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de partir avec leur famille dans un délai de vingt-quatre heures ou de quarantehuit heures. Enfin, ils sont privés de leur traitement, et c'est là un dommage maté riel et direct qui est le résultat de la conquête. Je ne veux en citer que deux catégories. (Interruption. Aux voix!)

Les agents voyers, au nombre de plus de cent, ont demandé à être replacés en France: quarante seulement le sont aujourd'hui; les autres ne touchent plus de traitement depuis le mois de mars.

Beaucoup d'entre eux sont pères de famille et manquent de pain. J'espère que l'Assemblée ne leur refusera pas ses sympathies. (Mouvement. Très-bien!

Bruit.)

Il est une catégorie beaucoup plus nombreuse: c'est celle des instituteurs. Messieurs, l'Alsace était à la tête de l'instruction primaire en France; sur toutes les statistiques, elle figurait en première ligne.

Eh bien! plus de mille instituteurs de l'Alsace et de la Lorraine demandent à être replacés en France.

Ces instituteurs, qui ont refusé leur service à l'étranger, sont aujourd'hui sans traitement. Je demande que le Gouvernement puisse pourvoir à leurs besoins les plus pressants.

Et j'adresserai ici une prière à l'adresse du Gouvernement.

Je rends hommage aux administrations centrales qui ont mis un grand zèle et une grande bienveillance à replacer les fonctionnaires de l'Alsace et de la Lorraine; mais pour toutes les fonctions à la nomination des préfets, le même zèle n'a pas été déployé. Sur les mille instituteurs dont je viens de parler, cinquante à peine sont placés aujourd'hui. Eh bien! je crois que les préfets écoutent volontiers la voix des ministres, et que si on voulait bien leur rappeler la situation digne de sympathie où se trouvent un si grand nombre de serviteurs de la France, de serviteurs fidèles, nous les verrions plus tôt replacés, et nous ne serions pas obligés, l'année prochaine, de vous demander une nouvelle allocation.

Quant à présent, j'insiste pour l'adoption de mon amendement, et je demande cette modique somme de 500,000 francs pour les victimes les plus intéressantes de la guerre, pour ceux qui ont été le plus directement victimes de leur patriotisme et de leur résistance à l'étranger. (Très-bien!)

M. LE MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DU COMMERCE. Messieurs, je ne dirai que deux paroles. La première, c'est pour repousser l'amendement. Il n'est pas possible d'admettre cette disposition dans la loi qui nous occupe. Elle n'a aucun rapport avec l'objet de cette loi. (Marques d'assentiment.)

Ce sont des réparations personnelles, au lieu d'être des réparations de dommages

matériels.

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Quant aux réparations personnelles, Messieurs, le Gouvernement et c'est pour cela surtout que je réponds, le Gouvernement tient à déclarer qu'il en a le plus

grand souci.

Il n'est

pas.

dans tout le territoire de la République, un seul emploi qui n'ap

M. Keller.

M. V. Lefrane repousse

la proposition.

M. V. Lefranc.

M. Lefebure appuie la proposition

Keller.

pelle immédiatement notre sollicitude sur les fonctionnaires dépossédés de l'Alsace et de la Lorraine.

Les intérêts qui nous sont recommandés sont toujours appelés, en première ligne, à prendre part aux secours destinés à soulager les angoisses momentanées que les citoyens peuvent éprouver. C'est ce que nous avons toujours fait. Nous le ferons encore, mais nous vous demandons de ne pas aller au delà. (Très-bien! Aux voix ! aux voix!)

M. LEFÉBURE. Messieurs, je ne demande à l'Assemblée qu'un instant d'attention. Ce serait très-certainement une entreprise bien téméraire que de prendre la parole dans un pareil moment. (La clôture! la clôture! — Parlez! parlez!)

Je dis que mon entreprise serait bien téméraire de prendre la parole dans un pareil moment, si cela pouvait être jamais une tâche ingrate que de parler de l'Alsace et de la Lorraine dans une Assemblée française.

C'est avec raison que l'honorable M. Keller a appelé votre attention sur un grand nombre de fonctionnaires alsaciens et lorrains qui n'ont pas été replacés et qui ne reçoivent pas de traitements.

Outre des magistrats, des employés d'administration, outre les instituteurs, les agents voyers, il y a des agents plus modestes auxquels des positions avaient été accordées en raison de longs et parfois de glorieux services, qui ne reçoivent même pas un secours. Ce sont pour la plupart de vieux serviteurs de la nation, des soldats mutilés, des veuves de militaires, c'est-à-dire de véritables créanciers de la nation. Je vous demande si un tel état de choses est digne de la France; je vous demande s'il est juste, patriotique, humain, s'il est politique de le prolonger.

Je recevais hier encore une lettre d'un honorable juge de paix qui a vieilli dans ses fonctions. Il n'a aucune fortune, il a cinq personnes de sa famille à sa charge, et il est réduit, pour ainsi dire, à la misère.

Eh bien! Messieurs, quand les sollicitations du vainqueur sont venues chercher ces hommes, savez-vous ce qu'ils ont répondu à toutes les offres? Ils ont fièrement répondu « Nous sommes Français. »

:

M. le Ministre de l'agriculture et du commerce nous a dit tout à l'heure que notre proposition ne pouvait pas trouver place dans la loi qui vous est présentée; que le dommage dont nous nous prévalons n'est point un dommage matériel, mais un dommage personnel; que ce n'est pas un dommage appréciable, défini.

Eh bien! Messieurs, je le conteste absolument, et je prétends que nous rentrons dans les termes de la loi, qu'il s'agit d'un dommage matériel, d'un dommage parfaitement appréciable, défini et limité. (Approbation sur plusieurs bancs.)

Il s'agit d'un dommage absolu que vous pouvez constater et chiffrer aussi bien que les dommages énumérés dans votre projet de loi: tels que la perte des denrées, la perte d'un outillage, etc. etc. Je dis, Messieurs, que ce dommage est le résultat immédiat de la guerre, de la cession de territoire à laquelle cette Assemblée a été fatalement, hélas! condamnée à souscrire, et qui a amene une sorte d'expropriation pour tous les fonctionnaires alsaciens et lorrains.

Nous sommes, d'ailleurs, en présence d'une situation tout à fait exceptionnelle et qui ne devrait point nous amener à nous quereller sur les définitions et sur les formules. (Aux voix! aux voix!)

Je n'ai plus qu'un mot à ajouter.

Permettez-moi, Messieurs, d'insister encore et de vous dire qu'en refusant d'accéder à notre proposition vous sembleriez peut-être, contre votre intention formelle assurément, ne pas reconnaître tout le dévouement dont les populations des provinces cédées ont constamment fait preuve envers la France, que vous sembleriez ne pas rendre tout l'hommage qu'ils méritent à ces magistrats, à ces fonctionnaires qui, au milieu d'épreuves profondément cruelles et au mépris des menaces aussi bien que des sollicitations, ont montré la fidélité la plus inébranlable à la patrie, à ces hommes qui préfèrent tout sacrifier plutôt que de perdre la nationalité française.

Malgré les objections que soulève notre proposition, je veux croire encore que l'Assemblée comprendra qu'il est de sa dignité de ne pas laisser se prolonger la situation dont nous venons de l'entretenir. La somme que nous demandons est bien modeste, et il pourra d'ailleurs en être tenu compte plus tard dans les nouvelles allocations qui seront accordées pour le même objet; mais je prie l'Assemblée de se souvenir qu'il y a certaines obligations que l'honneur, aussi bien que les conseils de la politique la plus élémentaire, commande à une nation d'acquitter sans hésitation et sans retard. (Approbation sur plusieurs bancs.)

M. LE MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DU COMMERCE. Nous aurons à l'avenir la mème sollicitude que jusqu'ici : les vœux de l'orateur seront accomplis.

M. LE RAPPORTEUR monte à la tribune.

Voix nombreuses. C'est inutile! aux voix! aux voix!

M. LE PRÉSIDENT. Je mets aux voix l'amendement de M. Keller et de ses collègues.

(L'amendement est mis aux voix et n'est pas adopté.)

M. LE PRÉSIDENT. Reste un dernier article additionnel. (Exclamations.)

Je n'aurai qu'à vous en donner lecture.

L'article proposé par M. le comte Jaubert est ainsi conçu :

Jusqu'à la complète évacuation du territoire français par les troupes allemandes, l'entretien des routes départementales dans les départements envahis sera supporté par le Trésor public, ladite exonération remontant au 28 février 1871, date des préliminaires de paix. (Aux voix! aux voix!)

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M. LE RAPPORTEUR. M. le comte Jaubert, qui est, je crois, souffrant, a déclaré qu'il ajournait sa proposition à la discussion du budget.

M. le Président. Je mets aux voix l'article additionnel proposé par M. le comte Jaubert. L'état de santé de son auteur l'empêche, en effet, de venir le soutenir.

M. Lefébure.

M. le comte
Jaubert.

Les routes départementales.

Vote de la loi.

Dans le cas où l'Assemblée ne l'accueillerait pas, il serait, je pense, reporté par lui au budget général.

(L'article additionnel est mis aux voix et n'est pas adopté.)

Vote sur l'ensemble de la loi :

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Les 4 votants contre sont: MM. le général Chareton, Dahirel, Laurenceau, de Limairac (Tarn-et-Garonne).

II

N° 10.

MÉMOIRE

présenté par le PRÉFET DE LA SEINE (M. LÉON SAY) au conseil général du DÉPARTEMENT.

(Session d'octobre 1872.)

Recensement

de la

population.

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La population du département de la Seine (recensement de 1872) est de 2,131,437 habitants, dont 1,790,250 pour Paris et 332,117 pour les deux arrondissements de Sceaux et de Saint-Denis : c'est une augmentation de 58,917 habitants sur le recensement de 1866. Il y a eu, comme cela a déjà été constaté en 1860 el 1866, diminution dans les arrondissements du centre de la ville et augmentation dans les arrondissements situés aux extrémités. Dans le reste du département, la diminution porte sur les deux cantons de Sceaux et de Villejuif, les plus éprouvés par la guerre étrangère, et dont les pertes, d'après les évaluations des commissions. cantonales, s'élèvent à 28 millions de francs.

Mais l'augmentation totale, qui représente 2,84 p. o/o sur 1866, est évidemment une diminution sur 1870. La moyenne annuelle de l'augmentation pendant la période décennale de 1856 à 1866 a été de 45,861. Si l'on applique cette moyenne aux quatre années de 1867 à 1870, on trouve pour 1872 un chiffre de 2,255,964, qui fait ressortir depuis la guerre une diminution probable de 124,527 habitants sur la population du département.

Les dommages matériels subis par cette population ont été considérables : je ne parle pas des dommages indirects, de l'absence de revenus, des ruines que l'impossibilité de travailler a accumulées, de la destruction des fonds de commerce, de la perte des achalandages et des clientèles, ces dommages indirects ne pourraient être évalués; mais je parle des pertes directes qui ont fait l'objet d'un travail

pas

très-sérieux d'appréciation, travail dont je vais vous faire connaître les différents résultats.

Je vous indiquerai en même temps les efforts faits jusqu'à ce jour par l'État, par la ville de Paris, par le département, pour apporter un soulagement à tant de misères et les projets qui se préparent en ce moment pour activer l'œuvre commencée par la réparation.

La première catégorie de dommages dont on a dù se préoccuper est celle des dommages occasionnés par la guerre étrangère.

par la révision

28,385 demandes d'indemnités ont été produites devant les commissions cantonales, examinées par ces commissions et revisées par une commission centrale; le montant des demandes s'élevait à 124,585,194 francs : il a été réduit à 67,615,971 francs. La loi du 6 septembre 1871 a alloué une somme de 100 millions de francs, qui a été répartie entre les départements par le décret du 27 octobre 1871. Le département de la Seine a reçu pour sa part 11,651,200 francs. La distribution en est aujourd'hui à peu près terminée; elle a été faite dans les termes de la loi, en distinguant les victimes les plus nécessiteuses. On a pu satisfaire ainsi à 22,500 demandes urgentes, au moyen d'à-compte importants.

Le solde de ces demandes, joint à la totalité des demandes de ceux auxquels on n'a pu encore rien distribuer, s'élève à 55.964,781 francs. Il faudrait, afin de pouvoir accorder des allocations nouvelles, obtenir de l'Assemblée nationale un second a-compte; mais il est à craindre que les nécessités budgétaires ne retardent indéfiniment le moment où cette satisfaction pourra être donnée aux populations.

Au nombre des victimes les plus intéressantes se trouvent évidemment les propriétaires et habitants expropriés pour ainsi dire pour les besoins de la défense, et dont les habitations ont été détruites avec intention par les commandants de l'armée française.

On estime à près de 100 millions de francs les dommages de cette nature dans le département; mais le relevé n'en a pas été fait officiellement, et ce chiffre de 100 millions est peut-être exagéré. Toujours est-il que les réclamations faites de ce chef n'ont pas été admises à concourir à la distribution du premier à-compte de 11 millions, et ne sont pas comprises dans le total des 67 millions de pertes conslatées par des commissions cantonales et revisées par la commission centrale.

On a dû suivre le texte de la loi, qui offre un dédommagement et ne reconnaît pas une dette, qui s'applique par conséquent à ceux qui sont sans droits, mais qui laisse ouverts à ceux qui ont des droits tous les recours légaux.

A côté des victimes de la guerre étrangère se trouvaient les propriétaires et les habitants de la partie ouest de Paris qui ont souffert des opérations d'attaque dirigées par l'armée française pour rentrer dans Paris. L'Assemblée nationale accordait à cette catégorie de victimes une somme de 6 millions, sauf règlement ultérieur. 7,286 demandes ont été adressées aux commissions, qui les ont revisées et en ont reglé le montant à 25,700,673 francs.

Le 16 arrondissement de Paris figure dans ce chiffre pour 6,858,247 francs;

Dommages

de la guerre.

Demandes

124 millions réduites à 67.

Distribution

du 1er à compte

de

11,651,200 fr.

Domimages

de l'insurrection.
Opérations
de la reprise
de Paris :

25 millions.

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