État de situation. N° 35. DEMANDE DE RENSEIGNEMENTS AUX PRÉFETS SUR L'EMPLOI DÉTAILLÉ DE L'ALLOCATION ACCORDÉE PAR LA LOI DU 6 SEPTEMBRE 1871. Versailles, le 6 août 1873. Monsieur le Préfet, par décret du 27 octobre 1871, une somme de a été attribuée à votre département dans la répartition du crédit de 100 millions ouvert à mon ministère par la loi du 6 septembre 1871 pour la réparation des dommages résultant de l'invasion. Avant de procéder à la répartition du nouveau subside voté le 7 avril dernier, et comme complément de l'état récapitulatif prescrit par la circulaire de mon prédécesseur en date du 15 mai, je vous prie de m'envoyer une situation exacte faisant connaître l'emploi détaillé de la première allocation accordée à votre département. Je vous adresse, à cet effet, deux modèles de tableaux destinés à recevoir les indications qui me sont nécessaires. Le premier devra être dressé par vos soins et soumis au visa du trésorier général; le second sera transmis aux maires qui ont reçu des sommes destinées à être distribuées entre les indemnitaires. Votre journal de comptabilité contenant tous les renseignements que comporte l'état no 1, vous n'éprouverez aucune difficulté pour le remplir. Il n'en sera pas de même en ce qui concerne l'état no 2; mais vous devrez faire remarquer aux maires qu'ils sont tenus de rendre compte des fonds mis à leur disposition : ils sont, en effet, régisseurs comptables et, à ce titre, soumis à votre contrôle et à celui de la Cour des comptes. Recevez, etc. Le Ministre de l'intérieur, N° 36. DEUXIÈME CIRCULAIRE POUR LA RÉPARTITION DÉFINITIVE DES INDEMNITÉS. Versailles, le 10 août 1873. Monsieur le Préfet, en prescrivant, par la circulaire du 15 mai dernier, la rédaction des états destinés à préparer la répartition des 111,950,719 fr. 35 cent. que la loi du 7 avril a alloués aux départements envahis, mon prédécesseur insistait pour que les tableaux et les documents justificatifs lui parvinssent au plus tard le 20 juin. Ce délai a partout été dépassé; dans la plupart des départements le travail n'a pas encore pu être fourni, et il ne paraît même pas devoir être terminé avant un ou deux mois, quoique j'aie autorisé et recommandé l'emploi d'agents auxiliaires. Ces retards s'expliquent par des causes diverses, mais qui proviennent presque toutes de l'insuffisance des justifications recueillies au moment de la première répartition. Les 100 millions votés à titre de premier dédommagement ont été, vous le savez, Monsieur le Préfet, distribués entre les départements envahis d'après les seules évaluations des commissions cantonales instituées en vertu d'une circulaire ministérielle du 24 avril 1871. Établies à des points de vue différents et sur des bases variables, ces évaluations pouvaient à la rigueur suffire, alors qu'il s'agissait d'un simple payement d'à-compte; mais l'Administration n'aurait pu, sans s'exposer à consacrer de choquantes inégalités entre les trente-quatre départements, les prendre pour base d'une répartition définitive. De là la nécessité de soumettre à une révision complète le travail des commissions cantonales. La loi du 6 septembre 1871 institua, à cet effet, des commissions départementales qui avaient pour mandat de fixer d'une manière uniforme le chiffre des pertes constatées. Les opérations des commissions départementales sont terminées depuis le mois de décembre 1872; mais, malgré les nombreuses rectifications que leurs recherches consciencieuses ont apportées aux évaluations primitives, les états revisés présentent encore entre eux des différences considérables qu'il eût été, je le reconnais, difficile d'éviter, puisque les commissions départementales agissaient isolément et sans point de comparaison qui leur fût commun. Il était dès lors indispensable d'opérer à l'égard des commissions départementales comme celles-ci avaient opéré à l'égard des commissions cantonales, c'est-à-dire d'examiner leurs propositions à un point de vue d'ensemble, de vérifier à la fois la nature des pertes admises dans chaque département et le mode d'estimation qui a été adopté pour chacune d'elles. En effet, un certain nombre de commissions ont confondu les faits postérieurs et les faits antérieurs aux préliminaires de paix, soit qu'elles n'aient pas reçu des indications suffisantes pour établir la distinction prescrite par les circulaires ministérielles, soit qu'elles aient clos leur travail avant que l'intendance eût achevé la liquidation des dépenses de l'occupation afférentes à la période qui a suivi le 2 mars 1871, soit encore parce qu'elles ont cru pouvoir admettre les réclamations de cette nature qui avaient été rejetées par le ministère de la guerre faute de justifications suffisantes. Or vous savez, Monsieur le Préfet, que les crédits de dédommagement votés par l'Assemblée nationale ne s'appliquent, sauf les cas de vol, incendie ou pillage, qu'aux faits antérieurs au 2 mars 1871. D'autres commissions ont évalué les frais de logement et de nourriture à un taux different de celui qu'a fixé la circulaire du 12 décembre 1871, ou elles ont omis de déduire du montant de cette indemnité la valeur des vivres fournis sur réquisitions et déjà portés en compte, d'où résultent de doubles emplois. D'autres encore ont admis les dommages causés par les troupes françaises en dehors de la lutte et les réquisitions non justifiées ou rejetées par les Ministres de la guerre et de l'intérieur. Il en est même qui ont compris dans leurs états les dégâts Retards dans les travaux de répartition. Nécessité de reviser les opérations des commissions départementales. Distribution par commune. Le maire sous-répartiteur. résultant, soit des ouvrages de défense exécutés en rase campagne, soit des destructions intentionnellement ordonnées par le génie militaire. Ces divers dommages doivent être écartés, conformément aux intentions de l'Assemblée nationale. C'est une question qu'elle a expressément réservé. Enfin, quelques commissions de révision ont cru pouvoir s'en tenir, faute d'éléments d'appréciation suffisants, aux évaluations des commissions cantonales, qu'elles ont textuellement reproduites. Or, pressées par le temps, celles-ci avaient dù adopter elles-mêmes sans contrôle, dans un grand nombre de cas, les déclarations des intéressés et des municipalités. la pro Le mode de procédé suivi à l'origine, dans certains départements, pour duction des réclamations laisse encore plus de place à l'arbitraire et à l'erreur et rend la vérification à la fois plus difficile et plus nécessaire. Souvent, en effet, les maires ont dressé un état général des contributions de guerre, des réquisitions en argent et en nature, des amendes, des vols, des incendies, sans indiquer nominativement les personnes qui les ont supportés, sans fournir aucune demande des intéressés, sans justifications d'aucune sorte et suivant des appréciations plus ou moins exagérées. Les commissions cantonales d'abord, les commissions de révision ensuite, ont approuvé ces états et se sont presque toujours bornées à faire subir, sans donner les motifs de leurs décisions, de légères réductions aux chiffres portés sur les tableaux des municipalités. Les commissions de répartition, se trouvant ainsi dans l'impossibilité d'attribuer individuellement les indemnités, ont dû s'arrêter à une distribution par commune, en laissant aux maires le soin de procéder à la sous-répartition entre les ayants droit. La totalité de l'indemnité allouée aux communes a même souvent été mandatée au nom des maires, qui, constitués ainsi régisseurs comptables des deniers publics, devaient rendre compte de l'emploi des fonds mis à leur disposition. Mais ces justifications n'ont généralement pas été produites, en sorte que l'Administration ignore encore aujourd'hui quels sont ses véritables créanciers. Elle se trouve cependant en présence d'une foule de réclamations présentées par des personnes qui n'ont rien reçu ou qui se plaignent de ne pas avoir été justement partagées. • D'un autre côté, les maires, autorisés par les décisions de la commission dépar tementale de répartition à distribuer la somme attribuée en bloc à la commune, mais ignorant les réductions que la commission de révision avait faites sur le montant des réclamations, ont attribué aux indemnitaires des allocations souvent bien supérieures à celles qui leur revenaient. De là des injustices qui, bien qu'involontaires, ont donné et donnent lieu chaque jour aux plus vives protestations. Ces erreurs, ces irrégularités, ne pouvaient être maintenues dans la répartition définitive. Investi par la loi du 7 avril du soin de distribuer le dernier subside entre les départements et d'arrêter ensuite, par une décision souveraine, la somme revenant à chaque indemnitaire, le Ministre de l'intérieur devait prescrire, sinon une révision générale des opérations des commissions locales, du moins la préparation d'un travail qui permît de traiter tous les départements sur un pied d'égalité et de fixer les droits collectifs d'après les droits individuels établis sur des documents précis et indiscutables. Tel était le but que se proposait mon prédécesseur en vous adressant ses instructions du 15 mai; il ne se dissimulait pas les difficultés que vous rencontreriez et les nombreuses recherches auxquelles il serait nécessaire de recourir. Je suis heureux de constater que, grâce à de persévérants efforts, plusieurs de vos collègues ont réussi à réaliser les intentions du Gouvernement. Je ne doute pas que ceux d'entre vous dont le travail n'est point encore terminé ne dominent, à leur tour, les difficultés qui les ont arrêtés d'abord, et j'espère être bientôt saisi de la collection complète des états nominatifs qui, après une révision scrupuleuse et prompte, serviront de base à la répartition du dernier crédit. Les conseils généraux ne pourront, il est vrai, arrêter dans la session qui va s'ouvrir les propositions qu'ils doivent formuler, aux termes de l'article 7 de la loi du 7 avril; mais les intéressés ne sauraient se plaindre de ce retard, qui leur assurera une satisfaction plus complète. Il m'a paru cependant qu'il y aurait des inconvénients à ajourner la distribution jusqu'à la session d'avril 1874, et j'estime que, par analogie avec le mode suivi lors de l'exécution de la loi du 26 novembre 1872 (application des taxes de mobilisation à des travaux d'utilité communale), les commissions départementales pourraient être appelées à terminer l'œuvre du Conseil général. Je vous invite, en conséquence, à proposer à cette assemblée de se prononcer sur la question de savoir si, conformément à l'article 77 de la loi du 10 août 1871, elle entend déléguer à la commission départementale les pouvoirs que lui confère l'article 7 de la loi. Dans le cas contraire, il y aurait lieu de procéder avant la fin de l'année à des convocations extraordinaires auxquelles le Gouvernement serait le premier a se prêter. Vous me transmettrez copie de la délibération qui interviendra et vous y joindrez la décision que le Conseil aura prise au sujet du payement au comptant des indemnites dues aux particuliers (article 8). Je vous prie de vous reporter, à cet égard, aux instructions contenues dans la circulaire du 15 mai. Si les départements se substituent aux particuliers, l'État, d'après la loi, leur remboursera leurs avances en vingt-six annuités, par termes semestriels égaux, comprenant l'amortissement et l'intérêt à 5 p. o/o: les départements auront donc à supporter la différence existant entre ce taux et celui auquel ils pourront conclure leur emprunt, taux que la loi du 7 avril a fixé au maximum de 6 p. o/o, plus 2p. 0/0 de commission; mais, quels que soient les sacrifices que la substitution leur imposera, vous devrez, si la situation financière du département le permet, engager le Conseil général à user de la faculté que la loi lui a ouverte et qui aura pour indemnitaires la réalisation immédiate des ressources qu'ils effet d'assurer aux attendent pour réparer leurs désastres. Vous ferez remarquer, d'ailleurs, à l'assemblée départemental e que les bons de liquidation qui seront délivrés avec l'attache du Trésor public faciliteront la négociation de l'emprunt auquel elle devra recourir. Les Conseils généraux. Délégation à la commission départementale. Substitution des départements aux particuliers. Je vous adresse la présente circulaire en cinq exemplaires, dont l'un devra être déposé sur le bureau du Conseil général dès l'ouverture de la prochaine session. Recevez, etc. RAPPORT AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA RÉPARTITION DES 211 MILLIONS ALLOUÉS POUR LES DOMMAGES DE LA GUERRE par les lois des 6 SEPTEMBRE 1871 ET 7 AVRIL 1873 (1). Monsieur le Président, Versailles, le 31 octobre 1873. Historique des opérations. Les commissions cantonales. L'Assemblée nationale a consacré une somme de deux cent onze millions neuf cent cinquante mille sept cent dix-neuf francs trente-cinq centimes (211,950,719 fr. 35 cent.) à la réparation de tous les dommages subis, du fait de l'invasion, par les individus, les villes, les communes et les départements, pendant la guerre de 1870-1871. Cette somme se divise en deux allocations : l'une, de cent millions, votée le 6 septembre 1871, en faveur des victimes les plus nécessiteuses et des communes les plus obérées; l'autre, de cent onze millions neuf cent cinquante mille sept cent dix-neuf francs trente-cinq centimes (111,950,719 fr. 35 cent.), qui, dans l'Assemblée nationale, représente un solde définitif. C'est de la répartition de ce second crédit, Monsieur le Président, que j'aurai l'honneur de vous rendre compte aujourd'hui. Mais, pour vous permettre de mieux apprécier l'ensemble de ce travail, je dois reprendre les choses de plus haut et placer sous vos yeux l'analyse sommaire des diverses opérations auxquelles il a donné lieu. Au lendemain de la guerre, alors que le pays commençait à peine à se reconstituer, le Ministre de l'intérieur institua dans tous les départements envahis des commissions cantonales auxquelles fut confiée la difficile et douloureuse mission de rechercher les dommages subis, de les évaluer et d'en dresser le tableau général. Cette enquête préparatoire s'accomplit rapidement, et si elle n'a pas toujours été irréprochable, j'en dirai tout à l'heure le motif. Vers la fin d'août 1871, tous les éléments en étaient réunis. Animée d'une patriotique sollicitude pour tant de misères qui n'avaient obtenu encore aucun soulagement, l'Assemblée nationale prit une série de mesures destinées à acquitter la dette de la France envers nos populations les plus cruellement éprouvées. En même temps qu'un premier crédit de cent millions était ouvert, elle instituait, le 6 septembre 1871, des commissions départementales chargées de le distribuer et statuant sans appel. Au Ministre de l'intérieur était seulement réservé le (1) Journal officiel du 6 novembre 1873. |