II DOMMAGES DE LA GUERRE. a. RÈGLEMENT ET RÉPARTITION DES INDEMNITÉS. N° 34. CIRCULAIRE AUX PRÉFETS pour la répartition définitive des Indemnités allouÉES PAR LA LOI DU 7 AVRIL 1873. Versailles, le 15 mai 1873. Monsieur le Préfet, l'article 3 de la loi du 6 septembre 1871, relative à la réparation des dommages résultant de l'invasion, portait : Lorsque l'étendue des pertes aura été ainsi constatée, une loi fixera la somme que l'état du Trésor public permettra de consacrer à leur dédommagement et en déterminera la répartition. » Dans sa séance du 7 avril dernier, l'Assemblée nationale a voté le nouveau subside promis. Je vous envoie ci-joint le texte de la loi. L'article 1 accorde à la ville de Paris une somme de 140 millions et aux départements envahis une somme de 120 millions. Cette allocation complétera l'œuvre de réparation que l'Assemblée nationale et le Gouvernement ont résolue de concert. Les articles 2, 3, 4, 5 et 6 concernent le mode de payement de l'allocation attribuée à la ville de Paris; je n'ai pas aujourd'hui à m'en occuper. Aux termes de l'article 7, il est fait deux parts de la somme de 120 millions accordée aux départements envahis: la première, s'élevant à 8,049,280 fr. 65 cent., servira à parfaire le crédit de 53,658,759 francs ouvert par la loi du 27 mai 1872 et destiné au remboursement des impôts payés aux Allemands, conformément aux dispositions de l'article 5 de la loi du 6 septembre 1871; c'est à M. le Ministre des finances à en régler la répartition. La seconde, s'élevant à 111,950,719 fr. 35 cent., sera affectée à la réparation de toutes les pertes et de tous les dommages subis, du fait de l'invasion, par les départements, les communes et les particuliers. C'est à mon administration qu'est dévolu le soin d'en assurer le partage. La présente circulaire a pour but de faire connaître les règles générales auxquelles il sera soumis. Les payements auront lieu en vingt-six annuités, par termes semestriels égaux comprenant l'amortissement et l'intérêt à 5 p. 0/0 (art. 7, § 5). Je traiterai cette question à l'occasion de l'article 9 de la loi dans une circulaire spéciale "") qui Bases de l'indemnité entre suivra le règlement d'administration dont je me réserve de vous parler tout à l'heure (1). Dès maintenant j'appelle votre attention sur les paragraphes 6, 7, 8, 9 et 10 de l'article 7. Un décret de M. le Président de la République arrêtera la distribution de l'allode la répartition cation de 111,950,719 fr. 35 cent. entre les départements envahis, au prorata des pertes constatées par les commissions de révision dont l'article 2 de la loi du les départements. 6 septembre 1871 avait prescrit la formation. Le Gouvernement, en y procédant, tiendra compte des sommes attribuées dans la répartition du crédit primitif de 100 millions. (Décret du 27 octobre 1871.) État général des pertes. Pour opérer sur des bases équitables, mon intention est de rendre autant que possible uniforme le travail des commissions de révision. Or, vous le savez, Monsieur le Préfet, dans tous les départements elles n'ont pas agi en se plaçant au même point de vue : quelques-unes ont admis certains dommages que d'autres ont rejetés; des omissions ont eu lieu dans plusieurs départements; dans d'autres on a écarté comme tardives certaines réclamations, bien que la loi du 26 septembre 1871 n'ait fixé aucun délai à peine de forclusion. Enfin des dommages résultant de vols, d'incendies et de faits d'occupation de troupes postérieurs au 2 mars 1871, constatés cependant par des procès-verbaux, n'ont pas été admis partout, les commissions de révision étant alors autorisées à croire que le Gouvernement allemand en accepterait le remboursement intégral. Or, soit que les demandes n'aient pas été produites dans le délai d'un mois accordé pour cette catégorie de dommages par l'article 5, S 2, de la loi du 6 septembre 1871, soit qu'elles n'aient pas été accueillies par la Chancellerie allemande, les commissions de révision les ont écartées; il ne serait cependant ni juste ni équitable que les intéressés fussent privés aujourd'hui d'une réparation quelconque. Les états, d'ailleurs très-sommaires, que j'ai sous les yeux présentent donc dans leur composition des variations nombreuses qui, si elles étaient maintenues, porteraient atteinte à des droits légitimes et fausseraient la répartition générale. Chargé par la loi de corriger ces inégalités et de restituer au travail définitif ce caractère de justice et ces conditions d'harmonie et de régularité qu'il ne pouvait avoir alors que les commissions locales jugeaient isolément et se déterminaient par des appréciations consciencieuses sans doute, mais auxquelles manquait un fien général, je dois aujourd'hui, Monsieur le Préfet, faire appel à votre concours pour être mis à même de statuer, comme l'a voulu le législateur, en appliquant le même traitement aux situations similaires et en rétablissant, par conséquent, entre les états d'origine diverse une uniformité devenue indispensable. Voici les dispositions que je vous recommande dans ce but : Vous ferez d'abord examiner par la Commission de révision toutes les demandes écartées comme tardives, celles que je vous ai adressées et qui vous parviendront directement. Mais comme il est nécessaire de clore au plus tôt les états de perte, (1) Voir le décret du 20 mars 1874, p. 367. vous préviendrez les intéressés, par tous les moyens de publicité possibles, que toutes les demandes présentées postérieurement au 8 juin prochain seront considérées comme nulles et non avenues (1). Sans attendre que la Commission ait achevé son travail, vous devrez former un dossier spécial de chaque réclamation et des pièces qui l'accompagnent. Ces pièces seront renfermées dans un bordereau sur lequel on indiquera le numéro d'ordre, les noms de la commune, du canton, de l'arrondissement, et celui du pétitionnaire. Lorsque les dossiers seront ainsi disposés, vous les classerez par commune et suivant l'ordre alphabétique. Les dossiers de chaque commune formeront une liasse; ces liasses seront également classées suivant l'ordre alphabétique des communes dans une chemise comprenant tous les articles du canton; ces chemises seront elles-mêmes rangées suivant l'ordre alphabétique des cantons de l'arrondis sement. Enfin les dossiers de chaque arrondissement seront à leur tour classés par ordre alphabétique. Ainsi distribuées, les réclamations seront analysées dans un tableau dont je vous envoie les formules avec la présente circulaire. Les dommages inscrits au compte personnel du département feront l'objet du premier article et le dossier portera le n° 1. On écrira le mot « département » à la 3' colonne. Dans la même colonne on portera successivement, en descendant d'une ligne : 1o Le nom du premier arrondissement (ordre alphabétique); 2o Le nom du premier canton, et enfin le nom de la première commune qui recevra le numéro 1 (dans la 1" colonne). Si la commune a éprouvé des dommages, elle formera un article spécial désigné par le mot commune. Les noms des particuliers viendront ensuite dans l'ordre du classement et recevront un numéro qui sera porté sur la chemise. Vous n'éprouverez pas de difficulté pour remplir la colonne 4 (montant des impôts, contributions et amendes payés); les chiffres ayant été arrêtés par les commissions de révision, il vous suffira de les inscrire, en ayant soin d'arrondir le nombre en francs. Si le nombre des centimes est inférieur à 50, vous le négligerez; s'il est supérieur, vous augmenterez de 1 franc la partie entière. Par exemple, si les contributions payées par une commune ou un particulier s'élèvent à 105 fr. 45 cent., vous inscrirez 105 francs; si, au contraire, elles s'élèvent à 105 fr. 75 cent., vous inscrirez 106 francs. Pour remplir la colonne 5 (montant des sommes payées en exécution de l'article 5 de la loi du 6 septembre 1871), vous aurez à vous concerter avec M. le Tré Par une circulaire du 9 juin 1873, ce délai a été prorogé au 20 juin pour les communes qui n'auraient pas été prévenues du premier délai par voie d'affiches ou par un avis adressé à chacun des maires. Dommages des communes. Répartition entre les intéressés. Difference avec celle de 1872. sorier général, qui devra mettre à votre disposition tous les renseignements nécessaires. M. le Ministre des finances m'a assuré tout son concours. Les chiffres de la colonne 6 représenteront en nombres ronds les différences entre les chiffres de la colonne 4 et ceux de la colonne 5; ils devront aussi être portés en francs, ainsi que je l'ai indiqué plus haut. Il en sera de même pour les inscriptions des colonnes 7 à 24. Lorsque le tableau aura ainsi été préparé, vous me le transmettrez accompagné de tous les dossiers; j'y ferai les additions ou retranchements destinés à le mettre en harmonie avec celui des autres départements, et j'arrêterai la répartition dans les termes prévus par le paragraphe 7 de la loi du 7 avril. Il serait à désirer qu'elle pût avoir lieu avant la prochaine session du conseil général. J'insiste donc pour que le tableau et les documents annexés que le décret visera me parviennent au plus tard le 20 juin. Aux termes des paragraphes 8 et 9 de l'article 7 de la loi, les sommes allouées aux départements seront distribuées entre les intéressés (départements, communes ou particuliers) par une décision du conseil général rendue sur les propositions de la Commission instituée sous votre présidence. Dès que je vous notifierai le décret de répartition, vous réunirez la Commission, et votre premier soin sera de lui faire remarquer que le travail actuel n'a pas le même caractère que celui de 1872. Vous le savez, en effet, la première allocation était destinée aux victimes les plus nécessiteuses et aux communes les plus obérées. C'est donc avec raison que la plupart des commissions locales se sont attachées d'abord à pourvoir aux besoins les plus pressants; mais toutes n'ont pas suivi la mème règle, et si, au début, pour des motifs dont je ne conteste pas la valeur, des personnes dont la situation n'était pas réellement nécessiteuse ont été admises à l'indemnité, les mêmes raisons de les y faire participer n'existeraient plus, aujourd'hui qu'il s'agit d'un solde. En regard de ces situations, les unes définitivement satisfaites, les autres appelées à recevoir un nouveau dédommagement, il en est, Monsieur le Préfet, qui n'avaient pas d'abord été prévues et auxquelles l'Assemblée nationale a voulu également venir en aide. Ainsi, le Gouvernement a pris l'engagement à la tribune d'étendre les secours de l'État, par mesure exceptionnelle, à quelques établissements et communes, heureusement en petit nombre, sur qui semblent s'être plus particulièrement abattus les désastres de la guerre. Il y a là des ruines qui, faute de ressources, n'ont pas encore été relevées. La Commission devra en tenir grand compte dans son travail. Je devance ses sympathies et les vôtres, Monsieur le Préfet, en vous rappelant, à cet égard, le désir de l'Assemblée. A quelque catégorie de droits ou d'infortunes que doivent s'appliquer les propositions de la Commission ou même les décisions du Conseil général, il ne vous échappera pas, Monsieur le Préfet, que cès évaluations n'auront que le caractère d'un travail préparatoire. La répartition ne deviendra définitive qu'après avoir été approuvée par le Ministre de l'intérieur (art. 7, § 10). Vous aurez, en conséquence, à me faire parvenir dès la clôture de la session d'août le tableau, dûment rempli par les soins du Conseil général; je reviserai, s'il y a lieu, l'opération, et je fixerai les droits de chacun. Le rôle des indemnitaires sera immédiatement établi dans mes bureaux et je vous en adresserai un exemplaire que vous notifierez par extrait aux intéressés dans la forme qu'indiqueront mes instructions ultérieures. Conformément à l'article 8, § 1o, les sommes attribuées aux départements et aux communes seront payées en vingt-six annuités par termes semestriels égaux. L'ordonnancement aura lieu suivant les règles ordinaires de la comptabilité publique. Quant aux indemnités dues aux particuliers, la loi prévoit (art. 8, § 2) que les payements pourront être faits comptant; elle autorise, à cet effet, les départements et les communes à convertir en argent, par voie d'escompte, la portion de l'indemnité correspondant aux réclamations privées et à se procurer les ressources au moyen des opérations financières qui seront jugées les meilleures. Cette substitution des départements et des communes aux particuliers est soumise à une condition essentielle : l'escompte à supporter par ces derniers ne devra pas dépasser 6 p. o/o, non compris un droit de commission de 2 p. 0/0 une fois payé. Pour assurer l'exécution de cet article de la loi, vous inviterez le Conseil général à se prononcer sur la question de savoir s'il entend faire profiter les indemnitaires de la faculté d'un remboursement immédiat. Vous joindrez une copie du procèsverbal de sa délibération aux propositions de répartition présentées par l'assemblée departementale. Suivant les résolutions qui seront prises par le Conseil, je vous inviterai à demander une délibération analogue aux Conseils municipaux des communes intéressées. Mon administration sera ainsi en mesure de préparer le décret qui déterminera, conformément aux prescriptions de l'article 9, dans quelle proportion il y aura lieu de remettre aux départements, aux communes et aux particuliers les bons de liquidation représentatifs des annuités, et qui réglera la forme des titres et les conditions de leur remise aux ayants droit. Je vous transmettrai, quand le moment sera venu, des instructions au sujet de cette liquidation. Quant à présent, je me borne à vous recommander l'exécution scrupuleuse et prompte des instructions qui précèdent. Le sujet est digne de votre sollicitude, et en vous demandant de m'aider à réaliser les généreuses intentions des représentants du pays, je suis assuré de ne pas faire un vain appel à votre dévouement el au patriolisme des commissions locales et du Conseil général. Recevez, etc. Le Ministre de l'intérieur, E. DE GOULARD. Payement des indemnités. |