l'expertise, sous peine d'être déchu de cette faculté, assujettit Maynieux, au moins pour partie, à la caution judicatum solvi, qui n'est imposé par nos lois qu'au plaideur étranger et tend ainsi à porter atteinte au droit qu'elles assurent à tout Français, quelques restreintes que soient ses facultés pécuniaires, de poursuivre devant les tribunaux ses actions légitimes; Que, sous ce rapport, il convient d'effacer du jugement cette disposition; — Attendu, dans tous les cas, que la limitation du délai de huitaine pour la consignation, sous peine de déchéance, serait une mesure trop rigoureuse; -Faisant droit de l'appel, tant du jugement du 27 avril dernier, que de l'ordonnance de référé du 3 juin suivant, MET l'appellation et ce dont est appel au néant, etc.

Du 14 août 1846.—(3o Ch.). MM. Tixier-Lachassagne, p. p.; Lapouyade et Talandier, av.

OBSERVATIONS. - Je ne vois aucune corrélation entre la caution judicatum solvi et la prescription résultant du jugement infirmé par la Cour de Limoges. Néanmoins, l'arrêt qu'on vient de lire me parait conforme à la loi. J'ai déja décidé, Lois de la Procédure civile, CARRÉ, 3 éd., question 1154, que, même pour la descente de lieux, on ne pouvait pas enjoindre à une partie de consigner et que cet acte ne pouvait être que volontaire. Toutefois il existe encore des difficultés à résoudre. J'ai été consulté plusieurs fois sur des questions relatives aux frais des expertises. En raisonnant par analogie, on invoque l'article 301,

C.P.C., qui concerne les descentes sur les lieux et l'article 319 qui parle d'un exécutoire contre la partie qui a requis l'expertise pour en conclure que cette partie peut être forcée de consigner les déboursés nécessaires.

L'opinion de la Cour de Limoges admise, il reste à examiner si la partie qui a requis l'expertise ne consignant pas les frais présumés de P'expertise, l'autre partie peut poursuivre l'audience pour voir dire que le jugement qui a ordonné l'expertise sera considéré comme non avenu, et qu'il sera passé outre sans expertise?

C'est un point assez vivement controversé que celui de savoir si les experts peuvent exiger une consignation de leurs honoraires, préalablement au dépôt du rapport qu'ils doivent remettre au greffe. T. 3, p. 111, question 1190, j'ai cru devoir distinguer entre les vacations proprement dites des experts qui, dans l'usage, ne leur sont payées qu'après le jugement, et les déboursés dont on ne saurait les contraindre avec justice à faire l'avance. Cela étant, si le plaideur qui a provoqué le jugement ordonnant l'expertise, se refuse à déposer les frais nécessaires, il entrave l'opération, il tient l'affaire en suspens, au préjudice de l'autre partie; ce qui ne doit pas être. Je pense d'abord que celleci a le droit de prévenir son adversaire, en déposant elle-même. Mais le plus souvent ce ne serait là qu'un triste privilége. Je déciderais, en outre, qu'au lieu de consigner, elle pourrait se contenter de demander que ses précédentes conclusions lui fussent purement et simplement adjugées en d'autres termes, je lui reconnais le droit de poursuivre l'audience, afin qu'il soit passé outre sans expertise. Cette expertise, en. effet, avait été ordonnée sur la demande de la partie qui ne se met pas en mesure d'y faire procéder. Qu'est-ce à dire, sinon qu'en refusant d'aller en avant, elle reconnaît le mal- fondé de ses prétentions, ou que cette expertise n'est pas nécessaire à ses intérêts. Elle est donc censée convenir aussi que ses allégations qui avaient fait rendre le préparatoire dont il s'agit, n'ont pas besoin d'être vérifiées. Dans cet état de choses, l'adversaire de la partie négligente mettra cette dernière en demeure d'opérer après quoi, il poursuivra un jugement définitif.

Enfin, si l'expertise avait été ordonnée d'office, j'appliquerais les principes indiqués dans ma question 1148 bis, t. 3, p. 70.

ARTICLE 19.

ORDONNANCE DU ROI.

CONSEIL D'ÉTAT. COMITÉS. DÉLIBÉRATION.

Ordonnance du roi qui détermine quels sont les projets d'ordonnance qui peuvent n'être pas portés à l'assemblée générale du conseil d'Etat, et qui peuvent n'étre soumis qu'à l'examen des comités.

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Louis-Philippe, etc., Sur le rapport de notre garde des sceau ministre secrétaire d'Etat au département de la justice et des cultes; Vu l'art. 13, § 4, de la loi du 19 juillet 1845, portant que : « une

ordonnance royale, délibérée en conseil d'Etat, déterminera, parmi les projets d'ordonnance qui doivent être délibérés dans la forme des règlements d'administration publique, quels sont ceux qui ne seront soumis qu'à l'examen des comités, et qui peuvent ne pas être portés à l'assemblée générale du conseil d'Etat ; »

Voulant pourvoir à l'exécution de cet article, et déterminer end même temps d'une manière générale les affaires qui, pour la plus prompte expédition des travaux de notre conseil d'Etat, ne doivent être soumises qu'à l'examen des comités;

Notre conseil d'Etat entendu,

Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

Art. 1er. Ne seront point portés à l'assemblée générale de notre conseil d'Etat, et nous seront immédiatement soumis après avoir été délibérés dans les comités, les projets d'ordonnance qui ont pour objet :

1o D'autoriser l'établissement d'églises, de succursales, de chapelles, d'oratoires et de tous autres établissements consacrés au culte, lors-, qu'il n'y aura aucune réclamation;

2o D'autoriser l'acceptation des dons ou legs faits à des établissements religieux, à des départements, communes, hôpitaux, hospices, et à tous autres établissements publics, tenus de se pourvoir de la dite autorisation, dans le cas seulement où lesdits dons ou legs n'auront donné lieu à aucune réclamation, et ne dépasseront pas cinquante mille francs: tout projet d'ordonnance portant réduction ou refus d'autorisation sera soumis à l'assemblée générale;

3o D'autoriser les acquisitions, aliénations, concessions, échanges, baux à long terme, et l'emploi de capitaux, par les mêmes établissements, lorsqu'il n'y aura aucune réclamation;

4o D'autoriser les transactions faites par lesdits établissements, lorsque les autorités, dont l'avis doit être pris aux termes des lois et règlements, auront donné leur adhésion au projet;

5o D'autoriser les emprunts faits par les mêmes établissements, quand le remboursement devra s'opérer à l'aide des revenus ordinaires, et dans un délai de moins de dix années;

6o D'autoriser l'établissement de ponts suspendus et de passerelles, quand ils ne donneront lieu à aucune perception de péage, ni à aucune expropriation pour cause d'utilité publique';

7° D'arrêter ou rectifier les alignements des routes royales ou départementales; d'arrêter les alignements, plans généraux des villes ou communes, les alignements partiels, ouvertures, élargissements, prolongements des rues ou autres voies communales, lorsqu'ils ne seront l'objet d'aucune réclamation, et ne donneront lieu à aucune expropriation pour cause d'utilité publique ;

8o De créer ou de supprimer des caisses d'épargne, ou de modifier leurs statuts;

9° De créer ou de supprimer des foires, ou d'en changer les époques;

10° D'autoriser l'établissement ou de régler l'usage d'usines sur des cours d'eau ;

11° D'autoriser des lavoirs à cheval ou à bras;

12° De liquider les pensions de retraite des fonctionnaires des services civils, sur les fonds de l'Etat ou sur les fonds de retenue, et les pensions de réforme et pensions de retraite des militaires de nos armées de terre et de mer;

13 De statuer sur toutes autres questions qui ne sont point soumises en ce moment à la délibération de l'assemblée générale du conseil d'Etat.

Art. 2. Les projets de décision, d'arrêtés, et les questions spéciales sur lesquelles nos ministres jugeront convenable de consulter les comités du conseil d'Etat, ne seront portés à l'assemblée générale qu'autant que nosdits ministres l'auront ainsi déterminé.

Art. 3. Les affaires comprises dans l'art. 1er seront portées à l'assemblée générale lorsque, en raison de leur importance ou de la gravité des questions, nos ministres, soit d'office, soit sur la proposition du comité, en auront prononcé le renvoi à l'examen du conseil d'Etat. Art. 4. Notre garde des sceaux, etc.

Du 27 décembre 1846.

OBSERVATIONS.-Pour remplir le vœu du législateur, il m'eût paru beaucoup plus simple de donner la nomenclature de toutes les affaires qui devraient être portées à l'assemblée générale du conseil d'Etat. Puis, on eût inséré un article final ainsi conçu: « Toutes les autres matières dans lesquelles la loi ou les règle<<<ments veulent que le conseil d'Etat soit entendu, ne seront << soumises qu'à l'examen du comité attaché au ministère duquel « ressort chacune des matières. >>

L'ordonnance du 27 décembre ne l'a pas fait: voyons si la marche qui a été suivie est au moins satisfaisante, et si toutes difficultés d'exécution ont été aplanies, car c'était là un des objets principaux de la délégation faite par la loi au pouvoir exécutif.

On ne doit pas perdre de vue que les dispositions que j'examine ont une très grande importance, car l'ordonnance qui aurait été rendue sur le simple avís d'un comité, alors que la délibération de l'assemblée générale est requise, serait entachée d'excès de pouvoir (1).

D'abord, l'ordonnance ne dit pas, ce qu'elle aurait peut-être bien fait d'exprimer, que les réclamations des parties intéressées, formées par la voie contentieuse, doivent toujours être soumises à l'assemblée générale du conseil d'Etat, même lorsqu'il s'agit de matières pour lesquelles le simple avis d'un comité est déclaré suffisant. C'est surtout aux cas prévus par les nos 10, 11 et 12 de l'art. 1o, que cette observation doit être appliquée. Quoique l'ordonnance soit muette à cet égard, il est bien évident que le pouvoir exécutif n'a nullement la pensée de décider, en principe, que les autorisations d'usines, où les décisions sur les règlements

(1) Voy. mes Principes de Compétence et de Juridiction, t. 1o, p. 324, et 1. 3, p. 763, no 1043.

d'usines, appartiennent toujours au pouvoir gracieux. Ce serait méconnaître l'esprit de cette ordonnance que de lui attribuer tout autre caractère que celui d'une nomenclature.

Les quatre premiers numéros de l'art. 1er exceptent de la nécessité d'une délibération de l'assemblée générale les cas dans lesquels aucune réclamation n'a été formée par les parties intéressées. Cette règle est fort raisonnable en elle-même; il faut remarquer seulement qu'elle suppose que les réclamations ont été formées avant la signature de l'ordonnance, puisque leur existence ou leur absence sert à déterminer les formes qui doivent être suivies. Si elles ne se produisaient qu'après, comme il s'agit ici de matières purement gracieuses, le pouvoir exécutif pourrait n'y avoir aucun égard. Dans la plupart des cas même, il devrait ne pas les accueillir, parce que l'ordonnance a donné naissance à des droits acquis, qui ne peuvent plus être modifiés sans qu'un recours soit ouvert par la voie contentieuse, et sans que, par conséquent, il y ait nécessité de soumettre le projet d'ordonnance à intervenir à la délibération de l'assemblée générale.

Je ne vois pas trop pourquoi l'ordonnance n'exige point une délibération de l'assemblée générale dans le cas prévu par les nos 10 et 11, lorsqu'il y a des réclamations. Il y avait plus de motifs de le décider ainsi que pour les quatre premiers nu

méros.

Je crois devoir critiquer les dispositions du n° 13, aux termes duquel la délibération des comités est suffisante, lorsqu'il s'agit de statuer sur toutes autres questions qui ne sont pas soumises en ce moment à la délibération de l'assemblée générale du conseil d'Etat. La loi du 19 juillet 1845 avait voulu faire cesser le vague et l'incertitude qui existaient sur le point de savoir dans quels cas il y avait nécessité de consulter le conseil d'Etat tout entier, et dans quels autres il suffisait de prendre l'avis du comité. Après avoir rempli le vœu du législateur pour quelques cas particuhiers, l'ordonnance rejette les administrateurs et les parties, pour tous les autres cas, dans cette même incertitude à laquelle on avait voulu mettre un terme. Je sais bien que rien n'est plus difficile que de faire une loi ou un règlement de nomenclature, et c'est pour cela précisément que j'aurais préféré qu'on eût suivi la marche que j'ai indiquée en commençant. Il était plus facile, en effet, d'énumérer les cas dans lesquels la délibération de l'assemblée générale est requise, et d'ailleurs, une omission, à cet égard, n'aurait pas eu d'importance: il en serait résulté seulement que l'avis de l'assemblée générale n'aurait plus été requis, sur ce point, sous peine de nullité pour excès de pouvoir, ce qui n'aurait pas empêché les ministres de soumettre le projet d'ordonnance à cette assemblée.

En rapprochant ce numéro 13 de l'article 3 de la loi, on tire

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