Images de page
PDF
ePub

qu'un bulletin qui le désignait avait été compté pour M. Bureau de Pusy. Le scrutin ayant été renouvelé le lendemain, M. Bureau de Pusy fut nommé à une majorité de 9 voix : ces opérations donnèrent lieu à des protestations opposées, les unes en faveur de M. Dintrans, les autres en faveur de M. Bureau de Pusy. Le rapporteur du bureau chargé de vérifier l'élection, conclut à l'annulation de l'une et l'autre nomination. Un débat confus et animé sur des points de fait durait déjà depuis long-tenips, lorsque M. de Salvandy, qui voulait que M. Dintrans fût proclamé, vint attacher un plus vif intérêt à la discussion.

:

:

[ocr errors]

« Nous ne sommes pas ici placés, disait-il, entre deux honorables citoyens que nous serions également heureux de compter dans nos rangs. Je l'ai indiqué. Il y a quelque chose de plus élevé encore; il y a le droit d'une opinion à être représentée dans cette enceinte. Il y a le droit du département des Hautes-Pyrénées d'avoir répondu dans tel ou tel sens à cette grande interrogation politique que l'on appelle pelle le gouvernement

représentatif. »

M. Mauguin s'éleva contre cette manière de présenter la question; il rappela la Chambre à la seule appréciation des faits, et prêchant d'exemple, il concluait non à l'admission de M. Bureau de Pusy, mais à l'annulation des deux élections. Trois opinions se produisaient et se soutenaient avec vivacité: suivant l'une, les deux élections devaient être annulées; suivant l'autre, la nomination de M. Bureau de Pusy devait être déclarée valable; la troisième était favorable à M. Dintrans. Enfin la Chambre mit aux voix la validité de l'élection de M. Dintrans, et les sections intérieures se levèrent pour, tandis que les extrémités se levaient contre: l'épreuve ayant été déclaréc douteuse, les extrémités réclamèrent avec force l'appel nominal; on procéda donc au milieu d'une extrême agitation au scrutin secret, qui donna pour résultat, en faveur de l'admission, une majorité de 38 voix (177 contre 139). Cette décision fit une grande sensation, et M. Glais-Bizoin s'étant écrié: « Voilà le cachet de la majorité de 1834», le rappel à l'ordre fut demandé de toutes parts contre lui et prononcé par le président.

Ce vote assez significatif comme épreuve de majorité, était, d'un autre côté, remarquable en ce qu'il montrait dans quelles larges limites la Chambre entendait exercer sa juridiction en matière d'élection. Elle s'arrogeait le pouvoir non seulement d'annuler une élection, mais encore de juger valable une nomination que la seule autorité compétente, le bureau du collége électoral, n'avait pas reconnue telle: de cette manière, c'était la Chambre qui faisait les élections. Cette décision qu'elle venait de prendre fut en tous points confirmée par la solution qu'elle donna, dans la séance suivante, à une question analogue.

1

Le bureau électoral du second collége du département de la Vienne avait proclamé député M. Drault, membre de l'opposition: il avait attribué à ce dernier 100 suffrages, en y comprenant un bulletin quelque peu équivoque, et seulement 99 à M. Martineau, membre de la majorité, en refusant de lui compter un bulletin portant Martineau père, par le motif que ce candidat n'avait jamais eu d'enfant. Si le bulletin douteux n'eût pas été admis pour M. Drault, ou si M. Martineau eût obtenu la même faveur, les deux candidats auraient alors réuni le même nombre de suffrages, et, dans ce cas, le bureau du collége eût dû proclamer M. Martineau, en raison de son âge. C'est ce que proposa de faire le bureau chargé de vérifier cette élection, et ce qui fut adopté par la majorité, après une longue discussion et nonobstant les vives réclamations de M. Odilon-Barrot, qui s'était attaché à mettre en évidence les dangers du droit exorbitant que s'arrogeait la Chambre: elle pouvait, selon lui, corriger une erreur de droit commise par un bureau électoral; elle ne pouvait pas, n'ayant point sous les yeux, comme dans la circonstance présente, les pièces justificatives, rendre sur des difficultés de fait une décision contraire à celle du bureau qui avait statué en pleine connaissance de cause; elle ne pouvait pas résoudre elle-même une élection douteuse et se substituer en quelque sorte aux électeurs.

1

ມຄ

La sensation produite par cette discussion durait encore, lorsque vint le rapport sur une élection annoncée d'avance comme devant amener de graves débats. Si la presse avait accusé le gouvernement d'avoir influencé les élections, des reproches de cette nature allaient aussi être articulés contre lui du haut de la tribune. Le général Merlin, candidat avoué par le ministère, l'avait emporté au collége d'Avesnes (département du Nord), sur M. Taillandier, candidat de l'opposition. Plusieurs motifs d'annulation étaient proposés dans des protestations rédigées contre cette élection. M. Taillandier reprochait énergiquement au gouvernement d'avoir manqué, en intervenant, pour combattre sa candidature, à l'un des principes les plus hautement proclamés, après la révolution de 1830, à la neutralité du pouvoir, en matière d'élection : des menaces avaient été proférées et des mesures de rigueur prises de la part de l'administration, contre des fonctionnaires publics électeurs, pour leur ôter la liberté du vote. Le bureau chargé de vérifier les opérations électorales du collége d'Avesnes, tout en concluant à l'admission du gé néral Merlin, avait pris en considération les plaintes de M. Taillandier; et il invitait fortement le ministère à s'enquérir des faits signalés. Le ministre de l'intérieur (M. Thiers) opposa à ces faits les dénégations les plus nettes et les plus formelles. La discussion étant ainsi portée sur ce terrain, l'opposition l'y soutint avec persévérance. M. de Golbery déclara des que préfets avaient transformé des maires, des percepteurs en commis-voyageurs d'intrigues électorales; il ajouta qu'un bureau de poste pour l'arrondissement d'Avesnes, obtenu par M. Taillandier avait été accordé au nom du général Merlin. M. Dumont (du Nord) af. firma qu'au commencement des opérations électorales le bruit s'était répandu dans Avesnes que M. Taillandier venait d'être arrêté comme républicain, comme impliqué

[ocr errors]

11.

ر

dans le complot du mois d'avril.

9.

T

De son côté, M. Desjobert cita une lettre signée du sous

2

préfet de Neufchâtel qui, recommandant chaudement à un maire le candidat du parti ministériel, disait que l'élection ne serait pas moins utile à l'arrondissement, , qu'agréable au roi et à son gouvernement. Il cita également une autre lettre, émanée de la même source, dans laquelle sa candidature était combattue par des calomnies.

اتم

1

८०१

219

Ces inculpations étaient graves et précises. Le ministre de l'intérieur monta plusieurs fois à la tribune pour les réfuter. Il répondit, quant à l'établissement du bureau de poste d'Avesnes, que différentes personnes l'avaient sollicité et s'étaient disputé ensuite le mérite de l'avoir obtenu; quant aux bruits défavorables à M. Taillandier, il déclara que la Cour des pairs ayant lancé un mandat d'amener contre M. de Ludre, ancien député, le gouvernement avait dû envoyer des ordres pour faire exécuter ce mandat, et qu'il n'était pas responsable des confusions de noms qui avaient pu survenir; enfin, quant aux lettres citées par M. Desjobert, le ministre nia nia, sur le témoignage du préfet du département, que la seconde émanât de la sous-préfecture. Il blama le sous-préfet d'avoir placé le nom du roi dans la première, mais il affirma en même temps que cette lettre n'avait point eu un caractère officiel, qu'elle était au contraire toute confidentielle, et il ajouta qu'elle avait été soustraite à la poste, ainsi que le constatait un rapport de l'administration. M. Desjobert ayant démenti cette assertion, le débat s'envenimait de plus en plus, lorsque la clôture fut prononcée, malgré l'opposition de M. Larabit, qui voulait articuler de nouveaux faits à l'ap. pui de l'accusation portée contre le gouvernement.

رائع

"

Dans le cours de cette discussion, qui s'était terminée par l'admission du général Merlin, M. Odilon-Barrotavait conclu de la vivacité avec laquelle se justifiait le ministre de l'intérieur, que le gouvernement professait le vrai principe fondé par la révolution de juillet, le principe de l'indépendance des fonctionnaires publics en matière d'élection. Le garde-des

....

sceaux (M. Persil) avait acquiescé, en quelque sorte, à cette interprétation, en déclarantqu'il avait défendu positivement à ses subordonnés de se mêler d'élections, et qu'il leur avait assuré toute leur indépendance. Sommé de faire la même déclaration, le ministre de l'intérieur s'y refusa, en alléguant que ses subordonnés, les préfets et sous-préfets, ne pouvaient, sous peine de manquer à leurs devoirs, ne pas se mêler aux élections: il soutint, au surplus, n'avoir donné que des instructions parfaitement loyales et qu'il avouerait hautement.

7 août. La question n'était pas épuisée : elle se représenta dans le débat que souleva le rapport sur l'élection de M. Duchâtel, ministre du commerce, nommé par le collége de Marennes (Charente-Inférieure). On attaquait cette nomination comme ayant été faite sous l'influence d'une circulaire émanée du sous-préfet. Se jugeant inculpé dans un écrit de M. Senné, compétiteur de M. Duchâtel, le sous-préfet de Marennes s'était justifié par une note, où il appelait en même temps les suffrages sur M. Duchâtel. Le bureau de vérification blamait sévèrement cette intervention du sous-préfet dans les opérations électorales. M. Lherbette, qui pensait qu'elle suffisait pour annuler l'élection, demanda au ministre de l'intérieur si le sous-préfet avait été désavoué ou destitué, et reçut une réponse formellement négative: l'orateur n'en insista que plus fortement sur la nécessité d'annuler l'élection. Le ministre de l'intérieur, qui, du reste, avait positivement accepté la responsabilité du fait, déclara qu'il était impatient de voir arriver le moment de la discussion approfondie de cette question tant agitée de l'intervention du gouvernement dans les élections; en attendant, il se bornait à répondre que, comme électeur, le sous-préfet de Marennes avait eu le droit de se mêler des élections; que sa seule faute était d'avoir apposé, au bas de l'écrit dont il s'agissait, son titre public de sous-préfet. M. Havin ayant voulu prendre la parole, et la Chambre ayant refusé de l'entendre, il descendit de la tribune, en s'écriant,

:

« PrécédentContinuer »